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Chroniques d'un voyageur parmi tant d'autres

(Benoit Martin aux Indes et au Népal)

 

04-02-26

Texte d'introduction :

 

Ceci est mon journal de voyage.  Les Chroniques d'un voyageur parmi tant d'autres, tome I.  En septembre 2002, j'ai quitté à peu près tout ce qui était ma vie au Québec (mes études universitaires en mathématiques, ma compagnie de vente d'équipement informatique que j'avais créée il y a plusieurs années, ma voiture de l'année, mon appartement, mes oiseaux qui m'avaient vu grandir, mes amis, ...) pour mon aller vers l'Inde, avec mon sac à dos comme maison.

 

Ces textes ne sont rien de plus que ce qu'ils sont.  Ils ont été écrits sur des cahiers, puis retranscrits dans des cafés Internet sur place, lorsque j'en avais la possibilité ou le temps.  Ces textes n'ont pas été édités au-delà d'une simple relecture.  Je n'ai pas d'image se voulant parfaite à exposer.  Ce ne sont que mes carnets de voyage, moi qui n'est pas différent de personne d'autre, moi qui n'est pas un Émile Zola ni un Victor Hugo.

 

Il n'y a pas de fin bien définie à ces textes.  Mon histoire n'est pas terminée.  Elle s'écrit encore, en ce moment même où je tape ces mots.

 

 

Je repars sur la route d'ici peu.  En ayant l'Inde comme destination, éventuellement.  Mais je ne connais pas encore le nom des lieux où mes pieds et ma vie vont me mener.

 

Le site Web devrait encore être actif.  www.benoitmartin.com

Mon adresse de courriel aussi.  ben -[À]- benoitmartin -[POINT]- com

 

 

Diffusez ces textes à qui pourraient être intéressés à les lire, si tant est que ces gens existent.

 

Et puissent tous les êtres être heureux.

 

            -Benoit

 

 

 

 

 

Intro

02.09.07

 

Ceci sera mon journal de voyage.

 

 

 

 

Intro2

02.09.11

 

Je pars dans quelques minutes.  Pas le temps de rien faire.  Trop à penser, tellement à dire, gorge serrée. Je ne reverrai probablement plus mes oiseaux.

 

Courriel pour me rejoindre :  ben -[À]- benoitmartin -[POINT]- com  SVP ne pas m'écrire trop souvent, mais un peu quand même.  Faites circuler les infos à ceux que je n'ai pas pu rejoindre.

 

Salutations.  Je pense à vous.

 

-Ben

 

 

 

 

Malaisie

02.09.14 (date locale)

 

Je suis arrive en Malaisie, semble-t-il.  [Pas d'accents sur les claviers, encore chanceux que ce soit des claviers Qwerty.]  Comme le faisait remarquer 2 Canadiens rencontrés récemment, c'est assez étrange qu'on soit parti le 11 et que le lendemain soit le 13 (un vendredi, tiens!).  Il y a 12 heures de décalage avec l'heure dite "normale de l'est".

 

En sortant de l'aéroport, je ne comprenais pas grand-chose.  Pleins de panneaux marqués "Tkjfte3kh", "Ub%^@GIE" ou "Jmnbewgf" avec des flèches.  J'ai réussi à entrer dans un autobus qui avait l'air d'aller en ville et je me suis retrouvé dans un terminal d'autobus avec quelques étrangers (parlant allemand je pense) qui avaient l'air aussi perdus que moi.  J'ai pris un autre autobus pour aller vers un autre endroit qui, je l'espérais, serait proche de l'hôtel bon marché que je désirais pour hier soir.  Les rues ne sont pas orthogonales par ici (loin de là, même !) et je n'avais évidemment absolument aucune idée de ma position géo-spatiale.  J'ai conversé (conversé est un bien grand mot) avec un habitant de la place qui ne parlait presque pas anglais.  On comprenait environ 1 phrase sur 5 que l'autre disait.

 

Et puis je me suis retrouve dehors, au gros soleil (il n'est pas vraiment plus gros, mais il chauffe beaucoup plus.  On n'est pas loin de l'équateur ici !) avec un chandail bleu foncé sur le dos (je n'étais pas trop réveillé quand je l'avais endossé chez moi, dans une ère spatio-temporelle différente).  Après avoir marché trop longtemps, j'ai appris que l'hôtel de mauvaise qualité que je cherchais n'existait plus et qu'il avait été remplacé par l'Hotel Heritage qui, à mon avis, n'a fait que mettre des prix tout neufs en évitant bien soigneusement de retoucher aux chambres.  De beaux dépliants (très bien réalisés, de la qualité qu'on pourrait retrouver pour une bonne auberge au Québec) vantaient les superbes chambres de l'hôtel ainsi que sa délicieuse salle à manger, mais ceci ne concordait absolument pas avec la réalité de hôtel.  C'était comme si ces photos avaient été prises il y a 50 ans et que, depuis, plus aucun entretien n'avait été fait.  Vive Photoshop.

 

J'étais totalement trempé par ma sueur (j'aurais effectivement pu tordre même mes sous-vêtements).  Mon sac est évidemment trop lourd, mais je m'y habitue tranquillement.  J’ai donc élu domicile dans cet hôtel de classe (sic) pour mettre un pied à terre et explorer la ville.  Ma première quête fut, bien sûr, un hôtel de la même qualité, mais avec un prix adapté.  Ce fut trouvé dans le Chinatown.

 

La bouffe est étrange (je sais d'ailleurs rarement ce que je mange), mais le goût est généralement convenable [emphase mise sur le "généralement"].

 

C'est vivable par ici.  Bien, disons...

 

J'ai compté une quantité incroyable de grues de construction durant le trajet en autobus qui m'éloignait de l'aéroport.  Des bâtiments immenses en construction s'étalant sur des dizaines de kilomètres en s'éloignant de la ville.  Il y a de l'effervescence ici et le pays semble effectivement en train de passer du stade développementaire au stade de pays plus développé.  Les tours jumelles Petronas (les plus hautes du monde, portant le nom de la cie pétrolière nationale) en sont une sorte de symbole.  Parlant de pétrole justement, ce n'est pas toujours respirable ici.  Beaucoup de voitures neuves (des "Proton", la voiture pas chère nationale) mais aussi beaucoup de vieux bazous et de vieux camions crachant des nuages gris assez foncés.  Il y a rarement de la place pour les piétons (mais on s'en fout un peu, on marche là où il y a de la place pour passer), les petites motocyclettes se faufilent partout et n'importe comment (fallait s'y attendre !) et les voitures, elles, s'amusent à constituer ce qu'on appelle le trafic (elles sont presque toujours immobilisées, d'ailleurs).  Pas de vélos, je trouve cela bizarre.

 

C'est amusant d'être ici et ce n'est pas si dépaysant.  Ça ressemble quand même assez à ce que j'ai vu de l'Amérique, mais avec des prétextes différents.  On peut survivre assez facilement et avec peu de sous (mon toit de ce soir me coûtera 10 RM (Ringitt Malasian, soit 4 $ CAN et j'ai trouvé de la nourriture cuite et acceptable pour 2 RM).

 

À part de cela, je n'ai pas grand chose à dire.  Manque d'inspiration.  Peut-être que c'est parce que cela va bien.  J'ai généralement plus d'inspiration quand ça va mal.

 

C'est un peu rassurant de taper sur un clavier.  Ça me semble usuel, normal.  Une sorte de communication qui soit (pour une fois) fluide et bien maîtrisée.

 

Je devrais rester quelques jours encore à Kuala Lumpur (KL) pour ensuite me tanner et aller voir le pays.

 

 

 

 

Notes

02.09.14

 

Les téléphones sont merdiques par ici.  On ne peut pas s'y fier.  Et il y a 12 heures de décalage, ce qui cause une restriction supplémentaire.

 

Francis : Peux-tu m'envoyer ton courriel svp ?  C't'idée aussi de choisir un nom comme cela !

 

Salutations,

 

 

 

 

KL -> Singapour

02.09.17

 

J'ai essayé, il y a 2 jours, de me rendre dans un parc (le Templer Park) situe à 20 km au nord de KL mais j'ai cherché durant 3 bonnes heures comment m'y rendre, sans succès. C'est incroyable la quantité de compagnies d'autobus différentes qu'il y a dans la ville. Pas moyen d'avoir une carte du réseau d'autobus et les cartes affichées dans la ville (quand on en trouve) sont souvent illisibles et beaucoup trop vieilles. Comble de simplicité et de facilité d'usage : les numéros d'autobus ne sont pas inscrits aux arrêts, qui eux-mêmes ne sont souvent pas vraiment indiqués ! Après cet échec, j'ai changé de destination pour des caves situées moins loin mais après une autre heure d'attente à un arrêt (à regarder passer des dizaines d'autobus non compatibles), je me suis tanné et je suis rentré à l’hôtel (enfin, l'endroit où je dors). De toute façon il était rendu 5 heures (le soleil se couche toujours vers 8 heures ici) et je n'étais même pas certain d'être au bon arrêt.

 

Le lendemain (soit hier), j'ai finalement réussi à me rendre à quelque part. J’étais debout à 8h00 pour débuter ma quête d'autobus (ce qui est très tôt pour moi et pour un voyageur dormant en dortoir avec une dizaine d'autres voyageurs). Je cherchais donc l'autobus 66, 73, 78 ou 83 de la cie Omnibus pour m'y rendre. J'ai crus comprendre que cette cie ait fait faillite. Après beaucoup de questions, j'ai finalement pris la 99 de la cie CityLiner. Soit dit en passant, il n'y a pas de ligne 99 sur les cartes du réseau d'autobus.

 

Le chauffeur de l'autobus m'a débarqué presque en pleine jungle, sur le bord de la route en me disant un truc du genre "Namatache jarik gnerverlerelerele" en agitant le bras. J'ai dit merci (en anglais) et j'ai marché. Je suis arrive dans le parc des chutes Kanchung (un nom du genre) et je m'y suis promené. Je n'ai pas vu le Templer Park et je commence à douter de son existence. Mais ce n'est pas grave, j'ai bien apprécié ces chutes auxquelles j'avais déjà l'intention d'aller. Ce sont des chutes d'un dénivelé de 300 mètres sur environ 7 paliers. Ce ne sont pas d'énormes chutes comme dans les films mais c’était bien sympathique. Un petit chemin (en béton), des escaliers (en béton) et des petits ponts (en béton) montaient jusqu’à la moitié de la hauteur des chutes. C’était amusant de voir le béton car il datait de plusieurs années et de la mousse verte, de la moisissure et des taches d'humidité commençaient à le recouvrir, comme dans la jungle tropicale ! Par contre, il y avait plein (mais vraiment trop plein) de déchets partout. Il y a des trucs qu'ils ne doivent pas encore avoir compris par ici. Ensuite le chemin disparaissait et devenait un petit sentier non balisé qui grimpait jusqu'en haut. C’était ma première promenade dans la jungle. Il y avait des lianes partout et c’était bien utile pour grimper. Il n'y avait personne en haut et je me suis baigne dans une petite crique. Je me suis laisse sécher sur une pierre, j'ai dîné et j'ai lu quelques heures, toujours seul. C’était bien.

 

De retour en ville, j'ai traîné le reste de l'après-midi, croulant sous la chaleur. Je suis allé souper dans un petit restaurant asiatique (j'allais écrire chinois, mais en fait je n'en ai aucune idée) où on m'a servi un verre de jus crémeux avec plein de petites boules noires au fond. Il y avait une grosse paille dans le verre et les trucs noirs y passaient juste. C’était comme des jujubes, mais je pense que c’était des fruits qui venaient de Taiwan, à ce que j'ai cru comprendre. La serveuse (qui ne parlait pas un mot d'anglais) était bien sympathique et a essayé de me parler longtemps. Une autre serveuse a fini par servir d'interprète. Je n'ai toujours pas trop compris les motifs qui lui poussaient à me parler, mais elle était bien gentille et elle avait un sourire sincère. Elle a fini par me faire comprendre qu'elle venait d'arriver de Taiwan, que sa soeur était au Brésil et elle m'a donne un numéro de téléphone avec une adresse de courriel. J'avais de la sympathie pour elle puisque nous étions 2 étrangers ici et que nous ne comprenions rien de ce que nous disions.

 

La soirée s'est terminée avec mes co-locataires de quelques jours autour d'une table sur laquelle reposait un paquet de grosses bouteilles de bière (de la "Tiger") qui devenaient de plus en plus vides avec le temps qui passait. Quand il fait chaud, les liquides s'évaporent plus vite. Doris, de Suisse (parlant français, tiens !), Alex, de Russie (et du Japon), Jason, de Vancouver, chose, de Chicago, une autre de Toronto, une autre Allemande, un Malaisien, une inconnue et je pense que c'est tout. Nous étions trois qui partions le lendemain matin (Doris pour la Birmanie, Jason pour les Cameron Highlands (où j'irai plus tard) et moi, vers le sud).

 

Aujourd'hui je suis arrivé à Singapour. Six heures d'autobus. C’était tolérable. La ville reluit comparativement à KL Des tas de voitures de luxe neuves, de tours et de gratte-ciels vitrés, étincelants au soleil. Les gens sont habillés comme par chez nous. Des annonces dans les arrêts d'autobus où l'on voit de jeunes femmes en sous-vêtements bien moulants qui contrastent beaucoup avec la Malaisie (à forte proportion de Musulmans) où il est mal avisé pour une touriste de se promener en shorts ou de montrer un bout d'épaule (semble-t-il que, dans le nord-est du pays (fortement musulman, avec retour en force de la loi islamique), les lumières des cinémas ne s'éteignent pas durant les films pour empêcher les jeunes gens de faire des trucs pas corrects, et les amoureux ne se tiennent pas par la main de peur être accusés du crime de "close proximity"). Ah, la décadence américaine....

 

Ici la ville prospère et se développe de façon presque fulgurante (cela paraît), mais la discipline et les lois sont fortes. 1000 $ (dollar de Singapour, juste un peu moins que le $ CAN) d'amende pour jeter des déchets dans la rue, 500 $ pour traverser la rue à l'extérieur d'un passage pour piétons ou quand le petit bonhomme est rouge (à ce prix-là c'est mieux de prendre un taxi et de se faire déposer de l'autre côté de la rue....), 500 $ d'amende pour salir les toilettes publiques (et diffusion publique des noms des contrevenants), etc. Vente de gomme balloune interdite au pays. Peine de mort pour les revendeurs de drogue (comme en Malaisie). Et beaucoup beaucoup d'argent pour ceux qui sont haut placés et qui fricotent avec la technologie.

 

La vie coûte (évidemment) beaucoup plus cher ici qu'en Malaisie. Je ne resterai que quelques jours, simplement pour voir de quoi Singapour a l'air. Je ne voulais pas y aller, mais on m'y a convaincu de simplement venir y humer l'air. C’était effectivement une bonne idée.

 

Comme on m'a dit, Singapour ressemble effectivement à un gros centre d'achats. Un très gros centre d'achats.

 

J'y vais. Je suis tanné de ce clavier avec le Backspace trop petit et le Shift gauche qui marche une fois sur 2.

 

Salutations,

 

Ben

 

 

 

 

Singapour II

02.09.18

 

Cette nuit, j'ai rêvé de Mathieu Payot, Amélie et Mathieu Lacourse. Nous avions un appartement aux pièces étrangement conçues, au sommet d'une colline avec des versants abrupts. Des portions de ce rêve m'étaient familiers. Ensuite j'habitais avec une étrangère que je semblais connaître un peu. Ce rêve m'a laissé une impression agréable, positive.

 

De retour sur Terre, la tête à l'envers de mon pays natal, il pleuvait. J'ai paressé au lit et fini Narcisse et Goldmund, de Hermann Hesse.

 

Ce livre était bien à propos. La quête de la liberté, le refus d'attaches, la sensation de se voir devenir vieux et le sentiment d'avoir gâché sa jeunesse. L'irrésoluble équation de la vie humaine, du temps qui passe et qui ne reviendra jamais plus. L'eau et le sable qui coulent entre mes doigts qui essaient de les retenir, futilement.

 

Je me suis déjà vu vieillir. Je ne suis plus le même qu'auparavant. Quand je reviendrai (si je reviens), je serai une année de plus vieux (et probablement plus riche de milles expériences). Le temps aura passé, encore et toujours.

 

En partant, j'ai dit adieu au monde que je connaissais et à la personne que j’étais C'est un pas de plus vers l'aventure, vers la liberté, vers le détachement. Je ne me suis pas retourné, mais je sens l'ancien monde dans mon dos. Je connais et je visualise ce que j'aurais pu être. Je sais que j'aurais pu être cette personne. Et je le serai peut-être, par des moyens détournés.

 

Mais pour le moment, ma vie m'envoie (je m'envoie) au fond de la jungle, dans une direction contrastante avec celle qui aurait pu être.

 

Y a-t-il un trésor caché au bout de cette voie ? Y a-t-il une sagesse, un calme, une personne pour m'y combler ?

 

Solitaire que je suis. Grand peur de l'attachement j'ai. Un peu peur de me retrouver seul au monde, aussi. Seul dans mon monde.

 

Seul dans un temps qui n'est peut-être pas le bon.

 

 

 

Je sais que je réussirai, je sais que je trouverai. C'est la première fois où j'ose le penser, où j'ose écrire. Je le sais, je le sens. Mais il me reste toujours cette angoisse crispée en moi, ce cri immense qui ne sait comment s'exprimer avec sa complète puissance. Toujours ces larmes, pas trop loin, signe de bonheur immense et de désespoir profond.

 

 

 

 

Note

02.09.28

 

J’étais sur une île depuis presque 7 jours, coupé du monde (avec néanmoins quelques téléphones cellulaires !?). Voici donc quelques mots agences en phrases parmi celles que j'ai écrites durant ces journées.

 

 

 

 

Perhentian Kecil

02.09.22

 

Je suis sur une île semi-déserte perdue dans la mer de Chine du Sud. J'y suis depuis quelques jours. Je commence à perdre la conscience des jours du calendrier. Les jours de la semaine n'existent maintenant plus depuis un certain temps. De temps en temps, on me sort une limitation ou une règle quelconque liée à un chiffre en base sept et je souris en l'acceptant.

 

Ici il n'y a rien à faire. En fait, à part la plage et la plongée, c'est le vide total. Un vide que le Soleil ardent s'occupe bien de remplir. Une eau bleue turquoise, un peu trouble mais tellement chaude. Je me dis quelquefois qu'elle serait plus confortable étant un peu plus froide. Je supporte néanmoins stoïquement en pensant à l'automne qui arrive par chez nous, avec sa pluie et sa grisaille. Ici aussi on sent que c'est la fin de l'été, que la mort d'un petit paradis approche. C'est bientôt la saison de la mousson, d'ici 1 mois, et il a commencé à pleuvoir, mais de soir seulement. Vers 18h00, 19h00 ou 20h00, immanquablement, le vent se lève (enfin !) et le ciel se couvre de nuages arrivant au-dessus de l'océan par le nord-ouest, chargés d'électricité et de pluie libératrice. Et puis, en l'espace de quelques minutes, après une petite accalmie de vent prophétique, l'eau du ciel se déverse telle une immense chaudière qu'on renverse. Les dernières fourmis qui s'agitaient sur la plage se réfugient sous les abris des petits restaurants locaux ou s'attardent bien tranquillement pour profiter de la pluie qui lave la journée.

 

Un habitant de île vient de passer à côté de moi en courant pour jeter un petit requin d'environ 1 mètre et demie sur le sable de l'entrée d'un restaurant. Il y aura encore de bons repas ce soir. Ma peau brûle de partout et j'ai sauté plusieurs tons d'apparence depuis que je suis arrivé ici. La peau cachée par mon maillot de bain me semble d'un blanc maladif. Sur la plage gisent quantité de jeunes femmes en train de se faire confortablement rôtir, pas plus habilles qu'il ne le faut et parfois même uniquement à moitié. Les étrangers en vacances ou en voyage représentent presque les 3/4 de la population de île et personne ne semble offusqué par ces comportements (en fait, les gens semblent même ravis, on se demande pourquoi...). Il ne faut pas oublier que nous sommes dans le nord du pays, sur la côte est. La vente d'alcool est interdite et il n'y a que 2 ou 3 petits restos (tenus souvent par des Chinois) qui en vendent, mais il faut payer immédiatement, presque en cachette. On m'invite maintenant à aller taper un ballon de volley-ball sur la plage, ce qui constitue une activité ayant un niveau de priorité plus élevé que celle consistant a donner des nouvelles. Salutations!

 

 

 

 

Perhentian Kecil II

02.09.23

 

La soirée suivante, attablés au "Palm Tree Cafe", devant quelques bières, un bon nombre de bouteilles de vodka (de petites bouteilles de 12 oz) et un bon paquet de canettes de Coke vides (Minuman berperisa berkarbonat). La soirée avance et les amitiés éphémères se renforcent. Des gens qui, le lendemain, partent pour l'autre bout du monde ou reviennent à leur terre natale, à un autre bout du monde. Des vacanciers et des voyageurs. En quête de divertissement, de repos, de renouveau ou d'un sens à leur vie.

 

Une Allemande de 20 ans, partie depuis 11 mois, qui rentre au pays avec l'angoisse du terrible choix des études prochaines (dans quel domaine ???) ou d'un emploi quelconque. Dans ses yeux, plein d'images de pays visités, de gens rencontrés et expériences vécues, mais aussi cette insécurité face au futur prochain, très prochain. Réfugiée dans un coin de paradis, en attendant le retour à la normalité.

 

Tant de choses vues, tant de choses vécues, mais personne pour les comprendre ou pour les ressentir.

 

Douce mélancolie, douce nostalgie tranquille face à l'insaisissable qui passe par-dessus les battements de l'horloge et au-dessus des fluctuations temporaires presqu'aléatoires.

 

Futiles activités d'un monde qui se croit encore héliocentrique et qui se convainc d'appartenir au Soleil...

 

 

 

 

Perhentian Kecil III

02.09.27

 

Il y a des chats partout en Malaisie. Même sur la plage. Écrasés par le Soleil, comme nous. Ce n’était pas si accablant ces derniers jours, pourtant. Peut-être que je m'y habitue, à force de rôtir paresseusement.

 

Je loge dans une hutte en bois en forme de "A" avec un toit en feuilles de palmier. Le toit coule parfois un peu durant la nuit. Il manque à quelques endroits des planches aux murs et les portes et fenêtres (simple trou dans le mur) demeurent en permanence ouvertes en vaine tentative de permettre une circulation d'air. Niché sur le flanc d'une colline, à demi sur pilotis, j'ai une vue appréciable de la plage et des environs, même lorsque je suis allongé sur le lit.

 

Il y avait un immense orage cette nuit, presque une tempête. De violents et grandioses éclairs, d'immenses tremblements de tonnerre accompagnés d'un rideau de pluie et de rafales de vent faisant craquer les bâtiments. Couché sous mon moustiquaire, j’étais au coeur de la tempête. Une vue imprenable sur ce qui se déroulait. Rendu au matin, je n’étais pas mouillé, mais tout était humide, comme à l'habitude.

 

 

 

 

Kota Bharu, en revenant de Perhentian Kecil

02.09.28

 

Après une semaine passée sur l’île à me faire saler par la mer, je suis de retour sur la terre ferme, dans l'air vicié des pots d'échappement urbains. Je me suis levé à 6h30 ce matin en prenant le premier bateau de la journée pour m'apercevoir, rendu a Kota Bharu (extrême nord-est de la Malaisie) que mon autobus part à 22h00 ce soir, ce qui me laisse la journée pour penser aux heures de sommeil supplémentaires que j'aurais pu avoir. Peu importe.

 

J'ai failli mettre les pieds en Thaïlande pour aller y humer l'air, mais je me suis rendu compte, un peu à la dernière minute, que mon avion part de KL pour Delhi le 2 octobre et non pas le 5 comme j'en avais l'impression. J'ai donc presque failli manquer mon avion, ce qui aurait été bien amusant. Le trajet se fait aisément d'ici à l'Inde par la terre, en passant par la Thaïlande et le Myanmar (la Birmanie). Si cela n'avait pas été de la mousson qui débute dans le coin, je crois que j'aurais volontairement manqué cet avion.

 

Ces derniers jours sur l’île (qui d'ailleurs se nomme Perhentian Kecil, probablement une des plus belles îles du monde), j'ai suivi un cours de plongée (PADI Open Water) et fait 5 plongées en tout. Ce n’était pas prévu à mon programme, mais les tarifs d'ici sont bien plus intéressants qu'au Canada et l'environnement n'est pas du tout le même. Des gens se déplacent jusqu'ici expressément pour la plongée, alors j'ai décidé d'en profiter, tant qu'à être dans le coin. Nous nagions parmi de superbes récifs de corail entourés de poissons tropicaux de toute sortes de couleurs. Comme dans les films. Je me suis fait attaqué a 2 reprises par un minuscule et inoffensif poisson jaune (de 10 cm de long) qui semblait vouloir protéger son territoire. Nous avons dérivé au milieu d'un groupe d'un vingtaine de "bumphead parrotfish" énormes (ce sont des poissons faisant plus d'un mètre de long par 50 cm de haut, plats verticalement) qui croquaient joyeusement le corail (on pouvait entendre le bruit du corail se faisant broyer sous leurs mâchoires).

 

Quelques raies géantes (1,5 m à 2 m), des tortues de mer, des poissons-clowns ("clownfish") s'agitant joyeusement dans des anémones, des bancs entiers de petits et gros poissons (faisant drôlement penser à des champs de vecteurs) nous entourant, des poissons jaunes zébrés bleu-mauve fluo ("blue ring angelfish"), des vers en forme de sapins de Noël se cachant au moindre courant anormal, des concombres de mer, plein de trucs bizarres et, civilisation oblige, un vieux pneu (assez amusant puisqu'il n'y a aucune route sur les îles). Je pensais beaucoup à Claude durant mes plongées, et à toutes les photos qu'il m'avait montrées.

 

 

 

Je le sens, je suis peu a peu en train de tomber dans l'oubli. Déjà quelques semaines que je suis parti, le gros de l'événement est passé, les vies reprennent leur cours habituel et mon absence se fait de moins en moins paraître. Le trou que j'ai peut-être laissé est en train de se faire combler par tout ce qu'il y a aux alentours. Et ceci est évidemment normal et bien correct. Comment pourrait-il en être autrement ?

 

Comme on oublie peu à peu la vie de l'école secondaire, ses camarades de école primaire, les moments intenses ou traumatisants vécus un jour ou l'autre. Comme disparaissent dans la brume les amis et les connaissances emportés par le temps. Ce voyage, c'est comme une petite mort. Je le savais en m'en allant, et je l'accepte. Il ne m'importe pas trop d'exister, quoique cela me préoccupe parfois un peu.

 

De la même façon qu'un vieil homme de 95 ans n'est pas la même personne que l'enfant de 8 ans qu'il a déjà été, nous qui nous sommes connus ne nous reverrons jamais comme auparavant.  Je ne serai plus tel que j'ai déjà été et tous les autres auront aussi changé, évolué. Bien malin celui qui pourra dire dans quel sens ou dans quelle direction ceci se fera.  L'évolution se fait généralement par à-coups, de façon très discontinue et imprévisible. Surtout pas de façon linéaire. Et les grands sauts se font souvent lorqu'on s'y attend le moins. Tel le mouvement d'une particule ballottée par une quelconque turbulence.

 

Erratique est la vie de bien des gens.

 

 

 

Ce que je vois ici est semblable à bien des choses vues auparavant, ailleurs ou en d'autres époques. Les modèles sont tous tellement semblables. Les même schémas se répètent, les mêmes types d'interactions se reconnaissent et se reproduisent. Tout est presque si simple, en fait. Très peu d'information nécessaire pour décrire une complexité de la sorte.

 

Un système quelconque avec un grand nombre d'éléments ayant certaines caractéristiques desquelles découlent certains type d'interactions et de relations. Le même type d'organisation structurelle partout. Partout. Trop simple.

 

Essayez ensuite d'expliquer à un proton qu'il est un proton.

 

 

 

 

Bad-trip I

02.10.01

 

Début octobre.  Je viens de vivre, il y a quelques jours, mes premiers moments vraiment désagréables à l'autre bout du monde. J'ai du manger de la nourriture qui n'aurait pas du entrer en contact avec mon estomac, et j'en ai pâti durant de longues heures. C’était, de surcroît, durant le trajet en autobus de nuit, de Kota Bharu (juste en revenant des îles Perhentian) vers les Cameron Highlands. Quelques heures après le départ, à 22h00, une petite rébellion a commencé à fermenter dans mes entrailles. Un malaise diffus, mais bien présent. Allié aux techniques de conduites montagnardes des autobus beaucoup trop climatisés, la révolte s'est répandue partout, jusqu’à me tenir tête. Pour je ne sais trop quelle raison idiote, il sembleraient qu'ils faille une clé pour ouvrir la porte de la toilette des autobus ici. Ah, bravo! À moitié affalé dans l'allée, je n'ai eu d'autre choix que d'empester convenablement l'autobus tout en me salissant joyeusement. Il était 2 heures du matin, et l'autobus roulait toujours comme un défoncé. J'ai finalement eu la clé Il n'y avait pas d'eau courante dans la toilette ni aucun papier, serviette ni quoi que ce soit qui eut pu servir à nettoyer un quelconque dégât. Le chauffeur m'a dit qu'il y avait un arrêt dans 1 heure.

 

L’arrêt en question ne ressemblait à rien d'autre qu'un camp de réfugiés. Pas d'eau courante non plus, quelques restos (on appelle ça des restos ??) constitués en taudis de bois, de toile, de tôle, éclairés faiblement, dans ce qui semblait être un terrain vague. Des gens qui dorment à moitié dans des hamacs, deux oies qui pataugent dans une flaque de boue, des odeurs de déchets mêlés à celle de la nourriture et moi qui titubait presque, passablement affecté par les toxines ayant pris possession de mon estomac et qui déformaient de façon non négligeable mes perceptions sensorielles. L'endroit était glauque. Soudainement, dans un éclair d'illumination, je me suis rendu compte du fait que j’étais en Malaisie et de toutes les ramifications profondes, réelles ou non, que cela impliquait. Une sorte de bad-trip à la Trainspotting qu'il me semblait avoir déjà vécu.

 

Toujours pas d'eau en vue, seulement un peu de papier de toilette que j'avais dans mon sac, heureusement. À 5 heures du matin je me suis fait domper à Ipoh, à la station d'autobus, dans un état encore tout à fait quelconque. Mon échappatoire était de me rendre aux Cameron Highlands et la, enfin, je pourrai me coucher dans un lit et attendre que le temps passe et que j'aille mieux. Aucune autre possibilité en vue, de toute façon. Il est 5 heures, donc, et tout est fermé. On m'a vaguement dit que l'autobus était le matin. Je m'allonge sur un banc du regroupement de restaurants du terminus et essaie de m'assoupir un peu après avoir cadenassé mes 2 sacs à dos ensemble. Je sommeille un peu, tant bien que mal, dans diverses positions et j'observe quelques chats jouer avec une souris morte à côté de moi. Toujours ces poignantes odeurs de substances organiques (nourriture ou autres) flottant partout autour de moi.

 

Quelques heures plus tard un comptoir d'une compagnie d'autobus ouvre et j'attends encore quelques heures. Encore une heure (ou plus ?) d'autobus, un autre bon moment à attendre (à Tapah, la ville) et un autre autobus. 67 kilomètres faits en presque 2 heures sans avoir plus de 50 mètres en ligne droite. Une route minuscule, comme le parapet du pont Victoria, qui serpente comme un paquet de serpents qu'on ferait frire vivants. À chaque tournant le chauffeur klaxonne pour avertir de sa présence car on ne voit rien en avant. Ça ressemble à la route 132 qui arrive à Percé par l'ouest, mais sur 67 kilomètres de long. Mes yeux qui se ferment ne restent pas clos plus de quelques minutes d'affilée.

 

Finalement, vers 13h00, j'arrive à la pluie battante à l'endroit où je voulais aller. On m'avait suggéré un bon endroit, le Daniel's Lodge, et ce fut effectivement bien correct. Le temps de me laver un peu, de me brosser les dents et de porter un peu de linge à la buanderie et j'ai enfin droit à une position couchée horizontalement confortable qui me permette d'évoluer éventuellement vers un meilleur état

 

En conclusion (puisqu'il faut toujours débuter le paragraphe de conclusion de ses textes avec un marqueur de relation approprié), c’était merdique. Au soir, j'ai bu un peu de soupe et je me suis re-couché peu de temps après. Le lendemain j’étais sur pied, quoiqu'ayant l'estomac un peu fragile, et je me promenais dans la jungle avec un groupe de gens rencontrés sur place, jusqu’au sommet de quelques collines de 1500 mètres (pas une grosse ascension, en fait).

 

Ce n’était qu'un mauvais rêve, un mauvais moment, et je suis un peu étonné qu'il m'ait pris presque 3 semaines avant être malade une première fois. Ce n'est probablement pas la dernière non plus.

 

 

 

Mon autobus part bientôt et mon estomac (tout à fait bien portant maintenant) est encore vide. La suite a partir de KL...

 

 

 

 

KL II

02.10.01

 

De retour à KL. J'ai cherché durant presque 2 heures un téléphone duquel je pourrais appeler avec la carte d'appel que j'ai achetée ici et pas moyen d'en trouver un seul compatible. Le téléphone de mon hôtel (qui fonctionnait bien il y a 2 semaines) ne marche plus sauf avec ses propres cartes d'appel, la moitié des téléphones publics ne marchent pas (ou pas toutes les touches du clavier), les autres ne permettent pas de composer d'autres chiffres (genre le "1" pour "English") après que la communication se soit établie et les autres gobent de la monnaie supplémentaire à chaque minute à défaut de quoi ils raccrochent. J'ai envie de m'acheter un cellulaire. Il y a des magasins de cellulaires à tous les coins de rue par ici.

 

Demain je pars pour l'Inde. Le vrai voyage va commencer.

 

La Malaisie, ce était qu'un interlude, que de petites vacances, un bref divertissement avant la véritable aventure.

 

J'en suis resté plusieurs fois surpris, les Malaisiens forment un peuple très sympathique, très accueillant. Jamais je ne me suis senti menacé ou j'ai senti que j'aurais mieux fait de rester chez moi. Des inconnus sont souvent venus vers moi pour m'offrir leur aide, voyant que étais un étranger. Je garde un excellent souvenir de la Malaisie, de ses rues sales mais carrossables, de sa chaleur étouffante souvent dérangeante, de sa jungle humide presqu'exempte de moustiques, des sourires des passants me saluant en me demandant mon pays d'origine, de ses "backpackers" voyageurs ou vacanciers bien ouverts et solidaires, de sa nourriture variée, épicée et délicieuse Je ne regrette aucunement ces moments passés ici et j'ai même failli prolonger mon séjour quelque peu. Mais, comme une Suédoise m'a dit, en quittant les Iles Perhentian, il est bon de quitter un endroit aimé alors qu'il nous attire encore. Le souvenir qu'on en conservera restera meilleur et n'aura pas connu la lassitude.

 

De toute façon, il est temps pour moi de quitter. J'ai des choses à faire.

 

 

 

Alors que j'écrivais, assis dans un café en mangeant une soupe Taiwanaise végétarienne délicieuse, la serveuse est venue s'asseoir à côté de moi pour me parler. Elle aussi veut voyager, découvrir le monde. Voir l'Asie en premier, puis l'Europe, lorsqu'elle aura assez d'argent. Elle vient de terminer ses études et travaille pour ses voyages futurs. Le même âge que moi et les même fourmis dans les jambes que bien des gens rencontrés sur la route.

 

Je pense souvent à tous ceux qui faisaient partie de mon entourage. Des noms, des visages et des voix défilent dans ma tête. À ceux qui pourraient se demander si je pense à eux personnellement, la réponse est oui. Il y a tant de personnes que je n'ai pas eu le temps de saluer convenablement – ou simplement d'échanger quelques bonnes paroles –, et cela m'attriste un peu. Néanmoins, je pense à vous, tous.

 

 

 

Demain, je partirai, seul. Vers un inconnu immensément plus vaste.

 

Demain, pour moi, le véritable voyage commence.

 

 

 

 

Inde I

02.10.03

 

L'Inde.

 

L'Inde. Des images, des images, des tonnes d'images et encore des images dans mes yeux qui ne les ont pas encore vues. L'Inde c'est tout ce qu'on en dit, et plus encore. Les contrastes, bien sûr, l'exotisme, l'exubérance, la variété, le poids étouffant, la jungle urbaine indomptée et toute l'énumération sans fin d'attributs qualitatifs incapables de décrire entièrement l'essence de ce monde à part entière. L'Inde c'est tout cela et je n'en suis encore qu'à la première apparence, la couche visible en surface.

 

En premier lieu, l'aéroport à 11 heures du soir. Pas délabré (pas trop), simplement un peu vieux. Ensuite des taxis ressemblant à des Westfalias avec des chauffeurs prétendant être notre meilleur ami, tous plus menteurs les uns que les autres. Freins défaillants, pneus trop lisses, vitesse folle entre les voitures et camions, lumières rouges brûlées à la tonne en coupant délibérément le trafic perpendiculaire, rencontre de front dans un sens unique, histoires et calomnies à propos de tout et de rien. Mon hôtel n'est pas bon, il a fermé, il a brûlé, il y a des émeutes, la route est fermée, il est trop tard, il y a de la congestion, l’hôtel est toujours "no good, no good" et on en propose un nouveau. Je m'attendais à ces manigances, j’étais préparé. Ce sont tous des rabatteurs, recevant leur véritable salaire des arnaques touristiques.

 

Je connaissais deux hôtels (des guest-houses, en fait) peu cher dont je savais l'emplacement exact (sur la carte de mon guide). J'ai donné le nom de deux rues se croisant non loin et le chauffeur m'a conduit jusqu’à une station d'information touristique bidon (qui avait un panneau poussant l'audace jusqu’à écrire "Gouvernmental Tourist Information") avec un portier trop courtois qui attendait dans la rue, à 1 heure du matin. J'ai refusé de descendre du taxi. On m'a juré que c’était l'intersection que j'avais demandée. Menteur, c'est l'endroit qui te donne la meilleure commission ! Après un paquet d'autres mensonges, nous sommes repartis faire du rodéo jusqu’à un autre endroit suintant l'arnaque. Pas question de descendre du taxi non plus.

 

Plus d'une heure et demi après être parti de aéroport, voyant qu'il n'obtiendrait rien de moi et qu'il ferait mieux de tenter sa chance avec un autre touriste, le taxi me dépose au bon endroit. Pas de commission supplémentaire pour lui. 1-0 pour moi. J’étais, à vrai dire, très fier de ne pas m’être fait arnaquer.

 

C'est un fléau en Inde. C'en est presque le sport national. Le vol à l'insu de la victime fait partie du mode de vie. Bien des gens ne vivent que de cela. Mon chauffeur de taxi n'a eu qu'une faible somme pour mon déplacement. Il aura eu facilement 4 ou 5 fois plus si je n'avais pas résisté. Cela fait partie du jeu.

 

 

 

Ma demeure temporaire fut dénichée dans mon guide, avant de sortir de l'avion. Il me fallait un nom et une adresse sinon j’étais à la merci du premier venu. Le Sunny Guest House ou le Ringo Guest House ? Sunnie est venue me voir la veille de mon départ, j'irai donc au Sunny Guest House, tiens ! Cela m'a porté chance, semble-t-il. Écrit sur la carte d'affaires de l'endroit : "Do not belive the story of auto-rickshaws & taxi drivers. Comme directly to Sunny.".

 

Un endroit délabré, mais rempli du charme particulier qu'ont tous les endroits délabrés de bonne qualité. Comme le dit le Lonely Planet, ce genre d'endroits compte autant de détracteurs que d'inconditionnels. Beaucoup de lézards sympathiques et utiles (ils mangent les mouches et moustiques), une terrasse sur le toit (humm..., en fait la chambre est sur le toit), des lits moulés à la forme du corps et des ventilateurs assourdissants partout. Un type de lieu que je commence à connaître.

 

 

 

Malheureusement, je m’étais tellement préparé à combattre et à résister aux premiers assauts de l'Inde que je me suis bloqué et que j'ai refusé la conversation sincère que m'offrait un Tibétain en attendant nos bagages à la sortie de l'avion. J'ai cru, puisqu'il était venu directement vers moi pour me parler, qu'il avait quelque arrière-pensée et je me suis fermé à lui. C’était un Canadien, lui aussi. Je ne me suis rendu compte qu'à la fin de la soirée que, cette fois-là, c’était moi qui m’étais fait avoir, mais d'une façon bien plus pernicieuse que ce que je redoutais. Je m'en veux beaucoup.

 

 

 

J'ai aussi goûté aux produits de l'agriculture locale beaucoup plus tôt que je ne le prévoyais. Un voyage en Inde ne serait pas complet sans une étude comparative de certains éléments culturels non négligeables. C'est apparu dans les mains d'un autre Canadien, de Vancouver, tard durant la soirée. Au lieu des fruits auxquels la plupart des gens sont habitués, c’était une sorte de pâte noirâtre à base de fruits (on l'espère!). C'est ce qu'il y a de plus courant par ici, semble-t-il. Le goût était correct, quoique ce était pas le meilleur au monde. J’étais tout de même bien satisfait après n'avoir pris que 2 petites portions.

 

J'ai, par la suite, eu l'idée idiote de boire quelques tasses de thé qui ont, eux aussi, contribué à m’empêcher de m'assoupir quand je suis allé me coucher, 15 minutes plus tard. Je bois souvent du thé ces derniers temps.

 

Un truc que je n'ai pas vu souvent au Québec est le "lassi", une boisson à base de yogourt. C'est délicieux et rafraîchissant. Vous n'avez pas idée à quel point un bon lassi vous manque...

 

 

 

 

Delhi II

02.10.06

 

Je m'enfonce peu à peu dans la surface première de l'Inde, je commence à discerner certains détails échappant au nouveau voyageur. Les castes. Elles existent vraiment, malgré les lois les interdisant.

 

Dans les yeux des enfants qui vendent des jouets pour touristes, je perçois la haine, la violence et le mépris venant d'en bas. À peine 10 ans, mais le coeur tellement dur, les yeux qui en ont déjà trop vu et l'avenir tracé comme une autoroute.

 

 

[Paragraphe raturé. Pas envie écrire ce soir.]

 

 

 

 

Delhi III

02.10.07

 

À Delhi depuis 4 ou 5 jours.

 

Hier, nous sommes allés à Agra, voir le Taj Mahal et d'autres trucs du genre. Nous avons loué une voiture, une Toyota Qualis (une sorte de Land Rover bas de gamme), avec son chauffeur, et nous sommes partis en expédition. Nous étions six : Beate et Doris, deux Allemandes, Matt, un Canadien de Squamish, BC, grimpeur professionnel en devenir, Estelle, une Française enseignante à Delhi, un Anglais (dont je ne me souviens plus le nom) complétant son doctorat ici, et moi. Nous sommes partis à 1h00 du matin, pour voir le lever du Soleil sur le Taj. Quatre ou cinq heures de route dans la nuit, au royaume des camions et des obstacles-surprise. Une sorte d'"autoroute" à 2 voies relie Delhi à Agra, une petite ville de plus d'un million d'habitants ressemblant fort à un dépotoir et n'ayant pas vraiment d'intérêt exception faite du super-Taj. La ville est excessivement polluée (plus que Delhi, si cela est possible) et l'air est irrespirable. C'est la nuit qu'on remarque le plus la pollution de l'air alors que l'éclairage urbain (provenant majoritairement des voitures et des magasins) éclaire le brouillard persistant qui règne en maître dans les rues. Cela crée une ambiance particulière de cité abandonnée à elle-même dans un chaos post-apocalyptique.

 

Le Taj Mahal, donc, qui vaut tout de même la peine d’être vu, ne serait-ce que pour ne pas ne pas l'avoir vu. J'ai joué mon rôle de bon touriste et j'ai pris plus de photos que je n'en avais besoin. J'ai également failli prendre la photo du siècle de Matt grimpant un mur du Taj avec une des grandes colonnes entourant le bâtiment principal en arrière-plan mais un garde armé d'un fusil de chasse s'est mis à rugir à l'autre bout de la grande place et je n'ai pas réussi à faire fonctionner à temps la camera qui était dans mes mains. Dommage, vraiment dommage.

 

Du haut du Taj avec son marbre blanc usé par le temps et ses dalles bien agencées parfois manquantes, adossés à une des grandes colonnes, les pieds sur la balustrade, nous regardions une centaine d'enfants qui se baignaient dans la Yamuna boueuse en compagnie de sac de plastique et d'autres déchets dérivant lentement sur la rivière tranquille. C'est la même rivière qui traverse Delhi en amont et qui emporte une grande quantité de déchets et de rejets de ses 16 millions d'habitants. Des cris d'enfants joyeux, comme n'importe quel groupe d'enfants à la plage.

 

Rien de vraiment nouveau, en fait. On s'attendait tous à ces images de l'Inde. Parfois très dures et étouffantes, parfois simplement banales ou insignifiantes. Nous, seigneurs touristes, avons une place bien à nous dans ce système de castes. Des modèles de rapport entre touristes et locaux sont définis depuis bien longtemps. Je fais simplement partie d'une classe quelconque dans ce système qui semble bien s'auto-entretenir.

 

Des gens dorment par terre, dans la rue, dans les magasins, les restaurants, les terminus d'autobus ou de train, n'importe où, n'importe quand. Surtout des gens des castes inférieures, évidemment. Par inférieures j'entend l'espèce de rang social de la caste. Un sommeil de très mauvaise qualité, dans un bruit énorme, entrecoupé de réveils fréquents et parfois brutaux. La nuit ne signifie pas nécessairement le repos. Delhi ne dort pas. L'alimentation de ces gens est comparable, qualitativement, à leur sommeil. La ville grouille de zombies absents, l'esprit aussi lucide que l'eau du Gange et de la Yamuna. Dans leur castes et sous-castes, ils sont enfermés. Aucune porte de sortie visible.

 

 

 

Je commence à être tanné de Delhi. Non, je suis tanné. Cela doit paraître dans mes écrits, je suppose. C'est normal d’être tanné, je m'y attendais. Je m'acclimate tranquillement.

 

Je pars dans les montagnes du nord ce soir, en train. J'arriverai demain matin à 350 km déjà d'ici et j'irai près de la source du Gange, un endroit intéressant à ce qu'on m'a dit. Me promener un peu dans les montagnes, dans les premiers contreforts des Himalayas, a quelques milliers de mètres d'altitude. Respirer un peu. Me reposer en compagnie des montagnes. M'éloigner de ces endroits malsains que sont les demeures des hommes.

 

Pauvre peuple qui demeure par ici.

 

Un Indien m'a dit qu'il n'y avait pas de pauvreté en Inde. C'est une manière de vivre. "There is no poverty in India. This is a way of life". Je crois bien qu'il a raison, mais il reste que cela est tout de même très lourd à porter.

 

 

 

 

Delhi IV

02.10.08

 

1h30 du matin, gare de Old Delhi. Les chiens jappent dehors. Pour la première fois depuis presqu'un mois, je dormirai dans des draps ce soir, et non pas sur mon sac de couchage beaucoup trop chaud. Il y a 2 mois, j'aurais classé cet endroit comme étant miteux. Maintenant je trouve que ma chambre est d'un luxe inconsidéré. Le sol est généralement propre, il n'y a pas trop de trous dans les murs, j'ai une salle de bains privée à l'occidentale (c'est à dire avec un bol de toilettes sur lequel on peut s'asseoir), il y a 2 lits simples avec des draps qui ne font pas peur et j'ai même une petite table et 2 chaises. Tout cela pour moi tout seul ! Incluant, en plus, 2 ventilateurs au plafond avec lesquels je dépense une partie du silence qui m'est alloué pour obtenir des déplacements d'air qui pourront probablement me permettre de dormir plus tard que 9h00 du matin. Je possède le droit d'utilisation de cette pièce pour les prochaines 18 heures, ce qui fait que j'aurai enfin un endroit où je pourrai lire ou tout simplement ne rien faire tout en étant relativement confortable. Un petit chez moi pour les prochains moments.

 

 

 

Ma tentative d'évasion de Delhi s'est soldée par un échec. Aussi lamentable que possible. Après quelques heures d'attente sur la plate-forme #9 de la gare (soit dit en passant, rien d'autre qu'une gare ferroviaire indienne ne peut ressembler à une gare ferroviaire indienne, celle de Old Delhi de surcroît), je suis monté dans ce qui me semblait être le bon wagon de ce que je pensait être le bon train et j'essayais de comprendre le fonctionnement du système de numérotation des places lorsque le train s'est mis en route. Suite à une réponse d'apparence négative de la part d'un Indien, j'ai soudainement eu un éclair d'illumination en me disant que je n’étais peut être pas dans le bon train. J'ai ramassé mes deux sacs à dos en vitesse, bousculé quelques innocents et sauté du train en marche avant qu'il ne m'emmène vers un ailleurs trop loin et inconnu. Puis, j'ai attendu sagement mon train, qui n'est jamais venu. Crétin !

 

J'ai abouti ici après plusieurs heures de pérégrinations dans les ruelles d'Old Delhi (qui semble être un peu à Delhi ce que le Vieux-Montréal est à Montréal, mais il me faudrait plusieurs tas de mots pour restituer véritablement l'apparence de cet endroit que les auto-rickshaws n'aiment pas et que les taxis refusent), les escaliers des hôtels tous complets et les divers bureaux et comptoirs de la station ferroviaire. J'ai rencontré un Indien qui m'a beaucoup aidé, presque contre ma volonté. Il m'a obtenu un remboursement de 50% du prix de mon billet de train, m'a payé un chaï (excellent thé aux épices, bien meilleur que le thé anglais) et a réussi à m'obtenir une chambre à la gare, ce que j'avais été incapable de faire auparavant. Il ne m'a rien demandé en retour. Il m'a aussi dit que 75% des Indiens sont croches (il a utilisé le terme "cheaters") et que 25% sont corrects. Je lui suis très redevable. Dans ses yeux, aucune trace d'avidité ou aucun reflet de mon or que l'on convoite, comme je vois trop souvent. Seulement une lueur d'intelligence et de compréhension.

 

Je prendrai le train demain (tout à l'heure, en fait) semble-t-il.

 

Quand le portier est venu me montrer la chambre et a vu mon billet, il a semble soudain me porter un respect assez grand, presque une vénération. Je ne me suis pas vraiment intéressé à lui, j'avais seulement envie de me reposer. Je viens de me rendre compte que cette réaction bizarre à mes yeux était probablement due au fait que je m'en vais faire ce que tous les Indiens aimeraient faire au moins une fois dans leur vie, soit un pèlerinage jusqu’à la source du Gange, qui est un des endroits les plus sacrés de l'Inde.

 

C'est en effet à la source du Gange que je désire aller.

 

 

 

J'ai fait développer mon premier film de photos prises depuis mon départ (rien de vraiment extraordinaire) et j'ai été surpris de voir que je n'avais pas de lunettes sur les photos.

 

Quelques chiffres et statistiques :

 

- Les 3 semaines que j'ai passées en Malaisie (incluant 2 nuits a Singapour) m'ont coûté 1192 RM (Ringitt), soit environ 510 $ CAN, plus 600 RM (environ 260 $ CAN) pour mon cours de plongée La Malaisie est, après Singapour, le pays le plus cher de l'Asie du sud-est.

 

- Une roupie indienne (RS) ne vaut pas cher. Environ 3,6 ¢ CAN. J'ai mangé plusieurs repas très satisfaisants pour moins de 30 RS (soit environ 1 $ CAN), breuvage inclus. Un lit en dortoir à Delhi, ville coûteuse à ce que l'on dit, me coûtait 90 RS, mettons 3,50 $ CAN. 286 kilomètres en train me coûtent (si toutefois je prends le train !) 151 RS, disons 5 $ CAN. Un petit pot de beurre d'arachides (j'ai oublié le mien en Malaisie) : 135 RS. Un pain tranché : 10 RS. Un lassi (le breuvage très bon dont je parlais) : 20 RS. Un Coke ou une autre liqueur (en bouteille profilées sur lesquelles est inscrit : "Bottle for drinking only") : 10 ou 15 RS. Un chaï : 3, 5 ou 10 RS. Un grand verre de jus d'orange pressé devant moi : 20 RS (prix pour touriste).

 

Lu dans un journal :

 

- 3,5 millions $ US seront investis pour construire un centre de retraire, en Californie, pour chimpanzés ayant servi pour la recherche scientifique. Très intéressant et optimiste, je trouve. Enfin on reconnaît qu'il est moralement inacceptable de se débarrasser d'animaux après usage, pas plus qu'il n'est éthiquement approuvé d'éliminer les personnes âgées lorsque leur durée de vie utile et productive est arrivée à échéance.

 

- La compagnie Philip Morris a été condamnée par un juge de Los Angeles à verser une somme faramineuse (en dizaine de millions de dollars US, oui, vraiment des millions !) a une vieille dame atteinte du cancer du poumon en phase terminale, car les cigarettes ne portaient pas de mention avertissant de leur nocivité. Ils vont contester, évidemment (ils peuvent en payer des avocats avec des dizaines de millions), mais c'est déjà un bon début.

 

 

 

Si tout ce passe bien et si la société continue d'évoluer un tant soit peu dans une direction qui semble bonne, les compagnies de tabac vont manger une gigantesque volée d'ici les prochaines années ou décennies (c'est déjà commencé, d'ailleurs...). Je parierais fort que le tour des pétrolières ne tardera pas trop non plus. De même pour les constructeurs automobiles, les multinationales de l'alimentation (d'ailleurs, j'ai lu aujourd'hui que Philip Morris avait acheté General Foods en 1986, (soit dit en passant, Philip Morris nie toujours avec ferveur que la cigarette soit mauvaise pour la santé...) ce qui implique donc une alimentation de qualité, excellente pour la santé, comme ils le prétendent !) et toutes les autres entités dont le mode de fonctionnement consiste à croître au détriment de son environnement (environnement signifie à la base ce qui environne, et non pas uniquement ce que les gens appellent généralement la nature). Ce modèle n'est d'ailleurs absolument pas viable à long terme. Le même spectre d'une croissance théorique infinie dans un monde fini (ayant donc des ressources en quantité finies). Tout système dans lequel la somme de la "valeur" des différents éléments après une interaction serait inférieure à la somme avant cette interaction est voué à tendre vers zéro, à s'annihiler. Tout système dans lequel le gain d'une partie est plus petit que la perte subie par les autres parties ne sera jamais parfaitement fonctionnel à long terme et ne pourra être stable. Ces systèmes sont des cercles vicieux se dirigeant invariablement vers le même type d'état.

 

Les quantités dont sont dotées les parties dont je parle ne sont absolument pas uniquement une quelconque valeur monétaire ou une quelconque unité de travail. L’unité de base sur laquelle s'appuyer est à redéfinir totalement, en ayant une vision beaucoup plus globale en tête.

 

Supposons l'existence d'un "moi" égoïste auquel j'attache de l'importance (ce n'est pas nécessairement que je considère qu'il n'existe pas, ce n'est que l'amorce d'un raisonnement). Je souhaite évidemment du bien pour ce "moi" et j'espère et ferai en sorte que ses besoins soient comblés du mieux possible. Supposons ensuite que j'aie une épouse à laquelle je souhaite, bien sûr, tout le bien possible, ainsi qu'un ou plusieurs enfants que je souhaite voir se développer de la meilleure façon possible. Ces personnes sont, en quelque sorte, une extension de mon "moi". Si on les attaque, c'est moi qu'on attaque. S'ils sont blessés ou malheureux, j'en souffre aussi. Un grand bonheur pour eux me remplit également de joie. Le même genre de situation prévaut également pour le fils de mon fils et pour la compagne de mon fils, même si ma relation avec eux n'est peut-être pas aussi forte. Pareillement pour ma famille complète et pour mon meilleur ami d'enfance qui, pourrait-on dire, était presque mon frère. Je suis évidemment touché par un événement important survenant au fils de mon ami. Et puis, l'ami de mon ami est mon ami, naturellement. D'une certaine façon, lui aussi fait un peu partie de mon "moi" puisque son état affectera l’état de mon ami et que mon ami est important pour "moi" donc je serai affecte par son état. En poussant le raisonnement plus loin, je m'aperçois que l'humanité entière fait partie de "moi", de manière plus ou moins directe.

 

Il n'y a pas de limite à partir de laquelle cette affirmation n'est plus valable. Si je suis influencé par l’état de mon fils et que mon fils est influencé par l’état de son ami, alors je suis influencé par l’état de l'ami de mon fils. Si A -> B et B -> C, alors A -> C. Dans ce cas-ci, la transitivité existe. Et donc tous les éléments de l'ensemble, en l'occurrence l’humanité entière, se trouvent directement liés. Il n'est pas ici question d'intensité dans la relation entre 2 éléments, mais simplement de vérifier si cette relation existe ou non, aussi faible soit-elle. Effectivement, cette relation existe et tous les individus composant l’humanité sont liés inextricablement, tel un réseau de neurones.

 

De plus, on pourrait agrandir cet ensemble en y incluant le chat, le chien, les oiseaux et autres animaux domestiques. En fait, la faune entière y aurait sa place, de même que la flore. Une marche dans une forêt coupée à blanc ou dans un jardin magnifique influence l’état d'esprit de façon certaine. Et certains de nous tiennent autant aux animaux et aux forêts qu'à leur propre famille. De même, l'environnement physique peut également être inclus dans ce grand ensemble. Qui n'a jamais eu de pincement de coeur en retrouvant un lieu aimé jonché de détritus ? Et ainsi de suite. A -> & et & -> @, donc A -> @.

 

Cet ensemble est très grand. Immense. Et tous les éléments sont liés les uns aux autres, inévitablement, inextricablement. Cet ensemble, par définition, forme un tout (il s'agit de cet ensemble).

 

Donc, toute interaction qui aurait pour effet de diminuer la "valeur" totale de l'ensemble constitue un pas dans la mauvaise direction, au niveau de l'ensemble. Une telle interaction peut sembler intéressante localement et à court terme mais globalement et à long terme cela restera toujours une perte.

 

Penser plus loin que le bout de son nez ou que celui de son fils immédiat. Le fils du fils du fils du fils du fils de mon fils fait partie de "moi", même si ce fils n'existe pas vraiment encore.

 

 

 

Humanité décadente. Vision tellement restreinte. Les parents économisent pour leur retraite en plaçant leur argent à la banque à 8% et cette banque prête ce même argent au fils qui accepte de payer 18%. Le même type d'interaction ridiculement idiote se retrouve partout, partout.

 

Quelle vision globale fantastique ! Continuons de brûler nos restants de dinosaures pour nous en priver plus rapidement, de transporter nos forêts dans les dépotoirs et de gruger nos montagnes pour les répandre dans les champs, on n'a rien de mieux de cela à faire !

 

 

 

 

Rishikesh I

02.10.09

 

Rishikesh, la capitale mondiale du yoga (semble-t-il). En direction de Gangotri et de Gaumukh, là où le Gange sort d'un glacier, dans le coin de 4000 m d'altitude. Je pars demain, tôt le matin.

 

Mes communications devraient normalement se faire beaucoup plus espacées. Il me semble que j'ai souvent fréquenté des ordinateurs ces derniers temps. Je suppose que c'est en partie dû à leur côté rassurant pour moi ou en raison de la dépendance assez forte que j’ai à cet état dans lequel j'ai l'impression de contrôler et de dominer quelque chose qui obéit à ma volonté de façon assez directe.

 

Quelqu'un m'a prédit aujourd'hui que j'aurai 2 femmes et 6 enfants. Je ne le crois pas. C'est beaucoup trop.

 

J'ai maintenant l'habitude de garder ma langue dans ma bouche lorsque je me déplace dans un véhicule motorisé. Il ne m'est pas arrive d’événement désagréable à ce sujet mais je considère que c'est une bonne habitude à prendre.

 

 

 

 

Gangotri I

02.10.11

 

Gangotri, enfin ! 13 heures d'autobus, de 5h45 du matin jusqu’au coucher du soleil, pour faire 255 km sur une route partant de vertes collines et aboutissant au pied de falaises et de pics enneigés. Une route superbe, mais épuisante physiquement, par les cahots, et moralement, par l'insécurité liée à l'incertitude de arrivée effective à bon port. La surface carrossable horizontale qu'est la route, assez large pour 2 véhicules au départ mais à peine suffisante pour un seul dans la dernière moitié, est encombrée d'éboulis à demi déblayés par endroits, érodée par des ruisseaux la traversant trop souvent et est fréquemment bordée par des falaises d'une hauteur allant jusqu’à une centaine de mètres de hauteur, au pied desquelles rugit le Gange torrentiel. Mais quelles scènes magnifiques tout au long du périple ! La vue à elle seule vaut le centuple des 155 RS que coûte le trajet. L'autoroute Trans-Canadienne qui traverse les Rocheuses et les Coastal Mountains de Colombie-Britannique (entre Calgary et Vancouver, disons) me parait presque fade maintenant.

 

Au début du trajet, plusieurs Indiens ont psalmodié ensemble une sorte de prière durant une dizaine de minutes. Et, dans la seconde moitié du trajet, l'autobus s'est arrêté près d'un petit temple et quelques personnes sont descendues faire des offrandes. Une de ces personnes a rompu une noix de coco et en a distribue un morceau à chacune des personnes présentes dans l'autobus, moi y compris. À un embranchement (un des seuls dont je me souvienne) il y avait une vache morte dans un fosse, le cou complètement tordu. Et puis, 100 mètres plus loin du côté duquel la vache était, un policier barrait la route et l'autobus a dû rebrousser chemin pour prendre l'autre direction.

 

À 3040 m, arrivé a Gangotri, après 2 grands verres de chaï bien chauds, l'endroit me plait beaucoup et je sens que j'y serai bien. La tête me tourne un peu, je sens l'air beaucoup plus léger et je ressens une grande joie et un bien-être appréciable, dus à ma présence ici. Les véhicules à moteur restent derrière les premières marches de la ville et seuls les grondements puissants et apaisants du Gange rompent le silence pour créer une ambiance toute particulière, comme si nous étions à l'autre bout du monde, loin dans les Himalayas, à la source du célèbre fleuve sacré, lieu de tant de pèlerinages.

 

Il fait froid ici. Enfin ! De le buée lorsque je respire et un ou deux chandails chauds nécessaires. J'ai acheté un 2e polar pour 150 RS a Rishikesh. Il n'est pas d'excellente qualité, mais il fait bien son travail pour 5 $ CAN. Je vais enfin considérer que c’était une bonne idée de traîner avec moi mon nouveau sac de couchage -10 °C. L'eau du Gange est glacée. Elle sort du glacier Gaumukh 17 km en amont. La ville ferme d'ici 2 semaines car la route ne sera plus praticable. L'hiver arrive.

 

Je ne sais pas si cela va m'apporter quelque chose d’être venu ici, mais l'endroit est magnifique et je m'y sens très bien. En fait, je me sens généralement bien dans les montagnes.

 

 

 

 

Gangotri II, Bhojbasa I

02.10.13

 

Malheureusement, dû à l'afflux de population vers les lieux saints comme Gangotri, les traces du passage des hommes sont présentes, comme partout ailleurs. À sa source même, on pollue le Gange. C'est une excellente poubelle, il y a peu de résidus ! Des papiers d'emballage, des restes de nourriture, des vêtements entiers, allons donc ! Les abords des habitations sont jonchées de détritus. Pas en quantité énorme, la ville est jeune et sa popularité est récente, mais trop, beaucoup trop pour un endroit saint. Le Gange, fleuve sacré par excellence, est pollué, pourri jusqu’à la moelle. Cela est, à mon avis, très révélateur sur la nature et les valeurs de celui qu'on ose appeler l'Homme. La situation n'est guère différente ailleurs, à ce que j’ai pu voir. Églises en décrépitude, temples délabrés, lieux de culte souillés ou abandonnés, cimetières profanés. Le respect ? On s'en câlisse !

 

Toutes ces bibliothèques immenses, remplies de la connaissance humaine, enfouies sous des sédiments de poussière. On se refuse à apprendre et on rejette en bloc. L'électron ? Ta gueule, ça n'existe pas, et apportes-moi la chandelle...

 

 

[Pause souper]

 

 

Je parle beaucoup de la décadence humaine. Partout où je suis allé, elle m'a profondément marqué. Ou, plus exactement, j'ai été profondément marqué de la retrouver partout. Des gens avec une vision si courte, si courte, si égocentrique !

 

Ma vision du monde n'est pas négative ou pessimiste, bien au contraire ! Mais je plains tellement ces gens, tous ces gens qui souffrent, partout, et qui, bien souvent, ne le remarquent même pas.

 

 

 

Je suis parti de Gangotri, ce matin, pour m'enfoncer dans les Himalayas, en remontant le Gange, vers Gaumukh. Ici, pas de route. Une simple piste, bordée d'immenses montagnes. À gauche et à droite, des sommets de 5000, 6500 et 7000 m. La piste fait 14 km jusqu’à Bhojbasa, un petit village (quatre ou cinq bâtiments tout au plus) niché dans une petite vallée entourée de rocs par trois côtés et par un splendide sommet d'une blancheur éclatante du dernier côté, là où la piste se poursuit. Je suis à 4000 m d'altitude et j'ai grimpé verticalement presque 1 km durant les 6 heures de mon trajet. C'est environ 2 fois la hauteur de la tour du CN, qui fait un peu plus de 500 m. Tous les gratte-ciels du monde, y compris feu le World Trade Center de New York (soit dit en passant, il en existe plusieurs autres au travers du monde portant le même nom) paraîtraient ridiculement grotesque et prétentieux à côté de ces mastodontes gargantuesques dont la masse cause quelques irrégularités au champ gravitationnel terrestre. Le plancher est à 4000 m et la piste monte encore. Je suis à environ 30 km à vol d'oiseau du Tibet.

 

Je bois l'eau du Gange, filtrée, depuis quelques jours. Elle est très bonne, cette eau.

 

Je loge pour la nuit dans un petit ashram (définition, selon le Lonely Planet : lieu de retraite ou communauté spirituelle) qui m'offre le gîte et la nourriture en échange d'un don de 100 RS. Au souper, tous assis par terre, nous avons reçu de la nourriture pendant que le groupe chantait une sorte de prière On m'a spécifié que je pouvais manger autant de nourriture que je voulais mais de ne pas en gaspiller une seule miette. Pas d'ustensiles, mais je commence à m'y habituer. La nourriture, végétarienne comme toujours, était excellente.

 

Il fait froid. J'ai acheté un chandail de laine et il m'est bien utile.

 

 

 

 

Tapovan I

02.10.14

 

Tapovan, 4400m.

 

Une journée épuisante, marquée par un rhume ou une grippe que je couve depuis quelques jours et une ascension abrupte et exigeante. Petit déjeuner : deux tranches de pain blanc et des Maggi noodles (une soupe Ramen épicée). Pas de quoi carburer très longtemps ! J'y ai ajouté des morceaux de beurre d'arachide (l'huile ayant coulé hors du pot, il ne reste qu'une pâte bien ferme) et des noix que j'avais emportés.

 

Après une ou deux heures de marche, le Gange sort du glacier Gaumukh devant moi : je suis à la vraie source du Gange, l'endroit où un certain dieu aurait fait certains trucs dont je ne me souviens plus. Se baigner dans le Gange est supposé laver les péchés et le pouvoir nettoyant augmente proportionnellement avec la proximité de la source à ce que j'ai pu comprendre. Je me suis déjà baigné à Rishikesh mais je décide néanmoins de m'y tremper encore, histoire d’être propre pour un bout de temps. L'eau se retrouve sous forme de glace sur les abords du fleuve naissant. Malgré mes spasmes respiratoires, j'y plonge entièrement sous les regards respectueux des Indiens aux alentours. Une fois trempé, tout va bien. Je ressens à peine le froid et prends le temps de me sécher correctement avant de me rhabiller. Expérience satisfaisante qui a néanmoins représenté une grande dépense énergétique. Il m'a également fallu plusieurs minutes de réflexion avant de contraindre mes muscles à m'obéir, presque contre nature.

 

Puis, après quelques noix, la piste continue, grimpe sur le glacier et gravit quelques centaines de mètres dans le temps de dire "moraines escarpées" pour arriver, enfin, à Tapovan. Là, un baba vivant dans une cave depuis plusieurs années nous sert à manger (du riz, enfin !) et aimerait une donation immense pour son futur ashram. D’après ce qu'on m'a dit, il n'est pas trop digne de confiance et il faut s'en méfier un peu. Il a d'ailleurs une bonne liasse de billets dans la poche. Mais sa nourriture était bonne et appréciée.

 

À peine un kilomètre plus loin, sur un plateau entouré de fabuleux sommets, je rencontre la fin d'une expédition canadienne dont j'avais déjà rencontré 2 membres a Delhi (Matt et Damion, qui m'ont d'ailleurs fait découvrir cet endroit, dont j'ignorais l’existence auparavant). John, de Squamish, BC, m'offre le gîte, très apprécié puisque je n'ai qu'un sac de couchage avec moi et point de tente. Il fait terriblement froid et j'ai un de ces mal de tête, amalgame de l'épuisement, de l'altitude (raréfaction de l'oxygène dans le corps), de mon rhume et de la luminosité éclatante Il m'est absolument impossible de regarder dans la direction du soleil tellement il est brillant. John, très aimable, me prête de l'équipement supplémentaire me permettant d’être moins inconfortable. Toute l’expédition, lui y compris, est passée, pour diverses raisons, par le même état que j'endure actuellement. Je devrais tester ce soir si mon sac de couchage est réellement un -10 °C.

 

Malgré mon état, l'endroit est prodigieusement magnifique. La lune se détache nettement au-dessus d'un immense éperon rocheux couvert d'un placage immaculé n'absorbant aucune lumière entouré de quelques petits nuages prenant tout juste naissance sur ses flancs. Des heures à contempler ces montagnes et je n'ai encore rien vu. Il faut le voir en personne, les mots n'ont que l'épaisseur du papier comparé à ces paysages.

 

La nuit, les montagnes se couvrent de nuages pour dormir. Inutile de dire que c'est splendide. Le temps n'a pas cours ici. On peut méditer longtemps, longtemps, avec le monde à nos pieds, qui s'agite futilement.

 

Ces montagnes se retrouvent partout ailleurs. Ce n'est qu'un peu de silence, un peu de calme, une retraite à l’extérieur du monde (dans le vrai monde...). Ces montagnes sont dans ma tête.

 

Ce matin, en marchant, les larmes aux yeux, j'écoutais dans ma tête "Histoire sans paroles", d'Harmonium. C'est si beau.

 

Dans ma tête. Tout est dans ma tête.

 

 

 

 

Tapovan II

02.10.16

 

L’expédition canadienne est terminée, le camp est démonté, nous quitterons Tapovan aujourd'hui si les porteurs le permettent. Nous devions partir hier, mais ils ne se sont pas présentés J'ai habité 2 jours au camp canadien. Il reste ici, à Tapovan (qui n'est en fait que le nom du plateau), une expédition catalane qui tentera prochainement l'ascension d'un autre sommet. Le groupe canadien, forme de 5 jeunes aventuriers entre 23 a 30 ans, est resté 1 mois et demi ici. J'ai rencontré, en arrivant à Delhi, Matt et Damion qui m'ont invité ici où j'y ai trouvé John et Guy. Le cinquième membre, Conner, était déjà parti. Avec eux étaient également Shankar, le cuisinier népalais et Bhaskar, l'officier indien obligatoire à toute expédition. Je suis très heureux d'avoir rencontré ces gens.

 

Il y a ici trois babas qui vivent à l'année longue dans des caves creusées sous de grosses roches. Et il y a Ganga, une jeune Israélienne (de notre âge) qui demeure avec un de ces babas depuis maintenant 4 ans. Alors que nous fuyons le froid, elle passera encore l'hiver ici, à méditer. Nous la trouvons très courageuse et l'apprécions beaucoup. C'est étrange de voir une occidentale, de rang social comparable au nôtre, tout laisser tomber pour venir vivre dans des montagnes reculées, dans ces conditions. Je la comprends un peu, mais j'aurais choisi quelque chose d'autre, d'un peu différent. J'ai de la difficulté à comprendre les comportements des babas. Celui de Ganga me semble très correct et respectable, mais certains autres me font l'impression d'un poste à péage où l'on doit faire une donation pour un futur ashram hypothétique sous peine être maudit et de se sentir mal de contrarier un baba. D'ailleurs, un de ces babas prétextait la sauvegarde d'un lac sacré niché plus haut au creux des moraines (éboulis rocheux laissés par le passage des glaciers) qui s'est presque vidé subitement au cours des derniers jours. (La morphologie des montagnes varie parfois grandement et subitement comme cela.)

 

Quand le Soleil se pointe, durant la journée, le temps est splendide. Parfois un simple chandail ou un polar suffisent pour être confortable. Le Soleil chauffe et grille ardemment. Mon nez est calciné (j'ai omis la crème solaire pour une journée), mes lèvres sont affreusement gercées (j'ai oublié mon baume pour les lèvres sur le bureau de ma chambre à Longueuil) et j'ai des coups de Soleil sur le dos des mains. Quand le Soleil se couche, ou simplement se cache, tout change. Il se met à faire froid, mais terriblement froid. Il n'y a plus rien à faire, on mange et on se couche. La nuit, la température descend au moins jusqu’à -10 °C et du givre ainsi que de la glace recouvrent la tente. -10 °C n'est pas la fin du monde, certes, mais c'est très inconfortable pour un corps ayant trempé dans du 30 et 35 °C lors des dernières semaines.

 

La nuit est néanmoins splendide. Les montagnes se découpent nettement sur le ciel rempli d'étoiles, en compagnie de la lune, presque pleine, qui donne beaucoup de détails et de textures. Les étoiles me semblent plus proches que d'habitude.

 

Et, le matin, quand le Soleil se pointe au-dessus d'une montagne, nous sortons des tentes pour nous réchauffer et profiter de la lumière calorifique.

 

Les plages des îles Perhentian me semblent tellement loin et irréelles maintenant.

 

 

 

 

Gangotri III

02.10.17

 

J'ai le sentiment oppressant qu'il faut que je réalise de grandes choses. Que si je ne le fais pas, j'aurai raté quelque chose, j'aurai échoué. Comme si on avait de bonnes circonstances, une bonne occasion de faire quelque chose mais qu'on laissait passer cette possibilité sans rien faire, en gaspillant un bon atout. C'est pour cette raison, entre autres, que je n'aime pas rester trop longtemps à ne rien faire. J'ai l'impression de perdre mon temps alors que j'ai quelque chose à faire. C'est peut-être mon ego démesuré qui essaie de me flatter en voulant me donner une plus grande valeur que je n'en aie réellement.

 

J'ai ce sentiment depuis très longtemps, mais sans pouvoir mettre le doigt dessus auparavant. Je suis fortement insécurisé par le cheminement que prend ma vie depuis les dernières années. J'oscille entre une réussite éclatante ou un écrasement au fond d'un gouffre sans fin. Je me sens en équilibre sur cette tenue ligne pointillée qui sépare les deux mondes. Quelques petits grains de sable de plus et tout mon cheminement aura été fructueux ou quelques miettes d'une nature différente et tout ceci aura été vain et prétentieux.

 

Deux directions fondamentalement différentes vers lesquelles un système peut évoluer et infiniment minime peut être l'élément qui fera pencher la balance et verrouillera la direction prise.

 

Le doute. Toujours le doute.

 

 

 

 

Haridwar vers Dharamsala

02.10.19

 

Je commence à avoir le mal du pays. J'ai rêvé aux endroits qui étaient chez moi et je me suis réveillé avec l'impression que quelque chose me filait entre les doigts. Un peu plus d'un mois que je suis parti (il me semble que c’était à la fois hier et à la fois il y a des siècles) et il me reste une éternité à passer ici en sachant, un peu, que demain tout sera terminé et que je serais rendu l'année prochaine.

 

En attendant le train, sur la plate-forme en compagnie de quelques vaches et de nombreux singes, je suis seul de mon univers à exister par ici.

 

 

 

Parfois je déteste l'Inde, je la hais et j'ai hâte d’être dans un endroit qui me semble plus normal, et parfois je l'adore et je suis pleinement heureux et satisfait de ma présence ici, dans cet autre monde. Quand je suis devant une assiette, en train de manger, tout va bien. Je suis en sécurité, l'activité est plaisante et rassurante et, surtout, je n'ai pas besoin de me préoccuper de trouver quoi faire. Chez moi, quand je n'avais rien à faire, je pouvais simplement ne rien faire, pendant quelques temps, à l'endroit où je le voulais. Ici, je n'ai souvent pas d'endroit pour m'arrêter et y rester. Il y a tellement de monde, partout ! Au restaurant, ma table est souvent partagée avec plusieurs inconnus qui sont, majoritairement, dans une bulle différente de la mienne.

 

En fait, ce voyage, c'est un peu comme une expédition de survie. C'est un combat constant pour demeurer dans un confort décent. Trouver un sommeil réparateur, une alimentation nourrissante et énergisante, des occupations stimulantes et agréables, ainsi que tout le reste. Uniquement le portefeuille n'y suffit pas, d'autant plus qu'il est loin être illimité. D'ailleurs, je ne sais même pas, pour diverses raisons, de combien je dispose monétairement pour mon voyage. Mais cela n'a pas trop d'importance. Je me débrouillerai avec ce que j'aurai.

 

 

[Dans le train]

 

Un train vient de nous croiser, dans la nuit. De loin, on entendait un son continu, une espèce d'harmonique de plusieurs notes un peu discordantes mais presque agréables à entendre, puis ce son augmentait, devenait un avertissement, ensuite une alarme d'évacuation et soudainement : TAK ! En un éclair les deux trains s’étaient rencontrés, avaient dialogué pour un bref moment et s’étaient éloignés sans un seul regard en arrière. Et la nuit noire de nous renvelopper, comme si rien n'existait en dehors de ce train.

 

 

 

Je me dirige vers Dharamsala. Pour ce faire, j'irai me balader, en train, à la frontière du Pakistan et non loin du Cachemire. Mais il me reste encore de l'eau du Gange dans mes gourdes, je devrais être correct !

 

 

 

 

Dharamsala I

02.10.20

 

Je suis finalement arrivé à Dharamsala, après un voyage assez exigeant. Mon premier train, de soir, s'est passé sans histoire. Ensuite, débarqué au milieu de nulle part après minuit, je prends mon deuxième train et m’aperçois que je suis sur la liste d'attente et que je n'ai donc pas de couchette ni de siège réservé. Plein de gens dorment par terre, n'importe où dans le train et je décide donc de me trouver un coin tranquille et de laisser passer les heures de la façon la plus confortable possible, compte tenu des circonstances.

 

Après avoir été chassé comme un itinérant de deux espaces par terre entre deux couchettes que je m’étais approprié, je finis par trouver une autre surface libre de bagages (et de gens) et m'y installe. Par chance, ce n'est pas mouillé ni trop sale. J'y dors quelques heures, la tête appuyée sur mon guide Lonely Planet de l'Inde (qui fait un bon 2 pouces d'épais). J’apprécie de plus en plus ce guide comme oreiller. On me réveille ensuite en me disant des trucs en indou que je ne comprends évidemment pas. Le Soleil se lève, les gens se lèvent et s'activent, je ne peux plus dormir.

 

Soit dit en passant, les toilettes des trains ne constituent qu'en un tuyau partant du plancher et s'ouvrant sous le wagon (on y voit d'ailleurs la garnotte défiler), ce qui donne une bonne idée des conditions de salubrité des terrains du chemin de fer.

 

Ensuite, plusieurs heures plus tard, passées dans le train et à la gare sous le Soleil diffus par le smog permanent, j'embarque dans une sorte de train miniature (dont les rails sont espacés d'environ 60 ou 75 cm au lieu de l'espacement normal qui est plus grand que celui qu'on retrouve en Amérique du Nord) en compagnie de deux fois trop de gens et de leurs bagages C'en est presque romantique. Le train roule à la vitesse du mini-rail de La Ronde (ou de n'importe quel parc d'attraction) et met 4 ou 5 heures pour parcourir 90 km. J'y aurais été plus vite en vélo. Les paysages, par contre, valent le détour de train. Nous circulons les portes et les fenêtres grandes ouvertes (il y a des gens accroches à l’extérieur du train) et avons une excellente vue sur de mornes plaines au début, puis ensuite sur de vertes collines et de petites montagnes entres lesquelles coulent ruisseaux, chutes et rivières.

 

Ces paysages étaient très agréable à regarder et le trajet fut beaucoup plus intéressant que la majorité des tours de mini-trains de parcs d'attraction que j'ai pu faire par le passé. J'ai presque l'impression que ce train a été construit comme attraction touristique pour faire découvrir le paysage mais les habitants locaux l'utilisent réellement comme moyen de transport. C'est un peu comme les touristes qui font des tours de chameaux alors que les gens de la place les utilisent tous les jours pour se déplacer et tirer des charrettes (c'est d'ailleurs le cas à Agra ou il y avait nombre de chameaux dans les rues).

 

Parlant d'animaux, j'ai vu plusieurs centaines de singes aujourd'hui, tout au long de mon trajet. Il y en a partout ! C'est presque comme les pigeons de chez nous. Et aussi des chiens errants, qui circulent dans les villes et les villages au même titre que les itinérants et sans-abri de basse caste. Ils n'ont pas vraiment d'affaire là mais tout le monde s'en fout et ils peuvent faire ce qu'ils veulent, tant qu'ils ne dérangent pas trop. Tout comme les vaches (eh oui, il y a vraiment, en Inde, des vaches qui traînent dans les rues, au hasard) et les cochons. De petits porcs qui courent gaiement dans les tas de déchets, sous les regards un peu indifférents des porcs plus âgés et des vaches occupées à manger n'importe quoi (il semblerait même que les sacs en plastique seraient un problème non négligeable pour les vaches, en leur causant des problèmes de digestion...).

 

Et finalement, après deux autres autobus, je suis arrivé à Dharamsala, fatigué mais content. Dharamsala est sur le flanc de grosses montagnes et on y voit déjà de la neige au sommet de certaines. C'est le début des Himalayas dans le coin. J'aime bien l'endroit, il offre beaucoup de possibilités. J'en aurais pour des semaines a explorer les environs. C'est parfait puisque je compte rester un bout de temps ici.

 

Dharamsala est la ville d'accueil du gouvernement du Tibet en exil, donc du Dalaï-Lama. C'est plus précisément à McLeod Ganj, 4 km au nord de Dharamsala. Quand les étrangers parlent de Dharamsala, ils parlent généralement de McLeod Ganj.

 

C’était (c'est encore) un des buts principaux de mon voyage. Le problème, c'est que je ne sais pas encore exactement ce que je suis venu faire ici. J'en ai une vague idée, mais sans plus. Enfin, je trouverai bien. Je suis là pour ça.

 

 

 

 

McLeod Ganj I

02.10.22

 

Pas de communications prévues pour les 2 prochaines semaines. Je vais suivre un cours sur le bouddhisme, dans un centre de méditation.

 

Salutations,

 

-Benoit

 

 

 

 

McLeod Ganj II

02.10.23

 

Assis dans le Tsuglaghang Complex, à côté de la résidence du Dalaï-Lama, je pense. J'ai beaucoup à penser. Tant d’éléments différents à agencer, tel un immense casse-tête ayant la dimension de l'univers, pour me faire une représentation du monde complète et cohérente. Je ne suis arrivé, jusqu’à maintenant, qu'à une esquisse très maigre de ce qui pourrait ressembler à une première ébauche d'une début de brouillon préliminaire. Je ne sais et ne comprends tellement rien. Je ne suis même pas capable d'envisager à quel point je ne sais rien.

 

Je nage dans un océan d'incompréhension, entouré de vertes montagnes et d'oiseaux multicolores qui virevoltent au Soleil.

 

 

 

La croissance des coraux et surtout la manière dont 2 différents coraux se chevauchaient et se repoussaient, aux îles Perhentian, me font énormément penser à la croissance du mycélium, des champignons, et à la façon dont 2 espèces de mycètes se combattent.

 

 

 

À propos de ma théorie de l'orange, c'est fou comme espèce humaine ressemble à une moisissure sur une orange. Les cartes (aériennes) de développement démographique montrent exactement le même développement et la même croissance qu'une moisissure sur une surface quelconque. Pour avoir longtemps observé des moisissures, la similarité m'apparaît de façon frappante. Tout d'abord, le germe prend pied sur un endroit particulièrement favorable, tel l'embouchure d'une rivière ou une vallée pleine de ressources. Puis, la croissance commence autour des meilleurs endroits, de la tache humidité, du fleuve, de la plaine fertile. Ensuite, le développement se poursuit en s'agrandissant comme une éclaboussure d'huile, mais en évitant les endroits défavorables, nécrosés, inhospitaliers. Les plaies sur la surface d'implantation sont évitées et entourées en un laissant un espace qui ne sera comblé que lorsque la densité aura atteint un niveau assez élevé. Une grande coupure non cicatrisée, comme une voie de chemin de fer ou une autoroute, ou une blessure béante, comme une éboulement de terrain ou une commotion violente, font régresser le peuplement. Une goutte de fongicide ou une explosion nucléaire, polluant la fertile surface, font un effet similaire.

 

Une série de photos d'une orange en train de moisir aux jours 1, 5, 10, ..., 30 suit la même évolution qu'une série de cartes de densité de population de l’Amérique du Nord de 1600, 1650, 1700, 1750, ..., 2050. Et si on laisse une orange gâtée trop longtemps à proximité d'autres oranges, par un moyen ou par un autre celles-ci finissent par se faire coloniser à leur tour, après un temps plus ou moins long.

 

C'est fou comme c'est similaire. C'est fou comme l’être humain, qui se croit au sommet de l'univers, n'est qu'un élément parmi tant d'autres de cet immense structure kaléidoscopique multidimensionnelle, tel un dallage d'Escher à plus de 2 dimensions, obéissant aux mêmes types de lois, aux mêmes types de comportements. On peut tellement en apprendre sur soi-même en regardant les autres, on peut tant connaître son espèce en remarquant les caractéristiques des autres espèces, on peut tellement prévoir en comparant.

 

 

 

Dans l’hôtel (tenu par un monastère bouddhiste tibétain) dans lequel je loge, en plein centre de McLeod Ganj, des hirondelles vont et viennent dans les couloirs, s'attardant un peu sur divers perchoirs improvisés et repartent par une autre porte ou une autre fenêtre. Et ce, fréquemment. Je ne sais pas pourquoi elles font cela, mais je trouve que c'est bon signe. Les oiseaux ne vont pas aux endroits qui ne leur sont pas accueillant. Ces hirondelles sont une des raisons qui m'ont fait choisir cet hôtel parmi tous les autres possibles.

 

Deux jours plus tôt, à Dharamsala, un moineau domestique mâle est apparu dans ma chambre alors que je lisais. Il a volé quelques minutes autour de moi, puis a disparu par un trou dans le grenier.

 

 

 

 

Pages d'incertitudes

02.10.25

 

Il n'est pas facile d’écrire un livre, aussi petit soit-il, se dit Jean, penche sur son cahier, assis à une table en bois, au milieu de océan Pacifique. Encore faut-il avoir quelque chose à dire, à raconter, ou avoir beaucoup de temps à évaporer. Du temps ?

 

 

 

Ainsi débute la première page, par cette suite de mots d'une pertinence douteuse, comme la valse des ailes d'un papillon blanc, apparu fébrilement au carreau d'une fenêtre éclairée, un soir d'octobre montagneux. Puis, par un gribouillage structure :

 

Mais qu'est-ce que le temps, au fait ? Semble-t-il que, pour des photons ou pour toute autre particule se déplaçant à la vitesse absolue de 299 792,458 km/s, semble-t-il, donc, que le temps n'existe pas. Et que ces photons, que la lumière, ne se déplace pas. Elle est immobile, telle une table en bois perdue au milieu du Pacifique plat.

 

Avoir digéré cette connaissance remet les éléments réalitaires en perspective et rétablit l'ordre structural quelque peu perturbé de la représentation humaine de son environnement. C'est discutable. Parlons-en à Alice, qui nous a donné ces idées.

 

Quelques coups de rame bien placés et voilà Jean accostant l'Alaska, terre natale des récents nouveaux-nés y ayant vu le jour.

 

Mais cette île n'est pas l'Alaska, puisque l'Alaska n'est pas une île, du moins pas encore ! Ce n'est donc pas l'Alaska, ni ce qu'on y croyait être. Rare sont les certitudes fixes dans ces eaux troubles universelles.

 

Alice n'est pas ici. Elle aurait pu y être Ç'aurait été une possibilité qu'elle y soit, mais pour une raison qu'on appelle la constatation d'un fait, elle n'y est pas. Mais cela peut changer, rien n'est éternel. L'absence d'une Alice fait partie de ces éphémérités tant communes. Si commune que, généralement, on ne s'y étonne pas. Qui s'est récemment étonné de ne pas trouver d'Alice dans sa voiture, sous l'évier de la cuisine ou dans le dernier ascenseur ? Qui s'est récemment étonné de ne pas trouver d'arc-en-ciel dans sa boite de céréales ou sur le plafond de sa chambre ?

 

Alice est comme un arc-en-ciel. Ils ne sont pas là, ni l'une ni l'autre. Alice est peut-être au ciel, alors que l'arc-en est tombé.

 

Jean se souvient d'avoir déjà couru jusqu’au pied d'un arc-en-ciel. C’était si beau, toutes ces couleurs, toutes ces étoiles brillant comme si le temps n'existait pas !

 

Jean est parti, il compte les étoiles. Il n'est pas pressé, il est peut-être allé rejoindre Alice.

 

 

 

 

Tushita Meditation Center I

02.10.28

 

Quelques jours à suivre des cours, en anglais, sur le bouddhisme, à penser un peu, détaché du monde. À prendre parfois des notes, dans des phrases combinant l'anglais et le français, nonchalamment. J'en apprends, évidemment, mais pas toujours sur le contenu du cours. De la même façon que j'en ai appris sur l'université, à l’université.

 

Devant quelques dizaines de lampes à beurre, alors que les autres sont couchés, j'attends. J'attends quelqu'un, peut-être ? Je ne sais pas.

 

Je regarde les flammes vaciller au vent qu'elles créent et je sais les étoiles au-dessus de moi. La nuit est tranquille, pleine de pensées qui attendent de naître.

 

Je suis sur le même chemin que bien des gens. Sans se parler, on se reconnaît. Nul besoin d'en dire plus. On s'éloigne et on se sait côte à côte, a portée d'une pensée.

 

Une flamme, rageusement, (se) consume. Les unes après les autres, lentement, les lampes s’éteignent et le froid comble leur espace.

 

Rien de nouveau cette nuit, seulement une autre nuit qui s'égrène.

 

[Des singes mécontents se chicanent. Les échos de la ville grandissante se glissent entre les arbres. Mes cheveux allongent et je ne fais rien pour les arrêter.]

 

Parcelle de vide pour un instant.

 

 

 

 

Tushita II

Ben 02.10.29

 

Une brusque baisse d'énergie. Tout allait bien, très bien, depuis quelques jours et soudainement une vague dépressive me submerge. En l'espace d'une heure, une morosité m'assaille, me draine mes ressources et je me referme sur moi-même au lieu de me laisser fleurir et rayonner comme auparavant. Si rapidement, je flétris.

 

Est-ce l'hiver qui arrive ? Aujourd'hui encore, je me promenais nus pieds au Soleil, malgré la montagne et l'altitude moyenne (2100 m). Il ne faisait pas froid ces derniers jours. Une sorte d'été des Indiens, peut-être ? Mais l'hiver doit arriver, la transition se fera incessamment. L'hiver, en fait, je l'avais presque oublié, presque éliminé de mes plans de voyage. À 30 °C ou 35 °C, l'hiver est loin à mes yeux. Mais mon corps, lui est habitué à ces cycles et l'attend, ou plutôt s'attend à le traverser. Jusqu’à maintenant je ne l'avais pas senti venir, je l'ignorais. C'est peut-être ce choc que je viens de recevoir. Suivant de près la force et la vigueur de l'été, je me vois jeté dans la mort, le ralentissement et l'hibernation de l'hiver, pour renaître plus tard, au prochain printemps.

 

À la lueur d'une chandelle, l'électricité étant incertaine, je me questionne.

 

 

 

Je viens d'achever entièrement le crayon SPUN que j'utilisais. C'est la première fois que je me préoccupe de la quantité d'encre restant dans mes crayons. Celui-ci est plein et j'ai au moins 2 autres crayons, je devrais donc m'en sortir pour les prochains mois.

 

Une faible odeur de brûlé et de cire se répand, l’électricité est revenue.

 

Peut-être est-ce dû à la caféine et au manque que celle-ci provoque lorsque son effet disparaît. Je bois 4 ou 5 tasses de thé par jour ces temps-ci, avec des pointes à 8 ou 9. [Note provenant du futur comparativement à la date d'origine de ce texte : J'en suis maintenant parfois à quelques pots de thé (et non plus quelques verres) par jour. Les jus n'existent pas vraiment par ici, alors j'ai le choix entre de l'eau (un peu insipide pour les repas), des boissons gazeuses (jamais !), du café trop cher et du thé (qui est excellent). Puisqu'un pot de thé coûte seulement un peu plus du double du prix d'un verre simple, je prends évidemment un pot avec mes repas et me retrouve ainsi avec beaucoup de liquide dans l'estomac puisque j'ai l'habitude de manger jusqu’à la dernière miette et boire jusqu’à la dernière goutte.] Une fois, j'ai voulu vérifier si 4 tasses de thé enlignées les unes après les autres affecteraient mon comportement. La conclusion fut positive, du moins en ce qui a trait à l'existence d'une influence sur mon état d'esprit. Mon estomac, lui, commence à chialer un peu je crois.

 

 

 

140 morts à Moscou ? Et un « tireur fou » à Washington ? Rien n'a vraiment changé, ailleurs...

 

 

 

J'aurais tant besoin, parfois, de quelqu'un pour me consoler, me prendre dans ses bras et me dire tendrement que tout va bien aller...

 

 

 

 

Tushita III

02.10.30

 

La confiture rouge de l'Inde goûte le sirop pour la toux aux cerises. C'est horrible.

 

[Long instant de calme et de silence qui s'étire.]

 

 

 

Je suis encore surpris en voyant mon reflet dans le miroir. Qui est cet étranger ?

 

 

 

Ici je ne suis pas en Inde. Nous sommes dans un "ailleurs", très loin de nos contrées d'origine, un terrain vierge, neutre, où nous nous rejoignons dans notre aliénation car nous sommes tous citoyens du même pays, le pays Étrange. Pourtant, nous sommes chez nous ici, nous, les Étrangers.

 

Sans passé, nous sommes apparus de nulle part et nous sommes simplement ici, en ce moment.

 

Après plusieurs jours, les masques s'effritent et les apparences se laissent aller. Les gens apparaissent avec une barbe de plusieurs jours, dépeignés, portant le même chandail que depuis 2 ou 3 jours. On se permet de ne pas faire semblant de sourire si le coeur n'y est pas et nos manies personnelles ressortent. Nous savons que nous pouvons être pour nous-mêmes et non pas "apparaître" pour les autres. Et puis, les gens s'aiment bien.

 

 

 

 

Apologie du papier de toilette blanc

02.10.30

 

Du papier de toilette blanc ?? Blanc ???

 

Je ne connais pas en détail les procédés industriels de fabrication de papiers (peut-être que le blanchiment assouplit le papier hygiénique) mais il me semble fortement ridicule et excessivement abusif de gaspiller autant de ressources pour un aspect aussi accessoire d'un produit de consommation courante. Pourquoi blanchir le papier de toilette si on est pour le jeter ensuite ?? Tant de produits chimiques (très toxiques et polluants d'ailleurs, et à base de chlore si je ne m'abuse) pour rien ! Si on était pour conserver le papier de toilette après usage pour l'exposer (ou même les mouchoirs de papier, tiens) ou pour un autre usage dont l'esthétisme serait crucial, là je comprendrais.

 

C'est un peu comme la NASA qui dépensait des milliers de litres de peinture (et quelques dizaines de milliers de dollars) pour peinturer en blanc le réservoir principal des premières navettes spatiales (ce réservoir possède à l’état brut une couleur rouge-brun terreux, la couleur que l'on voit actuellement), réservoir qui se fera désintégrer dans la haute atmosphère et ne se fera (évidemment) pas réutiliser. Ils ne le peinturent plus, maintenant. (En effet, sur les photos des premiers lancements de navette spatiale, le gros réservoir était blanc. On peut le vérifier aisément sur les photos d'archives).

 

Et pendant ce temps, on pollue nos rivières avec nos habitudes de tout aseptiser à l'extrême jusqu’au ridicule (cette aseptisation extrême est bien illustrée par cette recherche universitaire ayant conclu, selon les bonnes techniques et méthodes de recherche enseignées, qu'il faudrait cesser l'utilisation d'attaches à pain en plastique auxquels nous sommes tous habitués puisqu'il y aurait un risque de suffocation trop grand pour les personnes âgées qui peuvent les avaler).

 

Il existe du papier brun qui soit tout aussi soyeux que le papier blanc en rouleaux (j'en ai déjà reçu par la poste d'une compagnie de fournitures et produits d'entretien sanitaire qui m'envoyait des échantillons. J'avais d'ailleurs trouvé cela très pathétique puisqu'ils m'avaient envoyé UN seul morceau de chaque sorte de papier, individuellement enveloppes dans une membrane plastique...  Crétins !). Et, à ce que je sache, la couleur de la pulpe de bois tire plus vers le brun bois que vers le blanc immaculé, ce qui implique donc une utilisation restreinte de produits chimiques et une simplification possible des procédés de fabrication.

 

 

 

Ce fut ma révélation de la journée et un des résultats de mes méditations.

 

 

 

 

Tushita IV & Vipassana I

02.11.01

 

Huit jours de "retraite", au Tushita Meditation Center de McLeod Ganj, pour suivre un cours sur le bouddhisme (cours d'introduction). Cinq jours de cours et deux jours de méditation, en gros (oui, je sais, 5+2=7). Expérience très enrichissante, je sors du centre avec un franc sourire sincère, plein énergie et la tête remplie d'information à ressasser. J'y ai fait la connaissance de gens formidables avec lesquels j'ai créé des liens étonnamment profonds pour la brièveté de la rencontre. Des gens en qui j'ai une grande confiance et dont je ne doute pas de la sincérité de leurs motivations. Des gens qui, comme moi, sont venus ici, à la terre d'accueil du Dalaï-Lama, pour apprendre, pour chercher quelque chose. Dharamsala est un lieu particulier où convergent les routes d'individus partageant une certaine recherche, une certaine ouverture ou un certain chemin communs. En fait, le terme "individu" est fortement inadéquat pour décrire ces gens dont je crois faire partie. Cette notion d'individualité (tiens, c'est amusant de retrouver "dualité" dans ce mot), cette fausse impression d'indépendance et d'autonomie face au monde extérieur, cette aberration conceptuelle est inconsistante et ne convient pas. Petit à petit, elle est en train de se modifier en une vision plus réaliste, plus absolue du monde dans lequel nous évoluons, tel un ciel bleu éclatant donnant l'impression d'habiter dans une demi-sphère fermée cédant sa place à la vision des étoiles amenant la compréhension de la position quelconque de notre petite boule insignifiante perdue dans un univers infini.

 

Je débute une seconde retraite, un 2e cours de 10 jours de méditation Vipassana, à quelques centaines de mètres de Tushita. Un cours intense, avec une discipline plus stricte et des résultats indéniablement plus profonds. Un cours identique à celui que j'ai suivi cet été au Québec Une sorte d'épreuve, encore une fois. Très difficile (pour moi du moins), mais tellement enrichissant, puissamment ressourçant et grandissant. Les résultats valent plusieurs centaines de fois les efforts investis. La méditation est un cercle magique, le contraire exact d'un cercle vicieux.

 

Puis, à ma sortie, je retournerai à Tushita et j'y habiterai jusqu’à Noël. Je garderai la maison d'une moine qui s'absente pour un mois. J'aurai donc eu un pied à terre a McLeod Ganj pour presque 2 mois en tout, dans un endroit magnifique et paisible, entouré d'excellents professeurs et de bonnes opportunités.

 

Le cours débute. Toute mon attention est maintenant nécessaire. Je suis sur les premiers pas d'un grand parcours.

 

 

 

 

Vipassana II

02.11.12

 

Je viens de terminer mon 2e cours de méditation Vipassana, une retraite de 10 jours où la seule activité quotidienne est la méditation, pratiquée de façon intensive, si le qualificatif "intensif" peut s'appliquer à un état méditatif.

 

J'ai les oreilles qui bourdonnent de ce silence intérieur profond, de cette tranquillité et de ce calme puissant que je ressens. Mon corps entier tremble et frémit, contenant à peine cette immense mer d’énergie bienfaitrice et cette joie sereine qui me remplit et déborde de partout.

 

 

 

Océan... Un océan jusqu’à l'horizon, jusqu’au Soleil lui-même.

 

 

 

Ma respiration est lente, profonde et complète. Mes yeux, légèrement fixes et vagues, regardent plus loin que ce qui m'entoure.

 

Je me sens bien. Sincèrement et simplement bien. Un bien-être réel et profond, lié à aucun élément du monde extérieur, trouvant sa source uniquement en moi-même.

 

Ah, si vous saviez, si vous pouviez ressentir.... (Une petite voix me chuchote : Oui, vous le pouvez autant que moi...)

 

Cette période de 10 jours a duré presque quelques mois pour moi. 10 jours, plus la nuit d'avant et d’après, à se réveiller à 4h00 du matin (comme les moines), à méditer, déjeuner, méditer, méditer, dîner, méditer, méditer, méditer, boire de l'eau citronnée (ou manger des fruits pour les méditants à leur premier cours), méditer, écouter, méditer puis se couchers vers 21h00 ou 21h30. Dix heures et demie de méditation par jours, en silence complet, sans aucune communication (même du regard) avec les autres méditants, à se concentrer uniquement sur son travail. Ce ne sont pas des vacances, loin de là. C'est même presque une torture, par moments, c'est excessivement exigeant mentalement et même physiquement, surtout la première fois que l'on suit ce cours. Ils présentent cela comme une technique de purification de l'esprit. Éliminer les souillures et les impuretés accumulées, les mauvaises habitudes mentales de désir, de convoitise et de haine, d'aversion envers les sensations que nous pouvons avoir. Au premier cours il y a un ménage énorme qui se fait, et ça brasse en-dedans !

 

Peu importe s'il y a vraiment des "impuretés de l'esprit" qui disparaissent, le résultat est bon, positif. C'est seulement difficile et il faut y mettre tous ses efforts, toute son énergie

 

On passe par toutes sortes de phases et d'états durant le cours. Des gouffres profonds en bas desquels j'ai traîné ma misérable carcasse et des sommets fabuleux où ma force n'avait d'égale que ma grandeur . Et puis on comprend (après le premier cours dans mon cas), on apprend à ne pas s'attacher à ces états, qu'ils sont impermanents, qu'ils ne font que nous rendre malheureux, et ces gouffres inutiles se remplissent tandis que ces montagnes illusoires s'aplanissent, pour devenir des oscillations d'amplitude réduite.

 

Et ce n'est pas que mes sens se sont émoussés, bien au contraire ! Ma nourriture, des mets indiens simples à base de riz, était délicieuse et savoureuse. C’était de la nourriture de qualité cafétéria, préparée dans de grands chaudrons pour 50 personnes, mais préparée avec amour et attention par les bénévoles.

 

Le cours est complètement gratuit, logement et nourriture inclus, et les professeurs, assistants et aides sont tous bénévoles Je m'émerveillais à chaque fois devant mon assiette remplie de nourriture donnée sans rien attendre en retour, ici en Inde, alors que des dizaines et des centaines de millions de personnes ne mangent pas à leur faim dans ce pays (officiellement, 400 millions de "pauvres", selon les standards du pays). Tous, sans distinctions du niveau social, race, religion ou autre sont acceptés ici. Il faut simplement s'engager à suivre le cours en entier et à respecter certaines règles de base (ne pas tuer, voler, mentir, avoir d'inconduite sexuelle et faire usage d'intoxicants) qui sont, selon moi, nécessaires à ce que l'on nommerait une "vie saine".

 

Il existe une cinquantaine de centres de méditation Vipassana (telle qu'enseignée par S. N. Goenka, que j'ai d'ailleurs rencontré l'été dernier), dont un au Québec, à Sutton, celui auquel je suis allé suivre mon premier cours. J'avais entendu parler de ce centre par Mathieu Boisvert, professeur, dans mon cours de bouddhisme à l'UQAM.

 

En 10 jours, on n'atteint pas l'illumination (du moins je suppose que cela ne doit pas être courant) mais cela fait généralement une différence significative dans la vie. On m'a déjà demandé : Pour combien de temps cette amélioration dure-t-elle ? Ça, cela dépend uniquement de chacun. Pour combien de temps une technique pour arrêter de fumer fonctionne-t-elle ? Cela ne peut dépendre que de l'ex-fumeur (ou du fumeur...). (D'ailleurs, beaucoup de gens ne recommencent pas à fumer, à boire ou à consommer après un cours de 10 jours comme celui-ci.)

 

Comme mon voisin de chambre, un vieil indien ayant fait de nombreux cours, m'a dit : "You are here to make a better person out of you". C'est, je crois, la meilleure description de ce que fait réellement ce cours. Faire une meilleure personne de soi-même.

 

Infos :  http://www.dhamma.org

 

 

 

Tout ceci ressemble à une apologie de ce cours de méditation et c'en est presque une. J'ai pensé à tous ceux que je connais et qui pourraient lire ces textes et je n'ai trouvé personne à qui une expérience du genre ne serait pas profitable. De toute façon, qui pourrait honnêtement se targuer être déjà une assez bonne personne qu'il n'a aucun besoin de s'améliorer ?

 

Si je n'avais que 10 jours de vacances durant l'année entière, je crois que je les utiliserais pour faire ce cours. J'ai dit, après mon premier cours, que ces 10 jours étaient ceux que j'avais le mieux utilisés durant les dernières années, et je le pense encore.

 

Malgré la difficulté (car il ne faut pas se le cacher, c'est réellement difficile), il y a 60 000 personnes qui suivent un de ces cours chaque année et ce, gratuitement. (Tous les centres ne survivent que grâce aux dons des anciens étudiants ayant complété au moins 1 cours.) Et j'y suis retourné, même en sachant ce qui m'y attendait. Je trouve cela assez concluant.

 

 

 

À propos de l'utilité de la méditation elle-même :

 

Esprits sauvages, esprits indomptés !

 

Prenez une minute et, sans bouger, essayez de ne pas penser à un éléphant durant cette minute.

 

Ou, essayez de manger une pomme en ne pensant qu'à la pomme que vous mangez et rien d'autre.

 

Ou encore, fermez les yeux et essayez de visualiser seulement un carré blanc sur un fond noir.

 

 

 

Incapables ?

 

On veut dominer le monde, mais on n'est même pas capable de contrôler ses propres pensées !

 

 

 

 

McLeod Ganj III

02.11.12

 

Je connais maintenant beaucoup de gens à McLeod Ganj. Je ne cesse de rencontrer des visages familiers avec lesquels j’échange quelques paroles en déambulant dans les rues. J'ai trois ou quatre rendez-vous avec différentes personnes pour les prochains jours. C'est incroyable comment on peut s'implanter rapidement en terrain inconnu. Deux nuits en ville, trois semaines en retraite à l’extérieur et c'est fait !

 

Je ne demeurerai pas à Tushita pour le prochain mois, la moine a confié sa maison à quelqu'un d'autre suite à un malentendu et à un oubli de ma part. [Note du futur (Ndf) : Cette autre personne s'adonne à être un moine australien, Rinchen, qui est le compagnon de voyage d'un ami rencontré ici, Guillaume, lui-même connaissance proche de Saeed, un ami rencontré il y a quelques semaines.] Ce n'est pas grave, il y aura d'autres opportunités On vient d'ailleurs de me proposer un appartement à louer, avec cuisine et douche chaude, ordinateur et accès Inet. Ça m'intéresse. [Ndf: Je ne l'ai pas pris, trop cher. Je préfère rester dans une chambre d’hôtel me coûtant 50 $ CAN par mois.]

 

Il me reste à peine 200 RS sur moi, plus quelques centaines de secours placés à différents endroits. Cela veut dire pas beaucoup d'argent. Je dois donc descendre impérativement à Dharamsala aller m'amuser avec les banques, demain. Une avance de fonds se fait en au moins 2 étapes, en 2 jours si tout va bien. Pour un retrait tout simple, il faut oublier cela. La tenue de livres se fait à la main, je crois. Je suis entré dans une banque et il n'y avait aucun ordinateur, que des tas de grands cahiers tout lignés. Je pensais m’être trompé de porte. Un guichet automa-quoi ???

 

Ils refont présentement toutes les routes de la ville, avec du goudron noir et des gens de basse caste travaillant dans des conditions médiévales. Je n'ai absolument pas osé prendre de photos. Il y en a qui sont tous noirs, couleur de l'épaisse fumée toxique s'échappant des barils de goudron placés sur un bûcher en plein milieu de la dite rue. Ils ne toussent même plus, la tête sous ces nuages opaques et denses. C'est qu'il y a bientôt des élections, donc les gens et les villes reçoivent plein de cadeaux, comme des rues toutes neuves. Comme a dit Bill, un autre Canadien (de Vancouver) il devrait y avoir des élections plus souvent. Ça aiderait la situation au pays.

 

Il parait qu'au parlement se débat actuellement un projet d'interdiction totale du tabac au pays. Ce serait, à ce que je sache, une première. Je suis contre la coercition et les impositions arbitraires, mais cette idée fait bien du sens à mes yeux. Un sale moment à passer pour les gens du pays, mais une telle amélioration dans 10 ou 20 ans. Un peu comme l'histoire dans sacs de vidanges blancs à Montréal. Reste à voir comment les gens réagiraient.

 

 

 

 

McLeod Ganj IV

02.11.13

 

Assis dans un petit resto (celui du Green Hotel), après un pot de thé au lait (dans lequel le lait (en poudre, je crois) occupe l'entier volume habituellement réservé à l'eau) et un bol de pak (met tibétain typique, composé uniquement de tsampa (farine grillée), d'un peu de beurre et de sucre (mais j'ai l'impression que le sucre est ajouté uniquement pour les touristes)), je pratique ma patience et ma concentration en lisant un petit livre d'Hermann Hesse alors que Céline Dion remplit l'atmosphère de ce que je pourrais qualifier de vibrations particulièrement étranges et même fausses, surtout en tenant compte du lieu géographique.

 

En moi se font également sentir quelques pointes de dérision, encore, concernant l'intégralité et la consistance de la nature humaine.

 

C'est tout ce que j'avais à dire pour le moment.

 

 

 

 

McLeod Ganj V

02.11.17

 

Donc, je suis en ville, à McLeod Ganj, ces derniers jours. À part marcher, manger, dormir, parler un peu, lire, tousser et me moucher, je n'ai rien fait d'autre. Une bonne grippe couvait en moi, avec des tendances nettement bronchiteuses, et se refusait à me déclarer ouvertement la guerre et suivre l'évolution normale d'une grippe. Elle se contentait de couver et de sournoisement gagner des forces au fil des jours. Connaissant mes poumons et leur système immunitaire, il fallait que je m'en mêle. J'ai donc retontit dans le dispensaire tibétain situé, par chance, près de mon logement. Après 5 ou 10 minutes d'attente (le délai d'attente normal pour voir un médecin, non ?), j'ai rencontré une docteure tibétaine, très gentille, accueillante et professionnelle, qui m'a posé quelques questions, m'a pris les pouls sur les deux poignets (comme l'avait fait mon acuponcteur) et m'a prescrit des pilules pour 5 jours. Des pilules à croquer, 7 par jour, de 3 sortes différentes, toutes amères. Coût total du traitement, incluant la consultation : 40 RS, soit 1,30 $ CAN. La médecine tibétaine est à base d'herbes (et non pas à base d'actionnaires désirant un rendement sur leur investissement).

 

Malgré une réticence un peu ancrée en moi contre les trucs et les remèdes trop obscurs à ma compréhension, je dois avouer que ce remède fut efficace. Après 4 jours je considère ma grippe comme terminée alors que je m'attendais à être affecté pour au moins 2 semaines, en jaugeant de la force de ce qui se préparait. J'ai une expérience assez exhaustive des rhumes, grippes, bronchites et autres, je connais bien mes poumons et savais que cela s'annonçait comme une bonne bronchite.

 

Je me souviens encore (évidemment !) de mes 11 visites chez différentes médecins, à la fin 1998, début 1999, alors qu'on a commencé par me dire que je n'avais rien qu'un petit rhume qui va passer (malgré mes affirmations disant que je sentais que était plus important), pour me dire plus tard que j'avais une bronchite et me donner des antibiotiques, pour me dire ensuite que étais presque guéri (malgré mes affirmations...), pour me dire que j'avais une pneumonie et me donner des antibiotiques, pour me dire que étais presque guéri (encore malgré mes affirmations...), pour me dire que mes quintes de toux et mes vomissements à répétition n’étaient pas significatifs, pour me dire, vers la fin, que j'avais maintenant une coqueluche et me donner d'autres antibiotiques qui m'ont permis, éventuellement, de guérir. Le tout étalé sur une période de 3 mois, mes amis s'en souviennent, assez particulière.

 

Je n'en veux pas aux médecins (mais je trouve qu'ils auraient dû être un peu plus à l'écoute de leur patient (après tout, je connais assez bien mes poumons, je les utilise 24 heures par jour depuis plusieurs années maintenant)) et je considère même que cette maladie m'a beaucoup apporté. Ce fut très souffrant (encore là, c'est minime par rapport à ce que d'autres endurent) mais j'ai beaucoup appris. Je crois aussi avoir évolué durant cette période. Je pourrais presque ajouter, comme dirait Candide, que tout fut pour le mieux dans le meilleur des mondes.

 

Tout cela pour chialer un peu contre la médecine occidentale (avec saignées, lavements et tout), car cela fait du bien de chialer. Bon, c'est un bien-être très superficiel, mais quand même.

 

Il y a évidemment du bon, et même de l'excellent, dans la médecine occidentale mais il lui reste tout de même un long chemin à parcourir, entre autres, élément primordial, se doter d'une motivation pure : guérir et soulager la souffrance en priorité et non pas générer un profit qui entraîne la guérison des gens comme sous-produit.

 

L'efficacité de la médecine tibétaine est, pour ma part, prouvée et acceptée. En fait, je suis bien heureux être tombé malade puisque je voulais avoir l'occasion d'expérimenter des médecines locales. C'est maintenant chose faite.

 

En achetant mes médicaments, j'ai fait un don de 300 RS au dispensaire et j'ai conservé le reçu puisque j'ai bien l'intention que mes assurances le remboursent également. Pour le dispensaire, 300 RS signifie une contribution appréciable, alors que, pour mes assurances, 10 $ CAN est ridicule par rapport aux quelques centaines de dollars que m'auraient chargé un hôpital indien normal, sachant que les Occidentaux ont tous des assurances (référence faite aux quelques points de suture qu'Ariane avait eus dans le Montana, après les tonneaux en voiture, et qui avaient coûté aux assurances dans les 500 $ US, si je me souviens bien). Je sais que mes assurances vont chialer (tout le monde aime ça chialer), car c'est un don et non pas le coût du traitement, mais je vais me battre avec leur bureaucratie et l'emporter par la patience. (D'ailleurs, la patience est le remède universel contre la bureaucratie, remède qui m'a permis de gagner bien des causes presque désepérées. Référence faite à Greyhound, entre autres.)

 

 

 

Autre sujet :

 

Cela me fait toujours un peu rire de voir des produits alimentaires ayant la mention "Bon goût" ou une quelconque prétention d'une qualité, puisque cela implique que les produits n'ayant pas cette mention n'ont pas (ou risquent de ne pas avoir) cette qualité J'ai acheté un pot de beurre d'arachides (que j'ai consommé en entier au couteau, sans pain !) qui portait l'inscription "Hygienically processed & packed". Moi ça me fait peur...

 

 

 

Je retourne à Tushita demain, pour quelques autres jours de méditation, avec la fin d'un cours comme celui que j'ai suivi il y a quelques semaines.

 

 

 

 

Tushita V

02.11.20

 

Tushita de nouveau. Je suis à Dharamsala depuis 1 mois maintenant.

 

C’était la pleine lune la nuit dernière. Elle m'a accompagné toute la nuit. J'ai dormi dans sa lumière, couché sous une grande baie vitrée donnant sur la forêt, la crête voisine et les plaines en contrebas, perdues sous un éternel brouillard. Elle était éclatante, cette lune. Elle a parcouru les carreaux de la fenêtre puis, au lever ce matin, elle n’était plus là mais les étoiles brillaient à sa place.

 

J'ai assisté à un puja tibétain, un "medecine puja". Comme les autres pujas auxquels j'ai pu participer, c’était intéressant mais je ne peux pas dire que je comprends ni que je prendrais l'initiative d'en faire un par moi-même.

 

Je suis de nouveau étudiant (ai-je cessé de l'être ?) et le silence devient mon compagnon.

 

J'ai reçu, quelques fois au cours des derniers mois, des courriels d'amis et de proches, provenant des fois de gens dont je m'y attendais le moins, comportant parfois à peine quelques mots tous simples et qui m'ont apporté une grande joie à leur lecture. Je n'y réponds pas toujours, ne sachant souvent que dire et ne sachant pas si une réponse est nécessaire. Ces messages me font chaud au coeur, ils m'encouragent. Un petit moment intime avec ces personnes. Malgré la distance je les sens tous près de moi. Parfois cela ne va pas et on m'en parle, alors je pense à ces gens, j’espère du bien et du bonheur pour eux. J'ai dédié un puja à un ami qui avait été sévèrement malade, pour lui souhaiter une complète guérison et une force plus grande qu'il n'en avait auparavant. Peu importe la valeur réelle de cette dédicace c'est surtout l'intention, la motivation qui compte.

 

Comme d'habitude, je ne suis pas très assidu dans le traitement de mes courriels. Je viens à peine de lire un message de joyeux Halloween.

 

Je lis un autre livre de Richard Bach, en anglais celui-ci. C'est le deuxième livre en anglais que je lis par moi-même, pour le simple plaisir. Le premier était il y a peine quelques semaines (et il était pas très bon, d'ailleurs. Je l'ai revendu 60 RS à un magasin de livres usagés.)

 

J'ai plusieurs endroits à aller au Népal, des monastères et des lamas a rencontrer pour la plupart, résultat d'échanges avec d'autres voyageurs. Ça promet. Neuf mois et demi, cela me semble maintenant plutôt court. (Qu'est-ce que 10 jours dans une vie, qu'est-ce qu'un an dans une vie ? J'ai rencontré quelqu'un, au cours Vipassana, qui avait passé 7 ans de sa vie en prison en Thaïlande, de l’âge de 23 à 30 ans. Il dit que ça lui a beaucoup apporté. Mais encore, qu'est-ce que 7 ans dans une vie ?). J'ai maintenant des visées pour le Myanmar, la Thaïlande, Ceylan (Sri Lanka), le Tibet, la Chine et (pourquoi pas ?) le Pakistan.

 

 

 

 

Tushita VI

02.11.20

 

Les paroles du célèbre philosophe grec qui répétait souvent "All your base are belong to us" ne cessent de me venir à l'esprit et cela me rappelle Francis qui m'avait dit que je possédais une pop culture alors que je prétends ne pas en avoir. Je préfère rester inculte de toute façon.

 

D'un autre côté (nous retrouvons ici un marqueur de relation qui n'est pas optimal puisque le sujet ainsi introduit n'a aucun lien véritable avec précédant sujet), moi qui suis droitier depuis plus de 20 ans déjà, je mange de la main gauche depuis quelques semaines, lorsque je n'oublie pas. Je suis un étranger, donc un sauvage, un idiot, un crétin de blanc occidental (comme on perçoit toujours les étrangers n'ayant pas notre culture), que je me suis dit, alors cela ne devrait déranger ni n'étonner personne si je mange tout croche. Et ce fut effectivement le cas. J'ai, à maintes reprises, beurré copieusement ma moustache ébouriffée et ce qui me sert de barbe sur le menton (eh oui, il semblerait bien que j'aie maintenant une moustache et des poils au menton, malgré toutes les prières que je peux faire le soir), mais pas mes joues tout de même (les joues c'est traditionnellement avec la pâte à dents). Je ne suis pas encore un gaucher totalement accompli, mais je me débrouille maintenant assez bien et m'amuse parfois à changer mes ustensiles de main plusieurs fois durant mes repas pour voir si quelqu'un le remarquera (personne ne fait cela, alterner continuellement la main qui tient ses ustensiles, du moins je n'ai jamais remarqué).

 

J'avais autre chose à écrire (j'avais 3 points distincts en tête), mais je n'arrive pas a m'en rappeler. Cela s'est perdu entre deux respirations. Tant pis.

 

(Que veut dire "tant pis", au fait ?)

 

Je suis en retard (comme toujours) dans la mise a jour du site Web. Le dernier texte tapé date du 1er novembre et 31 pages ont été écrites dans mon cahier depuis. (Bon, j'écris très gros, je rature souvent et les pages ne font qu'un par un et trois cinquièmes crayons SPUN, mais quand même...). Il est presque terminé, d'ailleurs, ce cahier que Ginette m'avait donné. Il ne lui reste de vierge que 12 versos de pages. Le 16 octobre dernier j'avais déjà rempli toutes les pages, recto seulement (en raison des anneaux de métal qui rendent l'écriture désagréable s'ils sont placés a droite, puisque je suis droitier (et que écris déjà assez mal que je m'écrirai pas avec la main gauche pour le moment !)), alors j'ai tourné le cahier a l'envers et continue sur le verso des pages.

 

Bon, le souper est servi.

 

[Temps écoulé]

 

Le plus gros désavantage, à mon avis, à se servir le dernier ici, c'est qu'il ne reste plus de couteaux et je suis toujours pris pour beurrer mon pain avec ma cuiller ayant trempé dans ma soupe. "Cuiller chaude et courbe manie mal rectangle de beurre froid", c'est un principe universel.

 

 

 

Soit écrit en passant, mes textes n'ont aucune prétention, surtout pas d’être bons ou intéressants. Je n’écris pas pour plaire ou pour être lu, j’écris pour moi-même, ou simplement pour écrire Il est certain que le fait de me savoir lu influence mon écriture (probablement de la même façon que le fait de parler tout seul ou de parler en se sachant écouté ou encore de parler à un interlocuteur, le contexte, donc, influence les paroles tenues), mais non pas la cause première de mon écriture

 

Dans ce cas-ci, avant de publier sur le site Web, je relis pour corriger les coquilles et les erreurs syntaxiques trop aberrantes, mais normalement je ne me relis jamais, ou très rarement. J’écris et puis c'est tout, mes mots tombent dans l'oubli de mon passé. Un peu comme un peintre qui, après avoir complété sa toile, la jette au fond de son atelier et prend une toile neuve pour continuer. Il se fout de l'ancienne, elle est déjà utilisée, elle a servi et on passe à autre chose. Je me souviens vaguement de ce que j'ai écrit ces derniers jours (ou en fait c'est surtout mes impression par rapport à ce que j'ai écrit, ou l’état d'âme dans lequel j'étais lorsque je me trouvais devant mon cahier dont je me rappelle un peu) et je n'ai pas la moindre idée de ce que j'ai pu coucher sur papier depuis le début de mon voyage, exception faite de quelques brides isolées s'étant accrochées, pour une raison inconnue, à une quelconque aspérité de ma mémoire. J'ai beaucoup de cahiers, comme cela, que je n'ai jamais relus au complet. Quand il m'arrive d'en lire des pages, je trouve cela amusant car je découvre un texte qui est écrit dans un style qui ressemble beaucoup au mien. Mais je trouve généralement cela trop lourd, ou trop ennuyant.

 

Un jour, lorsque je serai vieux, à 40 ans, après une vie remplie d'aventures, je m'assoirai près d'un feu et j'ouvrirai des cahiers pour me souvenir de ma jeunesse (jeunesse ? ... ce n’était pas lorsque j'avais 5 ou 6 ans, ça ?), en me disant que c’était le bon vieux temps...

 

 

 

21h30, avant de me coucher :

 

Cela me fait encore tout étrange d’être en ce moment à Dharamsala, ce lieu mythique, en train de méditer et d'étudier. ("Dharamsala" signifie "lieu d'études", l'avais-je dit ?) C'est un peu comme si je prenais un café sur une terrasse de l'Atlantide, nonchalamment. Et je pense aux gens que je connais, la grande majorité étant au Québec, dix heures et demie en arrière. Le Soleil est presque à son apogée pour vous, alors qu'ici c'est la lune, hier pleine, qui brille tout en haut. Je serai bientôt demain alors que vous serez encore aujourd'hui, ou hier. Je fêterai Noël avant vous et, de même, j'explorerai l'année prochaine en premier. Je vous écrirai, tiens, pour vous dire si 2003 en vaut la peine. L'Amérique est en retard sur le reste du monde, c'est amusant.

 

N'empêche que je suis ici, en ce moment. Ça me fait tout drôle.

 

 

 

Je méditais sur le toit, enveloppé dans une couverture de laine tibétaine, et des instants se sont écoulés, les uns après les autres, distinctement, et j’étais toujours là, assis à méditer sur le toit, enveloppé dans une couverture de laine tibétaine.

 

La lune m'accompagnera encore cette nuit.

 

 

 

 

Tushita VII

02.11.22

 

Je me demande si mon intérêt pour le bouddhisme ne sera pas qu'un autre sujet d’intérêt passager, comme j'en ai eu tant. Je m'y lance à fond, comme je fais habituellement dans ce qui m'intéresse, achète et emprunte un paquet de livres (toujours trop, surtout quand on porte sa maison sur son dos) et passe mes journées à lire, ces temps-ci. J'en suis arrivé à la conclusion (encore une fois), que je n'avais rien de mieux à faire de me tête que d'apprendre. Ou plutôt, exprimé de façon plus juste, apprendre est l'activité qui rentabiliserait le plus mon temps d'existence.

 

Mais je me demande ce que je ferai, après avoir appris, en ayant une connaissance plus grande que celle que j'ai actuellement. Puisque les choses apprises sont toujours un peu différentes de ce qu'on s'attendait (c'est normal puisque, n'ayant pas cette connaissance, on s'en fait une représentation nécessairement faussée), je n'ai aucune idée de la façon dont je vais réagir après avoir appris. Il est possible que je sois enchanté et très intéressé, ou il est possible que cela ne me plaise pas et que j'essaie de rejeter en bloc pour tenter de conserver mes idées qui me sont plaisantes.

 

Je crois que j'insère beaucoup trop de virgules partout. Il me serait utile écrire dans plus d'une orientation à la fois, à plus d'une dimension, disons. Partant d'une idée, d'un noeud, continuer dans plus d'une direction de développement, parfois des regroupements, des divisions, des fusions et beaucoup de terminaisons. Donc plus d'un point final (".") par phrase. Le concept me parait logique (un peu) mais je ne vois pas de média (à part informatisé) qui puisse soutenir cette écriture. Et la lecture pourrait se compliquer, surtout si l'on n'utilise pas une méthode rigoureuse (telle celle dite de la main droite, ou de la main gauche, mais pas des deux à la fois) pour suivre le dédale de raisonnements. Bon, tout cela n'a pas d'importance, ce n’était qu'un cul-de-sac qui aurait pu être vertical s'il avait été écrit a 3 dimensions, disons.

 

Donc je ne sais pas si, après en avoir connu plus, je ne changerai pas encore de direction radicalement, comme je l'ai déjà fait si souvent. Peu importe, tout cela me restera une expérience supplémentaire, un bagage de plus pouvant être utile, et si je décide d'aller voir ailleurs, j'aurai sûrement de bonnes raisons de le faire.

 

 

 

La lune est restée pleine, à mes yeux, pour 3 soirs et puis, subitement, lorsque j'ai ouvert les yeux à 3 ou 4 heures ce matin, elle était devenue ovale type ballon de football (américain) trop gonflé.

 

Hier, avant le souper, le Soleil s'est couché au-dessus de l'horizon, rond orange éclatant, puis rouge fluo sanglant, et se découpait nettement sur le dessus de la couche de pollution. La pollution indienne forme une masse d'air trouble grisâtre et bien définie, ayant un plafond stable un peu comme une couche d'eau sous l'huile. Le Soleil est disparu derrière cette couche comme s'il descendait derrière un mur immense, la Muraille de l'Inde. En plein milieu de l'horizon, encore haut dans le ciel, le Soleil s'effaçait simplement, trois quart de cercle, demi-cercle, quart de cercle, petit arc de cercle et petite ligne très fine, flottants dans les airs. Le Soleil se couche avant de toucher la terre, il n'en veut pas. Cela fait bizarre de voir une moitié coupée au couteau de son Soleil, d'un rouge pas possible, léviter au-dessus du gris.

 

 

 

22h30 :

 

Il y a quelques années de cela, je comptais les jours. À chaque jour qui passait, j'inscrivais le numéro auquel étais rendu, la date et l'heure du moment sur une nouvelle ligne d'une feuille lignée. Je ne me rappelais plus exactement pourquoi j'avais commencé, mais je continuais. Un peu pour vaincre l'angoisse du temps qui passe, pour agripper chaque journée et l'enchaîner partiellement dans une collection, pour me prouver que j'avais bel et bien existé cette journée-là et que j'existais, moi qui pensais à compter les jours, depuis au moins ce nombre de jours. Une professeure de français du CEGEP nous avait dit qu'on deviendrait fou à être conscient de chaque instant qui passe et qui ne reviendrait plus jamais, jamais, et j’étais bien en accord avec elle, en pensant à cette quantité incroyable de secondes derrière moi, que j'oubliais comme si elles n'avaient jamais existé, et au moment présent qui, déjà, était passé.

 

Je n’étais pas un très bon élève dans ce cours, malgré que j'aimais bien ma professeure, et j'écrivais pour moi-même durant le cours plus souvent que je ne prenais de notes. Nous avions plusieurs livres à lire et, malheureusement, moi qui pourtant adore lire, je ne les avais pas tous lus. Je viens de terminer deux de ces livres, "Le seigneur des mouches", de Golding, il y a deux semaines et "Narcisse et Goldmund", d'Hermann Hesse, il y a deux mois, en Malaisie. Mieux vaut tard que jamais. J'ai ensuite donné ces livres, à un Français, Guillaume, et à un Suisse dont j'oublie le nom, rencontrés au hasard, pour alléger mon sac.

 

J'essayais donc de retenir ces jours qui passaient et qui ne reviendraient plus. J'en ai oublié quelques-uns et d'autres se sont faufilés trop vite, sans que je ne les remarque, mais j'en ai tout de même compté plus de 1100. Et puis j'ai arrêté, je ne me souviens plus trop pourquoi non plus. Je pense que j’étais tanné et je ne voulais pas traîner un rituel qui m'emprisonnerait et me restreindrait inutilement. J'en avais tiré ce dont j'en avais besoin, l'utilité n'y était plus. Puis j'ai oublié que, à chaque jour, ou presque, pendant plus de trois ans, j'avais compté les jours. Et cela me revient de temps en temps, pour ensuite disparaître à nouveau de ma conscience.

 

 

 

[Le cahier de Ginette est maintenant terminé. Il me fut bien utile.]

 

 

 

 

Karmapa

02.11.23

 

[Nouveau cahier, fait de papier recycle, fabrique par des réfugiés Tibétains à Dharamsala. Il y a un autocollant "Free Tibet" sur la page couverture alors il faudrait que je pense à le poster au Québec si je me décide à aller en Chine.]

 

 

 

Palais du Karmapa, près de Dharamsala.

 

Le Karmapa est le plus haut moine de la tradition Kagyu. Il est l'équivalent du Dalaï-Lama qui lui gouverne la tradition Gelug. Le Karmapa actuel en est à sa 17e réincarnation. Des gens viennent de très loin pour le voir. J'ai rencontré une Malaisienne venue en Inde spécialement pour cela. Nous irons faire du trekking ensemble demain, avec deux Français (Floris et Guillaume) et un Israélien (Guy).

 

Le Karmapa, âgé de 17 ou 18 ans, avait l'air un peu fâché, ou tanné. Il s'est enfui du Tibet "illégalement" alors qu'il était surveillé par les Chinois (la technique utilisée pour divertir les gardes chinois affectés à sa surveillance a consisté à leur donner des films pornos !) et a traversé les Himalayas à pied, en hiver. Un périple d'un mois, que bien des Tibétains font et que plusieurs, évidemment, ne complètent pas. On craint pour la vie du Karmapa, même ici, alors il est constamment sous surveillance et sous tension. De plus, pour des raisons obscures, l'Inde ne lui permet pas la libre circulation sur son territoire et il est assigne à résidence avec des gardes Indiens armés de mitraillettes patrouillant l'extérieur de son palais (qui est de dimension assez modestes pour quelqu'un de son importance). Il est entouré de gardes du corps en permanence et il ne peut même pas sortir seul dans le jardin. Des milliers de personnes viennent le voir et à chacune il donne un petit cordon rouge qui est ensuite porté autour du cou. Je le comprends d’être tanné. Je le serais, à sa place.

 

C'est, lui aussi, un bouddha vivant, une incarnation du bouddha de la compassion. Cela se sent qu'il a une certaine force de caractère que peu de gens ont. J'hésiterais avant de me confronter à quelqu'un comme lui.

 

En attendant l'heure d'audience, assis à l'ombre dans l'herbe, un chien est venu me voir et s'est couché à mes pieds. Il est resté une dizaine de minutes en appréciant mon affection, puis s'est levé et est entré dans le palais du Karmapa de façon toute naturelle. Plus tard, il est réapparu et est venu se coucher sur mon manteau et mon sac, enfouissant son museau sous mon bras. Je suis retourné le saluer avant de partir.

 

Pour se rendre là-bas, c’était 30 minutes d'autobus et 4 RS (soit 15 cennes CAN), à partir de Dharamsala, en bas. Au retour, l'autobus est tombé en panne et nous avons marché la fin du trajet.

 

 

 

 

McLeod Ganj VI

02.11.24

 

Il est dit qu'à chaque fois que l'on voit le Karmapa, les souillures de 17 vies sont purifiées. J'ai donc volontairement cligné des yeux un grand nombre de fois lorsque j’étais devant lui, pour profiter au maximum de cette occasion. Mais, de toute façon, puisque, selon le bouddhisme, nous avons déjà un nombre infini de vies antérieures (notre flot de conscience ne posséderait pas de début dans le temps), alors cela ne change pas grand chose. Infini moins 17 ou infini moins 8 milliards, cela me semble assez similaire. Il me faut donc trouver une autre méthode pour me débarrasser efficacement de ma crasse karmique.

 

 

 

Aujourd'hui nous sommes allés marcher, nous quatre (Guy n'est pas venu), vers Triund, une petite baraque vendant du thé, à 3000 m d’altitude sur la crête au-dessus de McLeod. C’était une randonne relativement exigeante (18 km aller-retour, avec 1200 m d'ascension) et ce fut très difficile pour Swee Mei, la Malaisienne, pour qui c’était le premier trek. Je savais qu'elle n'aurait pas du nous accompagner mais je n'ai pas su lui dire non. Il faut que j'apprenne à dire non. Cela me cause parfois bien des problèmes, ainsi qu'aux autres.

 

C’était beau et épuisant. Trois chiens nous ont accompagnés pour tout le chemin du retour (c’était un long trajet pour des chiens, et qu'est ce qu'ils faisaient à traîner à 3000 m ??) et puis sont partis se chicaner avec un autre chien.

 

Au retour, je me suis arrêté sur une roche surplombant la petite vallée dans laquelle le village de Dharamkot est situé. Il n'y a pas vraiment de route à cet endroit. Des petits chemins et des sentiers entre les maisons, pas plus. Du haut de ce versant, je sentais la vie de ce village reculé, sous le Soleil de l'après-midi. Des cris d'enfants, des brides de voix de femmes, des bruits de travaux manuels, des boeufs labourant la terre, des maisons et cabanes en bois, en tôle et en briques, la petite vie tranquille d'un village qui ne connaît pas le NASDAQ ni les vélos stationnaires. En me retournant, la chienne blanche qui nous suivait était là, debout sur un rocher plus haut, et observait, la langue pendante, le même paysage que moi.

 

 

 

 

Tushita VIII

02.11.26

 

Un autre nouveau cahier. Le papier recyclé n’était pas aussi lisse que du papier ordinaire et la fluidité de mon écriture s'en trouvait un peu compromise. Déjà que je trouve ma main beaucoup trop lente par rapport à mes pensées. Je tape sur un clavier agréablement plus vite que je n’écris, mais ce n'est pas encore suffisant. Idéalement, il faudrait un fil à brancher dans l'oreille, disons, et dans le port FireWire d'un ordinateur. Ou avec un adaptateur sans-fil haut débit, pour une plus grande mobilité. Je suis loin d’être le premier à avoir pensé à cela, mais il reste que cela me serait utile. Peut-être pourrais-je battre le record du plus grand nombre d'inepties à la minute ?

 

Parlant d'inepties, j'ai vu deux livres, dans les rayons des usagés, à McLeod Ganj, qui m'ont fait rire, non pas à cause de leur contenu, mais simplement en raison de leur présence à cet endroit : Les Chrétienneries, volume 1 et 2. Ce sont des citations de notre premier ministre, accompagnées de leur contexte, par lesquelles Jean Chrétien s'est mis les pieds dans les plats de manière plus ou moins caricaturale (ou peut-être catastrophique, du point de vue de son cabinet). L'auteur du livre ne semble pas trop apprécier la présence de J.C. au parlement puisque le but de ces livres me semble presqu'être plus de rabaisser J.C. plutôt que de faire rire. Les citations sont loin d’être toutes amusantes, comme on l'aurait aimé. Je n'ai pas pris ces livres (j'ai mieux à faire de mon temps que de m'abaisser à encourager le rabaissage de personnalités dites "publiques"), mais cette découverte m'a fait bien sourire. Quelle bonne publicité cela donne-t-il à tous ces locaux et ces étrangers qui ne connaissent rien du Canada !

 

Je ne donnerai même pas mon opinion personnelle sur J.C. et ses copains, ou sur le gouvernement, (à part que je les considère presque tous inefficaces, malgré les efforts probablement sincères qu'ils mettent dans leur gouvernance) puisqu'une règle d'or de voyageur est de ne pas parler de politique. On recrée le monde, on échange des milliers d'idées concernant les structures sociales et ce qu'elles devraient être, oui, mais pas de politique proprement dite. Trop de gens sont endoctrinés par une sorte de patriotisme aveugle les poussant à ressentir comme un affront personnel et un tort irréparable la moindre divergence d'opinion sur leurs convictions. (Mais c'est le bon sens même ! Les [???] sont tous idiots de penser autrement !)

 

D'ailleurs, à propos de J.C., on peut lui écrire (en fait, écrire au premier ministre ou à son bureau) à l'adresse pm@pm.gc.ca (« pm » pour « Premier Ministre » ou « Prime Minister »). Et les lettres adressées aux ministres ou aux députés n'ont pas besoin d’être affranchies (au Canada). Les citoyens ont le droit de communiquer gratuitement avec leurs représentants. J'ai déjà écrit plusieurs fois à J.C. pour lui parler de Kyoto, du Panchen Lama (le plus jeune prisonnier politique au monde, un garçon tibétain emprisonné par la Chine depuis 1995, alors qu'il avait 6 ans, car il avait été reconnu comme étant la réincarnation d'un lama tibétain important. Infos : http://www.tibet.com/PL ou http://www.web.amnesty.org/ai.nsf/index/ASA170071996) et de quelques autres trucs. Je vous encourage d'ailleurs à faire de même (si toutefois vous avez quelque chose à dire). Beaucoup de gens pensent que cela ne changera rien de toute façon mais moi je crois seulement que si l'on ne fait rien c'est certain que cela ne changera rien. Bon, peu importe.

 

J'ai donc un nouveau cahier, un cahier d'exercices, ligné bleu et rouge pour permettre de savoir jusqu’à quelle hauteur envoyer les "l", "t", "h", "d", "f", "b" et "k" et jusqu'ou descendre les "p", "y", "q", "g", "f", "z" en lettres attachées et les "j". Comme en première année. Mais je trouve le moyen d’écrire tout croche quand même.

 

J'ai réparé mes premiers ordinateurs en Inde il y a quelques jours, ceux de Tushita. Un problème d'"anti-Norton", comme Anet m'avait dit. Quelques heures, quelques gros mots dans ma tête, une taloche sur le front et c’était réglé du mieux que je le pouvais. Je n'ai pas apporté en voyage mes outils habituels (j'aurais peut-être du les graver sur un mini-CD, comment ai-je pu penser que je ne réparerais pas d'ordinateurs durant un an ?) alors c’était plus compliqué que ça aurait dû l’être, un peu comme changer une roue de voiture à l'aide d'un canif suisse.

 

J'ai relu Tintin au Tibet, pris dans la librairie de livres bouddhistes. C’était mon premier Tintin en anglais. Milou s'appelle Snowy et Tournesol est devenu Calculus. Capitaine Haddock a remplacé ses "mille millions de mille sabords" et sa panoplie de mots amusants par "billions of bilious blue blistering barnacles", "thundering typhoon" et d'autres trucs du genre. Il dit toujours "bashi-bazouks", heureusement !

 

 

 

En me levant l'autre matin, j'ai retrouvé sous mon sac de couchage le cordon rouge que j'avais au cou, celui que le Karmapa m'avait donné et qui est sensé protéger celui qui le porte. Je me souviens avoir mal dormi cette nuit, me retournant souvent mais sans pouvoir déterminer la source de mon inconfort. Après avoir réfléchi un moment, j'ai décidé de me le remettre au cou, de la même façon qu'auparavant. Je crois qu'il va maintenant rester en place, du moins pour un certain temps. [Ndf : Le soir même, quelques heures après avoir écrit ceci, le cordon est de nouveau sorti de mon cou. Comme quoi je suis loin d'avoir tout compris.]

 

Je suis de retour à Tushita, après trois nuits à McLeod Ganj. Ici, pas de voitures bruyantes et polluantes, moins de gens, moins de distractions, des repas équilibrés servis à heures fixes, plus de calme, de tranquillité, d'arbres et de couchers de soleils. C'est ce dont j'ai besoin pour ce que je souhaite faire, principalement lire, penser et méditer

 

 

 

 

Tushita IX

02.11.27

 

J'ai de plus en plus l'impression que la pertinence ou la consistance de mes réflexions écrites laisse à désirer. En voulant éviter la lourdeur des textes trop philosophiques ou académiques, je crains d'avoir trop donné dans la légèreté et la futilité.

 

J'oscille d'un extrême à l'autre, sans trouver le juste milieu.

 

Il faudrait que je m'enlève de la tête l'idée saugrenue que je ne mourrai pas, que cela est le destin des autres mais que cela ne m'arrivera pas, à moi. Je sais, intellectuellement, que je ne suis pas différent des autres, mais ce que je crois ressentir n'est pas cela et j'ai, dans un quelconque recoin de ma tête, la conviction étrange qu'il me serait possible de transcender la mort, sous une quelconque forme, et de ne pas m'annihiler comme tous les défunts semblent le faire.

 

Mes idées et conceptions sont peut-être totalement fausses, mais elles ne sont pas encore vraiment complètes et précises car je n'ai pas de ferme définition ou de représentation de concepts primordiaux comme la vie, l'existence (ou la non-existence), la conscience, la mort, et, surtout, "moi-même" ainsi "les autres", individuellement ou globalement. Donc il n'est pas aisé de juger de la validité de concepts et théories à ce point embryonnaires, et encore plus ardu d'élaborer et de développer avec ces fondations incertaines.

 

C'est un problème qui m'est récurrent : Comment savoir comment agir si l'on ignore les règles de base, fondamentales ? Il m'est depuis longtemps évident qu'il me faut trouver ces règles, connaître cette "réalité". C'est une quête titanesque, exaltante d'une part puisque, tel Colomb ou Magellan, je vise à explorer des contrées qui me sont inconnues, mais également insécurisante, perdu dans l'immense masse d'information et de "connaissances" dont la très grande majeure partie est incomplète, divergente ou simplement erronée. Contrairement à Descartes, et au risque de paraître hérétique, je ne crois pas ni ne prend pour acquis que Dieu existe et je ne suis pas d'accord pour dire que je suis puisque je pense (cette dernière proposition généralement acceptée par tous n'est, pour moi, qu'une affirmation dogmatique, qu'une hypothèse de départ à laquelle je ne parviens pas à trouver un raisonnement qui exclurait de manière certaine toutes les autres représentations réalitaires possibles).

 

Je flotte dans un grand vide d'incertitude, en essayant d'assembler tous les morceaux du bon casse-tête en pigeant parmi les pièces éparses d'un grand nombre de casse-têtes incomplets. Existe-t-il au moins un casse-tête complet, entièrement cohérent ?

 

Je suppose que oui, puisque tant qu'il n'aura pas été prouvé, par une quelconque façon détournée, qu'une représentation réalitaire complète et totalement cohérente (RRCTC, disons) est absolument impossible (ce dont je doute qu'il soit possible de prouver), nous ne pouvons conclure par la négative (soit l'absence d'existence d'une RRCTC) en se basant sur le fait qu'aucune RRCTC n'ait été trouvée jusqu’à présent (en se rappelant bien que je suis l'observateur et que je n'ai pas encore trouvé la RRCTC que d'autres ont peut-être trouvé), alors la seule conclusion qui puisse éventuellement être prouvable est la conclusion positive (soit l'existence d'une RRCTC). De la même façon, on ne peut pas prouver que le Yéti, par exemple, n'existe pas uniquement parce qu'on ne l'a jamais vu et, s'il n'existe pas de moyen détourné de prouver son inexistence, j'aurais tendance à croire en son existence ou du moins à laisser ouverte la possibilité de son existence.

 

Bon, bonne nuit.

 

 

 

 

Tushita X

02.11.28

 

À la lueur d'une chandelle, après un autre magnifique coucher de Soleil et un bon repas, j’écris.

 

Il y avait une sorte de réception en l'honneur de gens de l'entourage de Tushita, ce midi, et le repas fut un véritable festin. Il y avait même de la viande, pour une raison que je ne comprends pas trop. Mais puisqu'elle n'avait pas été préparée spécifiquement pour moi, j'en ai pris. Un détail, dans ce coin-ci du monde, les os, les cartilages et le gras font partie de ce qu'ils nomment viande. Au restaurant, il faut payer plus cher si on ne veut pas d'os...

 

J'ai goûté aujourd'hui à mon premier Windoze en allemand, avec un clavier Qwerty. C’était assez amusant.

 

Je lis actuellement Le livre tibétain de la vie et de la mort, de Sogyal Rinpoché, un autre livre que je possédais au Québec mais que je n'ai jamais osé débuter, remettant toujours à plus tard. Puisque ma bibliothèque était construite en briques, je peux affirmer avec expertise que ce livre est une brique, ou du moins il en a le volume, à défaut des proportions exactes. J'ignore vraiment pourquoi j'ai acheté ce livre, à une époque où 20 $, le coût du livre usagé, représentait beaucoup pour moi. Je ne me souviens pas qu'on m'en ait spécifiquement parlé auparavant, ni d'en avoir lu des références, mais je l'ai pris presqu'instinctivement en le voyant, sachant que je venais de trouver un livre d'une grande valeur. Je m'en souviens encore, j’étais près du métro Mont-Royal, avec Antoine et Julie-Caroline, il y a plusieurs années. J'aurais effectivement du lire ce livre il y a bien longtemps, mais, en même temps, je ne le regrette pas puisque je suis en train de le lire actuellement. Et je me trouve bien heureux d'en posséder un exemplaire me permettant de le prêter ou de le relire plus tard. Il y a une grande quantité d'information contenue dans ce livre.

 

Considérant que la cause de mortalité de 50% des gens de ma génération en Amérique du Nord (soit 1 personne sur 2, ou la moitié des gens) sera un cancer quelconque (je n'ai malheureusement pas la source de cette information, mais je la considère, de par mes lectures et observations, comme étant crédible) et sachant que le cancer (sous toutes ses formes) est actuellement une des principales causes de mortalité, j'ai trouvé intéressant ces mots de Sogyal Rinpoché : "Les bouddhistes tibétains considèrent que des maladies comme le cancer peuvent constituer un avertissement, leur rôle étant de nous rappeler que nous avons néglige certaines dimensions profondes de notre être, comme celle de la vie spirituelle. Si nous prenons cet avertissement au sérieux et modifions radicalement la direction de notre vie, un espoir très réel de guérison, non seulement de notre corps mais de notre être tout entier, s'offre alors à nous." (Sogyal Rinpoché, Le livre tibétain de la vie et de la mort, Éditions de la table ronde, Paris, 1993, p.58). Combinant cette première considération avec le fait, indiscutable, que les valeurs morales et ce qu'on peut nommer la spiritualité sont considérablement en déclin dans notre société depuis les dernières générations, cela devrait nous donner un peu à réfléchir, entre autres sur notre mode de vie et sur le but (ou son actuelle absence ?) donné à notre existence.

 

Laissons de côté la société entière et son fonctionnement pour nous concentrer et réfléchir sur nous-mêmes et sur notre comportement. Nous ne pouvons pas changer les autres, nous ne pouvons le faire que pour nous-mêmes.

 

 

 

 

Je n'ai avec moi qu'un sac de couchage, quelques vêtements, plusieurs livres, une chandelle qui se consume et un paquet de trucs relativement utiles, vestiges de mon habitude d'avoir avec moi tout ce qui pourrait servir, le tout pouvant être porté sur mon dos, dans mon sac trop lourd, et je crois bien me sentir plus heureux que lorsque je demeurais seul dans mon apartement (un 5 ½) rempli à craquer, avec une voiture de année, plusieurs ordinateurs récents, 14 cartes de crédit (sans aucun solde impayé) et tous les bien matériels que je pouvais désirer. Tout cela n’était pas réellement satisfaisant, c’était plutôt vide, plutôt insignifiant.

 

De mon ancienne vie, il n'y a que mes oiseaux qui me manquent vraiment. Je les ai donnés pour me libérer de mes attachements. Je suppose qu'il faut l'avoir vécu pour pouvoir comprendre ce qu'on ressent lorsqu'un petit être vivant indépendant de notre volonté, si fragile et délicat, vous accorde sa confiance, malgré votre taille et votre masse gigantesque, en venant vous voir, vous uniquement, pour vous donner son affection sincère. Je pense souvent à Vertèbre, la perruche qui a vécu 12 ans avec moi, à la femelle, à qui je n'avais pas donné de nom, et à Hectare, la petite moineau domestique qui venait se coucher sur moi pour y dormir, lorsque je lisais le soir dans mon salon, ou qui venait me réveiller le matin en me mordant les oreilles parce qu'elle voulait manger ou avoir ma compagnie, tout simplement. Quand elle était toute jeune, avant de savoir voler, nous étions allés à Manic 5, elle, Ariane, Woody et moi, et, au matin, après avoir dormi avec nous sous la tente, elle a grimpé sur moi, qui dormait encore, et est venue se blottir sur ma joue pour s'y endormir.

Depuis l'été dernier, Hectare vole librement (du moins, je l’espère) dans le coin de St-Gervais-de-Bellechasse, près de Québec En ouvrant la porte de la cage dans laquelle elle avait été, pour la première fois depuis le temps ou elle était oisillon, enfermée pour le voyage en voiture jusqu’à chez Ariane, à St-Gervais, Hectare s'est précipité en-dehors, sautant sur mon genou et grimpant jusqu’à mon épaule. Nous étions à l’extérieur, elle était libre, mais elle a choisi de venir sur moi en premier. C’était le plus beau cadeau qu'elle puisse me faire. Puis, après quelques minutes, elle est partie à voler fougueusement, découvrant le vent et les grands espaces, en faisant des acrobaties aériennes toutes nouvelles, à grande vitesse, pour aller se percher dans un arbre pour la première fois, un peu maladroitement. J'ai marché sous l'arbre, guidé par ses cris de découverte et de nouveauté. Elle a plongé pour revenir sur mon épaule, me dire adieu, elle que j'ai tant aimée. Après quelques pas, elle s'est envolée au loin, seule et libre, me laissant avec mes larmes et mes souvenirs.

 

 

 

 

Tushita XI

02.11.30

 

Le beau-frère de Confucius aurait un jour déclaré quelque chose du genre :

"L'homme, parfois, ne s'aphise point du grand déploiement pranique de ses vertus fomables. Aussi bien doit-il libarder cartagneusement l'espoir être incontestablement veni de ses indus défauts prates, au nafir de sa lice mante."

 

Mais moi, je n'y accorde pas trop d'importance.

 

 

 

Vu dans mon petit agenda de poche Quo-Vadis : "25 décembre : Noël. 26 décembre : Lendemain de Noël". Cela m'a fait rire pendant de nombreuses minutes et cela continue encore lorsque j'y repense...

 

 

 

Parlant de rire, il n'y a rien de mieux, et je l'expérimente parfois pour m'en convaincre à nouveau, que de partir à rire bruyamment pour absolument rien, puis de continuer à rire, puis de rire parce qu'on rie tout seul (ou à 2 ou 3), pour continuer à rire parce qu'on continue à rire pour rien, puis de rire encore, comme des fous, puis de rire parce que ça ne se fait pas de rire pour rien et que c'est incroyablement drôle, puis le rire s'apaise un peu quelques secondes, le temps qu'on pense qu'on vient de rire pour rien, puis de repartir à rire, encore et encore, et rire parfois de plus en plus parce que ça fait une bonne durée de temps que l'on rie pour rien et que l'on continue, sous les regards d'incompréhension généralement étonnée de l'entourage, ce qui alimente encore plus le rire... J'en ai parfois les larmes aux yeux et des crampes à des muscles bizarres. Cela fait du bien de rire, et c'est bon pour la santé.

 

 

 

 

Tushita XII

02.12.02

 

Pas grand chose à dire ces temps-ci. Je me lève avant le Soleil (ce qui est de moins en moins difficile puisqu'il devient paresseux), médite, déjeune, lis, dîne, lis, soupe, lis, médite et me couche pas trop tard. Les séances de lecture sont parfois remplacées par des marches, des réflexions, des descentes à McLeod Ganj perdre mon temps dans le vide Internel ou la vie mondaine, ou de petites siestes inutiles lorsque je suis paresseux (surtout après avoir mangé plus que je n'en avais réellement besoin).

 

Je me suis trouvé insatisfait, disons, aujourd'hui après avoir passé 9 heures devant un ordinateur, à passer au travers de ma liste de choses à faire via Inet. Il y a que cela me dérange un peu de payer pour ce que je considère comme un droit acquis et universel, l'accès Internet, mais il y a surtout que je viens de me faire voler un autre 9 heures de ma vie par un écran à tube cathodique. Lorsque je me suis rendu compte que j’étais insatisfait, j'en ai cherché la cause et j'ai trouvé que c’était principalement dû à l'arrière-goût de gaspillage que j'avais. J'ai pris ma liste rayée et j'ai relu ce que j'avais fait aujourd'hui. Rien de vraiment essentiel, exception faite de 2 courriels envoyés, assez semblables, qui m'ont pris plusieurs heures à rédiger. Non, en y repensant je n'ai pas perdu mon temps ni gaspillé mes roupies.

 

 

 

 

Il y a quelques jours, le 29, c’était l'anniversaire de la mort de Lama Tsong Khapa (les Tibétains ne fêtent jamais l'anniversaire de naissance, mais celui de la mort, car c'est à cette occasion que la personne s'est finalement libérée de toutes les souffrances, ce qui en fait un événement beaucoup plus important que celui de la naissance). C'est Lama Tsong Khapa qui a reformé le bouddhisme tibétain au XVe siècle et fondé la tradition Gelug (celle du Dalaï-Lama), et une offrande de lumière était organisée. Au coucher du Soleil, nous avons placé plus de 1200 chandelles partout dans Tushita (à l’extérieur) et nous les avons ensuite allumées, une par une. Nous n'étions qu'une douzaine pour ce faire. C’était très beau, c’était presque exaltant, mais d'une façon douce, tranquille et puissante. Où que le regard puisse porter, il se trouvait des petites flammes pour trembloter dans l'air du soir. Le lendemain, au lever du Soleil, quelques chandelles brûlaient encore. Et le soir suivant, à mon grand étonnement, se trouvait une lampe à beurre éclairant encore.

 

Le matin d'après, il y avait, évidemment, 1200 coulées de cire, partout dans Tushita. Nous n'étions que 3 cette fois-ci pour les gratter et les ramasser. (La cire non brûlée, en quantité volumineuse, fut donnée à un monastère qui la réutilise.)

 

 

 

 

Un autre extrait du Livre tibétain de la vie et de la mort :

(Ce sont des paroles de Shantideva, quelqu'un de bien important mais dont je n'en connais pas vraiment plus sur lui)

 

"Est-il besoin d'en dire plus ?

Les naïfs oeuvrent à leur propre bien,

Les bouddhas oeuvrent au bien d'autrui :

Voyez ce qui les sépare.

 

(Sogyal Rinpoché, Le livre tibétain de la vie et de la mort, p.254)

 

Si le mot "bouddhas" ne représente rien pour vous, remplacez-le par le mot "saints" et cela revient au même.

 

(Si vous aviez le choix, que voudriez-vous être, un naïf ou un saint ?)

 

 

 

 

Tushita XIII

02.12.03

 

Je crois avoir vu les premiers flocons de neige de l'hiver d'ici. Des petits grains blancs minuscules, à peine visibles, comme de la poussière dans l'air. Je croyais justement que c’était de la poussière Il faisait froid, oui, mais je survivais quand même en sandales (avec des bas) avec un polar par-dessus mon chandail à manches courtes. Ensuite, j'ai vu les traces de petites gouttes d'eau sur une roche à mes pieds. C’était donc des flocons.

 

Après dîner, un vautour est apparu dans le décor et s'est promené, à terre, une vingtaine de minutes, avant de disparaître, chassé par les chiens. Il ne volait pas : il marchait et sautait. Il était massif et volumineux, tel 2 ou 3 oreillers empilés, avec un long cou blanc flexible et un bec au bout recourbé qui semblait assez solide. C'est le genre d'oiseau qui peut vraiment être "nourri à la main" et qui en mangerait plusieurs par repas si on lui en donnait l'occasion. Il avait l'air bien sympathique et était assez curieux. Assez pour passer dans le couloir devant ma porte de dortoir (ou de chambre, puisque j'ai le dortoir à moi seul). Je lui ai laissé du pain, des biscuits et un morceau de dessert au chocolat, mais je pense que ce sont les espèces de corbeaux bleus ou noirs qui ont tout mangé.

 

Au matin, il y avait quelques poneys apportant du gravier, puis, en buvant mon masala chaï, 2 vaches cornues sont passées devant moi, chassées par Jamyan, un employé de Tushita. Tout, avec les lianes et vignes grimpant aux résineux, les arbres noueux et tortueux presque dénudés de branches et, évidemment, les quelques centaines de singes en 3 différents modèles de toutes les tailles habitant les environs, tout, donc, pour me rappeler que je ne suis pas au Québec, même si cela lui ressemble, en apparence.

 

3.1415926535897932384626433832795028841971 et puis j'ai oublié tout le reste, sauf quelques brides, comme 06286208998628 et 170679 de la 95e a la 100e décimale.

 

 

 

 

Tashi Jong I

02.12.05

 

En marchant à côté d'un paquet de chiots tout gentils, je suis arrivé au pied d'un arbre dénudé de feuilles mais garni d'une bonne dizaine de grandes perruches vertes. Elles étaient la, tout simplement, bien en liberté, sans se préoccuper le moindrement de moi.

 

J'ai passé la nuit ici, à Tashi Jong, au monastère Khampagarh, avec Gerlinde (d'Autriche), Robyn (d'Australie) et Adelheid (d'Allemagne). Ce monastère est celui où réside Ani Tenzin Palmo, une personne extraordinaire, que j'ai eu la grande chance de rencontrer. C'est une des premières Occidentales à devenir moniale (ou nonne) ici, dans les années 60 ou 70. En ce temps, l'ordination, en Inde, pour une femme occidentale était chose impossible, ou presque. Elle a par la suite passé 12 ans, seule, dans une grotte, à méditer La rencontre d'une personne comme celle-ci, même pour quelques minutes, laisse un sentiment de chaleur au niveau du coeur, une petite lueur dans les yeux et un sourire sincère. Le Dalaï-Lama aurait dit qu'il croit qu'elle serait parvenue à générer ce que le bouddhisme nomme comme étant le Boddhicitta, soit un peu l'esprit du Bouddha, le voeu sincère et continuellement présent à l'esprit de se consacrer entièrement aux autres et le voeu d'atteindre l'éveil, ou la libération, dans le but ultime d'aider les autres de la meilleure façon possible. (Cette définition n'est probablement pas totalement exacte, mais c'est ce que j'en comprends actuellement.)

 

Ani Tenzin Palmo est en train de fonder ici une nonnerie pour occidentales. Un livre, que beaucoup de gens m'ont recommandé et que j'ai la ferme intention de lire éventuellement, sur sa vie fut écrit, A cave in the snow dans sa version originale, de Vicki Mackenzie, ou Un ermitage dans la neige (Editions NIL, Paris, 2000) en français.

 

J’étais assez fébrile de voir en personne quelqu'un d'aussi réalisé et je crois que j'ai dû ressembler à un adolescent qui rencontre l'idole de sa vie et qui ne parvient qu'à balbutier des paroles sans grande importance. J'aurais pu avoir un rendez-vous d'une heure avec elle, pour lui parler et lui poser des questions, mais je n'avais rien d'important à dire, aucune question qui ne soit réellement fondée. Que dire à une personne comme elle ? De la même façon, j'aimerais bien rencontrer le Dalaï-Lama, pour voir et ressentir par moi-même sa présence, mais je ne saurais absolument pas quoi lui dire de pertinent.

 

 

 

 

Tushita XIV & Tashi Jong II

02.12.06

 

J'ai recyclé un crayon SPUN décédé en encensoir. La fumée qui élève en diagonale sur le côté me fait prendre conscience que la pièce n'est vraiment pas bien isolée. Mais ce n'est pas grave puisque, de toute façon, il n'y a pas de chauffage ! On vient de me le faire remarquer. Il n'y a pas de chauffage dans presque tous les bâtiments de ce pays. Quand il fait froid, c'est pareil en-dedans et dehors. Un des avantages, c'est qu'on a pas besoin de s'habiller pour sortir. La distance ou la différence entre "dedans" et "dehors" est bien moins grande ici que dans les pays occidentaux.

 

Mais moi cela ne me dérange pas trop. Je viens du Québec, j'ai un bon sac de couchage, des vêtements de plein-air de bonne qualité et je suis toujours en mode "survie", comme lorsque je suis en camping ou dans la nature. En fait, j'ai l'impression que mon mode normal, ou standard, est ce mode et non pas le mode "casanier citadin" où je suis coupé du monde, vivant dans un climat artificiel, dans une cite d'illuminés, sans contact avec la nature, l'air pur, la faune, la flore, le Soleil, les étoiles.

 

Lorsque je demeurais à Longueuil, je n'avais, à partir de mon appartement, qu'à endurer 5 minutes d'expositions aux éléments du monde extérieur, le temps de me rendre à l'arrêt d'autobus, à 50 m de ma porte, pour ensuite être rendu dans mes cours à l'université, après être passé par la station d'autobus chauffée (ou climatisée) et le métro qui donne directement dans les couloirs de l’université. Et je connais plusieurs personnes qui auraient pu se rendre à leurs cours en pyjama sans être importunées.

 

Beaucoup de gens ne font que chialer quand il neige, pleut ou vente un peu trop. Il y a quelque chose qu'ils n'ont pas compris, je crois, à moins que ce ne soit moi qui ne soit totalement dans le champ.

 

 

 

Hier, Gerlinde, Robyn, Adelheid et moi sommes allés marcher dans les collines en arrière du monastère où nous étions. Quelques jeunes moines me regardaient et me souriaient en me voyant seul homme en compagnie de trois femmes. Nous avons décidé de grimper au sommet d'une colline où il semblait y avoir quelque chose. Nous avons donc passé plusieurs heures à zigzaguer parmi les massifs d'épineux, rebroussant chemin plus souvent que nous ne progressions dans la bonne direction, parfois même à quatre pattes, empruntant les tunnels sous les épineux fréquentés par les chèvres qui, elles, n'avaient pas de difficultés à aller là où elles le voulaient. Rendu en haut, à part une belle vue et une grand nombre de drapeaux de prière tibétains, il n'y avait qu'un joli petit sentier se rendant à la colline suivante (ou un grand et très bel arbre émergeait d'un socle de béton) pour redescendre ensuite gentiment juste à côté de notre point de départ.

 

Nous sommes ensuite allés au temple du monastère, sur cette même colline, où nous attendait un jardin rempli d'arbres et d'arbustes en fleurs de vives couleurs jaunes, rose et rouges. Ce jardin resplendissait de vie et d'intensité, au milieu de l'Inde automnale pâlie et jaunie par le Soleil, la poussière et la pollution. Nous sommes montés en haut du temple, dans la salle principale et, spontanément, sans se dire un mot, nous nous sommes assis à l'intérieur et avons médité un temps.

 

Le paysage au loin était, comme toujours, perdu dans la brume permanente et des nuages plus denses se trouvaient à la base de la première rangée de montagnes visible, si bien qu'on aurait dit que ces montagnes, irréelles, flottaient dans l'air sans s'appuyer nulle part. La claire lumière blanche du Soleil se reflétait sur les dalles polies de la terrasse sur laquelle nous nous trouvions. En ne voyant que les montagnes flotter au loin, les nuages blancs et la lumière blanche se refléter partout autour de nous et à nos pieds, j'avais le sentiment d’être dans un palais miraculeux d'une contrée lointaine, à une époque différente de celle à laquelle je vis habituellement.

 

(J'aurais du faire faire les crayons SPUN en métal ou en bois, comme cela ils n'auraient pas fondu lorsque le bâton d'encens arrive à sa fin...)

 

Puisque les autobus étaient en grève et que je ne pouvais rentrer à McLeod Ganj au moment prévu, j'ai appelé à Tushita pour prévenir de mon absence et pour saluer Anet qui partait le lendemain pour un long et merveilleux voyage aider son maître, Lama Zopa Rinpoché, lors de sa tournée prochaine en Europe. Je n'ai eu que de brefs contacts avec Anet au cours de ces dernières semaines, mais j'ai eu le temps de développer un grand respect et une grande reconnaissance pour cette personne. Ses yeux expriment une grande tendresse, une compassion, et son dévouement est complètement sincère Je placerais toute ma confiance en elle sans hésitation. Après lui avoir transmis, par téléphone, mes meilleurs souhaits pour son voyage et reçu les siens pour le mien, en marchant tranquillement sur la petite route pour regagner notre guest house, je ressentais une chaleur au coeur et une sorte de joie ou de bonheur intérieur. Bon voyage Anet, mes meilleurs souhaits t'accompagnent.

 

Il y a des gens qui, comme cela, ont quelque chose de spécial et rayonnent sur leur environnement d'une manière clairement positive. Il se trouve, par ici, une concentration de ces gens beaucoup plus grande que ce que je n'ai remarqué ailleurs. Beaucoup de ces gens sont moines ou nonnes, également.

 

 

 

 

Tushita XV

02.12.07

 

Le film Baraka (de Mark Magidson et Ron Fricke) est projeté au moins à toutes les semaines à McLeod Ganj. Nous, habitants de l’Amérique du nord, sommes choyés car la diffusion de ce film s'y est bien faite. Presque tous les Québécois, Canadiens et États-uniens (aka Américains) que j'ai rencontrés avaient vu ce film et, malheureusement pour eux, seulement une très faible proportion d'Européens. À ceux qui n'ont pas vu ce film, je ne peux que le recommander vivement, en insistant, même. Je considère encore ce film comme étant le meilleur parmi ceux que je connaisse, en ce sens où c'est celui qui mérite le plus d’être vu, ou c'est celui qu'il est le plus profitable de regarder. C'est d'ailleurs le seul film que j'aie personnellement acheté (en DVD). Demeurant a proximité du CEGEP, j’étais un des plus fidèles usagers de l'audio-vidéothèque, où l'on pouvait emprunter, gratuitement, deux films par jour parmi leur sélection de plusieurs milliers de titres, à grande majorité de cinéma de répertoire (l'audio-vidéothèque fut créée par un professeur de cinéma et ce ne fut évidemment pas pour collectionner les films d'explosion hollywoodiens, j'en suis bien heureux), et, bien que j'aie eu l'occasion de visionner d'excellents films et de magnifiques classiques, je ne peux me souvenir d'aucun titre ayant, à mes yeux, la valeur de Baraka.

 

[Ndf: J'ai visionné ce film hier (en VHS), dans une des salles de cinéma bricolées à McLeod Ganj. Je me suis trouvé un peu déçu puisque la cassette vidéo était usée (ce qui est un comportement normal des rubans analogiques, surtout après avoir défilé à toutes les semaines durant plusieurs années) ce qui fait en sorte que les images étaient loin d’être aussi intéressantes, nettes et saisissantes que ce qu'elles auraient pu être (sur DVD, notamment). Autre sujet : À mes côtés, se trouvent deux personnes assises devant leur ordinateur et plongées dans la lecture d'un livre, une main pas trop loin de la souris. Ceci est très représentatif de la vitesse et de la fiabilité des accès Internet de l'Inde....]

 

 

 

À Zazou qui, à ce qu'on m'a dit, était désolée de ne pas avoir été présente à mon party d'adieu : ce n'est pas grave, il y en aura d'autres ! (Dom a déjà commencé à me parler de mon party de retour...) On aura l'occasion de se revoir un jour plus ou moins lointain. J'espère que la comédie-musicale, le théâtre, le chant et les autres trucs se déroulent bien pour toi... Et, concernant les raisons et motivations de mon voyage, on peut les retrouver presqu'en totalité dans le film Baraka, justement.

 

 

 

Je me suis souvent demande comment les gens (ou l'humanité) faisaient pour vivre avant la "découverte" d'éléments-clés dans l'histoire de humanité, tels que la roue et la maîtrise du feu. Il est incontestable que la domestication du feu a complètement révolutionné le mode de vie des "humains" et, à mes yeux, leur mode de vie antérieur à cette étape devait être barbare et pénible. Mais comment faisaient-ils pour ne pas connaître la roue, il me semble que c'est tellement évident ! Un déclic s'est lentement produit en moi, et, en voyant l'ignorance crasse autour de moi, je peux maintenant comprendre qu'une vie dans l'ignorance de telle évidences ait déjà existée, de la même façon que notre mode de vie est actuellement rustre et attardé, en perspective des prochaines étapes évolutives importantes.

 

J'ai la conviction de connaître ce que sera la prochaine grande "découverte", la prochaine étape majeure de l’évolution de l’humanité (et non, ce n'est pas Internet !). Après un élément-clé ou une étape majeure dans une évolution, les modes et rites existants avant ce point tournant sont devenus caducs et complètement modifiés. C'est effectivement ce qui va se produire. (Comparer la vie avant et après le feu, pour se faire une idée.) Ensuite, on dira de nous, avec la même condescendance qu'on regarde actuellement les peuples primitifs, que nous devions être demeurés de ne pas avoir su cela, de ne pas en être conscient.

 

Le cercle et la roue ont toujours été là. Il ne faut que s'ouvrir les yeux pour le remarquer, enfin !

 

Je ne vivrai pas selon des coutumes et des schémas de pensées attardées, de la même façon que je ne vivrais pas analphabète alors que je sais l’écriture possible, très utile et puissante.

 

Copernic a été exécuté par les bien-pensants qui savaient déjà tout (plate, la terre, hein ?), réveillez-vous ! L’évolution n'est pas terminée, on est en plein dedans !

 

 

 

 

Tushita XVI

02.12.08

 

Saeed, le Torontois en compagnie duquel j'ai traversé les cours à Tushita et celui de Vipassana, m'a invité au mariage de son cousin, à la fin décembre. Les mariages indiens sont supposes être de grands événements dont les festivités durent plusieurs jours et je suis très heureux de la possibilité qui m'est offerte d'y participer. Je commençais à planifier d'aller suivre un cours à Bodhgaya et de faire une petite retraite pour le nouvel an, avant l'initiation Kalachakra en janvier prochain (un événement considérable pour les bouddhistes, dirigé par le Dalaï-Lama et où 300 000 personnes sont attendues, mais j'aurai l'occasion d'en reparler plus en détail), mais je crois que je vais opter pour l'option culturelle, soit le mariage indien.

 

Je suis retourné voir le Karmapa aujourd'hui. J'ai lu un livre sur l'histoire des Karmapas, leurs réalisations et la situation du Karmapa actuel, alors je voulais le revoir en ayant une meilleure connaissance. J'y suis allé avec Maryse et Ianis, 2 Québécois rencontrés il y a 2 semaines sur la route de Triund alors qu'ils partaient pour un trek de 9 jours, ainsi que Vivian et Paul(?), 2 Américains. Le Karmapa semblait en forme. J'ai maintenant un deuxième cordon rouge au cou. (À propos du premier, il n'est pas ressorti depuis la dernière fois.) Au retour, l'autobus n'est pas tombé en panne et nous a laissés à Dharamsala, en bas. Les 4 autres ont pris une jeep collective jusqu’à McLeod, pour 6 RS, tandis que moi j'ai préfèré monter à pied (4 km plus loin et 500 m plus haut). J'ai donné mon change en roupies à des mendiants sur le chemin. Nous nous sommes tous rendus en haut, avec au moins 6 RS en moins, mais j'ai réussi, en plus, à me garder en forme, à me fortifier et à rendre quelques mendiants heureux.

 

La différence de température entre Dharamsala et McLeod Ganj est flagrante. Elle est également notable entre McLeod et Tushita. Il fera frette à Triund demain.

 

 

 

 

Je sortais du gompa où je vais chaque soir quelques dizaines de minutes avant de me coucher et je regardais les étoiles entre les arbres, près du toit de la maison sur laquelle je vais souvent. La maison ayant ses fondations plus bas sur le flanc de la crête, le toit arrive à la hauteur du petit jardin dans lequel j’étais. Fait intéressant, ici les bâtiments sont souvent bâtis en fonction des arbres environnants, comme les balcons de mon ancien hôtel, le Loling Guest House, qui n'avaient pas tous la même dimension puisqu'il y a un arbre qui est dans le chemin et occupe leur espace. Cette maison, donc, du haut de laquelle je regarde souvent la ville en bas et les étoiles en haut, est bâtie complètement autour d'un grand arbre, en ne laissant qu'une fente de la largeur du tronc, partant de l'arbre et allant jusqu’au côté de la maison le plus proche.

 

Je demeure à Tushita depuis plusieurs semaines, je vais sur ce toit presqu'à tous les jours, en me penchant parfois pour éviter des branches basses cet l'arbre, et c'est la première fois que je remarque qu'il y a un arbre en plein milieu du toit...

 

 

 

 

Triund I

02.12.09

 

J'ai décidé d'aller dormir une nuit à Triund (3000 m) pour voir le coucher du Soleil, les étoiles et le lever du Soleil, sans arbres, bruit ni interférence.

 

J'ai acheté une toile bleue (en plastique, du même type qu'on retrouve chez nous) qui me servira de tente et Maëlle, une Française, la dernière résidente de Tushita avec moi, m'a prêté un petit sac de couchage qui me servira de tapis de sol, en compagnie de ma couverture de laine tibétaine Je dormirai bien habillé, et je devrais m'en sortir. Au pis aller, je ne dormirai pas du tout et passerai la nuit à me les geler.

 

En montant, vers 10h30, j'ai rencontré un bassin d'eau encore gelé, malgré qu'il soit au gros Soleil. Cela me donne une idée de ce qui m'attend cette nuit.

 

Le Soleil de l'après-midi réchauffe encore, mais il s'en va, et cela se sent.

 

Je suis complètement épuisé. Mon sac est tellement trop lourd. Il sera un peu moins lourd demain, après avoir bu et mangé de son poids. Le beurre d'arachides est, évidemment, une partie importante de mes repas de la journées et de demain.

 

L'épais brouillard permanent qui est présent partout où je suis allé en Inde (excepté de l'autre côté des premières montagnes himalayennes) est en fait le « nuage de pollution asiatique » dont on commence à parler (il d’ailleurs scientifiquement connu depuis au moins 1995). Je n'avais pas fait le lien jusqu’à présent. C'est terrible, ce nuage. Par une journées sans nuages dans le ciel, les repères à plus de quelques kilomètres sont flous et le reste se perd dans la brume. Du haut du mont St-Hilaire, on peut normalement voir clairement Montréal, mais avec ce nuage c'est à peine si on pourrait distinguer les contours du mont St-Bruno. C'est vraiment horrible. Horrible qu'une telle pollution existe et horrible car elle est là et ne disparaîtra pas demain au lever du matin. Ce nuage, d'environ 3 km d'épaisseur, est grand comme le Canada et s'étend du bout de la Chine jusqu’au Pakistan et à l'Afghanistan, couvrant l'Asie du sud-est et l'Inde entière. Il va malheureusement nous affecter pendant longtemps. Et Amérique n'est aucunement a l'abri de ses répercussions. La pollution n'a pas de frontières (parlez-en aux Européens, en leur rappelant Tchernobyl). Le smog présent à Montréal depuis les dernières années provient majoritairement des grands centres industriels de la côte est, du Midwest américain et de la région des Grands Lacs, si je ne me trompe pas. En tout cas, cela ne vient pas de chez nous.

 

On n'a qu'à chercher « nuage de pollution » sur Google si l'on veut plus de renseignements. Il y en a à la tonne.

 

Non, le monde n'est pas encore aussi beau que les publicités de Ford, Coke, Microsoft et leurs copains veulent bien nous le faire croire. Pas leur monde, en tout cas.

 

 

 

 

Triund II & Tushita XVII

02.12.10

 

Non, je n'ai absolument pas eu froid durant la nuit. J'ai même dû enlever un manteau car j'avais chaud. Il y avait de la glace dans mes gourdes ce matin, mais j'ai pu y boire sans problème.

 

J'ai eu droit, hier soir, à un merveilleux coucher de Soleil, avec de fabuleuses couleurs éclatantes. Des couleurs belles et plaisantes à regarder, des sensations visuelles très agréables à avoir. Les montagnes rouillaient pour devenir rouge terne, presque dorées, le blanc de la neige étincelait encore plus, le ciel passait du bleu pâle clair et vivant au bleu-mauve calme et profond, l'arc-en-ciel entier était présent à différents endroits du ciel, les arbres paraissaient plus présent, plus vivants. On aurait dit une multitude d'images et de photos retravaillées professionnellement par des publicitaires avec Photoshop, mais tout était là, devant moi, et se transformait au fil des minutes. Ça c'est la vraie vie.

 

J'ai dormi à la belle étoile. Lorsque j'ouvrais les yeux, je ne voyais que le ciel rempli d’étoiles avec un contour noir de montagnes si j’étais sur le côté droit ou un contour noir de rochers si j’étais du côté gauche. Parfois je prenais les montagnes pour le rochers, ou vice-versa, et je ne savais plus de quel côté j’étais J'ai vu plusieurs étoiles filantes au cours de la nuit et mes souhaits s'en sont allés pour le bien-être de l’humanité À un moment, j'ai ouvert les yeux et une énorme Grande Ourse m'a sauté au visage. Je ne voyais qu'elle dans mon champ de vision. Je disais justement à quelqu'un, il y a quelques semaines, que je trouvais dommage de ne plus connaître mes étoiles et que cela faisait des années que je n'avais pas identifié ne serait-ce que la Grande Ourse avec certitude. Plus tard, après un autre long clignement d'oeil, la Grande Ourse avait basculé complètement sur le côté.

 

Au début de la nuit, j'ai entendu une sorte de grattement et ce qui m'a semblé être des bruits de petits pas. J'ai écouté longtemps, les bruits continuaient, j'ai essayé de regarder, ce qui était malaisé, emmitouflé dans mon sac de couchage style momie, et j'ai attendu. J'avais laissé mon sac de nourriture pas très loin, entre deux rochers. Je sais qu'il y a des léopards des neiges dans ces montagnes et j'espérais avoir l'occasion d'en voir un. Je me disais que ce serait amusant de redescendre avec des traces de griffes sur la joue. Mais je n'ai rien vu et j’étais intact au matin. C’était probablement seulement que le vent sur la toile bleue.

 

Je me suis réveillé à 5h30, pour le lever du Soleil, et j’étais dans une forme splendide. J'avais passé une excellente nuit de 10 heures et j'avais de l'énergie à revendre. Je me suis habillé et j'ai trouvé une roche pour m'asseoir et attendre le Soleil. Il est venu, mais il était déjà levé lorsqu'il est apparu derrière les montagnes. Comme déjeuner, j'ai mangé des chapatis à la tibétaine froids (qui ressemblaient plus à des crêpes qu'à des chapatis) qui avaient été beurrés la veille au déjeuner, avec un autre pain (enveloppé dans du papier journal, comme toujours ici) garni de beurre d'arachides "hygienically processed & packed" et de confiture aux fraises de Malaysia Airlines. C’était tout ce dont j'avais besoin, et c’était très bon.

 

Pour redescendre, je ne voulais pas passer par le chemin que je connaissais déjà, alors j'ai simplement continué sur la crête où j’étais, qui descend à l'est de McLeod Ganj et Dharamsala. On m'avait dit que la piste n’était pas évidente à suivre, mais ça ne me dérangeait pas. J'ai donc suivi le sommet de la crête qui descendait vers la vallée en bas, en appréciant les belles vues que j'avais d'un côté et de l'autre. J'ai rencontré en chemin 4 vautours, perchés sur des rochers à côté desquels je devais passer. Ils me regardaient, interrogateurs, et se sont décidés à s'envoler alors que je n’étais qu'à une vingtaine de mètres d'eux. Ils ont déployé leurs grandes ailes et ont décollé, majestueusement, sans un seul battement, et ont plané silencieusement vers l'horizon alors que je poursuivais mon chemin.

 

Rendu plus bas sur la même crête, je me disais qu'il faudrait bien que je rejoigne la crête de McLeod si je ne voulais pas me retrouver en bas dans la vallée et devoir remonter jusqu’à mon domicile. Cela tombait bien puisqu'il y avait une sorte de sentier qui descendait dans le creux entre les crêtes, en direction d'une maison en pierres abandonnée(s) (la maison et les pierres étaient abandonnées). Dans le coin de la maison, plus de sentier ! Ou plutôt des dizaines de passages en pierre sans herbe entre les arbustes, qui ressemblaient tous à des sentiers. Je voulais aller par là-bas, alors je suis allé par là-bas à peu près, en m'amusant joyeusement pendant plus d'une heure dans cette forêt d'arbustes épineux dont la taille de la majorité de ces obstacles naturels dépassait la mienne (la taille des arbustes, pas des épines, tout de même!). Heureusement que ces épines n’étaient pas empoisonnées, comme dans King's Quest, sinon j'aurais été mort depuis longtemps et je n'avais pas sauvegardé avant de partir.

 

J'ai franchi quelques chutes et rivières à sec, parfois à des endroits où je n'aurais théoriquement pas dû passer, surtout pas avec un gros sac à dos ayant une si forte attirance pour les altitudes moins élevées, mais je me disais que le pire qui puisse m'arriver serait de perdre pied, passer quelques semaines plié bizarrement avant qu'on ne me retrouve et en ressortir avec une conception radicalement différente de la douleur.

 

En me dirigeant toujours en bas à droite, j'ai croisé quelques autres maisons (qui m'ont fait penser à Hansel et Gretel), quelques sentiers plus ou moins compatibles et j'ai abouti dans une sorte de carrière que j'ai descendu de quelques pas, en surfant sur les éboulements, puis j'ai suivi de gros tuyaux d'eau, avant de tomber dans la cour (ou le champ) d'un habitant d'un village connu (Bagsu). De cour en cour, jusqu’à d'autres sentiers et quelques escaliers, j'ai remonté jusqu’à Tushita, à temps pour le dîner. Et, comme dans presque tous les Tintins : Tout est bien qui finit bien. (Tiens, ça me rappelle Candide, ça...)

 

 

 

 

Tushita ?

02.12.12

 

Mais où est-ce que je suis ??

Pourquoi est-ce que je suis ici ??

Où est-ce que je m'en vais ??

 

Je ne serais pas mieux de me mettre à travailler, comme tout le monde, et de vivre une vie calme et rangée ??...

 

Pourquoi faut-il que je sois tourmenté ? Je ne pourrais pas être imbécile, ne rien voir et ne pas me poser de questions ?

 

Non !

 

 

 

 

Soirée de Noël

02.12.24

 

Le soir de Noël. Dans un café Internet, car j'attends mon train. Un train de nuit, pour remplacer le premier que j'ai manqué ce matin et le 2e qui a été retardé de 5 heures. Bof, cela ne dérange pas vraiment.

 

J'ai une cinquantaine de pages de mon cahier à retranscrire. Je n'ai pas encore eu le temps. Cela viendra. Mon deuxième cahier complet est à deux pages d’être terminé, d'ailleurs. Je lui ai déjà trouvé un remplaçant, ou un successeur.

 

En attendant que mes premières photos puissent être numérisées et publiées, Maryse m'a envoyé une photo de groupe prise avec sa camera numérique. Voici donc en exclusivité (pas vraiment, mais enfin) cette photo, que probablement mes connaissances voudront regarder pour voir à quoi je ressemble ces temps-ci.

 

Moi, Ianis, Maryse, Vivian et Paul(?), devant le palais du Karmapa, non loin de Dharamsala, Inde :

http://www.benoitmartin.com/photos/maryse/IndiaMcLeodGanjKarmapaPalais3-HR.jpg

 

 

Rien de vraiment nouveau à part cela (ce n'est pas vrai du tout, mais je suis tanné écrire...).

 

 

Joyeux Noël, puisque c'est l'occasion.

 

Puissent, un jour, les être endormis s'éveiller, les yeux des aveugles s'ouvrir, les souffrances s'apaiser et l’humanité vivre enfin comme elle le pourrait, comme elle le devrait. Mon seul et unique souhait, en cette veillée de Noël solitaire, est le bonheur réel de tous les êtres.

 

 

 

 

Karmapa III

02.12.14

 

L'Inde, pays du rouleau de papier de toilettes à 1 $, emballé individuellement, offert en 4 différentes couleurs (blanc, rose, jaune et vert pâle).  [Ndf :  Disponible en bleu pâle également, donc cela fait 5 couleurs…..]

 

En 3 mois, j'ai utilisé les 3 rouleaux que j'avais emportés avec moi de Amérique J'ai maintenant dû me résoudre à en acheter. Je ne suis pas encore habitué à la méthode dite "de la main gauche et du seau d'eau". Ça devrait venir, j'y travaille. Concernant les deux différents modèles de toilette, je préfère maintenant les toilettes "à la turque" aux toilettes occidentales (avec siège pour s'asseoir). Côté hygiène, c'est de loin préférable. Côté nettoyage et entretien également (lors de mon premier cours à Tushita, ils nous faisaient accumuler du bon karma en nous faisant faire les tâches d'entretien, comme dans un camp de vacances (toilettes, vaisselle, tables, etc.) et j'ai hérite des toilettes, alors je parle d’expérience). Autre détail, en raison de la conception même des toilettes à la turque, il n'y a jamais de "ploutch" éclaboussant le fessier d'une manière peu agréable. Le seul véritable inconvenant que je puisse imaginer à ces toilettes au plancher est qu'une personne saoule, par exemple, puisse aisément poser le pied dans la cuvette ce qui, à mon avis, est plus difficile à faire avec des toilettes occidentales.

 

 

 

Parfois l'Inde m'écœure. Surtout quand je suis malade, que j'ai l'estomac plus haut qu'il ne le devrait et des douleurs au dos (j'ai mal au bas du dos lorsque mon corps ne file pas bien). Cela doit être pour cela que j'ai des propos de type scatologique. Les odeurs de nourriture, mêlées à celles des déchets en décomposition, des bouses et des tas partout, des détritus à tous les endroits où il est possible d'en avoir, de la fumée, de la boucane plein l'air que l'on respire (le nuage de pollution ne vient pas de nulle part, et cela paraît), une surpopulation visuelle, sonore, olfactive et individuelle (d'individus). Mais ce qui blesse le plus, je crois, et qui est également à la base de tout le reste, c'est le manque de respect des gens. Comportements égoïstes des chauffeurs qui se crissent (en bon québécois) littéralement de tout ce qui peut se trouver dans le chemin de leur volonté, passants ne pensant qu'à leur propre petit monde minuscule (ne prenant même pas la peine de regarder ou leurs déchets vont, les "échappant" simplement de leurs mains), commerçants balayant la poussière et les déchets dans la rue ou chez le voisin, travailleurs ignorant les autres, etc, etc, etc... Tout ce monde est dans un gros merdier et chacun essaie de s'en sortir de son côté, lui uniquement. L'Inde c'est le pays des extrêmes. Ça me fait beaucoup penser à chez nous, mais pousse encore plus loin. Je, Je, Je, Moi, Moi, Moi...

 

Pourtant, il y a de la beauté et du bon en Inde et ailleurs. Mais aujourd'hui je suis malade et je ne suis pas capable de la voir.

 

 

 

 

McLeod VII

02.12.16

 

Encore malade, sans l’être vraiment. Un haut-le-coeur persistant, un manque d’énergie et de motivation envers mes journées.

 

Qu'est-ce que je suis venu chercher ici, et où est-ce que je le trouve ?

 

Je n'ai plus faim, mais je mange quand même. Le thé ne me plaît plus, j'en suis lassé. Les gâteaux au chocolat ne me semblent plus apétissants (de toute façon ce était pas les meilleurs au monde et ils n'apportaient pas l'illumination) et aucun des 17 livres que je possède ne me semble valoir la peine d’être lu.

 

Si étais en retraite, au moins, cette déprime pourrait servir à quelque chose puisque j'aurais l'éternité devant moi, mais maintenant je dois faire quelque chose (mais je ne sais pas quoi) car l'oisiveté m'ennuie.

 

Je connais de la musique qui me permettrait de passer le temps et de me défouler sans bouger (en particulier Beethoven ou la musique que Catherine m'a fait découvrir avant de partir mais dont je ne me souviens plus le nom), mais rien de tout cela n'existe ici de façon accessible.

 

Je rêve de trouver un manuel de maths ou de physique pour m'y remettre avant de tout oublier.

 

C'est gris depuis plusieurs jours, pas de Soleil, pas de pluie, pas de neige. S'il pouvait neiger, ce serait tellement mieux.

 

 

 

 

Tushita ?+1

02.12.16

 

(Même jour que la chronique précédante)

 

Même si je me sens encore fragile, je suis beaucoup mieux. J'ai eu des nouvelles d'une amie dont j'attendais, semi-consciemment, le retour. La revoir m'a donné une grande joie. Disons que cela a modifié favorablement ma dernière journée ici, et je ne partirai pas avec l'impression de n'avoir rien fait de ces derniers jours. Je ne crois pas avoir fait grand chose aujourd'hui, mais je n'ai plus cette impression de vide qui m'oppressait ce matin.

 

Gerlinde m'a remonté le moral de quelques paroles toutes simples, sincères.

 

J'ai eu la chance de recevoir un traitement de Reiki, d'elle également. Je ne connais, d'après ce qu'on m'a expliqué, qu'un peu, intuitivement, ce qu'est le Reiki, mais certes pas assez pour en donner une définition complète. Si Gerlinde peine à le définir et prétend qu'elle ne sait pas complètement ce que c'est, alors je ne peux qu’être bien ignorant à ce sujet. Disons donc, rapidement, que c'est une technique de guérison par l'imposition des mains et la catalyse de énergie environnante. Mais c'est beaucoup plus qu'uniquement que cela.

 

Je suis habituellement très sceptique face à tous ces trucs d'"énergie transcendante universelle infinie sporadiquement ésotérique", mais je suis conscient (on pourrait aussi dire convaincu), de par mes propres expériences passées ainsi que de par mes réflexions, qu'il existe un fond de vérité à tout cela et que parmi le bruit d'information fausses, erronées ou corrompues se cachent des trésors de savoir véritable. Je ne demandais qu'à expérimenter par moi-même, qu'à "sentir" moi-même cette énergie que beaucoup de gens en qui j'ai confiance prétendent ressentir. Ma plus grande crainte était que mon scepticisme ne me bloque toute perception, comme c'est le cas bien souvent chez les gens se disant "rationnels" ("Je ne sens rien : tu vois, ça n'existe pas !"). Il est de ces phénomènes auxquels il faut croire (ou du moins accorder le bénéfice du doute) pour en percevoir les effets. (Par ailleurs, j'ai encore un peu l'impression que le concept de couches électroniques des atomes (c'est-à-dire la disposition des électrons autour du noyau d'un atome), qui est un concept de base en chimie, entre autres, est un concept dogmatique et on ne m'a jamais montré de "vraie" preuve de son existence. On m'a simplement montré que tout fonctionnait selon ce modèle. Le point où je veux en venir est qu'il est absolument impossible de progresser en chimie si l'on accepte pas cette affirmation préalablement, si l'on ne "croit" pas en ce concept.)

 

J'ai senti (non pas ressenti d'une façon subjective, mais simplement senti physiquement) quelque chose qui, à mon esprit que je crois critique, s'avère concluant. Par le même raisonnement logique que l'histoire du Yéti ou de la vérité absolue (concept auquel l'image d'un casse-tête complet faisait référence), le seul résultat pouvant être concluant est le résultat positif (puisque, encore une fois, l'absence de perception ne signifie pas nécessairement l'absence de phénomène). J'ai ressenti majoritairement de la chaleur, tout simplement. Mais de la chaleur trop forte, trop intense (sans être brûlante, tout de même), trop chaude pour être produite simplement par une main posée au-dessus d'un t-shirt et d'un polar. Des vibrations également, ou l'espèce d'impression qu'un faible courant électrique passait par un endroit localisé de mon corps.

 

Pas d’événement extraordinaire avec de la lumière, des trompettes célestes (comme dirait Ani Tenzin Palmo) et tout le reste, rien pour convaincre définitivement le monde entier. Juste assez pour me convaincre moi, puisque je l'ai expérimenté, qu'il y a de la vérité (que je soupçonne riche) dans ceci.

 

Honnêtement, j’étais presque déjà convaincu, intellectuellement parlant (cela fait tellement de sens à mes yeux), mais il me manquait l’expérience pratique concluante. Je me doute par ailleurs que mes deux cours de méditation Vipassana m'ont aidé, me permettant de développer la sensibilité qui était peut-être nécessaire (10 jours en ligne en silence complet, à observer ses sensations, des plus grossières aux plus subtiles... Je me souviens encore, un soir vers la fin de mon premier cours, à quel point les éclairs d'un orage approchant étaient grandioses et puissants, et à quel point le tonnerre nous faisait trembler en éclatant telle une avalanche rocheuse au milieu d'un silence de cristal).

 

Moi qui avait déjà pris la résolution de prendre des cours de Reiki (pour pouvoir expérimenter par moi-même, justement), je vois mon intérêt pour cette technique encore augmenté. J'ai l'impression que le Reiki m'apportera une connaissance (et une compréhension) qui m'aideront grandement.

 

En me levant après le traitement, après avoir rattaché mes bottes, j'ai sauté légèrement sur place, pour bien ancrer mes pieds dans mes bottes, comme je fais souvent le matin, tout plein énergie, lorsque je pars pour une journées de randonnée. J'avais un enthousiasme accru et beaucoup plus de vitalité durant la soirée que ce que je n'avais auparavant durant la journée. Il n'y a pas de doute à mes yeux, ce traitement m'a donné de énergie.

 

Les cours de Reiki sont une des prochaines étapes de ce voyage. Puisque je ne vois pas encore d'autres étapes, il se pourrait que ce soit la prochaine, et je m'enligne là-dessus.

 

 

 

 

Ludhiana I

02.12.17

 

7 heures d'autobus et 3 capsules d'Imodium plus tard, me voilà rendu à Ludhiana, dans le Punjab, une ville qui n'existe à peu près pas pour le Lonely Planet (une petite ville de 3 millions d'habitants parmi tant d'autres), mais où un ami existe pour moi. Gurvinder, rencontré lors de mon cours Vipassana, m'a invité chez lui et j'ai enfin la chance de pouvoir observer la vie d'une famille indienne d'un point de vue un peu plus intérieur.

 

On m'a attribué une (très) grande chambre, avec salle de bain attenante, douche avec eau chaude, savon, brosse à dents neuve (ça tombe bien, cela fait 3 mois que j'utilise la mienne. Avez-vous pensé à changer la vôtre ?), lit double et tout le reste. En sortant de la douche, j'ai ri un bon coup en me voyant dans le miroir. Je ne sais pas à quoi je ressemble au juste, mais je trouve ça drôle.

 

En chemin, dans l'autobus, j'ai vu un panneau de signalisation "Weak bridge ahead, drive slowly". J'ai pris la peine de le noter sur un bout de papier pour être certain de m'en rappeler.

 

En partant de McLeod Ganj, je suis allé saluer Tashi, un jeune Tibétain qui est habituellement à la réception du Green Hotel. Il parle quelques mots de français et il est bien sympathique. J’espère sincèrement pour lui qu'il ne restera pas trop longtemps pris là, à laisser passer les journées (l'hôtel appartient à ses parents à ce qu'on m'a dit). Ils n'ont pas connu le Tibet, difficile parfois de reprendre le flambeau pour eux (surtout avec la vision du monde occidental qu'ils peuvent avoir, c'est-à-dire des gens, vieux et jeunes, voyageant autour du monde et se payant tout ce qu'ils veulent). Pour une raison inconnue, il y avait un drapeau du Québec collé sur la boite de tip, sur le comptoir de la réception. À part le drapeau tibétain, c'est le seul drapeau que j'ai vu à McLeod.

 

En partant j'ai également salué quelques mendiants que je connaissais, et leur ai donné une dernière fois un rien pour moi mais au moins un repas pour eux. Je leur ai laissé mes souhaits et salutations les plus sincères. Je ne sais trop que leur souhaiter concrètement, alors j’espère qu'ils ne souffriront plus. C'est probablement ce qu'on pourrait nommer de la compassion, mais peu en importe le nom, et ce qui faisait l’intensité et la force de mes sentiments envers eux était la sincérité véritable À mes yeux, ce ne sont plus des mendiants, ce sont des personnes que je connais. De la même façon, je sentais que leurs souhaits et leurs adieux étaient sentis pour moi, en tant que personne et non pas en tant que donateur.

 

 

 

 

Je quitte un endroit où j'ai habité plus d'un mois et demi de ma vie et, malgré que je prévois revenir en mars prochain (du 15 mars au 1er avril 2003, enseignements du Dalaï-Lama, avis aux intéressés), il est possible que je ne revois plus jamais ces lieux. Cela me fait assez étrange. J'ai vécu un mois et demi à Dharamsala ?

 

McLeod Ganj fait un peu partie de moi maintenant, mais je ne crois pas vraiment faire partie de McLeod. Je ne suis qu'un voyageur parmi tant d'autres.

 

 

 

Dans l'autobus, en partant, une jeune mendiante qui devait avoir 6 ou 7 ans s'acharnait sur moi pour essayer de ramasser quelques sous. Je ne donne pas aux enfants. J'ai payé un cornet de crème glacée à l'une d'elle, à Delhi, et je me suis senti très mal. Je l'avais enfoncé dans sa mendicité, l'y avais encouragé. Celle-ci, dans l'autobus, me disait "rice, chapati, eat..." en faisant un geste de sa main vers sa bouche, tandis que moi je lui disais futilement "school, education..." en ayant le coeur compressé, tordu jusqu’à le faire éclater. Mes yeux lui disaient ce que je ne pouvais pas lui dire. Non, je ne pouvais rien faire pour elle, rien de véritable, et c'est ce qui me faisait tant souffrir. Je ne sais pas pourquoi, mais à ce moment mes protections et blocages étaient tombés, ne fonctionnaient plus, et je souffrais du fait qu'elle souffre, de sa condition, de l'existence de tant de souffrances. La main sur le coeur, je la sentais ma main sur mon coeur, alors que l'autobus roulait et que le noeud de la souffrance des autres me tourmentait l’intérieur et faisait monter mes larmes.

 

Ce n'est pas uniquement les mendiants. Je la connais cette sensation, cette souffrance si souvent ressentie, cette rage contre l'injustice, contre l'ignorance, contre l'absurdité totale.

 

Bien des larmes ont à couler pour moi. J'ai beaucoup, beaucoup de choses enfouies qui doivent sortir.

 

 

 

 

Ludhiana II

02.12.18

 

J'ai acheté, lorsque étais à McLeod Ganj, le livre Cave in the Snow relatant la vie de Tenzin Palmo. Quelques jours (et une centaine de mots dans mon dictionnaire très de voyage (faisant 5 cm x 4 cm x 4,5 cm)) plus tard, il était terminé. Si je n'avais pas auparavant rencontré Ani Tenzin Palmo, il y a plusieurs éléments du livre dont j'aurais profondément douté. Mais je ne peux simplement pas croire qu'une personne comme Ani Tenzin Palmo puisse s'abaisser à mentir (et ainsi rompre ses précieux voeux de nonne). J'ai donc confiance en la véracité de tout ceci, même si cela m'est parfois difficile à accepter. J'ai posté le livre vers le Canada en me disant que quelqu'un pourrait être intéressé à le lire. 109 RS (3,60 $ CAN) pour envoyer 2 kilos et demi de livres par bateau, c'est un tarif que je trouve excellent ! Il est possible que le colis arrive (en effet, il arrive que la poste livre les colis qu'on lui confie, même si ce n'est pas toujours le cas) en même temps que moi, mais au moins je n'aurais pas traîné cela sur mes épaules durant tout ce temps. On m'a dit que le délai prévu était de 2-3 mois, ce qui fait que le colis se déplace, en moyenne, à la vitesse extraordinaire de 8 à 10 km/h. Je me dis encore que cela irait plus vite en vélo. [Ndf. :  Ce colis est finalement arrivé à l’adresse de destination en août 2003, la même journée qu’un autre colis que j’ai envoyé de Kolkata 2 mois plus tard !....]

 

L'autre semaine, je dînais avec Guillaume lorsqu'il a trouvé un insecte de bonne taille (pas si énorme, mais bien assez gros pour qu'il soit impossible de douter qu'il s'agisse d'un insecte) dans son assiette, frit bien à point comme étaient ses patates coupées en primes rectangulairoïdes (des frites, genre). Ça n'a pas l'air de l'avoir trop dérangé, ni moi non plus. "Heureusement que je l'ai vu," qu'il a dit, "je suis végétarien..."

 

 

 

 

Amritsar I

02.12.21

 

Je suis on ne peut mieux reçu par mon ami Gurvinder. J'ai accès depuis deux jours à un portable récent (P3, 256 Mo de RAM) avec accès Internet (et j'ai, par quelques connaissances toutes simples, rendu un immense service en l'aidant, lui et son ami, à numériser de façon acceptable un livre entier qui ne peut traverser de frontière sous risque être saisi) et on m'a conduit à Amritsar, la ville sainte des Sikhs, voir le Golden Temple. C'est à 165 km / 3 heures de Ludhiana. En voiture de l’année, avec chauffeur, s'il vous plaît. Gurvinder est Sikh et porte le turban. Je suis un des (très) rares ici à porter une absence de turban, et tous ont la barbe longue et fournie, la plupart du temps attachée et rangée sous le menton. Sous leur turban se cachent également des cheveux longs. C'est simple, ils ne se sont jamais coupé les cheveux ou rasé la barbe. Gurvinder m'a dit que le turban était caractéristique des Sikhs et non des Musulmans, comme je le croyais. Les Arabes, par exemple, n'ont pas de turbans. Il n'y aurait que les Talibans (Musulmans, comme tous le savent maintenant) qui portent le turban (par obligation, et pas la même sorte de turban non plus). Chose certaine, en Inde un turban signifierait un Sikh.

 

Je ne savais même pas que le sikhisme existait, il y a 6 mois de cela, avant d'ouvrir un guide sur l'Inde.

 

Le Golden Temple est très grand, avec une sorte de cour intérieure très vaste, contenant un gigantesque bassin au centre duquel est le temple principal de 3 étages, dont 100 kg d'or recouvriraient la partie supérieure. C'est vrai que c'est tout doré, sans aucune trace d'oxydation. Les temples sikhs sont ouverts à tous, explicitement peu importe la religion. De la nourriture et du thé sont donnés, un gîte est offert, des navettes d'autobus relient les gares, et tout ce, gratuitement, c'est pas mal bien. Et, cela m'a étonné, on ne m'a jamais fait savoir par le regard que je n’étais pas à ma place, alors que je contrastais très fortement avec mes pantalons scouts très peu indiens et mon chapeau du Festival d'Été de Québec (car il faut avoir la tête couverte dans le temple). La beauté et le travail apporté à la construction du temple m'ont étonné. Je dirais même que je l'apprécie plus que le Taj Mahal, avec lequel il a une ressemblance stylistique très forte (mais il reste que le Taj Mahal, c'est quand même le Taj Mahal).

 

Des milliers, mais vraiment des milliers de moineaux remplissaient les branches des quelques arbres à l’intérieur du temple. Je pensais au début que était des fruits. Je me suis baigné dans le grand bassin, sans vraiment de raison. Mes deux amis l'ont fait aussi, mais avec un motif, car ils sont sikhs. C'est un endroit sacré, et bla bla bla... Bon, une rivière ça me va puisqu'au moins c'est une rivière, mais ce bassin ça tombait dans la superstition pas mal. Plus tard, j'ai vu des projecteurs sous l'eau qui avaient attiré quelques poissons monstrueux, couleur de fond de lac, assez épeurants. Ils ne bougeaient pas et j'étais certain que était le tronc d'un arbre vieilli dans l'eau. Mais non, ça a ouvert une bouche. J'ai aussi remarqué que la clarté de l'eau n’était pas du tout ce que le reflet de la lune laissait présager, et cette eau me semble beaucoup trop colloïdale à mon goût J'ai ensuite pris conscience de la brise d'océan algueux qui traînait dans l'air.... Le problème, c'est que océan est à un paquet de centaines de kilomètres d'ici. Je me suis baigné là-dedans, moi ??

 

On m'a emmené voir les cérémonies de nuit. Il est actuellement 5h30 du matin, et je n'ai pas encore dormi. C'est donc dire que mon intérêt pour le temple décroît de plus en plus. J'ai passé plusieurs heures dans le temps principal, un endroit riche en détails décoratifs, assis à lutter contre le sommeil, entouré de chants religieux dont je n'ai que dalle l'idée du sens. Des petits livres (en penjabi, la langue du coin) étaient gracieusement mis à ma disposition pour me permettre de suivre.

 

Ce fut une expérience bien intéressante. J'en garde un très bon souvenir, même si je n'y retournerais certainement pas à chaque semaine. J'ai par contre constaté une ferveur religieuse et une dévotion que je ne comprends pas. Je crois aussi que Gurvinder a un peu essaye de me convertir, ou tout au moins me convaincre que le sikhisme était la meilleure des religions. Il m'en a beaucoup parlé, sans vraiment expliquer ou donner d'information concrètes, mais, à ce que j'ai compris, c'est "le chemin qu'il faut suivre car ce n'est que la vérité, la vraie nature des choses" (ou à peu près). J'ai commencé à lire un livre sur le sikhisme qui disait des trucs du genre : "...la Grandeur de la Beauté splendide infinie nous rejoindra alors. C'est pour cela que Guru Machin, par l'Aurore de la bonté totale, se dissout dans l'amour et disparaît dans le Coeur Éternel, comparable à...". Narinder Pal (appelé N.P.), l'ami qui nous accompagne, m'a servi de ces paroles durant une journées complète, sans que je ne parvienne à trouver où il voulait en venir. Donc je ne connais pas vraiment ce qu'est que le sikhisme, sinon que cela est assez proche du bouddhisme (selon mes guides papier et les valeurs qu'ils semblent avoir) et que, malheureusement, les dirigeants actuels ont dénaturé la philosophie de Guru Nanak (le fondateur, il y a 500 ans) et ont guerroyé et politicaillé en son nom. D'après l'impression que j'en ai, c’était à la base une religion très louable et bâtie sur d'excellents principes. Guru Nanak aurait dit un truc du genre : "Je ne vois pas d'Hindous, je ne vois pas de Musulmans, je ne vois pas de Chrétiens, je vois des êtres humains." et c'est pourquoi tous sont acceptés dans ses temples.

 

À 5h00, un livre (je crois) est arrivé par palanquin doré et à pris un bon 20 minutes pour franchir 50 mètres. Tous se sont garochés pour être dans le chemin de l'objet sacré. Les gens mettaient aussi leur front par terre à certains endroits, particulièrement aux cadres de porte, et touchaient le sol de leurs mains, pour les porter ensuite à leur front. Malgré tout cela, personne n'a semblé atteindre l'illumination. À quoi est-ce que cela sert dans ce cas ?

 

Je ne comprends toujours pas ce qui me semble à mes yeux une foi ou une dévotion aveugle.

 

 

 

 

(Plus tard, de retour a Ludhiana)

 

Bon, je suis peut-être très sévère dans mes opinions envers le sikhisme. Je ne voudrais pas paraître blasphématoire non plus. Tout ce qui me parait trop dogmatique, ou qui demande une croyance ou une dévotion dépassant une certaine limite de raisonnabilité (devenant aveugle ou très très myope), tout ce qui comporte trop de ces potentiels d'égarement, d'erreur, de mésinterprétation ou d'abus, tout cela se fait écarter ou rejeter par mes raisonnements comme ne pouvant pas appartenir à une vérité complète et absolue ou, du moins, comme n'appartenant pas au chemin que je parcourrai ou aux repères que je rencontrerai. (Tiens, il me semble que c'est une phrase à la J.-J. Rousseau, ça...).

 

Par ailleurs, il existe, à mon avis, une immense différence entre "religion" et "spiritualité". L'un n'implique absolument pas l'autre. Pour reprendre l'exemple que Josh avait donne lors de mon cours à Tushita, un homme qui se prosterne avec dévotion devant un temple est une homme religieux. Aucun lien avec la spiritualité Cela ne l'implique ni ne l'exclut. Je n'ai qu'une définition intuitive de ce qu'est la spiritualité, donc il m'est difficile de trouver un exemple concret pour illustrer ce que serait un homme spirituel. Seuls quelques noms me viennent a l'esprit : Socrate (au risque d'offenser les philosophes bien-pensants), Albert Einstein ou Siddhartha Gautama (le Bouddha historique, qui avait un jour déclaré que tous les rites et rituels, de même que l'ascétisme, sont inutiles et ne mènent pas à l'illumination). Oui, Einstein serait probablement le meilleur exemple que je puisse citer. (D'ailleurs, Sogyal Rinpoché le cite dans son Livre tibétain de la vie et de la mort et le livre référé, Ideas and Opinions, d'Albert Einstein, est sur ma liste de livres à trouver et à lire.)

 

Peut-être que la seule opinion qui importe dans mon cas, c'est que le sikhisme n'est pas pour moi.

 

Néanmoins, j'ai maintenant une bien meilleure opinion des gens se trouvant en-dessous d'un turban. Mes expériences passées m'avaient laissé un sentiment un peu amer, rejeté par les quelques turbans rencontrés, en ressentant une certaine hostilité provenant d'eux. Il serait d'ailleurs faux de prétendre que les événements du 11 septembre ainsi que la propagande américaine sur le Moyen-Orient n'ont pas influencé, bien malgré moi, ma perception des pays dits "arabes" et de leurs citoyens, que j'associais avec le turban de façon erronée

 

Les Musulmans et les Sikhs ne s'aiment pas, malheureusement. Ils ont en commun une longue histoire de guerre et d'atrocités. Les gens d'ici (tous Sikhs et Hindous) méprisent le Pakistan (tous Musulmans, dont j’étais à 20 km de la frontière il y a quelques heures) et je suppose ces sentiments réciproques. Ce qui blesse le plus, c'est que l'Inde et le Pakistan n’étaient qu'un il y a 50 ans et que cet état-ci en particulier, le Punjab, fut séparé en son milieu, entraînant la migration de tous les Musulmans d'un côté et tous les Hindous et Sikhs de l'autre. Le grand-père de Gurvinder vivait de l'autre côté de la nouvelle frontière et il a du déménager ici, il y a 50 ans. (D'ailleurs, les Hindous et les Sikhs sont loin d’être sans reproches de leur côté de la frontière, ils passent leur temps à se massacrer - moins ces dernières années, heureusement - et ont forcé le Punjab déjà atrophié à se diviser en Punjab (sikh) et Haryana (hindou). Ils n'ont pas encore réglé la question de la capitale - actuellement commune - Chadigarth, qui traîne depuis 40 ans).

 

C'est dur d'apprendre à pardonner, surtout pour un peuple entier, mais je crois que c'est encore plus dur de vivre en souffrant toutes ces blessures anciennes qu'on ne veut pas laisser refermer.

 

C'est tranquille par chez-nous, c'est vraiment tranquille.

 

 

 

 

Ludhiana III

02.12.23

 

Le 23 décembre ? C'est bientôt Noël ? Où ça ??

 

Il y a quelques jours, il y avait une réception pour l'anniversaire du fils de Gurvinder, qui a eu 2 ans. Durant la soirée, un oncle est venu me voir et m'a dit : "Tu sais, c'est important d’être une bonne personne." Il a continué en me parlant de l'importance de la méditation comme facteur de cheminement, me disant aussi que je devais agir de façon désintéressée, non pas pour mon seul bénéfice, mais pour aider les autres. Et que je devais aimer tous les gens, d'un amour véritable, même et surtout si eux ne me le rendent pas. Ce n’était pas un illuminé étrange en sandales avec les cheveux hirsutes et du linge déchiré qui me parlait, c’était un homme d'affaires sikh, un courtier en bourse qui avait bien réussi sa vie et qui croyait fermement ce qu'il me disait. J’étais bien d'accord avec lui, là n'est pas le point. Jamais auparavant dans une réunion familiale au Québec on n'est venu me voir pour me rappeler à quel point il est important de vivre une vie morale axée sur le service aux autres plutôt que sur sa propre satisfaction égoïste. On n'enseigne pas cela aux jeunes par chez nous...

 

 

 

 

Nul besoin de répéter que le monde est petit. Il y a quelques jours, la soirée où nous étions à Amritsar, Tilman, un médecin allemand ayant travaillé bénévolement au Delek Hospital de Dharamsala, avec lequel j'ai discuté, dîné, soupé et que j’ai rencontré souvent au hasard des rues de McLeod, Tilman donc, a appelé sur le cellulaire de Gurvinder. Il était à Amritsar, au Golden Temple... Hier il est débarqué ici, chez Gurvinder, à Ludhiana. La soirée avant de partir de McLeod, je soupais avec des amis et il était également présent, invité par un ami commun. En faisant mes adieux à tous, j'ai dit à Tilman, comme je dis parfois, que nous nous reverrons peut-être un jour, au détour d'une route. Je ne croyais pas si bien dire. L’événement n'a rien de si extraordinaire ou de si miraculeux, nous avions une connaissance en commun, mais tout de même. L'Inde est immense et je n'y connais qu'une minuscule quantité de personnes.

 

Par ailleurs, Gurvinder est en train de lire The Celestine Prophecy (La prophétie des Andes) de James Retfield.

 

 

 

 

Nous marchions et discutions tous les trois, hier soir, à propos des concepts de vérité absolue (existe-t-elle ou non ?) vs relative, de la définition de l'amour véritable, de l'esprit, de l’âme, de Dieu et des différentes concepts y étant rattachés, et je me suis senti ridicule. Ridicule comme peuvent être trois pédants scientifiques en blouses blanches, possédant une poche pleine de Ph.D. et de gros livres compliqués, en train de dialoguer savamment sur tous les principes régissant l'art de la jonglerie, mais personne ne sachant jongler, ou n'ayant même vraiment essayé, car c'est bien trop difficile. Je me sentais con et « à côté de la track ». Comme je me sens généralement lorsque je suis devant une télévision et que je vois des personnages vivre une vie pendant que je ne vis pas, ayant mis la mienne sur « pause » pour les regarder. (La télévision, c'est vivre sa vie par procuration.)

 

 

 

(Plus tard)

 

Par une phrase anodine bien simple, Tilman m'a fait comprendre que je n’étais pas heureux. Les gens qui viennent à McLeod Ganj le font pour "guérir", parce qu'ils recherchent quelque chose, parce qu'ils ne sont pas complètement heureux. C'est vrai. Pas besoin de chercher quoi que ce soit si l'on est déjà pleinement satisfait.

 

Et Gerlinde m'avait fait comprendre qu'il peut être important et bénéfique de demander une aide, de reconnaître et d'avouer que j'ai besoin d'aide. C'est difficile, très difficile à faire pour mon ego.

 

 

 

 

Ludhiana IV

02.12.24

 

Je devais prendre le train ce matin pour aller rejoindre Saeed au mariage de son cousin, mais j'ai manqué le train de quelques minutes. D'habitude ils ne sont jamais à l'heure par au moins 5 ou 10 minutes, mais celui-ci l’était. C'est la troisième fois que je choisis le train comme mode de transport et j'ai réussi à manquer deux départs. Bonne moyenne...

 

Mais ce n’était pas trop grave, il y avait un autre train 2 heures plus tard. De retour une heure trente après, Gurvinder fait un tour de passe-passe que je n'aurais jamais réussi seul en obtenant un billet malgré une très longue file d'attente. Et puis nous apprenons que le train est retardé de 5 heures (alors qu'il n'est même pas encore parti de son point de départ). On me suggère de prendre un train de nuit, pour arriver au matin au lieu d'en plein milieu de la nuit. Cela me va. Départ prévu à 22h00, la nuit de Noël dans le train.

 

Puis, à 20h00, j'apprends que le train que je veux maintenant prendre est retardé de 10 heures ! Bon, c'est quoi l'affaire, là ?

 

Je pourrais toujours prendre mon train de nuit au matin, mais une lassitude et des doutes s'emparent de moi. Gurvinder dit que Rampur et ce mariage n'est peut-être pas l'endroit où je dois aller. Il me questionne pour trouver si je ne devrais pas changer ma destination, si je n'ai pas quelque chose à faire ailleurs. Nous sommes en Inde, pays mystique, et je m'interroge également beaucoup. Ne serais-ce pas renoncer devant quelques obstacles que de ne pas y aller, ou ne serais-ce pas être aveugle et ne pas voir un message gros comme le ciel que d'y aller ?

 

Et si je n'y vais pas, où dois-je aller ?

 

(Sur cette note de suspense, suite au cahier #3...)

 

 

 

 

Ludhiana IV (suite)

02.12.24

 

Cahier #3.

 

En fait, je m'interroge vraiment. Qu'ai-je à faire ? Gurvinder me questionne un peu et la première chose qui sort est Gerlinde, professeure de Reiki, cours de Reiki. Ne devrais-je pas acquérir cette connaissance sur le Reiki plutôt que d'aller m'amuser dans la vie mondaine ? Qu'est-ce qui me sera le plus profitable, qu'est-ce qui restera dans 1 an ? Le Reiki, pour sûr, pas le mariage. Et Gerlinde là-dedans ? Elle est prof de Reiki, je la croise par hasard après avoir décidé de suivre un cours, je m'entends extrêmement bien avec elle, sa philosophie de vie (dont le Reiki occupe une position centrale) m'apparaît très complète, très développée et elle va dans la même direction que la mienne. J'aurais beaucoup à apprendre d'elle, je le sais. Elle m'a dit qu'elle partait pour Delhi quelques jours après mon départ de McLeod. Devrais-je aller à Delhi, dans cette cité folle, sans aucune indication, à la recherche de Gerlinde ? C'est ce qui me parait le plus absurde, le plus attrayant presque, comme lorsque je fais un mouvement ou une action insolite pour provoquer les événements. Mais ensuite, rendu à Delhi ?

 

Et il y a Tilman aussi. Nous avons soupé, lui, Gerlinde, moi et quelques autres amis ensembles, la veille de mon départ de McLeod. Il est apparu sur mon chemin, ici, a pris un train 2 heures plus tôt que mon premier essai, vers Rishikesh, la capitale du yoga où je suis déjà allé, et je me souviens y avoir vu des cours de Reiki annoncés. Je m’étais dit, hier soir, que je retournerais à Rishikesh pour le Reiki si je ne trouvais pas un autre prof ailleurs. Devrais-je aller à Rishikesh ? Est-ce pour cela que j'ai rencontré Tilman ici ? Trouverai-je Gerlinde dans cette ville ?

 

Et j'ai un mal de dos qui se pointe, sans autre raison que de m'indiquer quelque chose que je ne parviens pas à comprendre. Je sens que je le sais, mais que je n'arrive pas à en être conscient et certain. Mon inconscient le sait, mais c'est mon conscient aveugle qui mène le bateau et prend les décisions, et il ne comprend pas ce que l'inconscient essaie d'exprimer.

 

Que de questions pour un 24 décembre au soir !

 

Je prendrai la décision durant la nuit. Elle me portera conseil et je saurai, au matin, avant le départ de mon train de nuit, si je dois le prendre ou non.

 

 

 

 

Rishikesh II

02.12.26

 

Je suis maintenant à Rishikesh, à la recherche de ce qui m'y attends ou de ce que je dois y faire. Il n'y avait pas de comité d'accueil à ma sortie d'autobus (seulement un rickshaw (tiens, c'est un mot payant au Scrabble, ça) me voulant comme client, ce que j'ai refusé) et je n'ai pas eu la visite d'un ange pour m'éclairer sur ma destinée. Je suis un peu déçu. C'est plus difficile que je ne m'y attendais.

 

J'ai retonti dans le même hôtel que lors de mon premier séjour ici, à Swarg Ashram, les quatre autres visités étaient pleins. Mais je dois libérer pour ce midi, dans 11 heures et demie, car un groupe arrive remplir le quartier il semblerait. Bon, si j'interprète, c'est que je ne dois pas demeurer ici. J'irai plus au nord, dans Lakshman Jhula, une petite municipalité adjacente. Cela me semble un bon endroit.

 

Hier c’était Noël (ah bon, déjà passé ?). Réveil à 4h30 pour prendre un train (dans lequel j'ai dormi replié sur mon sac), puis un autobus (dans lequel j'ai dormi replié sur mon sac), puis un autre autobus et un vikram (une sorte de taxi collectif) pour arriver ici, manger un peu et me coucher à 18h00, n'ayant pas assez d’énergie ni un assez bon état d'esprit pour rechercher ou être attentif à quoi que ce soit. Ce fut ma journées de Noël.

 

Aujourd'hui c'est "Lendemain de Noël", alors je devrais me réjouir...

 

 

 

 

Rishikesh III

02.12.26

 

J'ai passé aujourd'hui une très belle journée à marcher beaucoup dans Rishikesh et jusqu’au village voisin, Lakshman Jhula. Je me suis fait marquer le front d'un trait rouge lors de mon passage dans un temple hindou ayant 13 étages et une belle vue. Et j'ai rencontre Tilman, il fallait s'y attendre. Ne pouvant rester qu'une nuit à mon premier hôtel, je suis aller le rejoindre au sien, qui a une magnifique vue sur le Gange du balcon que j'ai. En parlant avec un Indien qui m'a offert un thé (truc classique pour vendre), j'ai appris que mon signe du zodiaque relié à mon nom est "Aries" et que ma pierre est le corail. Le gars ne voulait pas me croire que le corail est un organisme vivant.

 

Le type à la réception de mon nouveau logement est un bonhomme bien dodu, d'un bon vivant, avec un large sourire qui fait plaisir à voir. Il m'a accueilli comme aucun autre établissement ne l'a fait jusqu’à présent Cet endroit est lié à un ashram qui offre des cours de yoga ainsi que 3 repas par jour pour un supplément de 50 RS (1,65 $ CAN). J'irai y faire un tour demain, à commencer par la séance de méditation à 5h30.

 

 

 

N.P., l'ami de Gurvinder, m'avait fait ma carte du ciel lorsque j’étais avec lui et m'avait dit deux choses bien intéressantes. La première signifiait, plus ou moins, que j’étais très chanceux, né sous une bonne étoile, disons, ce que je savais déjà et que j'incorpore même à mes processus décisionnels. L'autre information rejoignais, complétais, même, ce dont j'avais l'impression. Il n'a pas voulu m'en dire plus, même si plusieurs pages d'indications de positions astrologiques n'avaient pas été regardées. Il a dit que c'est tout ce dont j'ai besoin de savoir pour le moment.

 

 

 

Il me semble que les desserts indiens (très sucrés) seraient bien meilleurs avec du sirop d'érable.

 

Et, pour démystifier un mythe qui semble récurrent chez les Européens, oui, il m'arrive de boire du sirop érable (une ou deux gorgées), mais ce n'est pas ce qu'on considère comme un comportement normal et ce n'est pas l'usage qu'on fait habituellement du sirop.

 

 

 

 

Varanasi I

02.12.30

 

Je suis à Varanasi pour quelques heures, après une nuit complète de train, en attendant le prochain train vers Gaya et Bodhgaya. Ce train a lui aussi été retardé (de 6 heures) mais nous étions dedans et cela ne m'a pas dérangé du tout. J’étais étendu sur ma couchette et regardais le temps passer très confortablement, alors que Saeed ruminait et chialait contre toutes les vicissitudes de la vie. Semble-t-il que j'irai passer le nouvel an à cet endroit (Bodhgaya) avec quelques Occidentaux de ma connaissance. Je ne sais pas du tout ce que j'irai faire ensuite et où j'irai le faire (ça, c'est la grosse question).

 

La connexion Internet est affreusement lente (je gosse depuis plus de 15 minutes pour essayer d'aller chercher les emails de Saeed), alors j'ai décidé d’écrire quelques mots en attendant. Un courriel en particulier est requis, pour savoir où rencontrer les quelques autres à Bodhgaya (probablement au monastère birman, je crois) et surtout pour confirmer si nous avons un endroit où loger, puisque le Kalachakra aura lieu dans 12 jours et 300 000 personnes doivent prendre la ville d'assaut. Je sens qu'on va bien s'amuser...

 

Nous avons marché un peu sur les ghats ici (bon, Internet Explorer vient de planter encore une fois...), et j'ai retrouvé un endroit que je crois voir vu dans le film Baraka. Plusieurs scènes avaient été filmées ici, à Varanasi (Bénarès de son ancien nom). Nous avons vu quelques corps se faire brûler sur les bûchers aux les abords du Gange et nous ne pouvions nous empêcher d'avoir les yeux remplis d'eau (mais c’était à cause de la fumée). Le super-fleuve sacré est beaucoup, beaucoup moins limpide ici qu'à Gaumukh (sa source). Il est même absolument pas limpide du tout. Quelques millions de gens habitent ici et, à ce que je sache, tous les égouts se déversent dans le même cours d'eau où des corps à demi calcinés sont jetés, de même que les déchets et où les gens se baignent pour se purifier (sic). Mais rien de nouveau par ici, tout le monde savait déjà cela.

 

Suite plus tard, avec le reste de mon journal des derniers jours....

 

 

 

Bonne année....

 

 

 

 

Bodhgaya I/II

03.01.04

 

Les connexions Internet sont très coûteuses ici (toujours par rapport à l'Inde, mais quand même 6 fois plus cher que ce que j'ai payé dans le plus minable des cafés Inet de Varanasi), donc je n'en userai pas souvent. J'ai encore un paquet de courriels non lus datant de quelques semaines. Donc probablement très peu de nouvelles de moi pour le prochain mois, peut-être Je compte rester ici, à Bodhgaya, jusqu’à la fin janvier, ensuite je quitterai l'Inde pour renouveler mon visa qui doit échoir le 12 février. Destination prévue : le Bangladesh, pour une ou deux semaines tout au plus.

 

Je devrais faire une ou deux autres retraites Vipassana ici, dans un monastère Thaïlandais, organisées par un groupe de Londres. Entre les deux se déroulera le Kalachakra, auquel j'assisterai. Pour plus d'information sur le Kalachakra, essayer Google avec "kalachakra" ou la bibliothèque du quartier.

 

Ce sont mes plans pour les prochaines moments qui devraient, bien sûr, changer presque complètement au fil des jours.

 

 

 

 

Bodhgaya b.II

03.01.06

 

Demain ma première prochaine retraite de 9 jours commence. En attendant que les sites Web de mes banques se chargent (ce qui ne semble pas se faire très rapidement, tout comme une avance de fonds par carte de crédit peut prendre 3 heures et demie à Gaya....), j'ai pensé écrire sur le thème de la semaine pour moi ici, soit les maringouins. En effet, malgré qu'il soit affiché "Janvier" ou "¥£§?&#?" (transcription libre de l'hindi) sur les calendriers ici, c'est rempli de maringouins. Je n'ose pas enlever mes vêtements pour prendre ma douche (ce qui veut donc dire que je n'ose pas prendre de douche). Donc, spécialement pour mon co-chambreur Guillaume qui trouve le terme "maringouin" bien amusant, voici un extrait de chanson de la Bolduc :

 

« Les maringouins c'est une bibitte

Faut se gratter quand ça nous pique

Je vous dis que c'est bien souffrant

C'est cent fois pire que l'mal aux dents. »

(Mary TRAVERS dite La Bolduc. « Les Maringouins », chanson, Compo Company Ltd, 1930.)

 

Et quelques infos sur l'origine du mot :

 

Maringouin est emprunté (1566) au tupi et guarani marui, maruim, mbarigui " cousin, moustique ". Le mot est d'abord cité sous la forme Maringon, puis repris en marigoin (1609) et nasalisée en maringouin (1614, DHLF, FEW).

Au Québec (1632), le mot est usuel.

(http://www.rabaska.com/super/chroniques/2002/06/maringou_go.htm)

 

 

 

 

Bodhgaya b.III

03.01.18

 

J'ai encore plusieurs milliers de mots provenant d'entre le 27 décembre et maintenant qui attendent être retranscrits. Ce sera pour plus tard, je n'ai pas une dizaine d'heures a y consacrer pour le moment. Simplement quelques lignes, pour mettre rapidement a jour et confirmer que je suis encore en vie.

 

 

 

 

Bodhgaya (après Vipassana) I

03.01.16

 

La fin d'une autre période, d'une courte ère vient d'arriver. Je viens d'émerger d'une retraite de 9 jours de méditation Vipassana.

 

Encore et toujours, les mots sont inutiles. Neuf jours, neuf jours à être présent, conscient, le plus possible, à scruter et observer l’intérieur. "Insight" est la traduction anglaise de "Vipassana". Observer, simplement observer.

 

Un petit groupe, 21 au début, 18 à la fin, 30 au total avec les professeurs, responsables et cuisiniers. Nous nous connaissions beaucoup à la fin, sans avoir échangé directement entre nous. D'autres frères et soeurs maintenant. Ma famille s'en vient de plus en plus grande.

 

C’était froid le matin et le soir, il y avait des maringouins quand même et, pour la première fois de ma vie, je me suis laissé piquer sans réagir (extérieurement), en leur donnant mon sang. À peine quelques piqûres, certes, mais très significatif pour moi. J'ai une longue histoire de haine et d'aversion - presque de peur - envers ces bestioles. J'en vois clairement toute la futilité et toute la souffrance que cela me cause, mais j'avais de grandes difficultés à modifier mes comportements à cet égard.

 

La retraite me fut dure par moment, évidemment, mais c'est parce que j'apprends. Et j'y replonge dans 9 jours, pour la dernière retraite d'une série de trois qui se déroule à Bodhgaya depuis 28 ans maintenant (je crois).

 

Le Dalaï-Lama est venu nous visiter durant notre retraite, non pas nous directement, mais le temple thaï où nous étions. ....Le Dalaï-Lama est venu nous visiter durant notre retraite ! Quelle chance incroyable !

 

Peu de choses à dire ensuite, peu de choses qui valent la peine d’être dites. Mes yeux clos ont vu tant de choses... Un bien-être est en moi. De merveilleux moments à sentir le Soleil chasser le froid et l'humidité du matin, à regarder les petits chiots jouer, à voir la lune grandir de soir en soir. Au midi, bercés par les chauds rayons, parfois quinze personnes allongées sur la pelouse des jardins fleuris. Des roses auxquelles je pouvais m'arrêter, goûter quelques poumons de délicate saveur en passant. Le chaud chaï du matin et du soir, onctueux comme le plus exquis des nectars. Au soir, avant le coucher, quelques pensées, quelques histoires, quelques poèmes (Awake Awhile, d'Hafiz), parfois de la musique. Et puis le sommeil doux et délicat suivant une journée bien remplie. Oh oui, bien remplie.

 

Ce sera tout le griffonnage pour ce soir, même si des centaines de mots et des dizaines de sentiments et d'impressions dansent dans ma tête. Rien qui ne soit assez mur pour mériter l'espoir d'immortalité du papier.

 

 

 

 

En me brossant les dents, j'ai remarqué la lueur dans mes yeux, cette étincelle de douceur et de bonté que j'avais remarqué dans les yeux de mes frères et soeurs à la sortie de ma retraite...

 

 

 

 

Awake Awhile

03.01.16

 

Awake awhile.

 

It does not have to be

Forever,

Right now.

 

One step upon the Sky's soft skirt

Would be enough.

 

Hafiz,

Awake awhile.

Just one True moment of Love

Will last for days.

 

Rest all your elaborate plans and tactics

For Knowing Him,

For they are all just frozen spring buds

Far,

So far from Summer's Divine Gold.

 

Awake, my dear.

Be kind to your sleeping heart.

Take it out into the vast fields of Light

And let it breathe.

Say,

"Love,

Give me back my wings.

Lift me,

Lift me nearer."

 

Say to the sun and moon,

Say to our dear Friend,

 

"I will take You up now, Beloved,

On that wonderful Dance You promised."

 

 

('I Heard God Laughing - Renderings of Hafiz' - Daniel Ladinsky)

 

 

 

 

Bodhgaya avant Vipassana #2

03.01.25

 

Je disparais pour un autre 10 jours. J'ai beaucoup à transcrire, plus tard, lorsque je trouverai un accès Inet peu cher simultanément avec une grande quantité de temps disponible de ma part. Je devrais pouvoir publier quelques photos prochainement.

 

 

 

 

Note

03.02.08

 

Je suis maintenant à Kolkata (Calcutta). J'ai trouvé une connexion Internet par chère (10 heures pour 100 RS (soit 35 ¢ CAN/h), alors je commence la transcription des 90 pages qui ont été écrites depuis le 27 décembre, depuis Rishikesh. J'en ai pour plusieurs jours.... Et puisque ces textes ont été écrits sur plus d'un mois, je suggérerais presque de lire quelques jours à la fois et non pas tous d'un coup, puisqu'il y a parfois de grandes démarcations entre mes différentes jours. Ceci pour permettre de suivre un peu plus l’évolution au jour le jour de mon voyage. Ce n'est pas important que cela soit arrivé il y à un mois. Cela pourrait aussi bien se dérouler aujourd'hui, demain, après-demain...

 

 

 

 

Rishikesh IV

02.12.27

 

L'entrée de ma chambre donne sur la route principale et les rickshaws et camions font un bruit monstrueux, surtout la nuit. Je me rappelle m’être réveillé souvent la nuit dernière en craignant terriblement qu'un camion soit en train de foncer sur ma chambre et j'attendais anxieusement que le bruit commence à diminuer pour être soulagé et relâcher ma tension. Puis je me suis souvenu que ma chambre était au 2e étage, alors je me suis senti un peu plus en sécurité. Un autre camion vient de passer à l'instant et je jurerais qu'il a frôlé le mur tellement le bruit était fort, répercuté sur les parois de la chambre en béton dégarni. Au-dessus de ma porte se trouve un moustiquaire sans fenêtre de verre qui aurait permis d'atténuer un peu le bruit et d'avoir l'impression que je ne couche pas dans le chemin des camions. Cette situation me rappelle lorsque j'ai tenté, avec Ariane, sur le bas-côté de l'autoroute Trans-Canadienne, peu avant Calgary, où les 18 roues nous semblaient passer à moins de 10 mètres de la tente (ce qu'ils faisaient réellement, en fait).

 

Il y avait un vent froid, tout à l'heure, lorsque je rentrais, tard le soir. Au-dessus du Gange, sur le pont suspendu, je regardais les rides se déplacer vivement, appréciant ces moments et l'isolement que le vent nocturne créait. Un vent de la Gaspésie en automne, charge d’humidité et de fraîcheur ravigotante contre laquelle il faut se battre un peu si l'on n'est pas bien habillé. Je suis content d’être né au Québec. Alors que la plupart se plaignent du froid et fuient vers le sud, je me porte très bien et pense à mon pays sous la neige.

 

Arrivé sur le pas de ma porte, je me suis rendu compte que j'avais oublié de payer le chaï que j'avais consomme alors que je finissais de mettre à jour mon site Internet. Zut ! J'ai marché 30 minutes, retraversé le Gange deux fois et suis rentré dans ma chambre avec 3 RS en moins. Je n'avais pas besoin de faire cela, le restaurateur n'en serais pas mort, ni moi non plus, mais je l'ai fait quand même. Il ne m'a même pas remercié, mais ce n'est pas grave.

 

Les rues étaient désertes, les paupières métalliques des magasins toutes closes, un feu finissait de brûler auprès d'un Indien accroupi, un cochon fouinait seul au milieu d'une place bitumée vide. On dit qu'il n'est pas prudent de se promener seul le soir comme cela, mais je n’écoute pas. On dit aussi qu'il n'est pas prudent de grimper des montagnes, on peut se blesser, se perdre, ne jamais en revenir. (D'ailleurs, beaucoup de polices d'assurance-hospitalisation ne couvrent pas les blessures liées à l'escalade, mais toutes couvrent les blessures liées aux promenades nocturnes. Cela ne doit donc pas être si dangereux que cela.)

 

J'ai croisé deux hommes tenant chacun un long bâton, du style de celui que les policiers ont souvent en Inde. Un des deux hommes avait une sorte de béret penche sur le côté, mais aucun n'avait d'uniforme. L'un m'a demandé ou j'allais, "To my guest house" que j'ai répondu, en continuant à marcher, puis il m'a lancé : "Stop Now !", ce à quoi j'ai dit : "No", toujours sans modifier ma cadence. Et puis plus rien, je suis rentré, me suis brossé les dents et me suis couché.

 

Mon quatrième et dernier crayon SPUN vient de s'achever, je trouve cela assez problématique. L'attachement envers ses crayons....

 

 

 

 

Rishikesh V

Ben 02.12.28

 

J'ai, lors de ma méditation de ce matin, pour la première fois lévité de façon continue à plus d'un pied au-dessus du lit pour au moins une minute. Je me suis fait mal en retombant, à moitié à côté du lit.

 

Non, ce n'est pas vrai du tout. Je ne suis pas capable de léviter (du moins, pas encore) et je n'en parlerais probablement pas de toute façon si c’était le cas. Mais je me demande vraiment si on me croirait si je l'affirmais. C'est une interrogation qui me trotte à l'esprit depuis quelques temps. Ce questionnement a trait plus à l'ouverture d'esprit de ceux que je peux appeler (avec un petit sourire en coin) mes lecteurs, ou mes compagnons de voyage virtuel, plutôt qu'à ma cote de crédibilité auprès de ceux-ci. Peu importe qu'on me prenne pour un illuminé schizophrène ayant pris trop de drogue dans sa jeunesse. Les opinions des autres ne changeraient rien aux "réalités" que j'ai vécues et aux faits que j'ai expérimentés. (Plate, la Terre, hein ?)

 

Bon, quand j'aurai maîtrisé la lévitation, je vous enverrai un courriel télépathique pour vous le dire. (Vous croyez toujours la Terre plate, hein ?)

 

 

 

 

Rishikesh vers Rampur

02.12.28

 

En quittant Rishikesh par vikram vers Haridwar et sa station de train, nous avons roulé près d'un camp de jeunes que j'ai reconnu être des scouts à leur foulard et à l'emblème à fleur de lys, symbole mondial du scoutisme (que j'ai d'ailleurs de cousu sur mon sac, étant scout depuis l'âge d'environ 8 ou 9 ans jusqu’à être animateur, pendant une année, d'un groupe de Pionniers (14-17 ans)). Je me disais, alors que le véhicule continuait sa route, qu'il aurait été intéressant d'aller leur rendre visite, sachant très bien que je pouvais compter sur leur hospitalité envers un semblable. Mais j'avais un train dans une heure, pour aller rejoindre Saeed au deuxième mariage, et je ne voulais pas le décevoir à nouveau. Cent mètres plus loin, le vikram arrête et on nous fait embarquer dans un autre, sans que je ne comprenne pourquoi.

 

Nous attendons plusieurs minutes avant de repartir et l'image du camp traîne dans ma tête et me harcèle. Devrais-je, devrais-je pas ? C'est déjà trop loin, que je me dis. Alors un scout apparaît à côté de moi, marchant tranquillement, sans me regarder. Non, cela ne doit pas être trop loin. L'idée me tente, mais je suis encore incertain. Puis je remarque un panneau de magasin annonçant "Dan Bosco Quelquechose", alors que l'école primaire nous donnant autrefois un local pour nos réunions scoutes se nommait "Don Bosco". C'en est trop ! Je saute en bas du vikram qui repartait, paie le chauffeur et fais demi-tour à pied, vers le camp scout en arrière

 

J'ai effectivement été très bien accueilli, comme si j’étais un visiteur important longtemps attendu. On m'a fait passer en revue tous les groupes de jeunes, bien rangés en ligne et me saluant comme un chef, en me montrant leurs réalisations des derniers jours. Et c’était bien des scouts. Ils avaient construit plein de trucs, des supports à bagages, des séchoirs à linge et à vaisselle, des ponts suspendus d'une dizaine de mètres de long, des ponts en corde de la même longueur (que j'ai essayés en toute confiance) et des tours d'observation et de communication (visuelle) dont la plus haute faisait un bon 2 étages de haut. Le tout uniquement avec du bois, du bambou et de la corde, en brêlant, sans aucun clou.

 

Il fallait les voir ces jeunes, tous fiers et honorés qu'un étranger vienne pour regarder et même essayer leurs constructions. Il y en avait qui souriaient, qui rougissaient en riant et d'autres qui n'osaient pas me regarder dans les yeux.

 

Ils m'ont invité à demeurer avec eux pour la nuit et le feu de joie, ce soir étant la dernière soirée, ce que j'aurais immensément aimé, les soirées autour d'un feu de camp, particulièrement ceux d'un groupe tel qu'un camp scout où les liens entre les membres se resserrent et où les souvenirs dureront peut-être toute une vie, ces soirées étant magiques et remplies d'une énergie forte, solidifiante, grandissante, mais j'avais donné ma parole ailleurs et ç'aurait été incorrect de la trahir. Je leur ai donc dit adieu et merci beaucoup, après quelques heures en leur compagnie, un simple mais bon repas partagé avec eux et quelques photos (évidemment !), puis j'ai continué mon chemin avec mon sac sur le dos.

 

Je ne peux m’empêcher de sourire en pensant que, pour tous ces gens, je représentais le Canada, le scoutisme canadien et le monde occidental. Bien dépeigné, pas rasé depuis 3 mois, les pantalons sales, troués en plusieurs endroits et déchirés, usés jusqu’à la corde au pli du bas des jambes (ces pantalons sont d'ailleurs les pantalons scouts faisant partie de mon uniforme, et ils ont été portés depuis 8 ans bien remplis, ce qui explique leur état) et avec les bottes de marche aux lacets bleus portant les traces et la poussière d'un bon usage, je faisais sans doute un excellent ambassadeur !

 

Arrivé à la gare, j'ai fait la file pour acquérir un billet, en ai obtenu un pour un train direct jusqu’à la petite localité où je voulais aller (alors qu'auparavant il me fallait 2 ou 3 trains, tous bien en retard), ai à peine eu le temps de sauter sur la voie ferrée pour la traverser, rejoindre la troisième plate-forme où mon train accélérait déjà, et me voici rendu ici, dans une sorte de compartiment à bagages, je crois, avec une vingtaine de personnes, en train d’écrire ces lignes. Je n'ai toujours pas reçu de confirmation que j’étais dans le bon train, mais je ne m'inquiète guère. Nous roulons depuis 2 heures déjà et il serait futile de s'inquiéter.

 

 

 

 

Note (Bangladesh)

03.02.13

 

Je suis rendu au Bangladesh, à Dhaka, la capitale. Je n'ai pas pu travailler à retranscrire mes textes comme je le voulais, j’étais trop malade. Je le suis encore, mais plus trop, juste assez. On m'a dit que j'avais une fièvre virale. J'ai des antibiotiques et je dois me forcer à manger pour les prendre. Ça ira mieux plus tard.

 

C'est la plus grande fête de année ici en ce moment, alors tout est fermé pour 4 jours. Je me compte très chanceux d'avoir trouvé un café Internet ouvert. Je n’espérais plus en trouver un. Pour la vitesse, c'est une autre histoire, du genre d'un 2400 bps partagé à 10 ordinateurs, mais au moins la connexion existe.

 

Puisque je n'ai rien à faire et que ma position n'est pas trop inconfortable, je vais continuer à taper des textes.

 

 

 

 

Varanasi -> Gaya

02.12.30

 

Dans le train, encore et toujours....

 

Il y a quelques jours, je ne me souviens plus combien, j’étais au mariage du cousin de Saeed. C’était il y a plus d'une semaine, il me semble. Quelques jours, quelques semaines, quelle différence ? La nourriture était excellente, sa quantité excessive, et le sommeil trop peu abondant. J'ai rencontré encore plein d'Indiens dont je ne me souviens plus les noms. Ils venaient tous me voir pour me serrer la main et, de toute façon, je n'ai pas de grand talent pour retenir les noms sans les avoir vu écrits. Plusieurs ont tenu à aller me "montrer" les femmes (car les hommes et les femmes sont ségrégués durant la majeure partie des réceptions) pour avoir mon opinion sur le sujet. Ils voulaient aussi savoir quand est-ce que je me marierais. Me marier, moi ?? Quelle idée ! En tout cas cela les amusait que je puisse tenir des propos semblables. D'ailleurs, Saeed aurait été marié sur-le-champ s'il avait osé répondre "oui" aux questions pressantes de sa famille qui ne comprend pas comment il fait pour vivre sans épouse. Il leur a dit que les candidates possibles devaient faire de l'escalade, connaître la méditation et être pro-féministes, ce qui diminue grandement les possibilités. J'approuve et je supporte ces critères ; mais je tiens trop à ma liberté (ou à mon semblant de liberté) pour m'engager actuellement dans ce genre de relation. Et puis je connais trop mon caractère parfois irascible.

 

Il faisait froid, assez pour me donner des engelures aux genoux après 30 minutes de cyclo-rickshaw le matin. J’étais mal habille, c'est ma faute. Sachant que j'allais vers le sud et ses plaines, j'ai laissé mon chandail de laine à Tushita et donné mon polar noir (acheté à Rishikesh à ma première visite) pour les réfugiés tibétains à McLeod. Je ne prévoyais pas souffrir du froid ici. Mais ce n'est pas grave, je m'arrange.

 

Nous avons passé une nuit dans le train, vers Varanasi, d'où j'ai écrit quelques lignes sur le site tout à l'heure. Le train avait plusieurs heures de retard, nous a fait manquer notre correspondance vers Gaya, alors nous avons visité un peu Varanasi. Ville très charmante (peut-on dire cela d'une ville de l'Inde ?) avec une atmosphère spéciale provenant du Gange qui la borde et de l'importance que les Indiens accordent à cette ville en tant que ville sacrée. C'est la première ville où j'ai vu des films pornos annoncés. On dit aussi que c'est l'une des plus ancienne villes du monde, avec plus de 3500 ans de vécu.

 

Nous avons marché un bon 15 ou 20 minutes dans des rues larges comme un corridor, le vieux Varanasi. Très charmant et ce serait presque adorable, comme partout en Inde, s'il n'y avait pas ces bouses, ces eaux stagnantes et ces déchets partout. Malgré tous ces défauts, j'ai beaucoup aimé cette ville, particulièrement les ghats ["ghat" signifie des marches sur le bord d'un plan d'eau], mais je ne sais pas pourquoi. Varanasi est une ville bien spéciale et l'ambiance m'a plu.

 

Les ghats, avec sa quantité de masseurs voulant s'exécuter pour 5 roupies (on leur donne une main pour un essai et ils prennent le bras entier jusqu’à l’épaule), de bateliers offrant des tours de bateau, de mendiants (évidemment) et de gens divers faisant diverses choses (souvent incompréhensibles à l'esprit occidental). On brûlait des corps à un certain endroit, de vrais corps humains, de gens décédés. Oui, la mort existe encore, même si j'en parle peu, de peur de paraître morbide. Cela risquerait de choquer si je disais des trucs du genre :

 

VOUS ALLER MOURIR, INÉVITABLEMENT.

 

Les Occidentaux, idiots qu'ils sont, parlent peu de la mort et en ont peur, pour la plupart. Ils n'aiment pas qu'on leur rappelle la seule certitude de leur vie. Ils espèrent qu'en évitant d'y penser elle ne viendra pas (cela ressemble beaucoup à un comportement du type "autruche", dont l’efficacité est certaine !).

 

Bon, je n'ai pas envie de me lancer dans une longue narration sur le sujet. Il y a tant à dire, je n'ai pas fini avant plusieurs pages et je ne voulais pas trop écrire ce soir, juste quelques lignes au gré de cahots. Les gens gagneraient à lire le Livre tibétaine de la vie et de la mort (de Sogyal Rinpoché), à apprivoiser la mort, qu'ils soient bouddhistes ou non.

 

[Le train surpeuplé avance, recule, avance, recule, hésite, et les passagers oscillent en cadence.]

 

Après un autre long trajet de cyclo-rickshaw (assez périlleux avec un immense sac sur le dos), de retour à ma seconde maison, la gare ferroviaire. Notre train de 16h00 est retardé jusqu’à 21h30 par incréments de 30 minutes ou d'une heure. Nous n'avons pas de places assises, seulement un damné WL ("waiting list") 48-49 nous promettant un joyeux voyage en perspective. Après les visites de 5 différents wagons, tous trop bondés pour pouvoir ne serais-ce que penser à déposer nos sacs, et une expulsion du wagon 3AC (la classe supérieure) nous avons, en compagnie de Ludovic (aka Allan), un Français ayant actuellement le même statut de persona non grata que nous, atterri dans le wagon de deux Américains, méditants Vipassana (très avancés) comme nous qui nous ont accepté (sans vraiment en avoir eu le choix). Nous nous retrouvons donc trois (Saeed, Ludovic et moi) à se partager les deux couchettes du haut, mais avec nos 3 gros sac et 4 petits sacs en plus. Il est 22h30 et nous avons encore 4 heures (plus les retards) à survivre ainsi avant de se retrouver tous nus en plein milieu de la nuit, avec nos gros sacs, dans l’état le plus pauvre de l'Inde, le Bihar. Mais nous devrions passer à travers (si le train peut se décider à repartir...). Nous sommes des voyageurs, nous sommes des "toffes"....

 

 

 

 

Bodhgaya I

03.01.01

 

À Bodhgaya pour l'an 2003, avec la pluie, l’humidité pénétrante et les moustiques dérangeants, particulièrement à l’intérieur de notre dortoir, dans un monastère birman. Bodhgaya est une ville bien spéciale, on s'en doutera, le lieu où le Bouddha historique, Siddhartha Gautama, a atteint l'illumination en méditant sous un banian (le "Bodhi-Tree") toujours présent - à sa 2e génération, l'arbre original étant décédé depuis. J'aime bien la ville, mais aujourd'hui c'est humide, les voitures et camions font beaucoup trop de bruit et les moustiques m'agressent. Je vais essayer de déménager vers un meilleur endroit, chose peu aisée en raison de la surpopulation grandissante pour le Kalachakra dans 2 semaines.

 

J'ai les pieds mouillés car j'ai décidé, hier soir, de tester l'imperméabilité de mes bottes dont la semelle commence à se décoller. Non, elles ne le sont plus. Je vais devoir arranger cela.

 

Je ne prévoyais pas devoir combattre les moustiques le premier de l'an. J'aurais préfèré, et de loin, avoir 2 pieds de neige. C'est tellement plus beau que de la boue.

 

Saeed a dit, en se levant, qu'il fallait faire quelque chose à propos de la température. Je suis bien d'accord.

 

La résolution de Saeed pour cette année est de s'abstenir de chialer à propos des moustiques. Courage Saeed !

 

Je crois que je ne me sens pas trop confortable car je n'ai pas de chez-moi à l'abri des éléments extérieurs depuis trop longtemps. Je serais parfaitement à l'aise dans une tente, ayant au moins une paroi pour me protéger du monde extérieur.

 

 

 

 

J'ai déambulé quelques heures dans le parc du Mahabodhi Temple, là où est le fameux arbre. Je suis entré dans le temple est me suis assis dans la seule et unique petite pièce ouverte au public, pendant que des dizaines de touristes et de pèlerins défilaient, se prosternaient ou récitaient de rapides prières. Ma journée m'a semblé avoir plus de potentiel pendant quelques temps après ma sortie. Le Soleil s'est pointé quelques minutes en arrière des nuages blanc-gris et du smog ineffaçable. Puis tout est redevenu morne et je suis parti dîner pour espérer y gagner un peu énergie.

 

Nous avons passé la dernière soirée de l'an 2002 bien tranquillement, à manger un excellent repas (coût total : 1025 RS, soit 35 $ CAN, pour 8 personnes), pour se réfugier ensuite dans une chambre à passer les dernières heures ensemble. Guillaume, le Français (l'Alsacien, en fait) de 21 ans, étudiant à l’école de commerce de Strasbourg, Rinchen, le moine - depuis 8 mois - Australien, Saeed, le comptable Torontois de 37 ans, Inga, l'Allemande dans la trentaine résidant à Bodhgaya souvent et longtemps, et puis moi, tous des voyageurs de longue durée. Nous étions tous d'accord pour dire que le retour dans ce monde occidental de fous serait bien difficile. Ici nous pouvons parler librement de l'amour et de la compassion que nous essayons de cultiver, de la patience que nous voulons développer, de l'équanimité envers toutes circonstances que nous désirons maintenir, des souffrances que nous causent nos attachements inutiles, de nos difficultés liées à notre ego superflu et des moments de paix et de bien-être que nous avons - car ces moments existent, même si on ne peut pas les acheter au supermarché en paquet de 24. Des trucs, des conseils, des encouragements, des idées nouvelles et des perspectives différentes sont échangées. Nous voyons bien l'importance de la Sangha, de la communauté. Isolés dans un monde de déconnectés s'accrochant à des chimères et influençant nos vies contre notre gré, qu'allons-nous devenir, comment allons-nous réagir ?

 

L'isolement n'est pas la solution, loin de là, et toutes ces situations qui ne seront pas absolument idéales seront nos meilleurs professeurs, notre meilleure façon de progresser. Mais il reste difficile pour quelqu'un ayant vu ses premières couleurs de retourner vivre dans un monde d'aveugles.

 

C’est dans l'adversité que l'on peut pratiquer et développer ces qualités tant souhaitables, cette patience, cette équanimité, ce détachement, cette générosité, cette concentration, cette attention, entre autres. Il est facile d’être patient lorsque rien ne nous contrarie, de même qu'il est facile être généreux lorsque nous vivons dans l'opulence (mais encore...). C'est en vivant des situations contraignantes, difficiles, parfois souffrantes que nous progressons le plus, que nous avons une chance de nous surpasser, de nous améliorer. C'est pourquoi les bouddhistes disent, et je les supporte sur ce point, que nous devrions être reconnaissant des personnes qui nous insultent, de ces situations qui nous déplaisent et de tous les désagréments que nous puissions rencontrer, puisque c'est une occasion extraordinaire que nous avons. Notre ennemi doit nous être plus précieux que notre ami puisqu'il nous permet de progresser, d'évoluer, de nous surpasser. Ce n'est pas mon meilleur ami qui peut m'apprendre la patience, mais le commis indien à la gare ferroviaire lui le peut. C'est à moi d'accepter, de saisir ces enseignements ou non, de même qu'il n'en tient qu'à moi d'écouter un professeur en classe.

 

De toute façon, d'un autre point de vue, il ne sert jamais à rien de se laisser dominer par la colère et d'avoir une réaction négative envers une quelconque situation désagréable, ce qui ne peut que nous affecter encore plus et ne peut que contribuer à rendre cette situation encore plus pénible.

 

Ce sera donc à notre retour qu'un autre grand choc culturel se fera. Pour bien des gens, nous serons encore la même personne qui aura pris l'avion si longtemps auparavant, et peut-être aussi réciproquement, alors que bien des changements, apparents ou non, ont pu s'opérer durant cet intervalle énorme.

 

Ceci débouche sur un autre point fondamental de la philosophie bouddhiste, celui de voir les choses telles qu'elle sont, et non pas telles que nous les percevons ou telles que nous voudrions qu'elles soient ("to see things as they are", pour reprendre les mots souvent entendus), la vue juste. La personne que nos proches verront ne sera probablement pas la même personne que nous somme réellement, mais plutôt une représentation, l'image ou l'opinion que nos proches auront de nous. Un exemple très concret : si un homme nous frappe et nous fait du tort, il est très probable que si, 10 ans plus tard, nous le voyons, nous ayons immédiatement une représentation négative de lui même si, depuis ce temps, cet homme est devenu le plus saint de tous les saints. L'inverse est également vrai et cause d'aussi grands problèmes Comment agir dans un monde alors que nous avons toujours une représentation faussée de ce monde ? Comme un petit enfant s'amusant avec ses jouets, nous avons un cylindre dans la main, essayons de le rentrer dans un trou carré que nous croyons rond et nous ne comprenons pas pourquoi une situation conflictuelle apparaît et que tout ne fonctionne pas comme nous le voudrions. Non content que cela ne fonctionne pas, nous le "prenons personnel", comme un affront à notre égard, et nous attachons à cet échec et à ces sentiments négatifs. Tout peux bien aller tout croche, et nous pouvons bien être malheureux dans ce cas !

 

J'ai beaucoup de choses dans ma tête que j'aimerais me transmettre à moi-même, lorsque je serai plus tard, plus vieux, différent de ce que je suis actuellement et que j'aurai peut-être oublié ce que je sais actuellement. J'ai tendance à oublier si on ne me rappelle pas, si je ne me rappelle pas moi-même.

 

Alors, à-moi même :

 

[§] <- Tout un ensemble de pensées et de concepts auxquels j'accroche un signet.

 

 

 

 

Bodhgaya II

03.01.02

 

Guillaume et Rinchen m'ont aimablement accueilli dans leur chambre ayant un lit supplémentaire inoccupé, ce qui m'a énormément aide. Plus [négation] de maringouins (du moins, plus de maringouins piquants, nous avons une entente tacite de non-agression avec les nôtres), beaucoup moins de bruit, des murs jaunes et clairs, bref un endroit où je peux me considérer comme chez-moi. Le malaise que j'éprouvais à mes premières 24 heures ici s'est entièrement dissipé. Il reste encore les violents coups de klaxon, mais je travaille à les laisser me traverser sans m'atteindre, au lieu de jouer le rocher absorbant toutes les attaques passant à proximité en bouillant intérieurement.

 

Je vais faire une ou deux autres retraites de méditation Vipassana prochainement. Ce ne sont pas des cours de l’école Goenka, à laquelle appartenaient mes deux premières retraites. Trois sessions sont organisées à Bodhgaya, au monastère thaï (thaïlandais), visant les occidentaux, depuis 28 ans maintenant. Il est dit que ces retraites sont beaucoup plus aisées que celles de l’école Goenka, qui passent pour être très strictes et assez difficiles. [Ndf : En fait, ces retraites ont une approche complètement différente de celle de Goenka et on ne peut juger de la validité ou de la qualité d'une retraite par sa difficulté. Aucun lien.]

 

(Tiens, il y a de la broche au milieu de ces pages, cela veut dire que j'ai rempli le premier quart du cahier.)

 

Je suis allé aider aux préparatifs des retraites et, évidemment, nous avions des blocs de toilettes à nettoyer, qui n'avaient pas été lavés depuis l’année dernière pour la plupart. Bon, encore des points karmiques. Quand est-ce que j'aurai mon t-shirt de Bouddha gratuit ?

 

Mais, comme on m'a souvent dit, ce n'est pas ce qu'on fait qui est important, mais plutôt comment on le fait. Laver les toilettes peut être une activité méditative, en étant présent et conscient. (La méditation n'est absolument pas confinée à la position assise, les yeux clos et tournés vers l’intérieur C'est même après s’être levé, dans ses activités quotidiennes que la vraie méditation commence.) Et puis cela peut également nous aider à nous libérer de nos attachements (l'aversion est aussi de l'attachement, l'attachement à l'absence de l'objet d'aversion). Mes toilettes n'ont pas été si difficiles que cela à nettoyer. De toute façon, j'ai déjà passé au travers de choses plus éprouvantes que cela durant ma vie.

 

(Tiens, c'est d’être mal élevé que de parler de toilettes en mangeant. Je m'en viens rustre à vivre en Inde, à manger avec mes mains, à roter lorsque ma digestion le nécessite (mais sans en faire un concours, ni réciter l'alphabet, toutefois), à porter le même chandail jour et nuit depuis 2 semaines, sans parler de mon faible empressement à prendre des douches régulières. Mais je me brosse les dents à tous les soirs, sauf de très rares exceptions. Tiens, mon crayon indien à la capacité d’écrire "SPUN" sur la pelure d'un citron.)

 

J'ai rencontré ici plusieurs personnes que je connaissais de McLeod. Pas de grands amis proches, mais assez familiers pour permettre des salutations et quelques mots.

 

(Tiens, la grande aiguille est bientôt sur le 6...)

 

 

 

 

Bodhgaya IIIa

03.01.03

 

Je me suis censuré pour la première fois dans mes textes. Pas encore vraiment, mais je le ferais lorsque je retranscrirai sur le Web. [Ndf : C'est maintenant chose faite.] J'en omettrai une partie, je modifierai ce que j'ai écrit. Cétait trop prétentieux, la décence empêche de publier cela.

 

 

 

 

Bodhgaya III

03.01.03

 

Il y a des années, je vivais dans un autre monde, dans un monde créé de toutes pièces, pour quelques personnes. Le monde extérieur n'existait pas, n'avait pas d'importance. C’était un monde mélancolique, un peu triste, où nous n'étions que 2, ou 3, ou 4, souvent rejetés, marginalisés par cette société qui se trouvait en-dessous de nous. Le temps passait, lentement, tranquillement, et les journées et les nuits n'avaient plus leurs distinctions habituelles, se fondaient et se confondaient ensemble. Le lampadaire de la rue vide, seul, éclairait une sphère de flocons descendant dans l'immobilité du temps de la nuit éternelle, silencieuse. Pas une âme qui ne soit encore ailleurs consciente, avec parfois de la musique jaillissant d'un lecteur CD capricieux et coulant comme une rivière fabuleuse, emplissant l'atmosphère de volupté incandescentes et merveilleuses. Les contraintes extérieures perdaient de plus en plus leur pouvoir pour se noyer dans le moment à savourer, dans ces secondes, ces minutes, ces heures qui nous traversaient comme peut le faire le feu des étoiles par une nuit clairvoyante. Ce penchant vers l'annihilation, vers la dissolution de son existence dans les mondes inaccessibles avait sa teneur de puissance, de grandeur et de force imbattable. Nous étions seuls, seuls à visiter les plus hauts sommets, à goûter aux plus grandioses victoires, à se délecter des plus fabuleuses gratifications qui pouvaient exister, mais aussi seuls à souffrir de la décadence la plus totale, de l'indifférence ignoble et du mépris hautain des rejetés, seuls dans notre monde immense, seuls à ressentir. Des sentiments que les mots ne pourront jamais décrire, pas plus que les autres ne pourront jamais comprendre.

 

Comme une fleur unique, qui irradie de beauté et d'attraits dans un champ dévasté, j'ai rencontrée. Beaucoup de choses que je n'ai pas encore compris, qui me sont restés inexplicables. Nos communications, mêlées d'ouverture et de boucliers contre de possibles blessures, enlaçaient l'espoir et la futilité Le charme d'une vie désolée, tourmentée par des méandres tumultueuses parfois violentes et blessantes. Un coeur blessé tarde à se faire panser et guérir. Une jeune fleur anéantie dans l'oeuf, mais germant noire, étincelante comme la nuit, s'étant jurée "Plus jamais...". Un naufragé des temps modernes, ayant refusé l'injustice, blessé au coeur par son propre peuple. Tous deux tournoyant les yeux levés vers la liberté, vers la reconnaissance, en ouvrant les bras et en riant à pleines dents dans un monde existant pour eux seuls...

 

 

 

 

Les secondes qui s'égrenent et qui s'étirent, les 2 mains sur la tête, tirant les cheveux dépeignés, le lendemain est passé depuis peu. Le coq chante, illusion d'un univers étrange. Les mots qui devient de leur objectif, frappent d'autres cibles. Des larmes qui perlent sur un coeur meurtri, endolori. La futilité de l'expression alors que tout a été dit et que rien n'est comme avant.

 

L'instant sublime où, miracle indomptable, les lettres s'agencent en mots merveilleux transportant la beauté de mille phrases en une seule.

 

Le long corridor rectangulaire, doré, débouchant sur de vastes pièces inconnues appartenant à un pays d'ailleurs. Le jaune, le rouge, le bleu, le cordon tressé, le visage vieilli par les années, la bouche close mais les yeux qui parlent. On ne peut m'aider dans mon écriture. Des bulles en surface ballottées par les vagues de l'espace-temps. Une fermeture-éclair argent et une bordure rouge. Un nerf coincé entre deux possibilités fluides. Des sons aphones comme des acouphènes virtuels.. Illuminé sur quatre pattes regardant la vie se dessiner à deux mains. L'encre s’étend, linéaire et nette. Une musique mélodieuse en arrière-plan, dans un coin du cerveau, de xylophone, de hautbois et de raton laveur perché. Des bruits de ciseaux qui coupent en rythme, à l'oppose des marteaux du travail allant en cadence (forcée). Une loutre qui mord, des souliers dans la neige. Une double couverture, mais pas de laine. Un soleil bleu (bleu comme le plus profond des bleus...) Vert, la couleur de l'espérance. Un Coréen cubiste à 3 étages. Des pages entières (4) remplies de mots sans liens, très difficile. Puis plus rien, l'horloge s'est arrêtée. Des calamités volcaniques, des lacets fluorescents. Un tapis mauve, volant. À sens inverse, de préférence. Des nombres, des nombres, et un soupir. Des raies d'arc-en-ciel vagabond, un drap trop court tissé à souhait. Quelques pensées discordantes et plusieurs lignes remplies. Des paroles énigmatiques et une révolution circumbulatoire. Le lever du jour et le coucher de la nuit. Un moine philanthrope ?

 

"Les phares luminescent de la profonde scalandre angulaire me fixent avec les yeux de la démente folie dans laquelle se vident les brumes du lac aux eaux rougeâtres, déversant des coeurs sans-abris, vides de sens et de lumière."

 

Non ! dit le tigre. Vole, vole, vole, papillon.

 

Des textes venant d'un vieux 4 décembre, loin dans le temps et loin dans l'espace. Loin dans la brume mais présent à l'esprit. Quelques paroles de peu de sanité. Pour rendre l'esprit plus lucide. Revenant de loin, de très loin (le souper est prêt ?). Beaucoup d'information condensée dans ces mots, beaucoup de concepts schématiques représentés, résumés. Des cahiers remplis de brefs instants de vie, de brefs moments du passé.

 

 

 

Trois gars qui dorment, en plein milieu de la journée, avec la lumière allumée.

 

 

 

 

Bodhgaya IV

03.01.06

 

Il y a longtemps que je n'ai pas écrit, il me semble, alors j'ai repris le crayon ce soir, pour transcrire sur papier les moment impermanents que j'ai vécus récemment et que je vis en ce moment. C'est parfois intéressant à écrire, parfois à lire (du moins je l’espère un peu) mais presque dangereux de trop s'y attacher. En voulant tout fixer sur papier, pour ne rien perdre, ne rien oublier de toutes ces expériences, je m'y attachais beaucoup trop, auparavant. Je ne prétends pas m'être libéré de ces attachements, mais au moins je les vois et sais les reconnaître (probablement pas tous, mais néanmoins quelques-uns).

 

Assez ironiquement, la personne qui a habité la maison de la nonne que je devais garder pour un mois (la maison, pas la nonne) à McLeod, est Rinchen, le moine australien, mon coloc ces temps-ci, avec lequel je passe habituellement mes soirées à parler jusqu’à minuit, 1 heure ou 2 heures du matin, pendant que Guillaume essaie de dormir. Je m'entends très bien avec lui. Il a fait des études en ingénérie mécanique ou un truc du genre. Nous avons des tempéraments similaires et avons des expériences de vie parfois curieusement semblables. Il m'a fait comprendre que les moines sont des personnes normales, comme tout le monde, mais qui portent la robe.

 

J'ai rencontré encore plus de gens que je connaissais. D'abord deux Israéliennes jumelles datant d'il y a 3 mois à Gangotri (dont j'aurais sauvé la vie à l'une d'elle en lui indiquant le chemin entre Bhojbasa et Tapovan, sur le glacier Gaumukh qui n'est qu'un champ de collines de pierres entouré de hautes moraines, sans aucun sentier visible (il faut vraiment un guide pour trouver Tapovan lorsqu'on y va pour la première fois), alors qu'il était 15h00, que le Soleil allait bientôt disparaître derrière les montagnes (avec des nuits de -10°C) et qu'elle n'avait rien avec elle pour dormir...), qui ont fait fureur parmi le groupe exclusivement masculin dans lequel j'étais. Ensuite Caroline, une Belge rencontrée en allant voir le Karmapa et à Tushita, puis Colette, une habitante de l'île de Malte (je peux me considérer statistiquement chanceux de l'avoir rencontrée, puisqu'ils ne sont que 400 000 dans leur pays, alors on ne les voit pas souvent (J'ai aussi rencontré un francophone de la Guadeloupe Française. Je pourrais me mettre à collectionner les rencontres avec les gens de différents pays...)) et il semblerait que Swee Mei, la Malaisienne ayant fait un trek assez ardu (surtout pour elle) avec moi, Guillaume et Floris, de McLeod à Triund, soit ici aussi car deux personnes m'ont dit qu'elle leur avait demandé de mes nouvelles en les reconnaissant dans la rue.

 

Demain, une autre retraite Vipassana débute, pour 9 jours. Puis ce sera le Kalachakra, dont je ne sais vraiment pas quoi attendre (et c'est probablement mieux ainsi) et probablement une deuxième retraite à partir du 24, pour un autre 10 jours. Méditer est une des meilleures choses que je puisse faire en ce moment, c'est donc idéal et je suis très chanceux d'avoir ces opportunités.

 

Que s'est-il passé d'autre ici ? Nous jouons souvent aux échecs avec Ludovic, l'instituteur français qui fait un peu de bénévolat dans les écoles locales - qui se présente comme étant Allan puisque c'est plus facile à retenir pour les non-francophones (il a même quelquefois utilisé le nom de James Bond avec les locaux) -, avec des jeux d’échec neufs ayant coûté 12 RS (40 ¢ CAN) chacun. Je me fais systématiquement démolir par lui et Rinchen tandis que je perds simplement contre Guillaume (mais en lui donnant au moins quelques difficultés). Je pensais être meilleur, mais il est vrai que j'ai assez rarement joué dans ma vie, en moyenne.

 

Il fait froid, il y a des maringouins (beaucoup trop pour moi, malgré que ce ne soit pas l'Abitibi) et cela fait une semaine que je suis ici (mais qu'est-ce que j'ai fait durant cette semaine ??). J'ai encore acheté des livres (3 autres), tous plus intéressants les uns que les autres. Le Karmapa est arrivé aujourd'hui (ou hier), le Dalaï-Lama ne devrait pas tarder. Je me plais bien dans la ville. Nous avons notre petit restaurant favori où nous nous retrouvons tous et les journées se passent bien dans la ville la plus sacrée au monde pour les bouddhistes.

 

Chose certaine, Bodhgaya est une ville particulière. Imaginez 100 000 personnes qui investissent une ville (les nombres officiels ne cessent de varier)... C'est encore vivable actuellement, mais cela devrait être la folie furieuse lorsque nous sortirons de la retraite en plein coeur des enseignements du Kalachakra (je dis "nous" car je connais maintenant quelques-unes des mes compagnonnes de méditation, soit Brunelle, de Suisse, qui semble s’être jointe à notre groupe habituel, ainsi qu'une Québécoise dont j'ai oublié le nom et Maryse, de l'Ontario, qui travaillent toutes deux dans un pays quelconque de l'ex-URSS.

 

C'est dommage, il semble que je ronfle ces temps-ci. Rinchen a dû me bombarder de projectiles pour essayer de me faire changer de position la nuit dernière.

 

Le plafond est peint de deux tons de jaune différents, c'est bizarre.

 

J'aurai peut-être le droit d’écrire à cette retraite.

 

(Wow, j'utilise un crayon indien dont le recherche et le développement ont été faits en Allemagne !)

 

 

 

 

Note

 

Le texte suivant, écrit à ma sortie de ma première retraite Vipassana, avait déjà été publié quelques jours après son écriture, pour signifier que j’étais encore en vie. Je l'insère à nouveau pour le replacer dans l'ordre chronologique.

 

 

 

 

Bodhgaya (après Vipassana) I

03.01.16

 

La fin d'une autre période, d'une courte ère vient d'arriver. Je viens d'émerger d'une retraite de 9 jours de méditation Vipassana.

 

Encore et toujours, les mots sont inutiles. Neuf jours, neuf jours à être présent, conscient, le plus possible, à scruter et observer l’intérieur. "Insight" est la traduction anglaise de "Vipassana". Observer, simplement observer.

 

Un petit groupe, 21 au début, 18 à la fin, 30 au total avec les professeurs, responsables et cuisiniers. Nous nous connaissions beaucoup à la fin, sans avoir échangé directement entre nous. D'autres frères et soeurs maintenant. Ma famille s'en vient de plus en plus grande.

 

C’était froid le matin et le soir, il y avait des maringouins quand même et, pour la première fois de ma vie, je me suis laissé piquer sans réagir (extérieurement), en leur donnant mon sang. À peine quelques piqûres, certes, mais très significatif pour moi. J'ai une longue histoire de haine et d'aversion - presque de peur - envers ces bestioles. J'en vois clairement toute la futilité et toute la souffrance que cela me cause, mais j'avais de grandes difficultés à modifier mes comportements à cet égard.

 

La retraite me fut dure par moment, évidemment, mais c'est parce que j'apprends. Et j'y replonge dans 9 jours, pour la dernière retraite d'une série de trois qui se déroule à Bodhgaya depuis 28 ans maintenant (je crois).

 

Le Dalaï-Lama est venu nous visiter durant notre retraite, non pas nous directement, mais le temple thaï où nous étions. ....Le Dalaï-Lama est venu nous visiter durant notre retraite ! Quelle chance incroyable !

 

Peu de choses à dire ensuite, peu de choses qui valent la peine d’être dites. Mes yeux clos ont vu tant de choses... Un bien-être est en moi. De merveilleux moments à sentir le Soleil chasser le froid et l'humidité du matin, à regarder les petits chiots jouer, à voir la lune grandir de soir en soir. Au midi, bercés par les chauds rayons, parfois quinze personnes allongées sur la pelouse des jardins fleuris. Des roses auxquelles je pouvais m'arrêter, goûter quelques poumons de délicate saveur en passant. Le chaud chaï du matin et du soir, onctueux comme le plus exquis des nectars. Au soir, avant le coucher, quelques pensées, quelques histoires, quelques poèmes (Awake Awhile, d'Hafiz), parfois de la musique. Et puis le sommeil doux et délicat suivant une journée bien remplie. Oh oui, bien remplie.

 

Ce sera tout le griffonnage pour ce soir, même si des centaines de mots et des dizaines de sentiments et d'impressions dansent dans ma tête. Rien qui ne soit assez mur pour mériter l'espoir d'immortalité du papier.

 

 

 

 

En me brossant les dents, j'ai remarqué la lueur dans mes yeux, cette étincelle de douceur et de bonté que j'avais remarqué dans les yeux de mes frères et soeurs à la sortie de ma retraite...

 

 

 

 

Awake Awhile

03.01.16

 

Awake awhile.

 

It does not have to be

Forever,

Right now.

 

One step upon the Sky’s soft skirt

Would be enough.

 

Hafiz,

Awake awhile.

Just one True moment of Love

Will last for days.

 

Rest all your elaborate plans and tactics

For Knowing Him,

For they are all just frozen spring buds

Far,

So far from Summer’s Divine Gold.

 

Awake, my dear.

Be kind to your sleeping heart.

Take it out into the vast fields of Light

And let it breathe.

Say,

"Love,

Give me back my wings.

Lift me,

Lift me nearer."

 

Say to the sun and moon,

Say to our dear Friend,

 

"I will take You up now, Beloved,

On that wonderful Dance You promised."

 

 

(‘I Heard God Laughing - Renderings of Hafiz’ - Daniel Ladinsky)

 

 

 

 

Bodhgaya VI

03.01.17

 

C'est affreusement bruyant à l'extérieur. Dans le monde extérieur en fait. Mais ce n'est pas vraiment le monde extérieur. Il n'y a qu'un seul monde et c'est celui-ci. Bruyant sonorement et bruyant mentalement. Beaucoup d’interférence, d'agitation, de pollution mentale. ("Life ho to aisi") La pollution mentale....

 

Que s'est-il passé durant mon absence ? (Question ironique puisque c’était plutôt ma présence.) L’Irak a-t-il été anéanti, la Corée du Nord existe-t-elle encore, l'Amérique a-t-elle disparu sous les mers ? Je parierais qu'on n'a pas encore trouvé Ben Laden. Il a été oublié je crois. (Il est peut-être rendu sur une île des Bermudes avec Elvis et Marilyn Monroe.)

 

Sur un groupe de 25 personnes rassemblées à peu près au hasard en Inde, nous étions 7 Canadiens. Une de ces personnes, Maryse, avait même été présente avec moi en juillet dernier, au centre Vipassana de Sutton, lorsque Goenka faisait sa tournée nord-américaine. En marchant dans les rues, hier, et en allant au Kalachakra, j'ai rencontré une dizaine de personnes dont je connaissais le nom, avec lesquelles j'ai parlé. Tous ces gens vont me manquer.

 

Les choses ont assez changé à Bodhgaya. Beaucoup plus de gens, évidemment. Des dizaines et des dizaines et des dizaines de milliers de personnes. Il y a parfois des mouvements de foule lorsque les rues sont bloquées pour permettre le passage de véhicules contenant des lamas importants. Des gens sont compressés, écrasés, des enfants pleurent.

 

Neuf jours à observer les phénomènes étranges ici, puis de retour à l'observation intérieure, bien plus enrichissante et souvent plus étrange que ce monde de fous. (Il faut bien, en effet, que ce monde désaxé provienne d'esprits perturbés...)

 

 

 

 

Bodhgaya VII

03.01.17

 

Je suis sur le site du Kalachakra, pour la première journée de l'initiation à proprement parler. Nous sommes plusieurs centaines d'Occidentaux, arrivés quelques heures avant le début, assis par une fin d'avant-midi brumeux et froid. De graves prières tibétaines résonnent aux haut-parleurs autour de nous pendant que des flots d'arrivants se répandent. Encore des gens que je connais. Melissa, de Tushita, Tom, de Toronto, rencontré à McLeod, Christine, Yeshe, Inga, ...

 

Étonnament pour la quantité de personnes et le temps présents, les gens sont souriants, ils ont l'air bien, heureux. Même le policier indien qui m'a fouillé était souriant et m'a donné une tape amicale dans le dos après avoir terminé. Des gens avec un sourire naturel, beaucoup assis en tailleur, les yeux fermés.

 

Hier, des centaines de jeunes moines sont passés à côté de nous, portant chacun une théière qu'ils s'empressaient d'aller vider, certains en courant, dans les verres et tasses tendus. Je n'avais jamais vu autant de théières de ma vie.

 

 

 

 

Bodhgaya VIII

03.01.20

 

Deux amis très proches viennent de me quitter. Guillaume et Rinchen viennent de disparaître au loin dans un rickshaw, en direction du Népal. Ma chambre semble vide, avec mon petit drapeau du Québec accroché seul au-dessus de deux lits dégarnis, à côté de mon revêtement de coussin orné d'une swastika dorée, seul alors qu'il y en avait trois auparavant. Ceci était un cadeau de Saeed, qui les avait fait faire spécialement pour nous.

 

J'ai eu de très intéressantes discussions avec Rinchen, ayant étudié en génie physique mécanique (ou un truc du genre) à l’université.  À chaque soir, ou presque, nous parlions jusqu’à 2 ou 3 heures du matin avant de couper brutalement la conversation pour aller dormir. J'ai beaucoup appris. La réalisation que les moines étaient des personnes normales, tout comme moi, m'a surpris. Je ne m'attendais pas à cela. J'avais l'impression qu'ils avaient un quelque chose de magique et de mystérieux que nous les gens normaux n'avons pas. Rinchen m'a donné son livre Stages of méditation, écrit par le Dalaï-Lama, qui apparaît comme étant un précieux ouvrage. J'avais même cherché à l’acheter ces derniers jours.

 

Rinchen avait charmé Milena, une cameraman-reporter roumaine, semble-t-il, et nos derniers moments ainsi que nos adieux furent filmés pour faire éventuellement partie d'un reportage sur le Kalachakra à Bodhgaya en 2003, avec Rinchen, le moine australien de trente-(un, deux ?) ans, un des rares Occidentaux moines de la tradition tibétaine, le tout diffusé en Italie. Bon, on s'y fait.

 

Anthony, un autre Australien de 31 ans, moine de son côté en Thaïlande depuis 8 ans, part demain également. Le Kalachakra fini, les gens fuient. C'est le temps des adieux. Anthony nous a offert à chacun (Guillaume, Rinchen, Ludo et moi) un pendentif orné d'une représentation de la déesse Kalachakra d'un côté et du Dalaï-Lama de l'autre. Je ne porte habituellement rien au cou (ce n'est qu'à moitié vrai puisque j'y ai maintenant 4 cordons de protection récents), mais je vais porter ce pendentif pour au moins un certain temps. C'est un cadeau d'un ami.

 

Le Kalachakra est terminé, donc. Je ne parlerai pas du froid humide pénétrant, de ma radio qui ne recevait rien (enfin, pas la traduction anglaise ni française), des harassants messages du Tibetan Youth Congres diffusés par haut-parleurs en permanence dans toute la ville, ni de tous les désagréments liés à la présence de 100 000 personnes sur un même terrain, tous attirés par un point central puisque, comme l'a dit le Dalaï-Lama, si nous revenons chez nous et que tout ce dont nous disons du Kalachakra c'est qu'il faisait froid, alors il y a quelque chose que nous avons manqué. Ce quelque chose, j'en ai saisi une partie, mais elle ne se décrit que très mal, surtout par une voie un peu impersonnelle comme le papier ou l’écran. J'aurais tendance à dire "l’énergie de l’événement était très intense", mais cela sonne cliche et presque trop ésotérique à mon goût. Mais reste que 100 000 personnes qui s'assoient ensemble et qui, sous la direction du Dalaï-Lama Tenzin Gyatso en personne, ferment les yeux et concentrent leur esprit, leur attention et leur imagination dans une même direction, ça peut donner des résultats puissants. Assez puissants, oui.

 

Le Kalachakra est la plus importante initiation tantrique à laquelle il peut être donné à un être exempt de grandes réalisations d'assister. Les détails exacts de cette initiation sont tenus secrets par les initiés et les observateurs intéressés (ceux qui ne prennent pas l'initiation complètement avec tous les engagements que cela implique).

 

Une espèce de punk aux cheveux verts, un autre avec ses bottes de cuir et son chandail Harley-Davidson, une femme habillée en moine avec un turban jaune qui semblait marcher comme sur des nuages, des freaks habillés bien bizarroïdement, des photographes cachés derrière leur mitraillette nous regardant parfois de très près et, faisant comme si nous ne les voyions pas, attendions que nous bougions naturellement pour capter le meilleur instant, des policiers indiens qui souriaient et avaient l'air heureux, il y avait de tout à ce Kalachakra. J'y étais également. J'ai passé mes après-midis près de Barbara et d'Andrea, de Munich (Allemagne) et de Vancouver, respectivement, deux compagnonnes de ma retraite récente.

 

Andrea est mariée à un Tibétain qui possède un restaurant où je suis allé souper quelquefois en y passant la soirée à parler avec mon amie. Elle partait hier et retourne au pays bientôt. Nous nous reverrons à Toronto en 2004 (un autre Kalachakra, en avril ou en mai 2004). Barbara est homéopathe et s'est rendue compte, récemment et avec consternation, que l'ardent désir du voyage l'avait quittée et qu'elle désirait maintenant s'installer. Après avoir visité à peu près tous les endroits qui pouvaient être référés au cours d'une conversation, à ce que j'ai pu constater, elle a décidé de partir une dernière fois, pour un mois en Inde. Je lui ai promis d'aller la voir à Munich, ce que j'aimerais bien, à la fin de l'été prochain, lorsque je serai en Europe. Cette période risque d’être une tournée de retrouvailles pour moi.

 

Donc en 2004 je serai à Toronto au moment où le Kalachakra s'y tiendra. J'aurai la possibilité de m'y préparer encore mieux en lisant les livres que je possède sur le sujet. Comme j'ai dit à Melissa à McLeod, je serais bien idiot de me trouver si près du Kalachakra et de ne pas y aller. (J'ai parcouru plus de 1500 km pour venir ici, et Toronto n'est qu'à 500 ou 600 km de Montréal.)

 

J'ai rencontré une Française venue en Inde uniquement pour ceci. Il y a deux semaines elle était en France et y sera à nouveau dans quelques jours.

 

 

 

Malheureusement, je ne trouve pas de mots pour décrire plus amplement ce qu’était cet événement, ni comment je l'ai expérimenté. En fait, je ne peux pas vraiment définir ce que j'ai ressenti à ces moments, mais c’était bien particulier. En sortant directement de 9 jours de retraite pour aller rejoindre le Dalaï-Lama, j'avais effectué la meilleure préparation que je pensais pouvoir faire pour être réceptif à cet événement.

 

J'ai maintenant au poignet un cordon triple avec trois noeuds, bénis par le Dalaï-Lama, pour me rappeler de l'amour, de la compassion et de leur importance.

 

En passant, tout ceci était gratuit, sans aucun frais pour les participants.

 

Le Kalachakra était aussi pour la paix mondiale. Je ne peux pas en dire plus (par manque de connaissances) mais je sais que ceci est un des aspects-clé des initiations Kalachakra. Il me vient à l'esprit de concept d'une antenne émettrice.

 

Après avoir remarqué des différences significatives dans mes méditations durant le soir comparativement à durant la journée à ma retraite, puis de retour dans ma chambre où je me retrouvais seul, ou à 2 ou 3, puis au Kalachakra, j'élabore mes théories et développe mes connaissances sur ce que j'appelle bien candidement le pouvoir ou la force de l'esprit.

 

Prenant en considération, d'après mes lectures, observations, et surtout d'après mes expérimentations, l’état d'agitation extrême, la confusion ainsi que l'absence de contrôle véritable des pensées d'un esprit humain dit "normal" et connaissant le fait qu'une légère brise est créée par le déplacement dans une même direction d'un nombre ridiculement petit (de l'ordre de 0,5 % ou 1 %) de molécules de l'air et que des vents d'une force de ceux que l'on rencontre dans les pires ouragans sont créés par le déplacement dans la même direction d'une proportion encore petite de molécules composant l'air (dans les 10 ou 20 %), cela peut laisser entrevoir la puissance pouvant se dégager d'un événement comme le Kalachakra. [Ce raisonnement est très rapidement garoché sans le détailler. Cela ne me tente pas cette fois-ci. Une version beaucoup plus vaste existe dans ma tête et fermente encore.]

 

 

 

 

Bodhgaya IX

03.01.21

 

J'ai de la difficulté à transformer le vieux "2" qui sort instinctivement en un "3" plus récent lorsque j'écris la date dans mon cahier. C'est la même chose à chaque année. Cela me prend à chaque fois quelques mois pour m'y habituer, si bien que j'utilise un même chiffre durant un an, mais décalé de quelques mois par rapport au calendrier grégorien.

 

J'allais presque oublier d'en parler. Il y a une vague de froid extrême comme ils n'ont jamais vu ici. Je trouve cela froid, oui, mais je me dis que c'est ma faute puisque je me suis délesté d'un polar et de mon gros chandail de laine à Dharamsala, malgré que nous soyons en décembre D'après le journal d'hier, nous en serions à 612 personnes mortes à cause du froid depuis quelques semaines (je ne connais pas l'étendue du territoire visé). On m'a dit aussi qu'il était très fréquent que la température baisse subitement lorsque de grands maîtres tibétains se rendent à quelque part (et il y en a une bonne quantité ici...).

 

 

 

 

Bodhgaya X

03.01.21

 

Après avoir déambulé tranquillement dans les rues presque toute la journée, je me suis arrêté à une dhaba (un chaï-shop) pour prendre un chaï et lire un peu. Puis j'ai eu une révélation. Je me suis rendu compte avec force que j’étais présentement la tête en bas, en Inde, à Bodhgaya, assis dans l'équivalent d'un café, à lire un livre au Soleil en buvant un thé. Je suis en train de faire ça, moi ?

 

Il y avait des enfants à ma table (car ici on n'a pas une table à soi seul, surpopulation oblige) et je leur ai lancé une poigne de bonbons, des offrandes que j'avais reçues du Kalachakra. Ils ont disparu de la table en un clin d'oeil, le temps que quelques petites mains ramassent tout. J'ai du me lever pour que les petites figures innocentes repartissent ce qu'ils faisaient semblant de ne pas avoir, pour qu'il n'y ait pas d'orphelin bonbonnier.

 

Je suis tombé sur une librairie bien sympathique avec une foule de livres très intéressants. J'en suis ressorti avec 8 autres livres, dont Une brève histoire du temps de Stephen Hawking, (que je recherchais activement), Du contrat social - Discours sur l'origine et le fondement de l'inégalité de Jean-Jacques Rousseau, (que j'avais résolu de lire éventuellement), un livre de Carlos Castaneda, un autre d'Albert Jacquard, (tous ces 4 en français, en plus !), un de Terrence McKenna et d'autres sur la méditation. Il y en avait encore d'autres intéressants, mais je me suis limité, tant bien que mal et à contrecœur.

 

Puis j'ai marché jusqu’au Root Institute (un centre FPMT (http://www.fpmt.org), comme Tushita) et à leur bibliothèque, très accueillante, j'ai trouvé 4 autres livres que je voulais acquérir. Mon sac à dos était déjà rempli de bouquins dont je sais que je ne compléterai pas tous, du moins pas en Inde, et les concepts de détachement, de renoncement, de "simplicité volontaire" et de lutte à la surconsommation et au matérialisme excessif, tous chers à mon coeur mais dont l'implantation m'est parfois difficile, tournaient dans ma tête. Puis j'ai regardé devant moi, sur la tablette, où se trouvaient plusieurs livres avec photo du Dalaï-Lama en couverture dont les yeux, presque sévères, m'exprimaient la désapprobation face à l'acte que je voulais commettre, face à la futilité immense de cette sorte d'amassement de biens matériels, de collection de livres de qualité dont je n'avais absolument pas réellement besoin. Et, sur un autre livre, tout souriant, le Dalaï-Lama se moquait de moi de me voir tiraillé par cette ridicule décision à laquelle j’étais confronté, d'un côté la satisfaction d'un plaisir très superficiel et éphémère, et de l'autre la conduite juste àadopter, reconnaissant très bien la futilité de cet achat. (C'est un peu comme prendre une deuxième grosse pointe de délicieux gâteau au chocolat alors qu'on à déjà trop mangé. On sait que le gâteau ne sera pas vraiment apprécié, mais on veut le manger quand même.)

 

Bon, c’était probablement de la projection de mon subconscient ou de mon moi-même directement, ou simplement l’espèce de sentiment de culpabilité diffus que je ressentais qui à influencé ma perception (ou plutôt mon analyse) de l'expression faciale représentée sur les photos, mais peu importe, toujours est-il que j'ai remis les livres un par un à l'endroit où je les avais pris et que je n'en ai acheté qu'un seul, le plus petit et le plus cher, qui contenait de l'information précise qu'il me faut maintenant acquérir.

 

Je cherchais à me justifier, à trouver une quelconque excuse ou une quelconque raison valable pour me permettre de ressentir ce sentiment mielleux et pourtant un peu amer qui accompagne toute acquisition, tout gain de biens, toute augmentation du patrimoine que l'on peut délimiter comme étant "le mien" et auquel on ressent une certaine fierté ou un certain accomplissement à exhiber ou simplement à y penser. Ce sentiment artificiel créé et maintenu fait qu'on se sent bien lorsque l'on consomme, lorsqu'on use de notre pouvoir en disant "Je veux", même s'il n'y a, à y regarder de plus près, aucune raison de se sentir bien ou mieux. Tous ces "besoins" qui sont comblés ont très peu de réel fondement. En les regardant de plus près, tout comme en examinant attentivement la satisfaction qu'on éprouve à les combler, ces besoins et cette satisfaction qui semblent solides diminuent et disparaissent comme peuvent le faire des morceaux de sucre dans un bain d'eau bouillante. Il ne reste plus rien, ou presque. Nous aurions très bien vécu sans la "satisfaction" de ce "besoin" futile. Probablement mieux, même.

 

 

 

 

Il est passé minuit et les coqs débiles chantent un peu, comme presque à tous les soirs, avant de me coucher.

 

Anthony, le moine thaï, m'avait enfin expliqué pourquoi les moins theravadins (de la tradition Theravada, des pays comme le Laos, le Cambodge, le Viêt-Nam, le Sri Lanka, la Thaïlande, le Myanmar) ne mangent jamais après-midi (ils ne mangent qu'entre le lever du Soleil et le moment où le Soleil est le plus haut dans le ciel) : c'est pour se rendre la vie plus simple ! Comme cela, pas besoin de se soucier de trouver de la nourriture, de l'apprêter, de la manger, etc. Cela donne plus de temps pour la pratique et libère effectivement la journée.

 

Anthony est quelqu'un d'extraordinaire. Plusieurs personnes m'ont dit cela de lui. Semble-t-il qu'il a rencontré le Dharma sur un lit d'hôpital avec une balle de revolver coincée entre deux vertèbres. J'ai lu cela sur Internet.

 

 

 

 

Il ne reste ici que Ludo de mes compagnons habituels. Caroline (qui fait sensation, encore une fois, parmi la gente masculine que je côtoyais) part demain matin tôt, donc elle à déjà disparue de mon univers. Bodhgaya se vide rapidement. Les rues sont redevenues circulables et les restos ferment. Après ma prochaine retraite, j'aurai encore tout plein d'amis.

 

 

 

 

Test

03.02.14

 

Test de la St-Valentin (?!?!)

 

 

 

 

Bodhgaya XI

03.01.23

 

Pour ne pas me retrouver avec un autre "Waiting List" (deux fois c'est bien assez !) lors de mon prochain déplacement en train de nuit vers Kolkata, j'ai fait la file durant trois heures au "Computerized Reservation Center" (je n'ose même pas imaginer l’époque où ce était pas "computerized"), en lisant "Une brève histoire du temps" (assez d'à propos, oui) avant qu'un "Link Fail" rouge apparaisse à la fenêtre, à trois personnes de moi. Bon, je suis allé dîner. Ce sera pour une prochaine fois, il semblerait.

 

 

 

(Signifie que j'ai rangé mon cahier, et que je l'ai ressorti plus tard dans la même journée, sans ré-inscrire la date à nouveau.)

 

 

En rentrant cet après-midi, Sitaram, barbier de son métier, m'a abordé pour m'offrir ses services. Pas de chance pour lui. Je ne suis traditionnellement pas un bon client des barbiers.

 

Il faisait plus chaud aujourd'hui alors, pour la première fois depuis 9 jours, j'ai enlevé mon t-shirt orange et j'ai pris une douche, malgré les maringouins. J'ai profité de l’événement pour envoyer du linge au lavage (le reste de ce que je portais, avec d'autres bas et caleçons). Ça m'a enflé la tête, j'ai les cheveux tout ébouriffés qui se dressent perpendiculairement à mon crâne. Il semblerait qu'ils ne poussent pas trop également puisque cela donne la forme d'une sphère cabossée. Cela doit être pour cela que le barbier m'en voulait.

 

J'ai un rhume qui débute (ou un truc qui ressemble à un rhume. Chose amusante, presque toutes les maladies tropicales décrites dans le Lonely Planet comportent les symptômes du rhume ou de la grippe.). Semble-t-il que cela va me faire une difficulté supplémentaire pour ma prochaine retraite (c'est moins agréable de respirer par le nez quand il est bouché ou qu'il coule). Je vais sûrement apprendre de nouvelles choses de cela.

 

 

 

 

Première phrase de l'introduction, par Carl Sagan, du livre Une brève histoire du temps : "Nous menons notre vie quotidienne sans presque rien comprendre du monde qui est le notre." (Stephen Hawking, Une brève histoire du temps, Du Big Bang aux trous noirs, Éditions J'ai lu, 2002, p. 97 (1989 pour la première traduction française)).

 

 

 

 

Bodhgaya XII

03.01.24

 

Le traite de non-réciprocité des calembours.

(Cela m’était venu à l'esprit comme cela, en me levant.)

 

À propos de la tenue vestimentaire des moines :

J'ai beaucoup de difficulté à accorder mon respect à quelqu'un portant la cravate (malgré que je l'aie portée quelques années, pour aider le développement de mon entreprise de vente d'équipement informatique. (Deux faits à ce propos : j'ai appris à faire un noeud de cravate sur Internet, et la première fois où j'ai porté le veston-cravate (avec mes cheveux longs bleus), c’était au party d'Halloween de Deb il y a plusieurs années)) Ce respect, il doit le gagner. Ce n'est certes pas la conformité à un code vestimentaire arbitraire en quelque sorte (de même que peu pratique et donc ridicule de par ce fait) qui exprime les qualités de celui qui s'y conforme. N'importe qui - même moi - est capable de porter ce déguisement. (Par ailleurs, mon premier complet avec cravate a été trouvé dans une friperie et m'a coûté 23 $ CAN, incluant tout sauf les souliers.)

 

Cette attaque contre les cravates n’était qu'une petite diversion du point que je veux apporter, concernant l'éphémérité des modes vestimentaires, particulièrement celles liées au pouvoir et au respect. À un cours d'astronomie, à l'UQAM, nous avions visionné un vidéo quelconque (un documentaire) datant des années 80, dans lequel on y voyait des hommes très "respectables" et influents parler avec autorité de choses et d'autres. Tout était correct, excepté que nous ne pouvions pas nous empêcher de rire en voyant ces hommes habillés à une mode ridicule, complètement dépassée (des vestons bleu poudre ou brun affreux, des cravates qu'on aurait dites choisies pour un carnaval et des coupes de cheveux simplement laides), qui, malgré leur apparence grotesque sans le moindre doute (selon l'avis unanime de la classe), parlaient avec pédance, se sentant assurés de la reconnaissance et du respect de leur auditoire. Mais ce respect, en 2002, n'y était pas ! Comment peut-on avoir du respect pour des gens habillés de la sorte ? On aurait dit des comédiens se prenant très au sérieux.

 

De la même façon, en remontant dans le temps, il m'est personnellement assez difficile de reconnaître [lié à "reconnaissance"] quelqu'un déguisé avec une perruque blanche poudrée et frisée (que certains juges s'obstinent encore à porter, à mon plus grand amusement) ou portant une quelconque mascarade grotesque en elle-même. Je comprends bien que, dans leurs époques respectives, ces coutumes étaient la norme et attiraient le respect. Mon point principal est que ce respect est passager, éphémère, et donc inconsistant, puisque ce n'est qu'un déguisement lié à une "mode" éphémère qui tourne au ridicule après peu.

 

L'idée sous-jacente, et ce qui me servira de conclusion, est que les moines, eux, ont conservé les même coutumes vestimentaires (presqu'independamment de l'ordre) depuis des millénaires. Qu'on voit un moine de n'importe quelle époque, c'est toujours le même respect qu'il inspire (si respect il inspire pour vous, sinon le même mépris, le même amusement, la même curiosité ou simplement la même indifférence. De mon côté c'est un respect puisque je considère que le moine s'est fixé des buts plus nobles que les miens.). Il y a donc une plus grande constance ici, alors qu'il y avait éphémérité ailleurs.

 

 

 

 

J'ai lu, alors que j’étais assis sur le bol de toilettes, il y a longtemps, une citation dont j'ai oublié l'auteur et qui allait : "À force de lire on finit par comprendre qu'à force de lire on finit par comprendre.". Je suis en accord avec cette proposition. Et j'aimerais ajouter que ceci s'applique également, à mon avis, à la méditation. (À force de méditer on finit par comprendre qu'à force de méditer on finit par comprendre.)

 

 

 

 

Attablé à la table du Homy, notre resto habituel, le successeur du Om Cafe, l'ancien resto habituel, tous sur la rue des restos où des dizaines de tentes-restaurants sont placées.

 

Je viens de lire un courriel de Gerlinde. Elle est arrivée à Rishikesh quelques jours après que j'y sois parti ! Je savais que j'aurais dû y rester. Mais je ne voulais pas décevoir Saeed, un ami proche. Bon, ce n'est pas grave, nous nous reverrons plus tard, j'en suis certain.

 

 

 

 

Bodhgaya XIII

03.01.24

 

Plus tard, en lisant au Soleil, au-dessus des champs.

 

D'où me viennent les idées ou les pensées ? Au moment d'avant il n'y a pas de pensée puis, subitement, une pensée "poppe" de nulle part (?) et à cet instant la pensée est à l'esprit et j'en suis conscient. Qu'est-ce qui provoque cette transition vers la conscience depuis un état de non-conscience préalable ? Je peux certes remarquer certains facteurs extérieurs, parfois, (comme un mouvement, une odeur) ou peut-être même des facteurs plus intérieurs, d'autres fois, (tels une sensation corporelle, quelques pensées antérieures) mais cela n'explique pas tout - même si cela explique beaucoup. Si toutes les pensées sont conditionnées par l'ensemble des facteurs et des conditions préalables, telle une loi de cause à effet englobant les schémas mentaux et les pensées, alors c'est une forme de déterminisme et le libre-arbitre, ou la volonté réellement indépendante ("free will", à ne pas confondre avec "Free Willy", le film (???)) n'existe pas. Mais je ne crois pas que cela puisse être le cas, en raison, entre autres, du principe d'incertitude d'Heisenberg en physique déclarant qu'il n'est pas possible de connaître l’état d'une particule (et donc d'un système) passé un certain degré de précision ou d'exactitude. Puisqu'il est donc impossible de connaître avec une précision parfaite tous les facteurs extérieurs (pour ne nommer que ceux-la) influençant les pensées, et puisqu'une très faible variation dans la situation initiale peut conduire, après peu de temps, à d'importantes divergences dans l’état d'un système (cf. ce que l'on nomme l'"effet papillon" de la théorie du chaos), alors le déterminisme absolu (c'est-à-dire le "Destin" absolu, sans aucun libre-arbitre) n'est pas possible, ou du moins pas déterminable. Puisque de toute façon je ne crois pas (ou plus) au déterminisme absolu, la question est réglée à ce sujet (jusqu’à preuve du contraire) pour moi. Donc je ne peux expliquer l'apparition de mes pensées uniquement par un ensemble de facteurs intérieurs ou extérieurs.

 

Que se passe-t-il à cette frontière entre l'absence de conscience et la conscience ? Qu'est-ce qui provoque cette conscience, qu'est-ce qui la fait surgir du néant ?

 

Je ne crois pas savoir ni comprendre quoi que ce soit. Je ne fais que penser un peu au fil de mon crayon. Mes raisonnements sont peut-être (et probablement majoritairement) erronés et faux, je le sais - sinon je ne serais pas actuellement assis ici en train écrire ces mots.

 

 

 

 

J'ai passé les quelques dernières journées à attendre le début de ma retraite, foncièrement. Je n'avais rien de particulièrement prévu, alors j'ai marché, lu, joué aux échecs, mangé et regardé autour de moi. Des paysages tous simples, parfois. Des manifestations subtiles de ce qui manque parfois grandement à l'Ouest. Je m'asiatise de plus en plus, tranquillement, j'apprends à marcher lentement, à ne pas m'en faire pour rien, à suivre les méandres des journées docilement, avec aisance. (Combien de choses n'avez-vous pas eu le temps de faire aujourd'hui ? Moi aucune, parce que je n'avais rien à faire, et j'ai beaucoup appris.)

 

Je n'ai pas de leçon à donner à personne, je n'ai que moi-même à éduquer.

 

Le Soleil se glisse derrière les arbres au loin, s'orangise agréablement, se gonfle un peu et rosit le ciel à l'horizon. J'irai bientôt mettre des bas et me couvrir d'un polar. Un oiseau semblable à une aigrette semblait mort sur ses pattes depuis plus d'une heure, dans le champs inondé recouvert d'algues vertes, et il a maintenant une grenouille au bec. Deux autres oiseaux le pourchassent paresseusement tandis qu'il avale tout rond sa grenouille, après l'avoir rincée plusieurs fois.

 

Les palmiers sont des arbres étrangement conçus.

 

La brume se lève des champs et des tas de déchets au loin. Il ne reste qu'un petit bout de Soleil orange posé sur une maison inachevée. Non, il ne reste plus de Soleil du tout. La maison l'a avalé.

 

Je vais rejoindre Ludo au resto. Ce soir est peut-être la dernière fois que je le vois.

 

Demain, je pars pour 10 jours.

 

 

 

 

Bodhgaya XIV

03.01.25

 

La recherche et le développement du dernier crayon que j'ai acheté a été faite au Japon. Non mais !

 

 

 

 

Bodhgaya XV - Après une 2e retraite Vipassana

03.02.04

 

Une autre retraite de terminée. Dix jours, dix jours si paisibles, si agréables, si enrichissants. Je ne pense qu'à ma prochaine retraite et je découvre bien des possibilités à ce sujet.

 

Je me sens comme sur le sommet d'une montagne immense, avec le monde à mes pieds, et je m'apprête à sauter, à m'envoler, à choisir l'endroit où je veux me poser, à n’être qu'un avec l'univers, avec cette rivière de vie grouillante, déferlante, me laissant bercer par les flots tranquilles et tumultueux. Balloté par les événements, coulant vers l’océan au loin, déjà en moi. Je suis l’océan, je n'ai jamais cessé de l’être. C'est simple, si simple, si beau, si extraordinairement et incommensurablement beau.

 

Une fleur germant, grandissant sous mes yeux, s'épanouissant en un sourire magnifique, avec des yeux grands ouverts, profonds, éclatants de lumière et de sagesse.

 

C'est fou, je suis resté calme pendant dix jours, silencieux aux yeux des autres, et je me sens bien, simplement bien, effroyablement bien. Seuls un sourire léger et un regard peuvent exprimer clairement mon état.

 

Mon coeur rayonne. Mes mains s'agitent en mouvements gracieux, brassant les masses énergie autour de moi que d'autres ne peuvent voir. C'est si simple, pourtant. S'ouvrir un peu, juste un peu...

 

Une sorte d'extase frémissante parcourt ma colonne vertébrale continuellement avec ma respiration. Ma respiration, juste ma respiration.

 

"Love and awareness are the same thing. Only different words.", m'a dit Jaya. "Love and awareness are the same thing..." Cela implique bien des choses...

 

Je vous plains, vous, autant que vous êtes, dans ce monde malheureux, dans votre prison imaginaire. La porte est grande ouverte, en plus, la porte de cette aberration immatérielle inexistante.

 

Le temps n'existe pas, le temps n'a jamais existé. (L'espace n'existe pas non plus, l'espace n'a jamais existé. J'en reparlerai (ou j'en ai déjà parlé), en référence à un photon ou à une particule se déplaçant à la vitesse de la lumière).

 

"Le monde est un asile de lunatiques. Et il est dirigé par les détenus."

 

En référence à la situation politique mondiale et au nombre réduit de voyageurs ces dernières années : "Ceux qui n'ont pas peur de mourir n'ont pas peur de voyager." (Puisque (A => B) <=> (¬B => ¬A), alors donc ceux qui ont peur de voyager ont peur de mourir.)

Quelle crainte ridicule que celle de mourir !

 

"Dear Mother India..." Tellement riche, tellement vivante ! Je n'ai pas fini de vivre en Inde (en Inde, ailleurs, ici, juste ici...).

 

Christopher Titmus, le professeur principal de cette retraite, Bryan Tucker, Jaya, Odelia. Nous nous reverrons. (Nous ne nous serons jamais quittés...)

 

 

 

 

La soirée après la fin de la retraite, Bryan et Siddhartha avec leur guitare, près de l’entrée du Mahabodhi Temple, chantant "Imagine", "Hey Jude" et d'autres, en coeur avec nous tous, entourés d'une foule d'Indiens attirés par ce spectacle insolite.

 

"Being nobody, going nowhere."

 

Je m'amuse bien d’écrire avec un crayon dont la recherche et le développement ont été faits au Japon. C'est même écrit sur le crayon !

 

En allant au restaurant pour souper, on m'a donné un menu. Tellement de choix, tellement beaucoup trop, j'en étais confus. Je voulais seulement manger, moi ! Je n'ai pas besoin de tout cela !

 

Je pense aux achats que je faisais dans les méga-supermarchés de par chez-moi. Tout cela me semble être qu'une caricature grotesque d'un film surréaliste à la Stanley Kubrik. Plein de couleurs bizarres, des mots et des slogans idiots partout ("Bas prix", "Nouveau", "Amélioré", "Meilleur", "Super-Turbo Plus", "Vous Êtes Cons, On Vous Influence Et On Vous Manipule Sans Se Gêner, En L'Écrivant Sur Des Panneaux De Deux Mètres De Haut, En Plus !), quarante-douze sortes de pains différents, carrés pour la plupart (carré, un pain carré ??), des lumières qui clignotent et la super-ambiance qui veut donner l'impression qu'on est chez-nous, à la maison, dans ce musée de l’étrange et du grotesque. (Je devrais m'habiller comme un respectable juge du XVIIe siècle la prochaine fois que j'irai magasiner dans un supermarché...)

 

"Mais c'est bien, on a du choix !" [Rire moqueur de ma part, presque condescendant. ...Tellement pas besoin. Simplement tellement pas besoin... ]

 

Ce n'est pas là que le bonheur se trouve ! Pas dans un supermarché !

 

 

 

 

Les grillons chantent dehors, la tête sur mon cahier, les yeux grands ouverts, l'esprit paisible, je pense à vous et au monde dans lequel j'ai vécu. (Je reviendrai à l'Ouest, c'est sûr, je reviendrai. J'ai encore des choses à y faire. Mais rien ne sera plus comme avant...)

 

Tel Christopher lors du début de la retraite : "Is this it ?" Est-ce ça ? Est-ce que c'est ça la vie ? Ce mode de vie occidental malsain et désaxé, est-ce que c'est ça que la société a à nous offrir ?

 

Mon choix est fait.

 

Je veux vivre heureux.

Je veux vivre...

 

[Il est une heure du matin et le coq débile claironne à tue-tête qu'il est temps de se lever.]

 

[...]

 

[Deux heures et le coq s'amuse encore...]

 

 

 

 

Bodhgaya XVI

03.02.05

 

En sortant déjeuner, il y avait 16 personnes que je connaissais dans le restaurant d'en face. La population d'Occidentaux en ville a plus que triplé la dernière journée, à notre sortie. Nous étions environ 50 ou 60 à cette retraite.

 

Il y a des centaines de milliers de maringouins dans ma chambre. Peut-être plus à l’intérieur qu'à l’extérieur

 

Bon, je n'ai rien à écrire, il n'y a rien à dire.

 

 

 

 

La lune, hier et avant-hier, souriait timidement dans le ciel.

 

 

 

 

Pendant que mes bottes se font refaire une beauté, j'attends...

 

Ce matin, assis ensembles, nous étions une trentaine d'Occidentaux et d'Indiens à discuter (ou à entendre discuter) de la situation au Bihar, des conditions de vie des "pauvres parmi les pauvres". Des gens travaillant dans des ONG (organismes non-gouvernementaux), des gens des villages, des travailleurs bénévoles et quelques méditants, dont moi. L'aspect qui m'a le plus intéressé à ce cercle était d’être, moi blanc occidental, traité d'égal à égal avec des Indiens d'ici, sans égard de l'immense fossé qui semble nous séparer. Des humains, seulement que des humains qui ne veulent qu'une chose, comme tous les êtres vivants : être heureux.

 

C’était dans une école, la Prajna-Vihar School, au milieu des champs inondés recouverts de verdure algueuse. 500 élèves vont à cette école construite, parrainée et supportée par des gens comme Christopher Titmus et des organismes comme le Burmese Vihar (le monastère birman, où je demeure), et quelques autres ONG. Les enfants avaient préparé un petit spectacle pour nous et c’était assez intéressant, mais plutôt inconfortable, accroupi sur de petits bancs d'écoliers qui, eux, étaient assis par terre. Ils ne semblent pas réaliser que les Occidentaux aussi peuvent s'asseoir par terre les jambes croisées (surtout à la sortie d'une retraite de méditation). Le dernier numéro était une sorte de danse libre, je dirais, par des petits enfants, qui y ont entraîné un à un presque tous les gens de notre groupe. J'en fus, à mon plus grand désarroi. Je me sens autant à l'aise à danser (surtout en public, devant 500 jeunes, sur de la musique indienne) que peut être quelqu'un qui n'est vraiment, mais vraiment pas à l'aise à danser (surtout en public, etc...). [Je n'ai pas trouvé de meilleure comparaison. Je pensais aussi à un aveugle atteint du Parkinson devant épousseter les bijoux en cristal de la reine d'Angleterre ou à un jeune et timide adolescent follement amoureux de la plus jolie fille aux environs voulant aller lui demander si elle demeure chez ses parents.]

 

Durant la retraite, j’étais assis au premier rang, juste à côté d'une jeune demoiselle assez charmante, qui s'est avérée par la suite être une Québécoise, en plus. Exception faite du ou des professeurs, elle était la seule personne visible dans mon champ de vision. Une simple silhouette à ma droite. Elle me fut une grande source de distraction (et une grande source d'exploration et d'approfondissement). De grandes questions (pourquoi mes pensées se trouvent-elles soudainement déviées de leur centre ?), des sentiments étranges à ressentir et explorer, et puis quelques réflexions sur le sujet. L'amour ? De l'amour ? J'attends, je désire qu'on (qu'elle) me donne quelque chose, de l'affection, de l'attention principalement. Ce n'est pas de l'amour, ça, c'est de l'égoïsme ! JE veux qu'on ME donne quelque chose. Et puis je me la suis représentée comme étant ma petite soeur. Là c’était de l'amour (cf. "true love"), je n'attendais rien en retour, c’était un don simple. [Tiens, elle est apparue à côté de moi à l'instant même où j'écrivais ces mots, assis dans un chaï-shop, me posant la main sur l’épaule pour me saluer en passant...] Je sentais cela beaucoup plus "pur", beaucoup plus authentique. Beaucoup plus satisfaisant aussi.

 

Les gens, dans les retraites, se mettent à irradier d'une beauté particulière. Une grande beauté toute simple qui illumine leur visage et resplendit par leur présence sur les gens aux alentours. Les gens sont beaux. Simplement beaux et agréables à regarder. On m'a fait la même remarque aussi, sur les cuisiniers qui travaillent depuis longtemps pour cette retraite, à chaque année Ils sont beaux à regarder, ils ont de grands yeux ouverts et pleins de lumière Les responsables aussi, même s'ils ne méditent pas beaucoup avec nous. J'ai remarqué une différence notable chez eux entre les jours avant le début de la première retraite et maintenant. On m'a aussi dit, encore une fois, que j'avais l'air bien, que j'avais quelque chose de changé dans les yeux.

 

Tout ceci n'est pas quantitatif, uniquement qualitatif. Une beauté qui vient du coeur.

 

Et puis, après la retraite, ma petite soeur m'a dit qu'elle avait en fait 30 ans.

 

 

 

 

Réflexions à propos de George W. Bush & "like-minded people" et de leur potentiel d’éveil inhérent à leur qualité d’êtres humains (tout comme nous, et qui ne veulent être heureux) ainsi que de l'importante influence et des grandes répercussions que cela implique. J'ai la ferme conviction que Georges W. Bush agit de son mieux possible et prend les décisions qui lui semblent les meilleures, compte tenu de l'information qu'il a, des pressions, forces et influences qu'il subit et de la cosmogonie (sa représentation de la réalité ainsi que son système de valeurs) qu'il a. Je ne peux concevoir que Georges W. Bush se lève un matin en se disant : "Humm, quelle est la plus mauvaise décision que je pourrais prendre aujourd'hui ? Attaquons l'Irak, tiens !" Il agit donc de son mieux possible, mais en ayant malheureusement une vision très limitée et en ayant certaines valeurs essentielles absentes de son ensemble de référence, de sa représentation de la réalité. Il croit probablement encore qu'agir de façon égoïste (pour lui et pour son pays) est la meilleure chose qu'il puisse faire.

 

Il est dans l'erreur sur ce point, c'est un fait. Par contre, il est possible qu'il se réveille un jour et pose de meilleures actions (car il en a la possibilité, étant un être humain et possédant ce même potentiel d’éveil que nous possédons tous). Nous pouvons certainement tous nous souvenir d'un temps où nous étions "idiots" ou "immatures", agissant de façon inconsidérée. Et puis, pour une raison ou pour une autre, nous avons changé notre système de valeurs et avons modifié nos comportements. Ceci est également possible pour Georges W. Bush ainsi que tous ceux partageant sa mentalité.

 

Lui (et ses copains) ne seront en aucun cas aidés par toute la haine et l’énergie négative générée par ses détracteurs (incluant particulièrement ceux de la Sangha). C'est de la Metta qu'il faut lui envoyer, de l'amour, de la compassion, des bons souhaits et voeux, de l’énergie positive. Pas de la haine, bien au contraire ! Si on veut qu'il se réveille, qu'il prenne de meilleures décisions, c'est bien sûr de l’énergie positive qu'il faut lui envoyer. Il est même presque normal qu'il agisse de la façon dont il le fait (c'est-à-dire en empirant probablement la situation mondiale) en raison de toute cette haine et de toute cette énergie négative dirigée contre lui.

 

"Si on te frappe sur la joue droite, présente la joue gauche", et cela vaut aussi si Georges W. Bush est le frappeur.

 

Lorsqu'on reconsidère la situation agresseur-agressé et que l'on voit l'agresseur comme étant la vraie victime de cette situation, comme étant la personne qui souffre le plus et celle qui reçoit (se faisant elle-même) le plus grand tort, cela change complètement les perspectives et la façon de traiter et de résoudre ces situations. Si quelqu'un frappe un autre, ce n'est pas un coup de bâton qui va véritablement l'aider (l'agresseur). C'est de l'écoute, de l'attention, de l'amour dont il a besoin. Ce n'est pas un coup de bâton qui va lui faire modifier correctement ses comportements et faire en sorte que cela ne se reproduise plus, mais bel et bien uniquement de l'amour.

 

Pour frapper quelqu'un d'autre, ou pire encore, pour le tuer, il faut vraiment que cela n'aille pas bien à intérieur. Et pour guérir cette blessure (car il s'agit véritablement d'une blessure ancienne qui fait souffrir et pousse à agir ainsi), c'est de l'aide et de l'amour qu'il faut. On ne peut guérir une blessure par une autre violence !

 

Si je peux me permettre : Tabarnak que Jésus avait raison !

 

 

 

 

[Le soir, dans mon prisme rectangulairoïde moustiquaire]

 

Je pars demain pour Kolkata, adieu Bodhgaya (à plus tard, plutôt, oui, à plus tard), ensuite le Bangladesh, avec 900 roupies en poche (plus quelques centaines de secours). Je devrai trouver un guichet automatique prochainement. Mes caleçons s'en viennent assez troués, c'en est presque indécent. (Mais puisqu'il n'y a personne d'autre avec moi pour s'en préoccuper ou s'en offenser, cette situation risque bien de perdurer. Ah, les joies d’être célibataire...)

 

Durant la retraite, j'ai, lors d'une période de questions/discussion, posé une question au professeur principal, Christopher, à propos des liens existants (la question portait aussi sur l'existence de ces liens) entre les psychotropes ainsi que les états de conscience altérée et la "spiritualité". La réponse fut intéressante et, tel que désiré, ma question a provoqué quelques réactions. Plusieurs sont venus me parler à ce sujet depuis la fin de la retraite. J'ai appris quelques trucs intéressants. Chose amusante, je me suis rendu compte être l'un des plus jeunes de cette retraite et, pas rasé depuis presque 5 mois, bien dépeigné, portant le même chandail orange 8 jours sur 10, portant un cordon rouge du Kalachakra au poignet ainsi que quelques cordons de protection de couleur (donnés par des lamas) au cou de même qu'un pendentif à l'effigie du Dalaï-Lama, une sorte d’étrange néo-hippie-freak en quelque sorte, la seule question que j'ai posée portait sur les psychotropes. De quoi j'avais l'air, moi ? Mais cela m'importe peu, c'est simplement amusant à mes yeux.

 

 

 

 

Mon journal est en grande partie une exaltation de mon ego . Comme pour montrer que mon voyage est le plus intéressant, que mes expériences sont les plus merveilleuses, que je (ce qui pense être un "je", en fait) suis une personne extraordinaire. Que des conneries, tout cela. (Juste de la boulechitte, autrement dit.) Encore "Je", "Je", "Je", "Moi", "Moi", "Moi", ...

 

Je suis dans le champ complètement si je cultive cet ego ridicule, cette image, cette apparence, cette illusion irréelle.

 

 

 

 

"The "I" is not "I". Only "I"."

(Typique du bouddhisme Zen.)

 

 

 

 

[23h00. Le coq s'affirme à nouveau.]

 

 

 

 

Depuis mon cyber-café habituel a Dhaka

03.02.16

 

En attendant demain que je tape d'autres textes, voici un lien vers un article de Foglia, que Maryse m'avait fait parvenir alors qu'elle était au Sikkim. Ça parle de la situation en Irak. Je l'aime bien, parfois, Foglia. [Ndf :  Ce lien n’est plus valide, et il faut maintenant payer pour consulter cet article dans les archives de LaPresse.]

 

 

 

 

Bodhgaya XVII

03.02.06

 

7h00 du matin : c'est la disco de l'autre côté du champ qui débite des insanités musicales indiennes à un volume aberrant. Je trouve cela amusant, c'est la seule chose que je puisse y faire...

 

 

 

 

[Au souper, alors que la nuit tombe.]

 

Je quitte Bodhgaya. Cela fait plus d'un mois que j'y suis, depuis l’année dernière, en fait. Bodhgaya aussi fait maintenant partie de moi. De nouveau seul, sur la route. D'un certain point, je n'ai jamais cessé d'être seul, et en même temps je n'ai jamais été seul non plus.

 

Aujourd'hui, pour ma dernière journée, je suis sorti de la ville, avec Mike et Remco, et nous sommes allés au loin, vers une grotte ou le Bouddha aurait médité. Nous avons traversé le pont et nous sommes enfoncés dans les champs, dans les minuscules villages, dans la ruralité du Bihar.

 

[Les messages annoncés par haut-parleurs à la gare sont gérés par un ordinateur sous Windows 98. La voix a planté, a dit plein de conneries, et nous venons d'entendre dans toute la gare le son par défaut du démarrage de Windows (welcome.wav). Également quelques bips (chord.wav) alors que l’employé doit essayer de faire re-fonctionner le logiciel.]

 

Ce fut une journée magnifique. Les champs et les villages sont charmants, plein de vie et de différences. À dix minutes de marche, ce n'est plus Bodhgaya et ses touristes du tout.

 

Un Indien nous a rencontré (car c'est lui qui est venu vers nous), nous a offert le thé, voulait que je photographie sa famille et que je lui envoie sa photo par la poste, ce que j'ai fait et ce que je lui ai promis. Il parlait mal anglais, mais il parlait. Il vivait dans une maison assez simple mais il semblait relativement "riche" pour ce milieu. C’était un agriculteur comme tant d'autres. En partant, il m'a demande ma profession, étudiant, et mon domaine, les mathématiques. Il m'a demande un crayon et un papier et m'a écrit quelques identités trigonométriques (tan 30° = 1/3^(1/2), tan 60° = 3^(1/2)). Je ne connais même pas cela par coeur (et j’étudie en maths). Cela m'aurait pris quelques minutes pour les déduire et lui, paysan quelconque du Bihar, me sort cela d'une traite ! Cela remet un peu à sa place. Il n'avait pas de montre, alors je lui ai donné la mienne, que j'avais achetée en Malaisie.

 

Plus loin, il y avait un arbre (un banian) immense, vraiment immense. Il était sincèrement impressionnant et nous sommes restés plusieurs minutes à le regarder respectueusement. Une telle force, une telle puissance émanait de l'arbre. On se sentait minuscules à ses côtés. En y repensant, cela me rappelle deux arbres vus en Floride avec Ariane, vieux de plus de mille ans. On ne peut être indifférent face à ces arbres. On aurait pu bâtir une maison pleine grandeur dans l'arbre que nous avions devant nous. C’était le plus beau terrain de jeux possible pour un enfant, avec ses multitudes de branches noueuses courant partout et offrant de superbes prises pour grimper. J’étais debout sur une branche verticale grosse comme le tronc d'un gros arbre et j’étais à plus de dix mètres du sol, pas même au tiers de ce que j'aurais pu grimper ! L'arbre était plus gros que le temple thaï sous lequel nous dormions à la retraite.

 

Nous avons traversé une rivière à gué, les pantalons roulés et les bottes dans nos mains. La rivière était peu profonde, mais faisait une centaine de mètres de large. Puis nous avons continue nus-pieds, comme les locaux, sur les chemins de terre battue.

 

Après trois ou quatre heures à marcher vers les montagnes au loin, à ne pas comprendre les réponses des locaux à nos demandes de renseignements (qu'ils ne comprenaient eux non plus), nous sommes arrivés à un autobus de touristes entouré de centaines de mendiants. Ah, il y a des modes de transport pour se rendre jusqu'ici ?

 

La cave était bien apaisante et sereine. Le panorama du haut de la montagne était très beau, évidemment.

 

[Ah, l'ordinateur de la gare vient encore de redémarrer ! Sacré Windows ....]

 

Nous avons retraversé la rivière pour revenir et avons eu droit à un voyage de tracteur pour revenir à Bodhgaya. Nous avons offert quelques billets au conducteur (comme cela semble être la coutume par ici), mais ils ont été fermement refusés, à notre plus grand étonnement. C’était vraiment un service désintéressé qu'on nous rendait, ce qui fait que nous en sommes encore plus redevables. Assez amusant, comme l'a dit Mike, on nous a demandé de l'argent toute la journée, et la première fois qu'on en offre, on la refuse !

 

Puis un souper, mes derniers adieux, quelques chaleureuses accolades à des amis sincères, et me voilà à mon tour dans un rickshaw qui s'éloigne dans la nuit.

 

Seul, mais avec tous mes frères et soeurs dans la tête, dans le coeur, surtout.

 

Beka, Maya, Anne-Marie, Xabier, Madeleine, Johan, Laura, J-F, Sue, Mike, Jonny, Remco, Sara, Rose, Siddhartha, Dana, Anton, Caroline et tous les autres.

 

 

 

 

Brèves nouvelles de Darjeeling

03.02.22

 

En attendant de transcrire d'autres textes, me voilà à Darjeeling, en Inde, dans les débuts des Himalayas, à 2000 et quelques mètres d'altitude. Je pars pour le Sikkim (dans les vraies montagnes) dans les prochains jours. Il fait froid, mais il n'y a pas de neige (pas ici). C'est brumeux, je n'ai pas encore vu les montagnes qui m'entourent.

 

Je suis tanné d’être devant un ordinateur. Comme le disait l'annonce de Toyota (que je trouvais très ironique d'ailleurs), la vraie vie c'est dehors. (Ce n'est pas dans une voiture dans ce cas !)

 

 

 

 

Kolkata I

03.02.07

 

Kolkata - Calcutta de son nom britannique - m'y voici.

 

Très britannique d'apparence à quelques endroits, avec quelques bâtiments d'architecture connue à mes yeux qui me donnent l'impression de me trouver dans le Vieux Montréal ou à Washington.

 

La ville m'est sympathique, chaleureuse et accueillante, ce qui étonne passablement. Je ne pensais pas ainsi pouvoir aimer une grande (énorme) ville indienne. Ville de la culture et des arts, Kolkata/Calcutta est reconnue comme telle. Je m'adapte et m'intègre plus que je ne l'aurais cru à mon arrivée à Delhi.

 

Plus j'y pense, plus Kolkata me rappelle Montréal. Nous sommes bien chanceux, nous les Québécois, de cette ville. Elle est, avec Québec, une des villes les plus accueillantes au monde, d'après mon expérience (passablement limitée) et d'après de nombreux commentaires de voyageurs. Cette île particulière, au milieu d'un continent presqu'uniquement anglophone, possède un certain charme que j'ai l'impression de retrouver ici.

 

[Je viens d'achever mon crayon indo-japonais. Il n'a pas dure très longtemps.]

 

J'ai acheté un guide du Bangladesh (nomme "Travel Survival Kit" !), datant de 1996, et j'irai jouer à la bureaucratie demain, pour avoir un visa. D'après les chapitres d'introduction du guide, la situation au Bangladesh est pire que ce que je pensais. Beaucoup de gens m'ont dit, en essayant de me décourager d'y aller, que était simplement l'horreur là-bas. Je trouve personnellement que ce serait lâche que de fermer les yeux, de faire comme si le Bangladesh n'existait pas, et ne plus jamais y penser. Je considère même un peu que j'ai le devoir, en tant être humain, d'aller voir de mes yeux comment mes semblables y vivent. Je ne changerai pas le monde (du moins pas tout de suite) mais je saurai un peu plus comment il est réellement. Je pense l'avoir déjà dit, mon manteau imperméable rouge pétant The North Face (acheté 200 $ CAN en liquidation à 50% de rabais, donc étant normalement vendu à 400 $) à été fabriqué là-bas, dans le pays le plus pauvre du monde (évidemment, les vêtements The North Face ne se vendent pas sur place, ce n'est que pour l'exportation, les locaux n'y ont pas droit), alors, puisque j’apprécie ce manteau, il me semble raisonnable d'aller visiter ceux que j'ai, d'un certain sens, exploités.

 

La sous-traitance (aka l'exploitation) en Asie et dans les pays dits "en voie de développement", à des coûts des dizaines de fois inférieurs à ceux normalement encourus en Occident (cf. 15 ¢US/h en Inde, disons, comparativement à 10 ou 15 $ US/h au Canada pour un salarié travaillant toute sa vie en usine) est un sujet de discussion qui pourrait s'étaler sur des pages avec, d'un côté les économistes et ceux y ayant des intérêts financiers "prouvant" que cette situation est bénéfique pour les pays en voie de développement, et de l'autre côté les ONG et les gens du peuple constatant les méfaits et les dommages (en Orient autant qu'en Occident) de cette forme d'esclavage forcé. Soit dit en passant, le salaire des cuisiniers de notre retraite était de 55 RS (1,85 $ CAN) par jour, pour 10 heures de travail (donc moins de 20 ¢/h), et ceci est un salaire nettement supérieur à celui que donnent les employeurs locaux. Ces salaires sont réels, ce n'est pas de la fiction. Oui, tout coûte moins cher ici, mais cette situation fait que les Occidentaux sont rois et maîtres dans un pays qui n'est pas le leur, au grand malheur des populations locales qui possèdent une sagesse sur leur pays et sur leur vie que nous ne possédons pas. Imaginez un grand con de 23 ans n'ayant jamais vraiment travaillé de sa vie commandant les actes d'un père de famille ayant traversé les sécheresses et les famines d'une rude vie et ayant réussi tout de même à élever 6 enfants. Lequel des deux en a le plus vu, lequel des deux a la plus large vision de la vie, la plus grande sagesse, lequel des deux devrait guider l'autre ?

 

 

 

 

Kolkata II

03.02.08

 

Je suis malade. Hier soir mon état empirait d'heure en heure. Maux de tête, fièvre, courbatures partout, maux au bas du dos (ce qui signifie chez moi une baisse importante de mon niveau énergie, ce qui est effectivement le cas). J'ai mal dormi cette nuit, évidemment, et j'ai du aller sur le toit tôt le matin pour me soulager de ma chambre sans fenêtre surchauffée. J'irai voir un médecin demain ou après-demain si cela ne va pas mieux. Cela devra peut-être attendre au Bangladesh car mon visa expire dans 4 jours. Je risque de bons problèmes si je reste plus longtemps.

 

Le gars de hôtel, Luxman, est très attentionné, très sympathique. Il s'occupe sincèrement de moi comme d'un fils, venant prendre de mes nouvelles, s'assurer que tout va bien et cogner à ma porte le matin pour me dire qu'il est déjà rendu 9h15 (ça, ce était vraiment pas nécessaire, mais enfin...). Il a 65 ans, en parait 45, et s'occupe de hôtel depuis 1961. "I know you" qu'il m'a dit quand je suis arrivé. Effectivement, il a du me voir passer des centaines de fois déjà (Je pense être original, différent, mais je dois en fait être pareil, tellement pareil à tous les autres.) Il donne sa bénédiction à tous ceux qui séjournent dans l’hôtel et cela m'a fait du bien, m'a remonté le moral, lorsqu'il m'a posé la main sur le front et me l'a passée dans les cheveux paternellement.

 

Je suis allé voir un film indien hier soir, malgré mon état (j'avais déjà acheté mon billet) et ce fut merdique. Je suis parti après 20 minutes. Un film où il semblait n'avoir pas trop d'histoire, seulement un stéréotype du célibataire beau et musclé cherchant de l'attention et ayant des tendances autodestructrices. On le voit souvent boire, jetant sa bouteille à la mer, toujours avec une barbe de deux jours, s'allumant cigarette après cigarette. Il est l'archétype du séduisant male de Bollywood (le cinéma de Mumbay/Bombay, qui dépasse Hollywood en production annuelle, soit dit en passant) et un con de premier ordre, à mon humble avis. Il était en compagnie d'une pulpeuse femme dans la trentaine, apparue de la mer (avec ses vêtements bien moulés sur elle par l'eau) et disparaissant à chaque fois qu'il engage le contact. Je ne suis pas venu en Inde pour voir des inepties du genre, même si le but de ma visite au cinéma était une étude sociologique (je ne peux y donner l'adjectif de "culturelle". Ce n'est pas de la culture, ça !). Le film était en hindi, par ailleurs.

 

J'ai déjà mon petit kiosque à jus d'orange où, pour 10 RS (35 ¢ CAN), j'ai le jus de 8 oranges pressées devant moi. Je suis accroc à ces jus, j'en prends de nombreux verres. Cela me change des chaïs.

 

 

 

 

Kolkata III

03.02.09

 

Toujours aussi mal en point et pas un seul docteur disponible aujourd'hui, un dimanche. Mes assurances ne sont évidemment pas rejoignables, mais ça c'est secondaire. Demain je devrai m'occuper de mon visa pour le Bangladesh (l'ambassade était fermée hier), voir un médecin et acheter mon billet d'autobus pour Dhaka, la capitale, qui partira tôt le matin d'après-demain pour une route de 24 heures. Je n'ai tellement pas envie, présentement, de me taper 24 heures de bus sur les routes indiennes et bengalies.

 

 

 

 

Kolkata IV

03.02.10

 

Je vais un peu mieux aujourd'hui, après avoir passé la journée d'hier au lit, mais la tête me tourne encore et cela me fait très bizarre de marcher dans la rue. C'est comme si je marche sur des nuages. J'ai pu voir un médecin, qui m'a parlé d'une fièvre virale possible et m'a prescrit des trucs.

 

Je suis assez étonné de ma réaction face à mon état. Cela ne me dérange pas vraiment, ce n'est qu'un autre élément à prendre en considération Et puis cela ne donne rien de s’inquiéter ou de se faire du mauvais sang, alors je ne m'inquiète pas. Je n'ai pas souffert tant que cela. J'ai eu parfois très mal, oui, mais cette douleur et cette souffrance n'étaient pas "moi", et je sais pertinemment qu'elle s'en ira éventuellement Ma dernière retraite de méditation, quelques jours auparavant, y est pour quelque chose, c'est évident. D'ailleurs, quand j’étais capable de me tenir assis et que je méditais, en pensant parfois aux nombreuses personnes de ma retraite en train de faire la même chose dans une autre retraite à Sarnath, cela m'apportait un soulagement non négligeable.

 

Dans moins de 24 heures, je quitte l'Inde, à condition que ma demande de visa ait été approuvée, ce que je m'en vais vérifier de ce pas...

 

 

 

 

Bangladesh - Dhaka I

03.02.12

 

Je suis au Bangladesh.

 

Avant-hier, j'avais mis mon cadran à 3h00 du matin, pour prendre mon autobus de 5h00, vers Dhaka, la capitale du Bangladesh. J'avais fait cela dans le noir, connaissant par coeur les 3 pitons de mon cadran numérique. Je n'ai pas vérifié une inutile seconde fois puisque j'avais par le passé vérifié des douzaines de fois inutilement.

 

À 5h18, des coups sur la porte voisine me réveillent en sursaut. Merde ! En 4 minutes je suis debout, mon sac sur le dos. L'autobus est peut-être en retard, je n'ai rien a y perdre. Je salue Luxman, donne un bakchich de 10 RS à son frère qui m'ouvre la porte grillagée (ces deux-la dorment par terre, en bas de l'escalier) et m'élance vers la rue voisine, dans le vide du matin.

 

Pas d'autobus. À force d'incompréhensions avec des gens de la compagnie de transport pour connaître l'horaire du prochain autobus, je me tanne et m'en vais voir ailleurs (mon lit en particulier). Un Indien en complet-cravate noir, tout frais sorti du salon de coiffure (ou presque) et parlant un anglais impeccable débarque de l'arrière d'un jeep et me dit qu'un autre jeep part sur-le-champ pour la frontière, et que je pourrai continuer mon trajet normal de l'autre côté. Ok, cela me va, je largue 160 RS (c’était 200 RS, mais on m'a baissé le prix "just for you") et je me fais chahuter en direction du Bangladesh.

 

[Quelques heures de route]

 

Je déjeune à la frontière, prend mes quelques pilules, sors un livre et vais affronter la bureaucratie frontalière pour pouvoir sortir du pays. Celle-ci est affreusement anarchique, sans aucune structure logique, fonctionnant de manière clairement aléatoire et arbitraire. J'y passe au travers avec le temps qu'il faut, marche un peu, montre le carnet préféré des bureaucrates (mon passeport) à deux soldats (un indien et un autre bengali, un peu plus loin) et me voilà dans un autre pays. Je dois demander où sont les bureaux à aller visiter (je veux mes étampes) car ce n'est pas indiqué, du moins pas pour moi. J'aurais pu simplement marcher sur la route principale sans aucune barrière, sans être importuné par aucun douanier, il y avait tellement de gens qui se déplaçaient dans toutes les directions. Un employé de la compagnie d'autobus m'aide à me diriger, à franchir les obstacles et me conduit à l'autobus, un deluxe avec air climatisé.

 

Les 20 premiers kilomètres de route sont un véritable champ de bataille. Ensuite, cela s'aplanit.

 

Il y a beaucoup d'eau dans le pays (qui est en grande partie un delta). Ce n’était pas 24 heures d'autobus, mais 12 heures. Tant mieux. Il y avait un traversier pour franchir la Yamuna, la rivière qui longe le Taj Mahal (à Agra) et traverse Delhi. Ce n’était plus une route à cet endroit, cela ressemble plutôt à une carrière de sable remplie de véhicules. Le pays ressemble pas mal au Bihar, sauf Dhaka, qui parait relativement moderne. J'y suis arrivé au soir, ai trouve un hôtel et suis venu m'y écraser.

 

Les gens sont très sympathiques ici et essaient sincèrement d'aider lorsque possible. Ils sont fiers de leur pays et n'arrêtent pas de me parler du match de cricket Bangladesh-Canada à la Coupe du Monde hier, ce dont je me fous éperdument, je ne savais pas que le Canada avait une équipe de cricket et je ne savais même pas que ce sport existait avant de venir en Inde. C'est leur sport national par ici, et la Coupe du Monde de Cricket est comme la Coupe du Monde de Football en Europe ou en Amérique du Sud).

 

 

 

 

Le Canada a gagné hier, à leur grande surprise (et à la mienne aussi), mais ils ne semblent pas trop m'en vouloir.

 

J'ai maintenant quelques "amis" à Dhaka, qui m'ont laissé leur numéro de téléphone pour les appeler en cas de problème, et un autre que je retournerai voir vendredi, dans 2 jours. Ici, leur dimanche est un vendredi (c'est-à-dire que vendredi est leur jour d'église (de mosquée) où tout est fermé et tout est ouvert dimanche).

 

Je me sens vraiment siroteux, de l'ordre de 200 ou 300 d'aplomb. Grande similarité étonnante et intrigante. Concordance et agencement d’événements ou circonstances voulus ou nécessaires (cf. Toronto) inhabituelle. Détachement et retrait vers l’arrière lors d'interactions dans le monde extérieur. Nourriture non attrayante, sauf fruits.

 

J'utilise ces temps-ci un CD d'IBM Via Voice 98 comme chandelier. J'ai récupéré deux verres en argile à Kolkata (le chaï de rue y est servi dans ces petits pots d'argile très rapidement biodégradables qu'on jette dans la rue ensuite, sans aucun remords pour ma part. (Le plastique fait des dommages énormes en Inde. Il y a quelques décennies, tous les emballages étaient en papier ou en jute, les pots en argile, les contenants à nourriture en feuilles d'arbres, alors c’était effectivement la bonne chose à faire que de jeter tous ses déchets (tous biodégradables) par terre. Mais le plastique est arrivé de l'Ouest, les gens n'ont pas changé leurs habitudes millénaires et le plastique blessera la Terre longtemps, encore longtemps... (Soit dit en passant, les sacs de plastique sont interdits au Bangladesh. Une très bonne chose à mon avis.) Pendant ce temps, la production mondiale de jute, fibre biodégradable et renouvelable (non pas comme le pétrole avec lequel est fabrique le plastique) décroît faute de demande (c'était d'ailleurs la principale production du Bangladesh, je crois))), 2 verres en argile, donc, un grand et un petit, qui me servent d'encensoir, le petit, percé d'un trou, placé à l'envers dans le grand.

 

Le drap qui me recouvre pour dormir est souple et soyeux comme du papier mâché. Cela ne vaut pas la peine de demander qu'on le change.

 

C'est aujourd'hui la fête musulmane la plus importante de l’année et tout est fermé. Ils ont sacrifié un nombre important de vaches et de chèvres. Partout des vaches mortes dans les rues, plus ou moins recouvertes de leur peau, ainsi que d'autres vivantes, mais en sursis. Des bouts de vaches se baladaient en cyclo-rickshaw dans la ville, un sabot dépassant parfois sur le côté. Du sang partout les rues, avec des entrailles. Et des peaux de vaches et de chèvres, animaux dégonflés, attendant l’éternité au milieu de rien.

 

Je ne juge pas, n'interfère pas, ne faisant qu'observer, mais suis pleinement conscient que ces animaux-la ne voulaient qu'une chose, tout comme moi, être heureux.

 

 

 

 

C'est pauvre ici, oui, mais c'est vivable. La vie n'est pas si pire que cela, et les gens sont tellement accueillants et prêts à aider. Ils ne voient que très peu de touristes, donc n'en sont pas écœurés, et il n'y a pas de pompe à capitaux touristiques qui s'est mise en place. Personne n'a essayé de me vendre quoi que ce soit, ou de me soutirer le moindre thaka (la monnaie locale (abv. TK)).

 

On me demande souvent quelle est ma religion, ce qui m'est problématique à répondre Non pas parce que je ne suis pas musulman, alors que tout le pays l'est, mais plutôt parce que je ne me considère pas vraiment chrétien et que je n'aime pas mentir, même pour des banalités du genre. J'ai pourtant répondu "chrétien" puisque j'ai été baptisé à l'Eglise et que cela risquerait de fâcher ou de troubler si je répondais "athée" ou un truc du genre. Et puis ils n'ont sûrement pas encore entendu parler du SPUN par ici. Je vais peut-être répondre "humaniste" ou un truc du genre la prochaine fois, comme suggère par mon guide.

 

 

 

 

Dhaka II

03.02.15

 

Leur grosse fête religieuse est l’équivalent de notre Noël, à ce qu'on m'a dit. Tout est fermé depuis 4 jours. J'essaierai d'aller à l'ambassade indienne demain.

 

J'ai trouvé un café Internet ouvert vraiment par chance, en marchant au hasard des rues, et il a des Celeron 1466 avec 128 Mo RAM pour lesquels il ne charge que 15 TK (moins de 45 ¢ CAN) de l'heure. Je me demande comment il fait pour payer ses ordinateurs. Comme je suis son meilleur client (beaucoup de textes à transcrire), il me paie des thés et m'offre à dîner L'autre jour j'ai payé 75 TK pour 5 heures d’accès Internet, incluant un thé et un repas de mouton pour lequel j'aurais normalement payé 30 ou 40 TK.

 

Je me suis acheté un quatrième cahier (celui-ci), le dernier ne m’étant plus utile une fois rempli.

 

Je suis dans un fast-food bizarre, qui essaie de se donner le style d'une grande chaîne. C'en est drôle. Ils essaient d'imiter la mode américaine et cela est populaire, on dirait. Il n'y a que des "jeunes", tous bien moins âgés que moi. Je suis relativement vieux pour ce pays. À 23 ans, normalement, on travaille depuis longtemps.

 

On aime beaucoup par ici ma coupe de cheveux, vaguement à la Astro le petit robot. Elle fait sensation chez les jeunes qui ont l'air de la trouver très "in". Moi cela me fait bien rire.

 

On me demande souvent pourquoi je suis venu ici tout seul en me regardant un peu étrangement. Les gens normaux ne font pas cela, il semblerait. Pour le tourisme ??

 

J'ai vu mon troisième touriste hier. Nous sommes vraiment une espèce rare. J'ai vu deux Japonais à mon arrivée à l’hôtel, et puis c'est tout.

 

Les gens ici sont conscient de la situation de leur pays. Ils aimeraient bien le quitter. On m'a demandé de parrainer quelqu'un pour venir au Canada. Non, je ne ferai pas cela. Je ne pense pas que cela aiderait qui que ce soit. Nous avons déjà suffisamment de serveurs de restos malheureux au Canada. Au moins eux ici sont malheureux dans leur pays.

 

Beaucoup de petites rues en ville sont en terre battue et en joyeux bourbier sur de grandes distances. C'en est presque un défi pour les cyclo-rickshaws.

 

Je ne mange que deux repas, pour mes antibiotiques, à chaque jour. Je n'ai pas très faim et ne souffre pas d'un manque de nourriture (que je sais identifier très rapidement, supportant mal de ne pas manger lorsque je devrais). C'est assez difficile de trouver des repas végétariens ici. J'essaie d’éviter la viande, par question de principes. Je considère de plus en plus qu'il n'est plus acceptable pour moi qu'on tue des animaux uniquement pour me rassasier (surtout dans les conditions dans lesquelles on les tue actuellement, conditions qui ressemblent assez tragiquement à celles des camps de concentration nazis), alors qu'il existe des alternatives disponibles et accessibles. Ce serait ne pas être cohérent avec moi-même et avec mes principes de vie que de continuer à agir comme auparavant.

 

Ceci ne signifie pas ne plus manger de viande. Cela implique grandement manger beaucoup moins de viande, mais ce n'est pas l'action précise visée. Ce que je veux, c'est éviter de tuer inutilement. Je considère qu'il est barbare et injuste de tuer pour satisfaire un besoin égoïste aussi peu essentiel. Peu essentiel car des choix alternatifs existent et ne sont pas démesurés : de simples mets végétariens (plus nourrissants et meilleurs pour la santé que la plupart des mets avec viande, d'ailleurs). Par contre, si un repas est déjà préparé et que, pour une raison ou pour une autre, il serait gaspillé si non mangé, je n'ai aucune objection à le consommer (comme la soupe au mouton qu'un ami n'aimait pas (trop épicée) et refusait de manger). Mais j'éviterai d’acheter moi-même de la viande au restaurant ou dans une épicerie, et j’éviterai qu'on prépare de la viande pour moi.

 

L'argument selon lequel nous ne tuons pas directement l'animal en achetant sa viande qui se trouve déjà sur les tablettes n'est qu'un argument lâche ou couard. Le principe économique selon lequel un produit similaire sera produit et apparaîtra pour remplacer celui consommé (vendu) est bien connu. Cela implique donc qu'un animal (ou une fraction d'animal, dans le cas des gros animaux) sera effectivement tué pour cette vente. Ce n'est pas la main qui acheté qui tue, mais c'est tout comme. C'est cette main qui paie un intermédiaire pour tuer. Au niveau légal et moral, quelqu'un engageant un mercenaire pour faire son sale travail, disons tuer quelqu'un, est aussi coupable que le mercenaire qui effectue le travail.

 

L'animal ne désire qu'une seule chose, tout comme moi (et vous), c'est d’être heureux. (Cette affirmation d'apparence dogmatique est très simple à vérifier. On n'a qu'a prendre le temps d'observer le comportement des animaux (ou des humains). Absolument tous les actes sont conditionnés par l'espoir ou le désir d'augmenter son bien-être, son bonheur, ou de fuir un mal-être, une condition non plaisante. Donc d’être heureux, tout simplement. (Par ailleurs, la liberté que l'homme se targue d'avoir n'est qu'illusion puisque tous ses actes sont amorcés par ses désirs qui lui sont, pour la plupart, inconscients, et sur lesquels il n'a aucun contrôle. Ce contrôle est possible, mais l'homme moyen, lui (donc nous), n'a pas cette maîtrise.)) Et puisque je ne peux que prendre la vie et en aucun cas la redonner, il n'est absolument pas acceptable pour moi, voulant avoir une philosophie de vie complète, cohérente et unifiée, de tuer pour satisfaire un quelconque besoin égoïste. Pas plus qu'il ne serait acceptable d'engager un tueur à gages pour liquider quelqu'un dont on convoiterait l'appartement, par exemple. C'est une même satisfaction égoïste au détriment de la vie d'un autre être.

 

Je l'ai déjà dit, on nous regardera un jour avec mépris pour notre façon de traiter les animaux, de la même façon qu'on regarde aujourd'hui avec mépris les peuple esclavagistes. En ce temps, ce fut une révélation de "découvrir" que les esclaves avaient des sentiments, qu'ils pouvaient penser, qu'ils pouvaient même apprendre les mathématiques ! Est-ce qu'ils auraient aussi une "âme", une conscience ? Non, c'est impossible ! Ce sont des esclaves ! Ce sont des sauvages, ils ne peuvent même pas se posséder eux-mêmes !

 

L'homme se trouve bien seul sur cette Terre. Il s'est aliéné toutes les espèces d'animaux. Des torts qui ne pourront jamais être réparés, de même que rien ne pourra jamais compenser les torts qu'ont subi les Africains arrachés à leur continent pour être envoyés comme esclaves à l'étranger, ou bien les peuples autochtones ayant subi un génocide de la part des Européens débarqués sur leurs terres (Amérique, l'Australie, ...). Seul un pardon est possible, et nous devrions nous sentir bien petits dans nos souliers, immensément petits.

 

 

 

 

Je savais depuis longtemps que je deviendrais un jour végétarien. J’étais auparavant trop paresseux ou trop mou pour vivre en accordance avec mon éthique, avec mes principes. Il est bien plus facile d’être faible et de s'adonner à tous les vices passant à proximité que de se lever et de vivre selon une code moral, une éthique.

 

 

 

 

Dhaka III

03.02.16

 

J'ai réussi à avoir un visa pour l'Inde aujourd'hui. Je peux donc y retourner. Je me considère assez chanceux, on ne sait jamais avec la bureaucratie indienne. À preuve, la fille devant moi dans la file (du Danemark) s’était fait répondre qu'ils ne donnaient pas de visa de tourisme ici (ce que j'ai eu !) et elle rencontrait les secrétaires et directeurs depuis quelques jours pour essayer d'en avoir un quand même. Ne pas avoir eu mon visa de tourisme, j'aurais re-essayé pour un visa d'affaires (en parlant d'importation de textiles ou d'ordinateurs) ou j'aurais pris un avion pour Katmandou, où j'irai plus tard de toute façon. Il faut avoir des solutions de rechange et être prêt à ne pas avoir ce que l'on veut. Cela aide généralement pour l'avoir.

 

[Début d'une grande parenthèse]

Ceci est une conséquence directe de la Loi de Murphy, qui dit que si une possibilité malheureuse (ou désavantageuse, ou négative) peut survenir, elle surviendra nécessairement. Par exemple, si l'on échappe une rôtie beurrée, la loi de Murphy déclare qu'elle tombera nécessairement sur le mauvais côté, soit celui beurré. Donc, si l'on est prêt à accepter l’événement non souhaitable, celui-ci ne devient plus non souhaitable et il ne se réalisera donc pas, en accord avec la loi de Murphy.

 

J'ai également l'impression que la projection (produite généralement inconsciemment) faite par les gens, majoritairement pessimistes, influence beaucoup. Avez-vous remarqué que les pessimistes sont généralement beaucoup plus souvent "malchanceux" que les optimistes ? De ce fait constaté, deux choses : Ou les pessimistes sont pessimistes en raison du constat d'une malchance inhérente à leur être (ils SONT, de par leur nature, malchanceux) (et donc les optimistes optimistes en raison du constat d'une bonne chance inhérente (ils SONT chanceux)), ou les pessimistes "créent" leur malchance (ce que j'identifie par le terme "projection") (et donc les optimistes "créent" leur bonne chance). Une autre façon de voir ces deux possibilités est l'explication passive/active. Ou les pessimistes/optimistes sont passifs et ne font que subir la réalité (déclarant qu'ils sont malchanceux/chanceux), ou les pessimistes/optimistes influencent eux-mêmes la "réalité" (volontairement ou non, ou plutôt consciemment ou non) pour "créer" leur malchance/chance. Il est également possible que ces deux différentes possibilités co-existent, alors dans ce cas il est logique de supposer que les pessimistes/optimistes contribuent à "créer" leur malchance/chance inhérente, ce qui revient à dire que la possibilité # 2 engendre la possibilité # 1.

 

Je suis un peu de cet avis et j'ai la conviction, pour l'avoir à maintes reprises expérimenté, qu'il est possible de parvenir à un contrôle conscient et volontaire de cette "capacité" d'influence qui, pour la majorité des gens, reste inconsciente et faiblement contrôlée.

 

Une autre formulation brève de la loi de Murphy (qui, soit dit en passant, est très pessimiste) déclare que si quelque chose peut arriver, cela va arriver.)

[Fin de la parenthèse]

 

J'ai changé les dates de mes billets d'avion (je n'avais auparavant que des dates temporaires sans importance puisqu'il fallait des dates pour rentrer dans les petites cases de l'ordinateur). Je quitte le Népal vers la France le 25 juin (ce qui me prendra 2 jours en passant par la Malaisie, qui n'est pas dans la bonne direction) et je quitterai Paris vers Montréal le 11 septembre 2003, exactement 1 an après y être parti. Détail amusant, j'arriverai à Montréal une heure trente après être parti de Paris (aux heures locales), ce qui fait que, grosso modo, l'avion va simplement perdre un peu de temps dans les airs, en restant presque fixe par rapport au Soleil pendant que la Terre tournera en-dessous. (C'est pour économiser le kérosène ?)

 

J'ai l'impression de faire vivre le café Internet où je vais. Ils m'appellent "Mister Ben", me donnent du thé ainsi qu'à manger et j'utilise l'ordinateur de la réception (avec un fauteuil bien confortable) qui m'est presque réservé.

 

La Canada a gagné une seconde fois contre le Bangladesh à la Coupe du Monde. Je me demande parfois si cela à un lien. [Ndf : On m'a dit que le Canada, malgré le fait qu'il performe très bien cette année, à perdu une partie avec le plus petit pointage jamais atteint en Coupe du Monde....]

 

Non loin de là, j'ai mon petit restaurant (restaurant c'est un bien grand mot, une dhaba, disons) où je réussis à avoir une omelette de 2 oeufs (avec piments et oignons), avec quelques paranthas (des chapatis frits) et un thé, soit un très bon repas, et je m'en sors pour moins de 20 TK (moins de 60 ¢ CAN). Cela me sert de souper. Ils ne parlent pas un mot d'anglais et, de mon côté, je suis bien évidemment rendu un expert en bangla (la langue du coin) après 5 jours à ne rien comprendre lorsqu'on me parle. À part ce resto où on se comprend maintenant, je ne sais jamais ce que je vais manger. Mais c'est mangeable, la plupart du temps, alors cela me satisfait. Ce soir, à ma petite dhaba, ils m'avaient donné un parantha de plus que ce que je n'ai mangé. Ils l'ont pris dans mon assiette et l'ont remis sur le dessus de la pile. Pas de gaspillage !

 

 

 

 

Dhaka IV

03.02.17

 

Bon, le Bangladesh c'est bien, mais là il faut que j'aille voir ailleurs. Je manque de montagnes. J'irai au Sikkim, là où tous me disent d'aller. Je ne visiterai donc probablement pas le sud de l'Inde cette fois-ci. Pas le temps, il y a trop à faire dans le nord. Ce sera pour un prochain voyage, une prochaine année.

 

Je n'ai pas envie de retourner à Kolkata, au sud-ouest, trajet très facile en autobus de luxe, alors que ma destination est au nord. Je vais donc essayer de couper directement à travers le Bangladesh, vers des lieux où les touristes ne mettent jamais les pieds. J'aurai peut-être besoin d'autorisations spéciales pour traverser la frontière à cet endroit, c'est ce que je vais vérifier demain.

 

Les grandes villes m'énervent, et il faut vraiment que je m'en aille d'ici.

 

J'essaie de trouver une façon d'introduire dans un nouveau paragraphe que les douches ici n'ont qu'un seul robinet, alors il ne sert à rien d'espérer naïvement avoir un peu d'eau réchauffée et que cela me prend toute ma détermination pour prendre une douche, mais je ne trouve pas. Je n'en parlerai donc pas.

 

Demain j'irai voir Rubel, un ami Bengali, qui veut me montrer leur parlement. Ce sera ma seule visite touristique dans ce pays.

 

J'ai enfin fini mes 14 pilules d'antibiotiques qui me donnaient des nausées. J'ai hâte de recommencer à avoir faim, l'appétit me manque. Cela fait maintenant une semaine que je suis au Bangladesh. Cela va faire, il me semble... (Si vous n'aviez qu'une semaine de vacances, iriez-vous au Bangladesh ?)

 

 

 

 

Voyage vers le nord (vers l'inconnu)

Ben 03.02.19

 

[Dans l'autobus qui m'amène vers le nord-ouest du pays]

 

À bien des égards, le Bangladesh est mieux organisé que l'Inde. Ici les choses fonctionnent à peu près comme elles le devraient. C'est vraiment à se demander pourquoi le Bangladesh est plus pauvre que l'Inde, dont il faisait auparavant partie sous la domination britannique, avant de faire partie du Pakistan en étant le Pakistan Oriental. Comme l'a dit Maryse dans ses récits de voyage (http://www.iquebec.com/azurdemai et http://www.iquebec.com/azurdemai2, d'excellents textes qui décrivent bien le pays (l'Inde) et qui, souvent, expriment ce que je n'ai pas su dire), c'est en sortant de l'Inde qu'on se rend compte à quel point tout est compliqué dans ce pays. À y être, on finit par s'y habituer et croire que c'est normal. (Par ailleurs, Maryse m'a envoyé récemment par courriel (c'est de cette façon que j'ai de ses nouvelles, ainsi que de Ianis) un texte à propos de l'habitude et de notre capacité d'adaptation. En effet, on s'habitue à tout, à la pauvreté, à la misère humaine, à l'injustice, au travail des enfants, et c'est vraiment terrible, cette désensibilisation.)

 

[Ndf: Après plus de lectures, une des raisons de la stagnation et du faible développement du Bangladesh serait que, durant la guerre d'indépendance (pour se séparer du Pakistan), l'armée pakistanaise a méthodiquement liquidé (tué) la classe dite intellectuelle (en commençant par les étudiants universitaires) ainsi que tous les hindous (généralement éduqués), car ceux-ci étaient associés aux troubles qui fomentaient dans le pays (troubles très légitimes de la façon dont le Pakistan de l'ouest gérait le pays au net détriment du Pakistan Oriental, par exemple en voulant interdire le bangla, la langue parlée dans toute la région, et en voulant le remplacer par l'ourdou, parlé uniquement au Pakistan de l'ouest).]

 

Le bus repart. À plus tard.

 

 

 

 

L'autobus m'a dompé à Saidpur, une ville quelconque en direction de la frontière, alors qu'il commençait à pleuvoir. J'attends un train, maintenant qu'il pleut à verse, en finissant de lire un livre assez particulier de Carlos Castaneda. L'ambiance est étrange, vraiment étrange, presque glauque. Avec mes 2 pages de nombres et d'expressions courantes en Bangla (comme "Combien ?" et "Où sont les toilettes ?"), je parle mieux leur langue qu'ils ne parlent l’anglais. Le prochain train est à 16h00, 17h00, 15h25 ou "par là-bas", selon la personne à qui je le demande.

 

Étant un touriste blanc (événement très rare), j'attends dans le bureau de quelqu'un qui fait quelque chose d’important à la station. Il y a quatre téléphones sur le bureau dont un seul orné de boutons. Pour les autres, il y a une petite manivelle que le gars tourne deux fois, attend, tourne deux fois, attend, et répète jusqu’à ce que le téléphone se mette à sonner pour y répondre. Il y a au mur de grosses machines vertes en métal épais, dignes d'un musée (c'était le genre de trucs que j'ai vus au musée de Thomas Edison, en Floride) avec quelques grosses manivelles, des cadrans à aiguilles, deux gros boutons et un tronçon de fils électriques en arrière. Avec l'apparence des gens (plusieurs hommes en robes blanches, l'un avec barbe pointue blanche comme neige, l'autre l'ayant grise et l'autre orange pétant (!)), le fait que Castaneda s'en va rencontrer un sorcier important qui va déterminer la destinée de toute sa lignée de Naguals (sorciers) et l'orage qui assombrit le tout, cela donne vraiment une ambiance étrange...

 

Avant d'arriver ici, j'ai passé la journée dans l'autobus. Par chance, c’était un deluxe et les routes étaient assez bonnes pour permettre de rouler jusqu’à environ 80-90 km/h, ce que je n'ai jamais vu en Inde (c'est d'ailleurs peint "Max 40 km/h" sur les camions). Les coups de klaxons intempestifs et inutiles du chauffeur nous drainaient terriblement d'énergie. C’était à croire que nous, les passagers, alimentions directement le klaxon. C'est épuisant de subir cela.

 

16h25. Il est donc probable que la bonne heure du train soit 17h00.

 

 

 

 

[Dans le train, en attendant qu'il se décide à partir...]

 

Non, côté train, ils font vraiment pitié. Les wagons tout en métal rouillé, ruisselants de pluie (je parle de l'intérieur des wagons !), avec éclairage intermittent consistant en quelques ampoules nues pendant au bout de leurs fils sortant du plafond incomplet. L'aspect est moins lugubre sans lumière, au moins on ne voit pas l'état de la carcasse. Ça sent l'urine à plein nez (encore heureux que cela ne sente que l'urine). Le billet m'a coûté 10 TK (30 ¢ CAN) pour un trajet prévu de deux heures.

 

La nuit est tombée, il pleut un peu moins. Je n'ai pas vraiment dîné (à peine un cornet de crème glacée chimique (un gros luxe de 20 TK) et un lassi, pour essayer de rebâtir ma flore bactérienne intestinale démolie par les antibiotiques, effet secondaire dont j'avais été prévenu), pris un "cha" (ils ne prononcent pas le "i" (ou "ail") ici, et de toute façon leur thé n'est pas bon, il est fait avec du lait condensé trop sucré. Je préfère le chaï de l'Inde, fait avec du lait qui traîne à la chaleur toute la journée), quelques petits pains pour contenir ma faim et ensuite quelques légumineuses séchées très épicées (données sur un morceau de papier imprimé brouillon, avec un autre bout de papier en guise de cuiller) dans le train comme collation. Je me trouve bien chanceux de supporter et même d'aimer la nourriture épicée. Cela, je le dois à Antoine et à ses piments. J'aurais chialé et jeuné souvent autrement. (Je ne conçois même pas l'idée d'essayer d'expliquer ou de mimer "no spicy" alors qu'il m'est déjà si difficile de faire comprendre "Me eat this".)

 

Mes (premiers) voisins du siège d'en face (le vendeur de fèves et deux petits garçons) m'ont demandé (par signes) de prendre une photo d'eux. Les locaux dans ce pays adorent qu'on les photographie. Parfait ! Je voulais justement quelques photos des gens d'ici. Cette photo se retrouvera sur le site Web (avec toutes les autres) dans 7 ou 8 mois, au rythme où vont les choses (surtout les bateaux postaux). Ce gars-la n'imaginait probablement pas que sa bine se retrouve un jour sur Internet. Je me demande en fait si "Internet" signifie quelque chose pour lui.

 

Le train est presque vide mais j'ai 12 personnes autour de moi qui regardent attentivement ce que j'écris. Eux non plus n'ont aucune idée que je parle d'eux en ce moment même. Plusieurs portent des tuques, il fait frais. J'ai mis mon imperméable The North Face. Ils seraient sûrement très fiers de savoir qu'il a été fabriqué dans leur pays.

 

Le contrôleur passe et plusieurs personnes semblent embarrassées. Ils n'ont pas de billet, je crois.

 

C'est assez particulier d’être le point de mire comme cela. On se plante devant moi et on me fixe sans aucune gêne ou retenue, comme si j'étais derrière une vitre avec un panneau "Homo Occidentalis". Parfois je les regarde moi aussi, soutiens leur regard, mais sans défi car leurs yeux me sont rarement agressifs, simplement pour leur dire que moi aussi je peux penser, avoir des opinions et comprendre ce qui se passe, malgré que je sois isolé dans mon mutisme forcé qui me fasse paraître idiot.

 

Finalement, après avoir trouvé une place sur un banc sec, assis sur ma couverture de laine tibétaine, sous une ampoule et loin des odeurs humaines acides, je pourrais même dire que je suis confortable et que le trajet m'est agréable. Mon fan-club s'est lassé, à l'exception d'un petit garçon à côté de moi qui me sourit.

 

Demain je devrais retontir en Inde, si mon karma le veut bien, comme diraient les bouddhistes.

 

 

 

 

Rishikesh (3e fois) – Note

03.03.02

 

De retour à Rishikesh, pour une 3e fois. Simple note pour dire que je donnerai des nouvelles (via la transcription de textes) plus tard. Je suis encore grandement en retard (je suis encore au Bangladesh sur mon site alors que ceci date d'une autre époque pour le moi actuel) et pense à engager un(e) secrétaire pour taper mes textes (mais étant donné ma calligraphie, ce serait pratiquement impossible, ce qui m'exclut également de tous les logiciels OCR). Je suis ici pour un cours de yoga avec Odelia, une de mes prof de méditation de ma dernière retraite. Après 40 heures de train, j'ai hâte de prendre une douche (ceux ayant voyagé dans les trains indiens, particulièrement Guillaume, me comprendront bien).

 

 

 

 

Rishikesh (3) - Note en passant

03.03.10

 

Encore vivant, on dirait bien. Rien de nouveau sous le Soleil, à part un paquet de bonnes choses. Les détails à venir plus tard. Mon cours de yoga (un excellent cours, que j'ai très apprécie et qui m'a beaucoup apporté) s'est terminé, un cours de Reiki se prépare dans quelques jours. Je n'ai pas envie de rester assis devant un écran de mauvaise qualité, je préfère rester dehors au Soleil, sur les berges du Gange, à lire un de mes nombreux livres me donnant plein d'idées et d'informations nouvelles (entre autres, découverte de ce midi, quelques liens entre le (yoga) sutra IV.1 de Patanjali et le 7e chapitre du livre de Terrence McKenna que je lis présentement, Food of the Gods, renforçant de plus en plus quelques idées et conceptions que j'ai). Je lirai et répondrai à mes 47 courriels plus tard. Plusieurs de mes amis de mes dernières retraites sont à Rishikesh. Je partirai pour Dharamsala / McLeod Ganj dans environ une semaine, pour les enseignements du Dalaï-Lama. McDonalds a annoncé l'arrivée de sandwiches "all-white" (supposément uniquement viande blanche) dans ses restaurants. Ses ventes aux É-U sont en baisse pour le 12e mois consécutif.

 

 

 

 

Rishikesh (3) XI

03.03.14

 

Un bref aperçu d'une partie de ce que je taperai plus tard, comme une annonce de film à paraître....

 

 

 

 

Rishikesh (3) XI

03.03.13

 

Aux Indes, landes fabuleuses telles que décrites par Marco Polo, j'étudie et suis un cours de magie. De magie blanche. De guérison ("healing", terme plus global), de canalisation énergétique. Les sages mages avec de longues barbes blanches pointues, qui ne disent rien mais savent beaucoup, les guérisseuses aux cheveux gris penchées, telles d'attentionnées grand-mères au-dessus de leurs petits-enfants, l'écho des sabots des blancs chevaux des vaillants chevaliers résonnant tout près...

 

Dans cette contrée exotique, pays où pourraient vivre les hobbits de Tolkien, entre les montagnes coule un fleuve sacré aux pouvoirs mystérieux et légendaires. Les yeux fermés, une main initiatique descendant au-dessus de la tête, quelque chose se produit, bien tangible, bien réel. Le type de phénomène documenté dans les épopées fantastiques ou les livres de Fantasy. On changement s'est produit. On nous a transmis un pouvoir, un savoir, on nous a ouvert des portes. Je ne sais pas ce que c'est, je ne comprends pas beaucoup, je constate. Cette magie blanche a fonctionné sur nous. Il nous reste maintenant beaucoup à apprendre, à mieux maîtriser.

 

Nous sommes en Inde, pays où tout est possible...

 

 

 

 

Rishikesh (3) *&@#^%FGV&

03.03.16

 

Bon, il me reste quelques minutes pour mon 20 RS, je vais écrire quelques lignes. Rien de nouveau, il fait beau, il commence à faire bien chaud, le Gange est toujours le Gange, aussi fascinant à regarder que jamais. Je ne prends plus de douches, je me baigne dans le Gange. Ça lave en profondeur, à ce qu'il parait (mais ça je l'avais déjà dit en octobre dernier...).

 

J'écoutais tout à l'heure quelques tounes des Beatles sur le mini-disc d'une amie (...de la musique ? ça faisait longtemps....). Complètement plein d’énergie, en donner aux autres me remplit encore plus il semblerait...

 

Ce soir, le 16 mars à 19h00, il y a une veille/vigile aux chandelles pour la paix. Bon, il est un peu tard pour les annonces, mais cette vigile est organisée partout au travers du monde. Cela se veut une sorte de gigantesque vague de lumière parcourant la planète. www.globalvigil.org Pensez à allumer une chandelle si vous le pouvez, à y accorder quelques pensées... J'y serai.

 

 

 

 

Dharamsala / McLeod Ganj a nouveau

03.03.19

 

De retour à Dharamsala, McLeod Ganj en fait, Tushita plus précisément. Les enseignements du Dalaï-Lama débutent aujourd'hui, pour deux semaines. Rien à dire, à part une annonce à faire :

 

 

L'Éxecution, de Marie-Claire Blais, pièce de théâtre dans laquelle mon frère Patrick (qui a maintenant un rôle dans Watatatow...), et mon cousin Philippe, comédiens professionnels, jouent.

 

Extrait du matériel publicitaire :

 

Cette tragédie contemporaine, poétique et accessible, nous bouleverse par l’actualité de ses propos. Au coeur d’un collège privé, des adolescents se livrent à un jeu :

"Le sort en est jeté, mes amis, choisissons notre victime par le sort ! "

 

Présentée jusqu’au 29 mars 2003 (le mardi et mercredi à 13h30, le jeudi, vendredi et samedi à 20h30, et une soirée bénéfice le mercredi 19 mars à 20h30) à l'auditorium de la Polyvalente Hyacinthe-Delorme (2700 T.-D. Bouchard, Ste-Hyacinthe, autoroute 20, sortie 130 sud). Réservations : (450) 778-3388. Plus d'infos : Le Boléro, (450) 209-0454, http://www.lebolero.ca.

 

C'est pas vrai que Ste-Hyacinthe c'est trop loin, c'est juste à côté !

 

 

Ah, aussi... Il fait frette de nouveau. De la buée lorsque je respire en me réveillant le matin. C'est un peu dommage. J'aimais bien l'impression de chaud printemps et de libération que Rishikesh m'avait apportée...

 

 

 

 

Green Hotel, McLeod Ganj

03.03.19

 

Tiens, il y a des traces de mon passage, il y a 3 mois, sur l'ordinateur que j'utilise : Un fichier contenant les 15 000 premières décimales de Pi...

 

 

 

 

Fermeture temporaire du site

03.03.22 au 03.03.30

 

Mon site Web sera fermé pour une semaine. Mes mots ne peuvent avoir d'importance pendant que des gens se font tuer pour le confort de certains autres. Nous sommes tous en deuil.

 

La violence n'est pas une solution.

 

 

Ahimsa.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fermeture temporaire du site – Réaction

03.03.25

 

J'ai reçu par courriel une réaction [à la fermeture du site] qui me semble bien valable et qui vaut la peine être postée.

 

 

 

 

Date : 03-03-23

Sujet : Jamais plus.

 

 

« Eh bien plus jamais ton site ne devrait être réouvert... À tout jamais il devrait être fermé car plus de 25 guerres ont lieu présentement dans le monde. Notre nombrilisme habituel d'Occidentaux nous fait oublier que d'autres guerres, tout aussi sanglantes et inutiles font rage sur notre planète. Ce n'est pas parce que les USA s'en mêlent que cela fait de cette guerre une guerre ayant plus d'importance ou méritant d'avantage notre soutien ou notre désaccord (bien sûr le pétrole est ce qui nous concerne le plus dans tout ça... car notre mode de vie sera directement touché par la gérance de cette ressource). Pourquoi ne pas réagir devant les guerres en Afrique ? En Amérique du Sud ? Ne sont-elles pas elles aussi, à quelques exemples près, des guerres résultant directement de l'entrée en jeu des USA dans leurs politiques ? Bref, ce qui se passe en Irak est inacceptable, aucune doute là-dessus, mais pourquoi celle-ci nous touche ou semble nous concerner plus que toutes les autres ???

 

La première victime de toutes les guerres est la vérité. Et la plupart d'entre elles (pour ne pas dire toutes) commencent par un mensonge. Toutes les guerres sont stupides et tous les mots du monde sont futiles devant l'irréversible machine de guerre que l'homme lui-même a créée. Ce n'est pas les discours, mais l'homme qui doit évoluer. »

 

 

 

 

Fermeture temporaire du site - Commentaire / réponse à la réaction

03.03.25

 

Bien vrai.

 

C'est le seul commentaire que j'ai reçu à ce sujet. J'en remercie l'auteure. Je vais me défendre un peu, parce que j'avais déjà en tête l'hypocrisie de l'importance de cette guerre par rapport aux autres quand j'ai décidé de fermer temporairement mon site.

 

Je suis bien conscient qu'il y a nombre de guerres se déroulant en ce moment même, ainsi que d'autres atrocités bien pires que j'ignore complètement et d'autres encore dont je ne parle pas. La grande différence avec cette situation en Irak, en effet, est sa médiation et son importance diplomatique possible. Et aussi le fait que j'y suis impliqué, plus ou moins indirectement, et que j'en bénéficierai que je le veuille ou non. La sécurisation de l'approvisionnement des réserves de pétrole restantes influencera à la hausse mon niveau de vie car je vis encore dans une société qui en est dépendante. Faisant donc partie de cette guerre, ne pas réagir aurait signifié, par défaut, mon consentement.

 

Et ça m'écœurait tout simplement de divertir ou d'agrémenter des gens "pendant que des gens se font tuer pour le confort de certains autres", les certains autres étant nous-mêmes.

 

Ahimsa, la "non-violence", concept beaucoup plus vaste que la simple absence de violence, faisait référence, entre autres, à Gandhi, auquel elle est maintenant associée même si antérieure à lui, qui la prônait et par laquelle les Britanniques ont été chassés de l'Inde, ce qui n'est pas rien.

 

J'ai pensé aussi que cette fermeture pourrait avoir l'air d'un engagement typique de la jeunesse, impulsif, sans trop de réflexion, étant à la mode de contester. J'avais pris le soin de choisir mes mots car je ne voulais pas me lancer dans un grand débat dans lequel le contenu du message aurait été noyé entre les mots. J'ai peut-être été trop peu précis ou trop peu adroit dans mon choix.

 

 

 

 

McLeod en ce moment – Note

03.03.30

 

Je vais publier quelques textes récents, en attendant de taper les textes datant du dernier mois, ce qui devrait être fait d'ici les quinze prochaines années. Brève récapitulation : depuis le nord du Bangladesh, je suis allé au Sikkim, puis à Rishikesh, y ai suivi des cours de yoga et de Reiki, et suis finalement revenu ici, à Dharamsala, pour les enseignements du Dalaï-Lama, auxquels je n'ai pas beaucoup assisté. J'en reviens, d'ailleurs, il pleuvait des cordes, mais cela ne me dérangeait pas avec mon manteau et mes pantalons imperméables avec lequel je peux rester sec même sous la douche (j'ai déjà essayé). J'ai acheté un popscicle pour le déguster en marchant tranquillement alors que tous couraient, détrempés, en pestant contre la pluie. Oui, j'en conviens, comme me dirait Maya, que c'est, à la base, le même type de comportement qui me faisait teindre les cheveux en bleu, ou faire un paquet d'autre trucs, pour la plupart bien amusants, pour secouer les gens, voire les choquer, idéalement les réveiller (éveiller, peut-être ?) à d'autres perspectives que la leur. (Baudelaire aussi se teignait les cheveux en bleu pour choquer les gens, à ce que j'ai lu.) J'accorde également que ce désir de changer, de modifier les autres, n'est peut-être pas idéal, et que je devrais un jour m'en départir.

 

En attendant, voici quelques-uns des récents textes.

 

[Marqueur de relation signifiant que je désire ajouter quelques dernières lignes avant de céder la place à ces dits textes.]

 

J'essaie de ne pas trop interférer avec ce qui m'arrive, avec moi-même, et de laisser aller les choses comme elles viennent. Regarder ma vie comme on lit un livre, comme celle d'un personnage, sans trop m'y attacher, sans trop juger.

 

Me savoir lié à différentes personnes par différentes relations plus ou moins bien définies me cause parfois un peu de peine, ne voulant offenser ou blesser personne, mais ne voulant pas non plus, tel que dit précédemment, restreindre ou limiter le déroulement de mon histoire. Je connais, un peu, l'éphémérité des instants présents, de même que son éternalité potentielle. Les choses sont comme elles sont, la pluie tombe lorsqu'elle le veut, j'ai encore vingt ans, je suis à l'autre bout du monde et tout peut encore m'arriver.

 

Sans oublier, toutefois, l'impermanence de toutes choses.

 

 

 

 

Iraq

03.03.21

 

Ce que je vois a la télé n'est pas beau. Ce que j'en comprends me peine beaucoup.

 

On parle de "reconstruction" de l'Iraq, avec des contrats de 600M pour bâtir une organisation sociale parfaitement occidentale au Moyen-Orient, assurant que les réserves pétrolières soient définitivement disponibles pour l'Ouest, sans intermédiaire incertain n'ayant pas la même vision que le monde occidental (américain). C'est plus qu'un plan Marshall, c'est un formatage total et un remoulage complet, une assimilation entière. De façon beaucoup plus radicale et expéditive que jamais, nous assistons à l'assimilation d'une culture par une autre. L'Irak ne sera plus "arabe", pas plus que les autochtones d'Amérique ou les aborigènes d'Australie existent encore réellement comme peuple ou comme culture. Des cultures de musée, bien malheureusement. Cette uniformisation mondiale, visible à des Indiens portant des chandails de Scepultura ou à de jeunes Tibétains couverts de Nike, fait mal à voir. Homogénéisation horrible.

 

C'est une bonne chose pour son peuple que Saddam disparaisse du décor, évidemment. Mais cette hypocrisie écœurante me dégoûte. L'Irak aurait pu mettre l’Amérique et même le monde à feu et à sang en un rien de temps, bien sûr ! Un enfant (arabe) avec un pistolet à eau...

 

Libérer le peuple irakien, mon cul ! Pas plus qu'en 1990 on ne se souciait du peuple koweitien. C'est le pétrole qu'on veut libérer, ce sont les capitaux hypocrites qu'on veut faire circuler.

 

Comment avoir confiance en ceux qui nous mentent en pleine face ?

 

 

 

 

Tushita (2) III

03.03.22

 

Dans la vallée entre les hautes montagnes vertes, après le Soleil couché, il ne restait que nous deux. Rien d'extraordinaire, juste quelques mots échangés, quelques regards, un long câlin qui dit tout le reste. Je sens encore sa présence tout contre moi.

 

 

Il me manque de beaux mots poétiques pour décrire davantage. Le coeur, lui, le ressent bien.

 

 

 

 

Dharamkot I

03.03.24

 

Je suis allé à Triund, en haut, avec Paul, hier. Une bonne marche d'ascension bien plaisante, terminée les pieds dans la neige. J’étais content. Les montagnes rocheuses étaient couvertes de blanc. Assis sur des rochers, nous avons mangé du brie et du vrai bon chocolat (86% cacao), fraîchement arrivés du Canada, cadeau de ma famille. Cela faisait tellement longtemps. Je n'ai pu m'empêcher de rire pendant plusieurs bonnes minutes en mangeant le chocolat, en pensant à tout ce que j'avais dit à Maya a propos des gâteaux au chocolat qui ne sont pas satisfaisants et qui n'apportent pas l'illumination. Croquer et déguster ce chocolat était jouissif ! Paul, qui ne l'aimait pas vraiment - trop fort à son goût -, n'a pu s’empêcher d'y regoûter en voyant ma réaction

 

 

J'ai déménagé à Dharamkot, petit village israelo-indien en haut de McLeod Ganj, sans route, bien tranquille avec ses champs de riz en paliers entourant les bâtiments éparpillés dans la menue vallée. Dans la même guest house que Maya et Paul. Je n'ai pas dormi dans ma chambre. C’était bien plus chaleureux dans celle d'à côté. Je n'ai pas médité avant de me coucher, ni en me levant non plus. La nuit fut à la fois courte et longue, langoureuse. C’était bien agréable.

 

 

 

 

Nous faisons notre possible, inconsciemment peut-être, pour ramener un peu de paix et d'amour sur cette Terre...

 

 

 

 

Dharamkot II

03.03.25

 

Un avant-midi bien tranquille, ciel semi-couvert, un crayon tournant autour de mon pouce, devant un pot de miel production local, un pain et un chaï. Une colonie entière de moineaux domestiques indiens peuple l'endroit qui sert de resto. La moustache toute collante, je pense à la nuit dernière et aux derniers jours. Quel monde étrange et merveilleux que celui dans lequel je vis.

 

 

 

 

Dharamkot III

03.03.27

 

J'ai acheté du lait, du beurre, du sucre, des biscuits, du cacao ainsi qu'un bol et je vais faire des boules au chocolat. C'est mon but de la journée.

 

J'ai rencontre Lily et Paul, avec qui j'ai fait mon cours de plongée en Malaisie. Et puis Saeed et Sara, du cours de Tushita en octobre dernier. De même que Datsun(?) et sa mère, du Om Cafe de Bodhgaya.

 

Nous avons mangé de la pizza hier soir, de la bonne, après avoir fait notre méditation du matin alors que le Soleil se couchait.

 

Ce fut une très belle journée.

 

 

 

 

Nous sommes tous deux en Inde, à se chercher un futur heureux qui vaille la peine d’être vécu. Un monde meilleur, encore et toujours, parmi toutes les pressions que nous recevons et la cohue de notre inconscient.

 

Le Soleil se lève et se couche sur nos espoirs, sur un amour partagé qu'on aimerait être universel.

 

 

De douces mélodies diffusent dans ma tête, chantant ce que je ressens.

 

 

 

 

Dharamkot IV

03.03.29

 

Il pleuvait dehors, un peu en-dedans par la fenêtre, Paul, Maya et moi lisons assis sur le lit, en mangeant des boules au chocolat entre des gorgées de chaï, après un déjeuner israélien bizarre. C'est une belle journée pluvieuse et je crois que nous n'irons pas très loin aujourd'hui encore. Peut-être jusqu’à chez Assaf, quelques paliers de champs plus bas, pour fêter son acceptation à l'université (une maîtrise ou un doctorat en philo/psycho/qqchose du genre) avec un bon repas ce soir.

 

Comment décrire l'immobilité du temps ? Un ange est passé et nous a emporté avec lui.

 

 

 

 

Page blanche pleine d'espoirs et de lignes à remplir, à créer.  Sans ligne rouge sur le côté, qui les perpendicularise toutes.

 

Soupçon de beauté s'échappant en fragments volatiles. Recomptage fréquent d'une lassitude éprouvée. Éprouvée ?

 

Falaise odieuse, tremplin sublime. Phrases composées de deux propositions jointes. L'envol, fromage plastique.

 

Vérification de l'encre restante : Ok, réserves suffisantes pour un voyage de longue durée. Un vol de nuit, peut-être ?

 

Une idée allumée, comme une télévision éteinte. Tel le genre de comme, mettons. Une pause sans suffixe grammatical.

 

Une mouche à fruits a fuit. À l'envers de l'endroit l'instant présent se cache emballé. Est-ce Dieu pour Noël ?

 

Références subtiles et indirectes qui ne doivent que peu signifier pour personnes. Peut-être l'idée d'en avoir [des idées] viendra-t-elle un jour. Et d'un crayon, d'un peu de liberté et d'inhibition jailliront de compréhensives splendeurs.

 

Je ne peux écrire que pour moi-même. Pas plus que je ne peux atteindre l'illumination à la place d'un autre. Je ne peux être un illuminé que pour moi seul.

 

Clic, il fait clair, vive la lumière !

 

J'ai parfois l'impression étrange de ne pas être le plus bizarre.

 

Les vérités universelles sont parfois cachées sur les boites de CornFlakes. Mais reste que le sucre n'est pas bon pour la santé.

 

Assis a déblatérer ici, alors que HH (ou SS en français) enseigne, j'ai peu à dire et je l'étale beaucoup.

 

J'ai perdu des caleçons au vent, hier. Ce sont des choses qui arrivent, parfois.

 

Fin d'un vide bilatéral, je m'en vais cueillir des montagnes.

 

 

 

 

McLeod (2) ?

03.03.31

 

Il n'y a rien à faire aujourd'hui, tout est fermé. Le Soleil est revenu d'aplomb, ramenant de la vie et de la couleur. Je n'ai rien à dire.

 

 

 

 

Des papillons, par dizaines volent au-dessus des bâtiments et s'en vont vers l'ouest.

 

 

 

 

Dharamkot V

03.04.01

 

J'ai dormi dans ma chambre hier, seul.

 

Un peu blessé, avec un étrange sentiment au niveau du coeur. À quoi devais-je m'attendre en vivant ce que j'ai vécu ? Fin d'une histoire d'amour à Dharamsala. Ses yeux ne me regardent plus comme avant.

 

Dans deux jours je pars pour une retraite à Nainital, loin d'ici, puis le Népal et l'Europe, elle reste ici encore un mois et de retour en Israël. Je ne la reverrai peut-être jamais. Mais c’était prévu, nous savions cela d'avance.

 

 

 

 

Qu'est-ce que j'aurais voulu ? Une discussion, des mots francs et sans ambiguïté ? Je le sentais, je le savais, sans rien dire. Un autre combat, un autre choix se déroulait dans ma tête.

 

C'est dur d'aimer parce qu'il y a un "après" qui vient ensuite, qui n'est plus comme "avant".

 

Sur le toit du bâtiment, l'endroit où je vais souvent, j'ai beaucoup pensé, entre les étoiles et les lumières du village. De nouveau seul. "On the road again..."

 

Je n'avais pas d'espoir pour quoi que ce soit, je regardais les choses aller, tout ce qui m'arrivait, naïvement comme on suit un personnage d'un livre. Mais, dans ma tête, l'auteur aurait pu se faire dérouler les choses autrement. J'envisageais d'autres possibilités ou je n'avais pas l'impression que quelque chose se serait "brisé", rompu. Un lien qui s'est coupé, refermé en quelque sorte.

 

Mécanisme de protection, peut-être ? Réalisation que je n’étais pas ce que je pouvais avoir l'air ? Ou simple changement d'attitude, après des besoins calmes ? Probablement rien de tout cela, simplement un autre des méandres du flot de mon existence.

 

Observer ma réaction, mes sentiments.

 

 

 

 

J’étais attache, je crois. Cela fait du bien d’être aimé, de recevoir de façon si directe et forte de l’énergie d'une autre personne, sans penser aux lendemains.

 

Toute bonne chose a une fin, que je pourrais dire, mais cela sonne faux, je ne le crois pas.

 

 

 

 

Elle ne me lira probablement jamais, barrière linguistique, mais j'aimerais la remercier. Des bons moments que j'ai passé avec elle, de ces quelques jours bien particuliers, de ce qu'elle m'a appris. Je garde un souvenir positif du chapitre intitule "Histoire d'amour à Dharamsala".

 

Merci Maya, et mes meilleurs souhaits t'accompagnent. Bonne vie.

 

 

 

 

Ça me semble mélo-dramatique, tout cela. Il n'y a rien de triste là-dedans, rien à regretter. Je me considère chanceux d'avoir pu vivre ces jours tendres et agréables, et je suis heureux de les avoir vécus.

 

 

 

 

Dharamkot VI

03.04.02

 

Au matin.

 

Je suis encore un peu triste, mélancolique. J'aimerais qu'elle apparaisse dans ma chambre pour me réconforter un peu, pour me frotter le dos ou pour simplement être là.

 

 

 

 

McLeod, la veille de mon départ

03.04.02

 

Je pars demain pour Nainital, y faire une autre retraite Vipassana. Ce sont mes derniers jours en Inde. J'irai ensuite au Népal pour quelques mois, avant d'amorcer un retour vers l'Ouest. Cela me fait bizarre de penser que je vais quitter l'Inde. C'est comme un départ de chez-soi, mais sans vraiment savoir où aller ensuite. Je n'ai pas encore réellement ouvert mon guide du Népal. Je ferai cela plus tard.

 

Encore une fois, je mets le pied dans ce qui me semble être l'inconnu total, le noir béant des prochains mois, seul, en essayant de ne pas trop regarder en arrière. Impossible d’écrire tout ce que l'Inde fut. C'est trop immense, trop vaste et complexe, trop vrai pour être projeté et réduit sur papier. L'Inde, il faut la vivre.

 

Bon, je parle beaucoup et je ne l'ai pas encore quittée [l'Inde]. "Après ma retraite" est encore infiniment loin. Tout peut arriver d'ici là, surtout durant ces 10 jours de silence.

 

Donc probablement pas de nouvelles de moi pour les prochaines semaines.

 

 

Quelques textes écrits entre le 20 et le 27 février, ma sortie du Bangladesh et mon court séjour au Sikkim. Se positionne chronologiquement après "Voyage vers le nord (vers l'inconnu)" et avant les ajouts suivants (avant Rishikesh). J'ai eu le temps de taper ces quelques pages, il m'en reste beaucoup d'autres encore, de mes deux semaines à Rishikesh jusqu’à mon arrivée ici. Voici donc...

 

 

 

 

Chengrabandha (Retour en Inde)

03.02.20

 

Me voici de retour en Inde, enfin ! Je dois avouer qu'elle commençait à me manquer. La bureaucratie étant ce qu'elle est, je préfère être à l’intérieur plutôt qu'à l'extérieur, incertain de pouvoir entrer.

 

À partir de Dhaka, je me suis rendu à Chilahati, hier, pour espérer traverser la frontière à cet endroit. J’étais bien incertain puisque le "Passport & Immigration Office" de Dhaka m'avait dit que je ne pouvais pas passer par là, que le seul poste-frontière ouvert était celui de Benapole allant vers Kolkata, celui par lequel j’étais entré. Je voulais aller au Sikkim, dans le nord complètement (dans les montagnes, entre le Népal et le Bhoutan) alors je n'avais absolument pas envie de passer par Kolkata, au sud-est. Dans mon guide datant de 1996, il est écrit que l'accès par les postes-frontières du nord-est est "variable" et qu'il est impossible d'avoir l'heure juste des autorités. Je n'ai pas eu l'autorisation que je voulais - un "Road Permit" bureaucratique stupide qui m'aurait assuré le passage -, mais qu'à cela ne tienne, n'écoutant que ma témérité et mon goût de l'aventure, j'ai décidé d'aller au nord tout de même, pour tenter de forcer le passage. Mon visa de l'Inde est en règle, je me fous pas mal de ne pas avoir d'étampe officielle de sortie du Bangladesh dans mon passeport. Je risque fortement de ne pas y retourner d'ici peu - au moins d'ici mon prochain changement de passeport - et, toute leur bureaucratie étant effectuée à la main dans de grands cahiers lignés, avec toutes les possibilités d'erreurs et d'omission que cela implique, je ne crains absolument pas un quelconque recoupement de données qui pourrait faire ressortir le fait que je n'aie pas officiellement quitté le pays (une situation qui, étant connue, pourrait compliquer une nouvelle demande de visa pour le Bangladesh).

 

J’étais donc à Chilahati, à la frontière, hier soir, après une journée entière d'autobus, d'attente et de train. J'ai passé la nuit dans une chambre avec un Bengalais qu'on a réveillé et forcé à accepter un co-chambreur (il y avait deux lits). Il y avait 4 autres chambres doubles inoccupées, mais on ne semblait pas trouver les clés, ou bien le gars qui est arrivé, en camisole, dépeigné, sortant manifestement du lit, après que j'aie attendu 45 minutes, ce gars, donc, s'en foutait royalement et ne voulait que retourner se coucher. D'après ce que j'ai pu constater en Inde (particulièrement dans les trains de nuit et les hôtels minables), les gens n'ont aucun respect pour le sommeil des autres (et je pourrais presque dire : n'ont aucun respect pour les autres, point, surtout envers les castes inférieures). Cela semble être la même situation au Bangladesh. Au matin, alors que je dormais, mon co-chambreur faisait un boucan inutile et parlait très fort avec un autre inconnu dans la chambre. Comme Maëlle m'a dit, ces gens (Indiens et Bengalis) sont bruyants, et c'est vrai.

 

Je me suis finalement levé, ai essayé longuement de faire comprendre aux gens aux alentours, sans succès, que je voulais payer ma chambre, suis allé déjeuner (je ne sais pas ce qu'ils m'ont servi, cela ressemblait à du poulet mais ce n'en était manifestement pas), puis j'ai sorti du lit le responsable des douanes qui m'a dit que la frontière de l'Inde était fermée. Il ne parlait pas vraiment anglais mais j'ai fini par comprendre (avec l'aide de quelques personnes qui voulaient me soutirer 1500 TK) qu'un autre poste-frontière, nommé Burimari, était "no problem". Cette ville n'existe pas dans mon guide (pas sous ce nom, en fait), alors je n'avais aucune idée de l'endroit où cela pouvait être. Les 1500 TK qu'on voulait étaient pour m'y conduire. Je leur ai ri en plein nez ; jamais je ne leur donnerais une telle somme. (Par comparaison, deux heures de train m'avaient coûté 10 TK. Ce serait comme un chauffeur de taxi demandant 500 $ à des touristes japonais qui voudraient aller au Stade Olympique à partir de l'Oratoire St-Joseph.)

 

Un agent des douanes parlant anglais, rencontré par hasard, m'a donné plus de renseignements, me disant que je pouvais prendre un rickshaw de Chilahati jusqu’à Dalia, en passant par Ambari et Dimla, puis de Dalia un autre rickshaw jusqu’à Bara Khata et de là un autobus jusqu’à Burimari en passant par Patgram. Aucune de ces villes n'existent pour mon guide mais, armé de mon petit bout de papier ayant ces six noms de villes reliés par des traits, je dis "Ok" et prend les premier rickshaw dont le tarif a été préalablement démoli par l'agent des douanes (le gars voulait 200 TK pour m'amener à la station d'autobus juste à côté et il aura en fin de compte 100 TK pour un trajet de 25 km, ce qui est déjà beaucoup plus que ce qu'il aurait eu d'un client local).

 

Donc, tel un sac de marchandises, j'embarque avec mes deux sacs à dos sur les planches de bois du rickshaw (c'est un modèle adapté au transport de biens, avec une sorte de palette à l’arrière, au lieu des bancs habituels) et nous voilà partis entre les champs, sur des chemins de terre (et parfois de briques, ouch !), où les véhicules motorisés ne peuvent parfois pas circuler. Il nous a fallu traverser un petit pont de bambou en soulevant le rickshaw car l'empattement des roues était plus large que le pont. Je trouvais un peu dommage de n'avoir vu du pays que Dhaka, la capitale (une grande ville reste une grande ville, c'est toujours pareil), j’étais maintenant servi !

 

Le ciel et les nuages se reflétaient dans les champs de riz inondés. C’était beau, très tranquille, paisible. Tout le travail des champs est fait à la main, parfois avec des boeufs. Je n'ai vu que trois tracteurs en quatre heures de route. Le grain est séché en l'étendant sur la route ou sur des espaces de terre compactée. Les vélos et autres véhicules roulent sur le riz sans se déranger. À chaque arrêt dans un village, je me retrouve après quelques minutes avec 30, 40 ou 50 personnes autour de moi (qui ont souvent l'air d’être là uniquement parce que tous les autres sont là). En repartant, il y avait toujours quelques vélos qui nous suivaient pour quelques kilomètres. Une fois, j'ai pris une photo et le regroupement s'est serré, à ma demande, pour rentrer dans le cadre (je n'ai tout ne même pu capturer que la moitié des gens, tellement il y en avait). Ils étaient tous très contents.

 

Puis un autre rickshaw, un autobus qui s'arrêtait à Patgram, l'avant-dernière ville, et un autre rickshaw pour les 15 derniers kilomètres jusqu’à Burimari. (En passant, tous ces rickshaws étaient des cyclo-rickshaws, c'est-à-dire qu'un gars me traînait en pédalant...) Le Soleil se couchait lorsque j'ai traversé les trois bureaux de paperasse bengalie et les quatre indiens. Younusali, l'agent des douanes de Chilahati, m'avait référé quelqu'un à Burimari, ce qui a grandement facilité mon passage. (D'ailleurs, Younusali, qui savait me faire économiser beaucoup d'argent par ses renseignements, ne m'a pas demandé de "bakchich" (du pourboire, disons, dans ce cas). Il faisait cela "for humanity" qu'il m'a dit, et en reconnaissance envers le Canada qui est, semble-t-il parmi les pays aidant et supportant le plus le Bangladesh (avec des programmes d'aide, et tout). Encore une fois, son aide m'est d'autant plus précieuse qu'elle est gratuite et désintéressée.)

 

Puis on m'a aidé à trouver une petite guest house (illégale, je crois, car je n'ai pas rempli de registre) et je m'en vais me coucher, je suis fatigué.

 

Demain, bus à 6h00 pour Siliguri et ensuite Darjeeling.

 

 

 

 

Darjeeling I

03.02.21

 

J'ai terminé un autre crayon hier (celui dont la recherche et le développement ont été faits au Japon), l'avais-je dit ? En fait, ce n’était que le tube d'encre, que j'avais déjà remplacé une fois. Je l'ai remplacé à nouveau, en démontant un crayon publicitaire de Kolkata (rien de comparable à un crayon SPUN) dont la R&D a dû être faite au coin de la rue. Mais le crayon s'est fendu. Je me suis probablement assis dessus. Je le garde en permanence sur moi. Je me sens très pertinent d’être en Inde et de parler de crayons. (Mais c'est moins pire que de lire quelqu'un qui est en Inde et qui parle de crayons, je suppose.)

 

De retour dans les montagnes (le début des Himalayas), présentement à Darjeeling, reconnue pour son thé (malgré que 80% des emballages portant ce nom soient des faux et ne fassent qu'utiliser la renommée du nom), à 2100 mètres. J'ai eu mon permis pour le Sikkim (encore de la paperasse, mais c’était gratuit et le personnel était très sympathique et même heureux de m'accueillir dans leur contrée), ancien royaume indépendant à population d'apparence très tibétaine et népalaise, coincé entre le Népal et le Bhoutan. J'irai dans quelques jours m'enfoncer dans les montagnes.

 

En débarquant de la Jeep qui m'a conduite ici sur une route grimpant 2000 m en 70 km, je suis monté tout en haut de la ville, dans le coin des hôtels bon marché, pour trouver un endroit tranquille. J'ai trouvé une minuscule guest house de trois chambres, nichée au sommet de la crête de la ville et ayant donc une vue sur les deux côtés. Nous sommes actuellement perdus dans la brume, mais il semblerait que l'on puisse apercevoir la frontière népalaise d'un côté (une grosse ligne pointillée, je suppose) et le mont Kanchenjunga, le 3e plus haut sommet du monde (le plus haut de l'Inde) avec ses 8598 mètres, selon mon guide, de l'autre. Ce qui veut donc dire que je devrais voir au loin une montagne qui s'élève de plus de 6 km en ligne droite plus haut que l'endroit où je suis.

 

Il fait plus froid, évidemment, mais cela me va. Je devrai m'acheter quelque chose de chaud. La nuit est tombée et je suis sorti manger et me lancer à la quête d'un lassi. Ce n'est pas la saison (celle où les touristes poussent partout), alors les trucs à touristes, incluant les fournisseurs de lassis, sont fermés ou n'ont que deux ou trois items disponibles sur leur menu de deux pages recto-verso. J'ai fini par en trouver un, après plusieurs regards bizarres (c'est qui cet idiot qui veut un lassi par une température pareille ?), alors je suis satisfait.

 

J'ai hâte de voir les montagnes.

 

 

 

 

On ne se rend souvent compte de la valeur de ce que l'on possède que lorsqu'on le (la) perd. Encore la, posséder est un bien grand mot. Un bien trop grand mot.

 

J'ai déjà perdu immensément, oh oui, immensément beaucoup. Mais je ne me torture pas de regrets ou de remords. Les choses sont ce qu'elles sont actuellement, le meilleur parti que j'ai à prendre est d'accepter, tout simplement. Au moins je me suis rendu compte de la valeur de ce que je n'ai plus.

 

 

 

 

La guest house dans laquelle je suis est extraordinaire. Très bien tenue, les murs de la chambre en petites lattes de bois verni, de la dentelle sur la table de nuit, une lampe de chevet, un pot à fleurs avec de vraies jolies fleurs, des cadres et sculptures ornant les murs, une table en verre avec des revues, un petit banc et un pouf pour m'asseoir, une salle de bains privée avec deux robinets pour la douche, un grand lit tout moelleux, je n'en demandais pas tant ! Je n'avais pas besoin de tout cela, en fait. (La première chambre que j'ai eu avait en plus une vue sur le Kanchenjunga (derrière les nuages) et un petit bureau recouvert lui aussi de dentelle, mais un couple de jeune Coréens est arrivé et semblait être très déçu que cette chambre ne soit plus disponible, alors je leur ai laissée.) Et, surtout, c'est silencieux. Ah, c'est un baume pour le cerveau, pour l'esprit. Je dois écouter de toutes mes forces pour entendre un bruit venant de l’extérieur, et j'y réussis rarement. Cela me coûte 120 RS par nuit, soit le même prix que ma minable chambre de Dhaka, très peu attrayante et bruyante, en béton dégarni, dans laquelle je suis demeuré huit jours.

 

En notant les dates, je me suis rendu compte que cela faisait trois jours complets que je me déplaçais depuis Dhaka vers ici. Je suis bien content d'avoir trouvé cet asile de repos.

 

 

 

 

Darjeeling II

03.02.22

 

Y fait frette ! Je m'attendrais à retrouver de la neige dehors, une neige à peine présente, durcie dans des recoins où le vent l'aurait poussée, mais il n'y a rien. Que de la brume et pas de Soleil. Pas de montagnes (visibles) non plus.

 

Le thé est bien meilleur ici. Enfin ! Et puis, d'avaler directement quelques calories (ou quelques joules, pour respecter le SI) me fait le plus grand bien.

 

 

 

 

Le Soleil s'est pointé, le temps s'est réchauffé, j'ai lu quelques courriels qui m'ont fait le plus grand bien, en me réchauffant au niveau du coeur, et je suis allé au zoo. Mon guide disait que les animaux y étaient bien traités par les gardiens et que ce zoo représenterait une des seules chances de survie pour plusieurs espèces menacées, dont les pandas rouges, les tigres de Sibérie et les léopards des neiges. Les tigres de Sibérie étaient impressionnant à voir, massifs et pourtant sveltes, me dépassant largement en taille et en volume. Ils me rappelaient nettement les tigres préhistoriques gigantesques avec des dents en sabres. L'entrée du zoo coûtait un immense 5 RS (20 ¢ CAN).

 

 

Les zoos ont, à mon avis, un important rôle bénéfique dans l'étude, la compréhension, et l'"aide" aux espèces animales (par l'élaboration, entre autres, des plans politiques divers (dont ceux de développement) avec l'assistance de zoologistes et biologistes ayant une connaissance valable de l'écosystème dans lequel nous sommes), mais il est en même temps vraiment triste et déplorable que l'on en soit rendu à ce point, que notre présence soit une menace grave pour la survie de plus du quart des espèces animales (si je ne me trompe pas, et je croirais même que ce serait en réalité bien plus). C'est une situation qui est réellement terrible et dramatique. Le débalancement global que nous causons à notre écosystème (celui dans lequel nous sommes) est terrifiant. Telle une chaise sur ses quatre pattes, notre écosystème peut absorber quelques chocs et retrouver son équilibre, mais passé un certain point [de débalancement], tout s'écroule, la chaise se renverse et finit par atteindre un nouvel état équilibre, qui nous est complètement imprévisible. Il y a fort à parier que notre espèce en sera une des victimes, du moins en ce qui concerne toutes nos structures sociales et toutes nos connaissances technologiques. Il faut bien comprendre que nos structures sociales reposent sur la stabilité, entre autres celle de notre environnement (par exemple sur le fait que le Soleil se lève à chaque matin, que le climat est relativement constant, etc.). Et toutes nos connaissances ne sont maintenues et conservées que par nos structures sociales et nous-mêmes. Nous sommes l'immense bibliothèque (vivante) de notre connaissance. Tout ceci est en péril de disparaître à jamais, comme si nous n'avions jamais existé, comme une bulle de savon qui éclate et qui n'est plus. Rien n'est éternel, surtout pas notre espèce telle qu'elle est.

 

[Note à propos de la perte possible de toutes nos connaissances : Simplement imaginer la situation hypothétique dans laquelle il faudrait bâtir un lecteur laser (intermédiaire nécessaire pour accéder à des données sur CD-Rom) seul assis par terre dans un champ, quelques dizaines ou centaines d’années après un effondrement majeur de nos structures sociales (donc plus d'hiérarchie complexe et ramifiée dirigeant les efforts d'un grand nombre de personnes, plus d'électricité, plus de télécoms, plus d'ordinateurs ni d'Internet, plus accès aux connaissances actuellement disponibles, plus de communication entre les continents, plus de réseaux de transport, plus de ressources premières disponibles, etc...). Je trouverais la situation bien difficile, ne sachant même pas si je reussissais a faire un feu sans allumettes ou briquet.]

 

Il est de la plus extrême urgence de réduire le plus drastiquement possible notre influence sur notre environnement. Notre écosystème est un système auto-géré qui subvient parfaitement à lui-même. (Voir théorie de Gaïa) Nous n'avons pas besoin d’interférer. Et ceci passe par la réduction de notre consommation. Moins on consomme, moins on produit, moins on extrait de ressources, moins notre influence est importante.

 

Ceci va directement à l'encontre des modèles économiques capitalistes se basant sur une croissance théorique infinie, ce qui est absolument, mais totalement absolument impossible. Un enfant de 10 ans comprendrait cela.

 

(De toute façon, toute cette consommation est inutile, elle n'apporte rien de réel, rien de concret aux hommes. Même pas de satisfaction, même pas de bonheur durable. Le vieux diction de sagesse populaire usé par le temps le dit bien : L'argent ne fait pas le bonheur. (Même pas besoin d'aller en Inde pour comprendre cela.))

 

 

Au zoo, il y avait des panneaux disant qu'il ne reste que 300 ou 400 individus au monde de telle ou telle espèce Il y manquait une espèce importante, qui possède 6 000 000 000 ou 7 000 000 000 individus et qui suit actuellement une croissance démographique exponentielle.

 

J'ai parfois envie de pleurer quand je vois l’état du monde.

 

 

 

 

Pelling (Sikkim) I

03.02.23

 

J'ai faim, je dois manquer de sucre dans le sang, j'ai de la difficulté à penser et à prendre des décisions.

 

Quand on parle de position numérique de façon interrogative, est-il préférable de dire "quellième" ou "combientième" ? (Ex : Tu es le quellieme en ligne ? / Tu es le combientième en ligne ?)

 

À Pelling je suis, donc. Dans le Sikkim. Dans la brume aussi (vivement que ma bouffe arrive...). Les montagnes sont belles, mais je n'ai pas encore pu les voir à souhait. J'irai marcher dans les prochains jours, faire un trek comme ils appellent, loin des routes et des véhicules à moteur à explosion (je l'espère). Ensuite, le 27, je serai de retour à Darjeeling pour prendre un train le 28 (fête de Marie-Douce, il faut que je pense à l'appeler cette journée-là), qui me débarquera à Delhi le 1er au soir (fête d'Annie, il faut que je trouve un autre téléphone cette soirée-là), pour aller finalement à Rishikesh suivre un cours de yoga de cinq jours avec Odelia, une professeure de ma deuxième retraite à Bodhgaya.

 

Ah, mon thé vient d'arriver. Humm.... La tasse sent le linge à vaisselle pas lavé depuis trop longtemps. Bon, il ne faut pas être trop difficile.

 

Je pense que était l'eau de Dhaka (filtrée, mais cela n'enlève pas les minéraux - ou métaux lourds - qui y sont dissous) qui me causait quelques troubles digestifs.

 

 

 

 

Mon riz était bon. Il a fait du bien. Ils ne m'ont pas mis ce que j'avais demandé dedans, mais ce n'est pas grave, il ne faut pas s'en faire avec cela.

 

Il me semble que cela fait des siècles que je n'ai pas mangé de fromage bleu ou de brie. Idem pour une poutine ou du lait de soya au chocolat (le Béatrice, il est très onctueux). Et que je n'ai pas bu une Brassée du Fleuve dernière version, la 9, pour me rappeler à quel point elle était mauvaise.

 

 

 

 

Qui est-ce qui donnait des bouquets de brocolis en guise de fleurs ?

 

 

 

 

Pelling II

03.02.24

 

En me promenant dans la forêt aux alentours de Pelling.

 

Il est de ces jours où je me dis qu'il serait agréable d'avoir un joint au bec, étant seul dans la forêt à vagabonder dans les sentiers, par une journée grise et un peu terne.

 

D'abord s'arrêter sur une roche, tranquillement, pour égrener, le dos à la brise, en écoutant les oiseaux, les feuilles des arbres et le bruit de la forêt. Ensuite rouler soigneusement, le mieux possible, et clore d'un coup de langue. Puis, trouver un bout de carton (une carte d'affaires, tiens), le plier comme il se doit et l'insérer à un bout de la construction. Finaliser le tout en tapant sur la roche, puis en faire un demi-bonbon. Et apprécier notre oeuvre, qui peut-être nous sourit. Puis on continue à se balader, l'objet soigneusement serré sur l'oreille ou dans une poche et, au moment opportun, on l'allume et on goûte la fumée, en respirant avec la forêt. Ce n'est pas une cigarette, objet misérable bas de gamme, c'est bien plus. Et on apprécie ces moments à ne rien faire, à observer, à écouter, à penser, puisque de toute façon il n'y a rien à faire aujourd'hui.

 

Mais je n'ai rien avec moi et on ne m'en a pas offert dans cette ville. Habituellement les offres affluent, que j'ai toutes refusées jusqu’à maintenant. Semble-t-il que cela pousse comme de la mauvaise herbe (ce que c'est, en fait) partout dans les montagnes, du Népal jusqu’au Bhoutan. Jurmi, le compagnons bhoutanais de Milena (la caméramane roumaine), m'a dit que l'école de son village en est entourée. Il y a 20 ans, personne ne s'en préoccupait. Mais maintenant tous les petits enfants connaissent cette plante. Cela cause des problèmes, évidemment.

 

Mais ce qu'ils ont est l'équivalent de la feuille de par chez-nous. Pas de croisements, pas de sélection, pas d'engrais ni d’éclairage artificiel optimal, seulement une herbe sauvage de la variété peu potente (du sativa, je crois ?).

 

Il pleut et le Soleil se décide à apparaître pour quelques instants. Je n'irai pas marcher cet après-midi.

 

 

 

 

Il a encore plu cet après-midi, une bonne pluie détrempante, alors que j’étais À une heure de marche de mon hôtel, au sommet de la crête sur laquelle Pelling est située. J'avais finalement décidé de ne pas me terrer et d'aller explorer encore les environs, malgré les nuages. J'ai attendu un peu que cela se calme sous une structure de béton, de bois et de tôle. De toute façon, il n'y a rien à faire ailleurs par un temps pareil. (Il est à noter que les bâtiments ne sont pas chauffés, alors c'est frette et humide à l’intérieur aussi.) Lorsque la pluie s'est calmée un peu, je suis reparti. J'avais mon manteau imperméable mais pas ma housse de sac ni mon autre paire de pantalons (imperméables ceux-la). Avec tout ceci je peux rester sec sous la douche, donc la pluie ne m'affecte que peu. Je suis arrivé à mon hôtel les pantalons et les boxers trempés, du même qu'une partie du contenu de mon sac. Heureusement, j'ai encore assez de linge pour me garder raisonnablement au chaud et je vais m'appliquer ce soir à sécher mes vêtements mouillés à la chandelle, un truc de Ludo, ancien officier militaire.

 

La nuit tombe et la brume nous recouvre. On ne voit pas à vingt mètres.

 

 

 

 

Il y a beaucoup de produits locaux en Inde (ex : bouteille de sauce tomate et chili, papeterie, nourriture, etc.) J'ai rencontré peu de marques nationales, à part les marques internationales. C'est bien, la production et l'achat local. (Remarque que c'est peut-être la bureaucratie entre états indiens qui limite l'expansion des entreprises...)

 

 

 

 

En attendant que ma bouffe arrive :

 

Scor....

 

Trop tard, elle vent d'arriver.

 

 

 

 

Darjeeling (#2) I

03.02.25

 

De retour à Darjeeling. Dans la brume, la pluie, le froid humide pénétrant, un "trek" en suivant les routes semi-bitumées ne me tentait plus. Il faisait gris et frette, c’était démoralisant. Tout est partout pareil dans des conditions comme celles-là.

 

J'ai donc enfilé mes pantalons encore un peu humides et mis mes bottes, humides elles aussi, et je suis parti. Pas torse nu, j'avais quand même un chandail et des polars. Une autre journée épuisante de Jeep, donc, avec une route (méritant à peine le nom de route) tellement en mauvais état qu'il faut 3 heures pour y faire 33 km (la route monte tout de même de plus de 1000 m). Deux ponts assez épeurants sont à traverser, avec le tablier en vieux bois, des planches qui manquent, d'autres qui lèvent lorsque le véhicule passe, et partout on voit l'eau en-dessous. Ils ne répareront pas le pont tant qu'il sera encore traversable, je crois.

 

Au matin, le Québec me semblait désespérement loin, presque 20 000 km et plus de 6 mois, tellement que c'est à peine s'il existait encore pour moi dans le moment. Le mal du pays, qu'on appelle. 6 mois et demie... (Et Mathieu qui va être père... [Ndf : Mathieu qui EST maintenant père...]). Qu'est-ce que je suis venu faire en Asie, déjà ? Ça c'est vraiment une bonne question. J'ai de ces idées, des fois.

 

Aller voir des musées ne m'intéresse pas, ni les monuments touristiques. On peut visiter le Louvres sur Internet et tout le monde a déjà vu la tour Eiffel ou la Statue de la Liberté sur une carte postale. Non, je dois avoir autre chose à faire ici. Mais quoi ? Et comment ?? Et puis, tant qu'à y être, où ? (Le quand étant maintenant, il ne reste que le pourquoi ?)

 

Aargh, ce serait tellement plus simple de n'avoir jamais commence à exister...

 

 

 

 

Darjeeling (#2) II

03.02.27

 

Ce matin, il y avait moins de nuages et j'ai pu voir le bleu du ciel et des montagnes avec de la neige. C’était beau, c’était haut. Un mur de montagnes avec des pointes blanches barre la vue.

 

Et puis on m'a fait monter sur le toit de la banque. Je n'avais rien vu.... [Patois quelconque] que c'est impressionnant. Magistralement impressionnant. Le Kanchenjunga était là. Les montagnes sont loin, très loin, mais pourtant tellement hautes, terriblement massives et complètement blanches.

 

Comme un étage supérieur, une énorme beurrée de crème fouettée qu'on aurait déposée sur les montagnes avec verdure déjà très hautes.

 

Je m’étais résolu à l'idée de ne pas voir les montagnes, mais je suis bien heureux d'avoir pu rincer mes yeux d'un poster géant de ce qu'on peut voir dans le National Geographic. Ces montagnes sont vraies, elles existent ! Je les ai vues !

 

Les tours du World Trade Center étaient impressionnantes ? Je me suis trouve à leur pied à quelques reprises, et, oui, elles étaient impressionnantes. Bien, il en faudrait 16, une par-dessus l'autre, placées sur le sommet de la crête où je suis pour arriver à peu près à la hauteur du sommet devant moi (et je suis déjà à 2000 m, soit 5 autres tours). Au pied des montagnes, ces tours ne feraient qu'une minuscule ligne, qu'un cheveu qu'on verrait a peine d'ici...

 

C'est beau dire que l'Everest fait 8898 m (dans le coin de, même si c'est un anglicisme) et de le voir en photo, bien oui c'est haut, bien oui, c'est beau. Mais d'avoir des montagnes comme cela devant soi, à la portée de la main, éclairées par le Soleil du matin qui chasse un peu le froid et l'humidité après des jours et des jours aveugles, ce n'est pas la même chose. Non, pas du tout...

 

 

 

 

Almora – Note

03.04.25

 

J'ai un portable entre les mains, celui de Tim, de ma dernière retraite, ce qui me permettra de taper quelques textes au cours des prochains jours, en écoutant des prières tibétaines avec accompagnement musical (Lama Gyurme & Jean Philippe Rykiel) qui me sont familières et font remonter à mon esprit un ensemble de souvenirs (soirée silencieuse, vide et ouverte, le contact de mains dans les miennes) ainsi que, prochainement, Pink Floyd (ça aussi, ça commençait à me manquer...). Mais il ne faut pas trop se leurrer, je ne perdrai pas toutes mes journées assis sur mon lit, courbé au-dessus d'un clavier.

 

Rien à dire sur moi maintenant. Rien qui ne vaille la peine d’être dit, rien qui n'ait de réelle importance.

 

Donc où en étais-je ? En route vers Rishikesh, je crois, à partir de Darjeeling. C’était donc en mars dernier, par une froide nuit d'hiver alors que le vent hurlait à l'extérieur de la cabane en rondins.....

 

 

 

 

Train Siliguri -> Delhi

03.03.01

 

Le train roule, encore et toujours...

 

Avant de me coucher, le paysage défilait en apparaissant d'en arrière de moi pour disparaître au loin. J’étais dos à la direction du train. En me levant, c'était l'inverse.

 

Des certitudes ? Quelles certitudes ?

 

Je pense à Véronique St-Cyr en regardant tourner le paysage ressemblant à de la savane africaine. Un accident de voiture, en revenant de la St-Jean, à Québec, il y a deux ans. (L'année où je me suis stupidement blessé au dos en m'enfargeant à reculons dans une bordure de béton, à Québec, moins de 12 heures avant.) À Ste-Julie, juste avant d'arriver chez-elle. Ce fut une amie proche et la copine, pendant un temps, de mon meilleur ami, Marc-André. Et puis les gens ont changé, évolué, et nous nous sommes perdus de vue. Véro....

 

Cela en fait trois, à ce qu'on m'a dit, de notre groupe de l’école secondaire. Jacinthe Brazeau, Véro, Boris Vigouroux. Tous tragiques, à leur façon. Le décompte à zéro est commencé.

 

 

 

 

J'ai encore une éternité à vivre par ici. Dans ce train parti hier qui n'arrive que demain (avec correspondance ce soir), et dans un ailleurs de chez-moi, si tant est que "chez-moi" a encore un sens. Le retour ne sera pas une finalité, pas plus que ne l'est ce voyage, malgré les impressions que je puisse en avoir.

 

Si loin...

 

 

 

 

J'ai acheté une tablette de chocolat Cadbury qui était excellente. [Ndf: Bon, excellente, c'est relatif...] 35 RS, 1,20 $ CAN. Ce n'est pas exorbitant, sauf quand on compare le coût de la vie relatif. D'après mes approximations, mon pouvoir d'achat est de 10 a 15 fois supérieur ici, par rapport au Canada. Ce qui fait que tout me coûte à peu près 10 à 15 fois moins cher. Donc que la valeur, au Canada, de cette tablette de chocolat aurait été entre 12 et 18 $. Ce qui est exorbitant pour une tablette qui se vendrait entre 50 ¢ et 1 $. C'est donc dire que le chocolat est très cher ici (le coût d'un repas, ou la moitié du prix d'une chambre d'hôtel minable).

 

Parlant d'argent, c'est étrange comme une situation financière (et donc un peu sociale) peut changer drastiquement. J’étais habitué à me promener avec des centaines (parfois des milliers) de dollars en liquide dans les poches (en achetant et vendant du matériel informatique neuf, les chiffres montent rapidement), à payer des soldes de cartes de crédit de plusieurs milliers de dollars par mois (toujours en raison de mon entreprise informatique qui faisait un chiffre d'affaires qui était pas si élevé que cela pour une entreprise en informatique mais considérable pour un étudiant de 22 ans) et je pouvais littéralement me payer tout ce dont j'avais raisonnablement envie. Me voilà rendu à négocier les prix pour les faire baisser de 10 RS (35 ¢ CAN) et à trouver que 60 RS (2 $ CAN) est une grosse dépense pour un repas. De plus, je sais pertinemment ne pas avoir assez de fonds, au rythme où vont les choses, pour compléter mon année de voyage. Et puis, de retour au pays, je n'ai plus de voiture, plus d'appartement, plus de source de revenus pouvant me faire vivre.

 

Je ne m'en fais pas trop avec cela, j'ai confiance que les choses vont se placer comme et lorsqu'il le faudra, mais je constate tout de même un revirement drastique de ma situation. Chose assez ironique, on pourrait même dire que je vis comme un roi ici puisque tout est ridiculement peu coûteux. Que pourrait coûter un voyage d'un an au Canada ou aux États-Unis en couchant toujours dans des hôtels et en mangeant au restaurant ?

 

Ce sera au retour au pays que cela sera difficile. Un autre choc culturel et un mode de vie bien différent. (Pour le prix d'une boite de Kraft Dinner à l'épicerie (une des trente-douze sortes disponibles au supermarché), ici je me fais servir un excellent repas, nourrissant et nutritif, avec boisson.)

 

 

 

 

Mélancolie d'un monde qui est...

 

 

 

 

[Autre patois quelconque] qu'il fait chaud dehors ! Être dans un wagon légèrement climatisé (un luxe non-désiré, cette classe 3A, il ne restait plus de place en SL, la classe du peuple avec couchette que j'utilise habituellement) et arriver des montagnes m'avait fait oublier les réalités des pays sub-tropicaux (si le mot s'applique). À moitié sorti du train, regardant les champs défiler au vent par la porte grande ouverte (chose bien agréable, mais qu'on ne peut malheureusement pas faire au Canada, question d'aseptisation uniforme, non, de sécurité), je réalisais que l'on n'est qu'en février (ou en mars depuis ce matin...). Le Soleil tape dur en ce début d'après-midi. Je me baignerais bien. Je ne veux pas connaître Delhi ni les déserts du Rajasthan en plein été.

 

 

 

 

Rishikesh (3) I

03.03.02

 

Rishikesh à nouveau, 44 heures de train sans histoire, assez agréables puisque j'avais l’éternité à passer sans inconfort majeur. Dernière partie du trajet avec un Russe constructeur de statues de Bouddha et un Suédois allant lui aussi à Rishikesh. Isolé par la bizarrerie des sons que celui-ci et ses quatre compatriotes échangent, j'ai pris le parti d'écrire pour masquer mon embarras à rester sans rien faire en l'attente de la matérialisation soudaine de mon futur contenu d'estomac. (Il est a remarquer que la bouffe apparaît majoritairement de façon discrète et non pas de façon continue continue, ce qui obéit bien entendu aux lois de la physique quantique, ne créant pas de quantité de bouffe inférieure à la valeur de la constante de Planck.)

 

Ils ont des lassis par ici. Et beaucoup d'Occidentaux. Cela m'est étrange (ou estrange ?) de ne plus être seul parmi une population locale. La saison touristique débute dans ce coin.

 

Une petite chambre dans un ashram, 50 RS pour un lit entouré de béton, avec de l'eau chaude en sceau disponible. Parfait ! C'est un luxe que d'avoir tout cela à si bas prix...

 

Fatigué après la dernière (courte) nuit de train, j'ai dormi l'après-midi pour me lever à 18h00, soit 8h30 au Québec C'est une bonne heure pour se lever. Une musique chaotique (obéissant aux lois stipulées par la théorie du chaos, de même que les sillons crées sur les parois de mon verre de lassi vide) élaborée par les multiples pèlerins visitant le temple à 13 étages d'en face, contenant une quatre-vingtaine de cloches activées d'un coup de main sur la boule métallique intérieure lorsqu'une volonté de s'exprimer se manifeste au sein du pèlerin en même temps qu'une proximité de cloche (c'est-à-dire que ce ne sont pas tous les pèlerins qui sonnent les cloches et, parmi ceux qui le font (souvent des enfants, qui semblent y prendre plaisir), très rares sont ceux qui touchent à toutes les cloches), une musique chaotique, donc, remplit l'air de cette partie de la petite ville. Il en résulte une sorte de mélodie imprévisible de différentes tonalités de cloches semblables, mélodie qui possède une sorte de beauté ou de présence créatrice intéressante.

 

 

 

 

Une belle soirée tranquille au-dessus du Gange, avec un doux vent qui dévoile une puissance contrôlée. J'ai rencontré Madeleine (d'Allemagne) de ma dernière retraite. J’étais bien content de la revoir. Elle me rappelle Marie-Douce.

 

J'ai reçu un courriel d'une amie, Gerlinde, il n'y a pas très longtemps, qui me disait, en essence, qu'elle comprenait maintenant mon intérêt et mon goût pour les retraites Vipassana ; elle venait de terminer sa première, en Europe. Et une autre amie, Caroline, en a également complété une, de l'école Goenka, seule avec 300 autres Indiennes. Ça a vraiment du être quelque chose. Elle aussi avait l'air enchantée de son expérience. Je me reconnaissais grandement dans ses écrits. Oui Caroline, je suis d'accord avec toi que Goenka chante comme une casserole ! (Et moi aussi j'ai un peu l'impression que c'est pour pratiquer notre patience...) Mais, étrangement, on finit par aimer un peu, tranquillement pas vite... ("Staart agaaain.... Staart agaaain... You're bound to be successful.... Bound to be successful....")

 

Je me sens parfois comme quelqu'un ayant découvert le gâteau au chocolat dans un monde absent de sucre et qui essaierait de partager ce trésor avec d'autres, mais sans trop de succès. "Je sais qu'est-ce que doit être de goûter le chocolat, je peux l'imaginer, je n'ai pas besoin d'en manger un morceau, c'est trop compliqué (il faut se couper une pointe, prendre le temps de la manger, et tout le reste...), j'y goûterai plus tard...." qu'on me répond sans trop répondre. Mais ce n'est pas grave. Moi j'y ai goûté et je peux en profiter.... On ne peut pas forcer un enfant à manger de ce qu'il ne veut pas, serais-ce la plus délicieuse nourriture au monde. (Toute ma jeunesse, j'ai refusé de manger des fraises. Ça n'avait pas l'air bon (plein de picots dessus, avec des feuilles vertes à enlever), alors je disais que je n'aimais pas cela. Il y a quelques années, j'ai combattu mon aversion créée et j'ai eu le courage (car il m'a fallu du courage, croyant réellement que cela n’était pas bon, et devant piler sur mon orgueil (ego) pour reconnaître être dans l'erreur, ne pas être parfait) pour goûter à des fraises. Dieu que je pouvais être con !) C'est tout de même agréable lorsque je constate une certaine lumière dans les yeux de quelqu'un qui me regarde et me parle de gâteau au chocolat.

 

(Comme disait Rinchen, je dois avoir des actions dans la compagnie Vipassana, je ne cesse d'en parler à tous et à toutes...)

 

 [Ndf: Retranscrire l'analogie avec le gâteau au chocolat et le fait que c'est trop compliqué d'en manger m'a fait bien rire. J'ai marché plus de trois heures, l'autre jour, uniquement pour aller acheter ce qu'il fallait pour faire des boules au chocolat....]

 

 

 

 

Rishikesh (3) (yoga) II

03.03.04

 

Se tapant sur la tête avec la main légèrement repliée, comme l'on cognerait à une porte : "Allo ?... Y'a quelqu'un là-dedans ?... Allo ??... Youhou ?...."

 

 

 

 

Je veux regarder Dieu en face (dans un miroir), pour reprendre le titre d'un livre traitant du phénomène hippie. Je veux connaître la pensée de Dieu, pour reprendre les derniers mots d'un livre de Stephen Hawking. Je veux être. Je ne veux qu’être. (Comprendre. Tout comprendre. Me comprendre.) Ce but, peu en importe le nom, je veux l'atteindre. Peu en importe les mots, les concepts. Cela. Ça. Oui.

 

Il n'y a rien d'autre que je puisse faire. C'est la seule chose à faire.

 

 

 

 

Hier c’était le 3 mars 2003, le 03-03-03. J'ai manqué cette grande occasion d’écrire quelque chose.

 

 

 

 

Rishikesh (3) III

03.03.05

 

Deuxième journée (de 5) de mon cours de yoga terminée. Je me sens comme le lendemain d'une bonne journée de ski alpin avec fouilles explicites ("fouilles" dans le sens de "chutes mémorables" ou de "superbes acrobaties incontrôlées" et non pas de "recherche" ou d'"activité archéologique"). Courbature d'un bon paquet de muscles dont j'ignorais l'existence (mais pas tous, je suppose, puisque je ne suis qu'un débutant). De 7 du matin à 9 du soir, cela donne des journées bien remplies. Nous avons droit à une pause de 3h30 pour dîner et digérer, durant laquelle faire une sieste ou ne rien faire est suggéré, pour nous reposer. Je dois me forcer pour aller au lit, j'ai trop d'énergie. (Il est à noter que la petite sieste d'après-dîner m'est particulièrement sacrée dans mes retraites de méditation.)

 

Un groupe de 8 + 2 personnes. Madelaine, de ma dernière retraite, en fait partie, de même que Paul, de ma retraite Goenka à Dharamsala, en novembre dernier.

 

Mais ce soir je suis fatigué, je ne trouve plus les bons mots pour décrire l'ambiance chaleureuse, intime et simple qu'ont créée Dorry et Odelia dans la maison où se déroule le cours. Je voudrais en dire plus, mais cela ne veut pas sortir tout droit de mes pensées via mon crayon, cela sort tout croche.

 

J'ai croisé Remco ce midi et bu un chaï avec lui.

 

À tous les matins, vers 5h00, y'a une cloche qui retentit durant une bonne minute complète, le temps de réveiller tout le monde, surtout ceux qui ne sont pas concernés. Après juste de temps de se rendormir, elle repart de plus belle comme la première fois, pour nous prouver la valeur du silence, très certainement, et nous (bon, peut-être pas nous, mais au moins moi) faire pratiquer et développer notre patience. Demeurant dans un ashram, je ne peux que trouver ces coutumes hindoues étranges (pour rester politiquement correct) et, je dirais même plus, étrangères à mon mode de vie. Dans mes retraites où l'on se levait à 4 ou 5 heures, quelques coups de gong suffisaient, il n’était pas nécessaire de tenter de forger une nouvelle forme à l'instrument métallique

 

 

 

 

Rishikesh (3) IV

03.03.06

 

Je me crois (et suis) bien différent de tous. Et c'est ce qui me fait identique à tous ces autres.

 

 

 

 

Rishikesh (3) V

03.03.07

 

Ce matin, assis sur le sable doux des berges du Gange, digérant notre succulent déjeuner (fruits, brioche & chaï spécial Dorry), trois espèce de saddhus [sadou] ont traîné un corps enroulé dans une couverture et, à l'aide d'un batelier, l'ont laissé couler dans le fleuve sacré. Un corps humain, de toute évidence.

 

Le Gange, dieu-fleuve calme et puissant.

 

À regarder ce dieu couler suivant les méandres du paysage comme le font les champs de glace entre les montagnes, à méditer à ses côtés, à observer le jeu fractal tridimensionnel des grains de sable dans l'eau, à percevoir les ridelettes se propager de partout à la fois, à ressentir, sans y mettre de mots, la vie, la force, l’énergie qui s'y cache, je crois comprendre un peu mieux le Gange et ce qu'il est.

 

"Love and awareness are the same thing, only different words..."

 

 

 

 

L'Inde est un autre monde, cela a déjà été dit. À y demeurer, à y vivre, on finit par le ressentir, par le voir de nous-mêmes. Un autre univers. Une autre représentation de la réalité dans laquelle nous sommes, dans laquelle certains phénomènes peuvent se produire car ils y sont possibles et normaux, même si peut-être peu courants. Dans d'autres cosmogonies, dans d'autres représentations réalitaires, il n'existe pas de place, pas d'espace, pas de possibilité pour ces phénomènes pour avoir lieu. [Petite parenthèse grandement liée au contexte : Le "monde" dans lequel nous vivons est fortement conditionné par notre langage, pour reprendre Terrence McKenna. On peut même dire, et je suis en accord avec cette affirmation (de Roger Lewin, dans son livre In the Age of Mandkind, New York, Smithsonian Institution, 1988), qu'il [le monde] EST notre langage. Comment des peuples (comme les Hopis) qui n'ont que le présent comme temps de conjugaison de verbes (pas de passé, pas de futur) ou les Inuits, qui n'ont pas de pronom pour la première personne (je), pourraient-ils vivre dans un "monde" semblable au nôtre ? Leur cosmogonie est, de ce fait, radicalement différente.]

 

Il est de ces choses dont je n'expliciterai pas sur un site Web, pas un du type de celui-ci. Non, je n'ai pas eu de révélation mystique transcendante me catapultant dans un univers de lumière infinie éternelle (pas encore), mais parfois il est préférable de ne pas discuter de certains sujets à ceux qui pourraient ne pas être prêts, ou réceptifs, à en entendre parler. (Ce qui ne signifie pas pour autant que je connaisse quelque chose que d'autres, incluant de potentiels lecteurs, ne connaîtraient pas.)

 

 

 

 

J'ai du redéfinir ce qu’était pour moi le yoga. C'est beaucoup plus vaste, plus complet, plus profond que ce que je ne pensais. (Simplement dit, ce n'est pas simplement des positions corporelles bizarres.) Nous étudions des textes, entre autres, quelques heures par jour, pour mieux comprendre ce que c'est que cette philosophie, le yoga. Quelques heures de méditation également.

 

Mon état de conscience n'est pas le même qu'il y a cinq jours, avant de débuter ce cours. Non pas altéré, mais plutôt agrandi, ouvert, élargi. Un peu (pour rester humble). Assez pour que je le remarque sans doute possible.

 

"Love and awareness...."

 

 

 

 

J'ai rencontré Mike, d'Angleterre, avec qui j'ai passé 20 jours à méditer, à Bodhgaya. Maya et Laura devraient arriver dans quelques jours. J'ai hâte de les revoir.

 

Mon arrangement capillaire me fait penser à la mode des années 80, tel un top-cool guitariste d'un groupe de musique rock de cette époque.

 

 

 

 

Rishikesh (3) VI

03.03.08

 

Es-tu prêt à faire le grand saut, le grand pas ? Es-tu prêt à quitter tout ce qui était ton monde, ta famille, tes amis, ton entourage, tes possessions, tes connaissances, ta vie entière, pour que tout ceci disparaisse à jamais, comme si cela n'avait jamais existé, comme si c’étaient l'histoire et les personnages d'un livre qu'on referme et qu'on donne à quelqu'un qui part au loin, comme si ce n’étaient que de vagues souvenirs d'un rêve qui disparaît dans les brumes de l'oubli ? Un monde sans importance, qui n'a jamais eu lieu (mais dont les personnages sont convaincus d'existence...). Es-tu prêt à abandonner tous tes repères, toute impression de sécurité, pour faire ce grand pas, seul, complètement seul, dans cette immensité inconnue ? Seul, tu seras à jamais seul, comme tu l'as toujours été, en fait.

 

Es-tu prêt ?

 

 

 

 

Un saddhu avec une tuque Nike ou un moine avec un cellulaire ?

 

Les restos de Rishikesh, habitués aux touristes de l'Ouest, font des compétitions de gastronomie. Les plats sont succulents et richement présentés. Ils pratiquent également des politiques de prix que nous trouvons tous sincèrement excessifs (60RS (2 $ CAN) est beaucoup trop cher pour un plat principal, ce qui peut facilement faire monter le coût du repas jusqu’à 90-100 RS (3,00-3,35 $ CAN) avec boisson et dessert). Nous sommes des voyageurs, pas des guichets automatiques. Et nous sommes en Inde.

 

 

 

 

À mon grand étonnement, je me suis aperçu que je calculais mentalement bien plus rapidement ces derniers jours qu'à l'habitude. Cela m'est arrivé à plusieurs reprises, au restaurant, en calculant les factures, en séparant les coûts de notre groupe, et je n'ai remarqué qu'aujourd'hui que j’étais bien plus rapide que je ne le suis normalement.

 

Ça doit être le fait de me tenir en équilibre sur la tête.

 

 

 

 

Une amie du cours, Dorry, a vécu une année dans la jungle en Thaïlande, dans une maison abandonnée, près d'une de ces plages entourées de falaises idéales pour l'escalade. Elle gagnait sa vie (le peu dont elle avait besoin) en jonglant avec du feu. (Une voie d'escalade est d'ailleurs nommée en référence à elle.) Elle a réussi à entrer en communication avec des nomades vivant sur des bateaux, ne regagnant la terre ferme que pour se réapprovisionner. Ils l'ont prise pour un fantôme la première fois qu'ils l'ont vue. Ils lui ont beaucoup appris.

 

Maintenant, huit ans plus tard, des centaines de bungalows ont été construits sur sa plage. C’était près de Gobi, dans la très même région du monde où j’étais en septembre dernier. Me souvenant nettement des îles Perhentian (à quelques centaines de kilomètres à peine de là), je peux imaginer un peu...

 

 

 

 

Odelia est passée par une École Internationale, à New York, où elle a grandi, une école comme la nôtre (malgré que la nôtre ne soit pas si internationale que cela, comparée à certaines polyvalentes de Montréal). C'est la troisième personne que je croise en voyage ayant été dans une de ces écoles et me l'ayant dit au cours d'une conversation.

 

 

 

 

J'ai beaucoup à apprendre du yoga. Cinq jours, ce était qu'une introduction, qu'un aperçu Assez pour être partiellement autonome, du moins pour quelques temps. Une autre piste à suivre...

 

 

 

 

J'ai vu l'ombre de ma flamme danser sur les murs.

 

 

 

 

Rishikesh (3) VII

03.03.09

 

Devant un bûcher funéraire, sur les berges du Gange, qui brûle, qui brûle...

 

Le Gange a changé de couleur depuis mon arrivée. Moins boueux, plus limpide, quoiqu'encore loin d’être cristallin. Comme mon esprit.

 

Eyal, Leaf et moi saluions le Soleil ce matin, du toit de notre ashram, alors qu'il se levait derrière les montagnes. Trois jeunes hommes, torse nu, ayant la blancheur de la jeunesse sur eux, pratiquant sous les regards des pèlerins indiens montant dans le grand temple d'en face. Ce fut pour nous une très bonne session, ma première sans professeur.

 

 

 

 

En continuant de marcher vers de quelconques splendides chutes, j'ai croisé une borne kilométrique : 8. Une dizaine de minutes et quelques fredons [du verbe fredonner] plus tard, encore : 8. Et puis ensuite un chaï shop. [Ndf : Passé le chaï shop, la borne suivante arbore également "8"...]

 

 

 

 

L'accès Internet n'est pas fonctionnel. Parfait. Je n'aurais pas du avoir l'idée de m'installer devant un écran cathodique de toute façon.

 

Je souris à la lune qui me répond

 

Maya est arrivée aujourd'hui, de même que Laura et Anthon. Ils sortent d'une retraite à Varanasi avec des soeurs catholiques indiennes.

 

 

 

 

Odelia, la grande soeur de Maya, m'a demandé l'autre jour combien de temps je resterais encore en Inde. Un mois ou deux, que j'ai répondu, sachant que j'irai quelques mois au Népal et deux en Europe. Mais cela sonnait faux à mes oreilles. Un ou deux mois ? Non, je sais pertinemment que j'y passerai beaucoup plus de temps, que cette porte ne se refermera pas avec l'étiquette "Voyage en Inde lorsque j'avais 20 ans". Non, j'ai tant à apprendre ici, j'ai tant à vivre ici. Je suis chez-moi dans mes bottes ou mes sandales. Je suis chez-moi assis les yeux fermés.

 

L'Inde qui, il y a moins d'un an, n'avait jamais effleuré mon esprit autrement que par un désintéressement total fait maintenant grandement partie de moi. Il y a quelque chose ici, un quelque chose que je n'essaierai pas de nommer, mais qui est bien présent et fait toute une différence.

 

 

 

 

J'ai rencontré un mononcle et une matante de Montréal, le mononcle portant un manteau en jeans du Festival de Jazz de Montréal, logo peu courant par ici, et j'ai eu un brin de jasette avec eux. Ça faisait du bien d'entendre l'accent de par chez-nous, ça faisait vibrer en moi quelques racines, un sentiment casanier, une mélodie entendue toute ma jeunesse, dormant dans mon inconscient jusqu’à ce qu'on la chatouille. Comme un vieux musicien grattant une guitare après des années d'abstinence, comme un ancien jongleur retrouvant la fluidité de ses mains sous quelques balles poussiéreuses. Un chez-moi enfoui à la base de mon coeur.

 

 

 

 

Rishikesh (3) VIII

03.03.10

 

C'est dommage que je n'aie pas de chandail des Nordiques de Québec avec moi. Je me sentirais vraiment cool de porter cela ici.

 

 

 

 

Rishikesh (3) IX

03.03.11

 

Quelques brides de plage, de chaud Soleil, d'eau presque glaciale, d'un chien blond qui se baigne seul et se roule dans le sable ensuite, de la traversée du Gange à la nage, des courants de toutes directions, d'une lueur de panique, de calme et de confiance plus solides, de longues minutes de frissons presque violents, les jambes croisées, sur la plage, sous le chaud Soleil et mon paréo bleu-mauve...

 

 

 

 

Après un souper avec Laura et Maya, j'ai quelques mélodies du Fabuleux Destin d'Amélie Poulain en tête.

 

Une bien belle journée que j'ai vécue. J'ai fait du lavage (moi et mes vêtements), et puis je crois que ce fut tout, du côté des activités concrètes. Ah non, j'ai acheté un crayon. Lui aussi a été recherché et développé en Allemagne, c'est écrit sur le collant dessus. Et il a une adresse de courriel. Si vous voulez écrire à mon crayon : cellowri@bol.net.in

 

 

 

 

Rishikesh (3) X

03.03.12

 

Cela fait (plus de) 6 mois que je suis parti. Deux fois 3 mois. Avez-vous pensé à changer votre brosse à dents ?

 

 

 

 

Très belle journée passée avec Maya sur les bords du Gange. Quelques heures à marcher tranquillement en remontant vers la source, une petite plage tranquille, beaucoup de Soleil et de sable chaud, quelques pensées d'occasion pour le climat du Québec, un brin d'eau bien froide, encore du Soleil et un café chaud offert par deux Israéliens, quelques heures à parler et à écouter, sur la plage, et un voyage en moto pour le retour. Les ch'veux dans l'vent, comme on pourrait dire...

 

Je suis épuisé. Un "concert" de musique indienne, d'atmosphère trop entraînante, d'ambiance de groupe bien forte, a fini de m'achever. Je vais dormir comme un bébé.

 

Hier je suis rentré tard, 23h00, après avoir passé la soirée à marcher et à parler (et avoir entendu Tubular Bells pour vrai (version courte, malheureusement, de l'album The Essentials), une vraie jouissance, en ayant eu la pièce (deuxième partie, surtout) en tête depuis mon arrivée à Rishikesh en raison du son d'une cloche en particulier qui ne cesse de démarrer la chanson dans ma tête) avec Maya, encore, et l'entrée de mon ashram était fermée. J'ai dû escalader un mur pour arriver sur le toit (rien de trop extraordinaire, cela parait plus exaltant que ce ne l’était). Ma camera, déjà passablement vieille et ayant voyagé beaucoup, a mangé un bon coup à l'atterrissage de mon sac. Elle ne semble pas brisée, je vais l'endurer encore un peu.

 

Demain mon cours de Reiki débute. Deux jours.

 

 

 

 

Notes de publication I

03.04.25

 

Texte du 03.03.13 (Rishikesh (3) XI) déjà publié, remis ici pour le contexte chronologique.

 

 

 

 

Rishikesh (3) XI

03.03.13

 

Aux Indes, landes fabuleuses telles que décrites par Marco Polo, j'étudie et suis un cours de magie. De magie blanche. De guérison ("healing", terme plus global), de canalisation énergétique. Les sages mages avec de longues barbes blanches pointues, qui ne disent rien mais savent beaucoup, les guérisseuses aux cheveux gris penchées, telles d'attentionnées grand-mères au-dessus de leurs petits-enfants, l'écho des sabots des blancs chevaux des vaillants chevaliers résonnant tout près...

 

Dans cette contrée exotique, pays où pourraient vivre les hobbits de Tolkien, entre les montagnes coule un fleuve sacré aux pouvoirs mystérieux et légendaires. Les yeux fermés, une main initiatique descendant au-dessus de la tête, quelque chose se produit, bien tangible, bien réel. Le type de phénomène documenté dans les épopées fantastiques ou les livres de Fantasy. On changement s'est produit. On nous a transmis un pouvoir, un savoir, on nous a ouvert des portes. Je ne sais pas ce que c'est, je ne comprends pas beaucoup, je constate. Cette magie blanche a fonctionné sur nous. Il nous reste maintenant beaucoup à apprendre, à mieux maîtriser.

 

Nous sommes en Inde, pays où tout est possible...

 

 

 

 

Rishikesh (3) XII

03.03.16

 

C'est la troisième fois que je grimpe un mur (cette fois-ci c’était jusqu’à un balcon) pour rentrer à ma chambre car il était trop tard, la grille d’entrée était fermée. Encore à cause d'une demoiselle... Trop de mots échangés devant le Gange imperturbable, sous la lune presque pleine.

 

C’était la soirée de vigile pour la paix. Nous étions quelques centaines (dans les trois chiffres bas) avec des chandelles, sur les berges du fleuve. Des chants, une guitare, la chaleur des chandelles réchauffant l'air, l'ambiance s'occupant du reste. "All we are saying...." De l'autre côté de l'eau, quelques lumières dansantes isolées nous supportaient également. Des petits enfants jouant dans les roches aux vieux qu'on doit aider, tous étaient là. Ce n’était pas qu'un groupe de hippies planant pour la paix mondiale, c’était une communauté entière qui y croyait et trouvait important de le dire. Des Israéliens, des Allemands, des Américains, des Indiens, des Français, des Canadiens, des Italiens, des Australiens, des Anglais, des Espagnols, des Autrichiens, des Suédois, des Boliviens, des Danois, des Coréens, des Hollandais, des Finlandais, des Japonais, des Africains, des Malaisiens, des Russes, et un paquet d'autres encore. Nous ne sommes pas coupés du monde, ici, nous sommes en plein dedans.

 

Une belle soirée remplie d'espoirs. Je n'ai pas changé d'avis. La seule chose que je veux vraiment, pour Noël, ou pour ma fête, ou pour tout l'or du monde, c'est la paix dans le monde. C'est ce que je réponds aux serveurs des restos ces temps-ci, lorsqu'ils me demandent ce que je veux. Laura, elle, m'a dit qu'il fallait que je débute par la paix en-dedans. Elle a bien raison. J'y travaille, je fais de mon mieux.

 

 

 

 

Rishikesh (3) XIII

03.03.17

 

Je quitte Rishikesh. Mes adieux à Maya et Laura, que je reverrai à Dharamsala dans quelques jours [Ndf : Je n'ai pas revu Laura, malheureusement, elle n'est pas venue à Dharamsala, ni à la retraite à Nainital. C'est dommage, j'aurais aimé la revoir...], à Leaf, que je ne reverrai probablement pas, à Anthon, Paul, Odelia, Dorry et quelques autres que je reverrai à Nainital, lors de ma prochaine retraite en avril. Deux semaines que je suis à Rishikesh. Du yoga, du Reiki et du Gange ensoleillé. Un paquet de lassis, aussi. J'en étais à 6 ou 7 par jour, un certain temps.

 

C'est Holi (une fête religieuse), les gens se garochent de la teinture de couleurs vives. Tous verts, rouges, mauve et roses ils sont.

 

Un super-trajet de 12 heures de bus locaux (les plus vieux et inconfortables) m'attend. De nuit de surcroît.

 

 

 

 

L'autobus n'est pas si pire. J'ai manqué celui pour Dharamsala, alors je débarquerai à une ville à quelques heures de distance, demain matin à 4h00. 'Faut pas s'en faire avec ça. Le trajet va peut-être même être plaisant et agréable Ce n'est qu'une question de perspective, d'interprétation, qui peut se réduire finalement à de l'attachement, fortement lié à l'ego (toujours) trop important.

 

 

 

 

"Not unlike drugs or alcohol, the television experience allows the participant to blot out the real world and enter into a pleasurable and passive mental state. The worries and anxieties of reality are as effectively deferred by becoming absorbed in a television program as by going on a "trip" induced by drugs or alcohol. And just as alcoholics are only vaguely aware of their addiction, feeling that they control their drinking more than they really do [...] people similarly overestimate their control over television watching [...]. Finally it is the adverse effect of television viewing on the lives of so many people that defines it as a serious addiction. The television habit distorts the sense of time. It renders other experiences vague and curiously unreal while taking on a greater reality for itself. It weakens relationships by reducing and sometimes eliminating normal opportunities for talking, for communicating."

(WINN, Marie, The Plug-In Drug, Penguin, New York, 1977, pp. 24-25, cité dans McKENNA, Terrence, Food of the Gods - A Radical History of Plants, Drugs and Human Evolution, Rider, 1999 (première publ. 1992), p. 219.)

 

Le monde dans lequel on vit est bien différent lorsque la télévision n'y existe pas.

 

Beaucoup plus connecté avec la réalité. Une demi-heure de télévision, c'est une demi-heure d'absence, d'inconscience, dont plus de 12 minutes de tentatives d'influence (voire de manipulation) de notre comportement – les annonces  publicitaires. (À ce sujet, le but avoué de la publicité n'est-il pas de faire en sorte d'augmenter les ventes de produits pré-déterminés ou de modifier notre opinion envers produits ou organismes (compagnies, gouvernements ou autres) dans une direction pré-déterminée ? C'est définitivement ce que l'on peut nommer une "influence" (preuve en est que, sinon, étant non-fonctionnelle, la publicité disparaîtrait) et, plus exactement, une manipulation puisque la direction donnée à cette influence - son but - est pré-déterminée (ce qui est bien sûr évident). C'est donc bel et bien d'une manipulation (ou d'une tentative de manipulation) dont il s'agit. Et il semblerait que, malheureusement, cette manipulation fonctionne puisque autrement, comme dit précédemment, la publicité disparaîtrait d'elle-même. (Soit dit en passant, nous avons par le fait même une des possibilités par laquelle la publicité pourrait disparaître : la cessation de son efficacité, et donc la cessation de sa raison être.))

 

Donc, de un, la télévision nous inconscientise, en nous supprimant des demi-heures de vie, de conscience de nous-mêmes, et, de deux, la télévision nous influence et nous manipule dans une direction profitable au manipulateur (qui peut être bonne au mauvaise pour nous mais, considérant les motivations généralement (et malheureusement) égoïstes des entreprises, faisant passer leur bénéfice individuel avant le bénéfice de leur environnement (soit les consommateurs influencés par la publicité, le pays, la société en général, la planète même, etc.), on peut fortement supposer que cette direction ne soit pas la meilleure pour nous (la preuve simple en est que cette direction d'influence optimale pour nous (les "consommateurs") entre directement en compétition, dans la très grande majorité des cas, avec la direction d'influence optimale pour l'influenceur)).

 

Le monde dans lequel on vit est en effet bien différent lorsque la télévision n'y existe pas.

 

Cela fait plusieurs années que je n'écoute plus la télévision, et je considère ceci comme étant un facteur d'éveil, de développement de conscience ("awakening"). La télévision est un facteur de stagnation, d'épaississement, de régression possible, même. La comparaison de McKenna entre la télévision et l'héroïne est, a bien des niveaux, valable et révélatrice.

 

[Ndf : Le travail est également, à mon avis, bien (trop) souvent un facteur de stagnation, un obstacle à la vie. "Dans Aurore, Friedrich Nietzsche déclare : "Au fond, on sent aujourd'hui, à la vue du travail - on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir - , qu'un tel travail constitue la meilleure des polices, qu'il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance." " (JACQUARD, Albert, Petite philosophie a l'usage des non-philosophes, Calmann-Levy, Le Livre de Poche, Paris, 1997, p. 207.)

 

Mais ce n'est pas grave. Fermez l'ordinateur (le livre), oubliez tout cela, et allez vous écraser devant la télé.

 

 

 

 

Tushita (2) I

03.03.18

 

En arrivant à Dharamsala / McLeod Ganj / Tushita ce matin, en même temps que le Soleil, j'avais le sentiment d’être de retour à la maison. C'est un endroit que je connais, où je me sens à l'aise.

 

J'ai pu constater que j'ai changé. De retour au même endroit qu'il y a trois mois, mais avec, j'ai l'impression, quelque chose de différent, venant d'en arrière de mes yeux. Ou plutôt, oui, et c'est peut-être la vraie différence, de sous ma poitrine. Deux retraites Vipassana, un Kalachakra, du yoga, du Reiki, quelques milliers de kilomètres, l'Inde et le Bangladesh, tout ceci s'est écoulé en moi ces derniers trois mois. Sans compter ce qu'on ne peut nommer ni quantifier. La vie, peut-être ?

 

 

 

 

Moi qui prévoyais avoir un lit dans un dortoir pour 9, ce que j'avais réservé et qui me suffisait amplement, me suis retrouvé seul, pour le moment, dans une chambre pour 4.

 

Je viens de me réveiller - il est 18h00 -, après avoir dormi, dîné et dormi avant-dîner. Pour récupérer de l'autobus.

 

Bon, je n'ai plus rien de valable à écrire (sans toutefois considérer que ce que je viens d’écrire était le moindrement valable. Ce ne sont que des mots, trop vides, alors que c'est dense et réel par ici...).

 

 

 

 

Tsuglaghang Complex (2) I

03.03.19

 

Assis à 2 ou 3 dizaines de mètres du Dalaï-Lama, je l’écoute parler en tibétain, enseignant sûrement plein de trucs intéressants. Ma radio ne capte rien, surtout pas la traduction anglaise, rien de compréhensible pour moi. Je me retrouve donc assis, avec quelques heures à passer en faisant à peu près semblant d’être attentif. Cela me rappelle l’école.

 

"Mais qu'est-ce que je fais ici ? ", que je me demande. Ne ferais-je pas mieux être dans le désert du Rajasthan ?

 

 

 

 

Pour moi.

 

Pourquoi est-ce que Maya s'intéresse à moi (un peu) ? Pourquoi moi je m’intéresse à elle ? Qu'est-ce qu'elle voit en moi ? Un étrange individu, qui a des idées bizarres et parfois valables, qui a d'autres bases morales que celles généralement acceptées, une curiosité à apprivoiser, quelqu'un qui semble avoir une certaine force calme et tranquille ? Et ce que je vois en elle : Une bonne amie, une amie sincère, quelqu'un un peu comme moi, une source d'affection, parfois (attention, danger !), une soeur, une jumelle, peut-être ? Peut-être qu'elle voit un frère en moi, comme elle me l'avait dit. C'est dur de s'ouvrir, la peur d’être rejeté. Si je m'ouvre entièrement, va-t-on m'aimer et m'accepter quand même ? On a beau dire que oui, nous sommes tous humains et il y a des choses que l'on n'aime pas, qui nous font peur, qu'on ne veut pas retrouver dans nos amis, dans notre entourage parce que cela ne correspond pas avec l'idéal que l'on veut avoir.

 

Et une certaine insécurité, aussi. Je ne sais pas où je m'en vais, je suis un peu seul, perdu, et, sans savoir non plus où elle s'en va, elle semble aller dans la même direction. Ça fait du bien d'avoir quelqu'un dans son dos, quelqu'un pour nous protéger des blessures de la vie par en-arrière.

 

Elle aurait aimé avoir un frère. J'aimerais bien une soeur. J'en ai déjà une, mais je suis pris dans le rôle d'un "grand frère". J'aimerais m'en sortir pour ne plus être que moi et interagir d'égal à égal. Je ne connais rien de plus que personne, même si parfois je le crois.

 

Et puis, qu'est-ce qui m'attends dans l'Ouest ? Beaucoup de travail, des années et des années passées à guérir, à revisiter, une "vie à bâtir" (quelle idée conne, des attentes sociales à remplir pour prouver à tous et à personne que je ne suis pas un raté, que je suis quelqu'un moi aussi, que j'ai "réussi" peu importe quoi mais qu'au moins je l'ai réussi). Et tous ces gens, tous ces gens qui regardent de haut (qui se sont convaincus eux-mêmes qu'ils sont hauts) et méprisent tous ceux qu'ils jugent inférieurs.

 

Dans ce monde idiot, je dois vivre (survivre), je le sais. Malgré toute sa futilité, je dois encore entretenir ce qu'on nomme mon corps physique, ce qui implique bien des choses. Les relations sociales et ce jeu de personnages grotesques (ce sur quoi les gens se basent pour mépriser ou non) me sont pénibles. C'est comme la bureaucratie indienne, mais avec des formulaires incomplets qui se modifient au fur et à mesure qu'on les remplit, en soixante-douze langues et modalités différentes en même temps.

 

Maya. Bon. Pourquoi je pense à elle ? Pense-t-elle à moi ? C'est souvent le cas, j'ai remarqué (qu'elle pense à moi en même temps que je pense à elle). J'aurais envie de la prendre dans mes bras, mais je ne sais pas du tout si j'oserais si elle était là (j'en doute). Sur le pont, j'ai eu l'impulsion de poser mon bras sur son épaule, en marchant, mais je n'ai pas osé, par peur. Elle m'a pris le bras juste ensuite. Je suis jeune, elle aussi, célibataires, nous voyageons seuls depuis longtemps, il faut faire attention.

 

 

Je perds parfois espoir pour tout. Tout ceci me semble tellement difficile, trop insoluble. Comment amener tout ce monde vers l'illumination, comment rendre tout ceci parfait ?

 

Je suis dur avec moi-même, que Maya me dit parfois. Mais si cela ne peut être parfait, le plus irréprochable, sans jamais pouvoir être dépassé, alors cela ne vaut pas vraiment la peine de le faire puisqu'un jour quelque chose de meilleur le surpassera et on aura alors fait tout ceci pour rien (car on aurait directement pu faire cette chose meilleure, sans passer par la moins bonne, et donc, en continuant, seule la chose parfaite sera correcte et réellement nécessaire). Cela sonne faux à mes oreilles, mais c'est quand même un peu ce que je pense.

 

Les pics au loin sont enneigés. Y compris celui que je voulais grimper.

 

 

 

 

Tushita (2) II

03.03.20

 

De retour avec un crayon SPUN à la main (dont la recherche et le développement ont été faits à Longueuil), fraîchement arrivé de l'Ouest.

 

 

 

 

Food of the Gods, de Terrence McKenna, est un livre particulièrement intéressant. Il contient une grande masse d'information. C'en est presque une thèse, avec plus de 150 livres en bibliographie. McKenna sait de quoi il parle lorsqu'il parle de "drogue", ou plus spécifiquement de la relation entre l'homme et les plantes hallucinogènes au cours de l'histoire de l'évolution. "Bon, c'est ça, un autre psychadélisé totalement pro-drogues...." C'est tellement facile de tout rejeter en bloc lorsqu'on ne sait pas de quoi on parle. (Et moi qui riais de la méditation et de tous "les trucs du genre" il y a quelques années, sans rien y connaître, évidemment.) Ce type de conclusion est exactement le même que de prétendre qu’une orange c’est rond, que sa pelure ne goûte pas bon et qu’on ne peut rien faire avec, un point c’est tout.

 

Et j’ai bien l’impression que c’est d’être politiquement incorrect dans notre société que de s’affirmer le moindrement favorablement envers les "drogues".

 

Tout d’abord, ce terme est inadéquat, tout comme l’appellation "les Arabes" l’est à propos du terrorisme. Oui, certaines drogues causent des dommages considérables et leur fréquentation est fortement déconseillée. Mais, tout comme une personne intéressée par le monde arabe et ses richesses culturelles ne s’acoquinera pas avec les extrémistes terroristes, ce n’est certes pas dans ce type de drogues néfastes que des bénéfices peuvent se trouver. C’est bien évident, c’est dans les hallucinogènes qu’un intérêt potentiel se trouve. N’oublions pas de nommer les DROGUES les plus néfastes (malgré le déni de leurs utilisateurs qu’il s’agisse de DROGUES et qu’ils en sont dépendants), tels l’alcool, le tabac, le café, le thé, le sucre, la télévision (eh oui, la télévision a tous les effets d’une drogue), le crack, la cocaïne, l’héroïne, et quelques autres.

 

Considérant le fait, entre autres, que le sucre raffiné n’est apparu en Europe qu’en 1300, qu’auparavant l’humanité comblait parfaitement ses besoins alimentaires sans aucun sucre ajouté et remarquant par moi-même à quel point je suis dépendant du sucre, étant, jusqu’à maintenant, totalement incapable de m’en passer malgré des efforts répétés, je n’ai d’autre choix que d’acquiescer que le sucre est bel et bien une drogue.

 

Mais ce n’est pas cette drogue (parmi les plus toxiques et néfastes, en effet, aussi surprenant que cela puisse paraître au "consommateur moyen") qui soit vraiment intéressante.

 

Je ne ferai pas ici l’apologie des psychadéliques. Je n’ai aucunement la prétention d’avoir la connaissance ou la sagesse d’une bonne utilisation. Et je reconnais également le potentiel dévastateur des hallucinogènes (même s’il est, à mon très sincère avis, moins grand que les DROGUES socialement acceptées). Par contre, je m’informe, j’observe, je constate, je note, et mes conclusions personnelles sont particulièrement intéressantes.

 

Quelques idées / notions en vrac :

 

Avant que le terme "psychadéliques" ne soit répandu et accepté, l’appellation "drogues d’élargissement de conscience" (traduction libre de "consciousness-expanding drugs") était utilisée.

 

Si l’on considère que certaines substances augmentent les performances ou capacités liées au corps physique (ex. : stéroïdes), alors il est tout naturel de concevoir qu’il existe également des substances permettant d’augmenter les capacités ou performances liées à l’esprit (cognitives, psychiques ?). Les effets de la caféine sur la "clarté d’esprit" (du matin, particulièrement) sont bien connus.

 

En 1927, le nom de "télépathine" fut donné par deux chimistes français à un agent actif isolé d’une liane d’Amazonie, Banisteria Caapi. Des récits d’ethnographes font état de "[...] tribes using telepathy-inducing drugs to direct the course of their societies." (McKENNA, Terrence, Food of the Gods - A Radical History of Plants, Drugs and Human Evolution, Rider, 1999 (première publ. 1992), p. 232.). (Le nom de la "télépathine" fut changé en 1957 pour "harmine", étant trouvée identique à un compose déjà connu.)

 

Le sujet de la conscience et des capacités de l’esprit semble être tabou, ou interdit, comme pouvait l’être la sexualité humaine jusqu’à relativement récemment. "History is the story of these plant relationships. The lessons to be learned can be raised into consciousness, integrated into social policies, and used to create a more caring, meaningful world, or the can be denied just as discussion of human sexuality was repressed until the the work of Freud and others brought it into light. The analogy is apt because the enhanced capacity for cognitive experience made possible by plant hallucinogens is as basic a part of our humanness as is our sexuality. The question of how quickly we develop into a mature community able to address these issues lies entirely with us." (McKENNA, Terrence, Food of the Gods, p. 255.).

 

Il est bon de se rappeler que l’anatomie a débuté dans la plus grande illégalité, alors que la dissection de corps était interdite par l’Église et vue comme étant de la sorcellerie. Leonard de Vinci et de nombreux autres ont risqué l’emprisonnement en apportant leur contribution essentielle au développement de la médecine, et (on l’espère) d’une meilleure compréhension du corps humain. "Should we be any less courageous in attempting to push back the frontiers of the known and the possible ?" (McKENNA, Terrence, Food of the Gods, p. 260.).

 

Le concept même d’illégalité de la nature est grotesque et absurde. Une plante qui existe dans notre univers ne peut pas être "illégale" ! C’est la reconnaissance même du fait que le système social et judiciaire est déconnecté de la réalité, du monde dans lequel il est, de la planète sur laquelle il repose. (Il y a une dualité qui s’est créée depuis longtemps, alors que l’homme s’est mis à croire être "sorti" ou "séparé" de la nature, de l’univers dans lequel il évolue (cf. à cette idée plus loin.))

 

La plupart des gens ayant touché à des hallucinogènes reconnaissent avoir vécu un état de conscience altéré, avec, fréquemment, la dissolution des limites de l’ego, du soi, et la perception d’une réalité autre, sous-jacente, englobant celle conventionnelle.

 

L’aspect le plus intéressant de ma lecture du livre Food of the God, et de mes quelques autres recherches dans le domaine, est le nombre étonnamment élevé de liens solides entre ce que prétend le monde des psychadéliques et ce que prétend le monde spirituel. Ce me semble presque être un chemin à part entière, tout comme peuvent être les divers chemins spirituels qui, beaucoup le reconnaissent, conduisent tous au même but ultime, mais par des voies différentes, avec un vocabulaire, des concepts et des moyens différents.

 

De la même façon que j’ai l’impression qu’il pourrait être possible d’utiliser la technologie de manière constructive, appropriée et bénéfique (ce qui est loin être le cas actuellement, à mon avis, particulièrement concernant la dépendance et l’esclavage informatique, que je connais bien), j’ai la sincère conviction qu’il est possible d’utiliser les hallucinogènes de manière bénéfique et constructive. Un ordinateur peut être un très puissant allié. Un esprit ouvert et réceptif aussi.

 

(Non je ne suis pas pro-drogues. Mais je suis loin d’être anti-drogues.)

 

Cette fausse dualité entre l’homme et la nature (cf. à l’idée quelques paragraphes auparavant), entre moi et l’autre, entre moi et l’extérieur ou entre moi et l’univers est un des points principaux de tous les chemins spirituels (ne faire qu’un avec Dieu, n’être qu’un avec l’univers...). Cette conceptualisation erronée [la dualité], cet ego qui n’a pas d’existence propre et qu’on croit si solide, cette frontière imaginaire qui nous cause toutes nos peines...

 

Il n’y a pas de dualité

 

Il n’existe que.

 

 

 

 

J’entre dans un resto, une télé est allumée. Je m’assois dans un coin pour ne pas la voir, sachant que ses images, mouvements et flashs attirent mon attention malgré moi. Tout est calme, presque mort en cette fin d’après-midi. Je feuillette le menu, trouve à boire, magasine les repas pour plus tard et inscris mon lassi sur le petit rectangle de papier blanc qu’on m’a donné, en spécifiant "No straw please". Je lève la tête vers le serveur et dévisage les 4 ou 5 clients attablés. Tous figés, sans un souffle ni un bruissement, quelques-uns ont le cou tordu regardant dans leur dos, le serveur, lui, est presque sur une jambe pour regarder à côté du pan de mur. Tous ont les yeux grands ouverts, vides, la bouche un peu pendante, on dirait qu’ils viennent de fumer un immense méga-pétard.... Ils regardent la télévision.

 

Les mots "Drogue.... Drogue...." dansent dans ma tête. Je fixe le dos du vendeur en lui faisant sentir ma présence. Pas de réponse. Je me lève et marche jusqu’à lui. Ses yeux ne se déplacent que lorsque le petit papier est devant lui, moi à ses côtés. Je lui explique "No straw" car il ne comprend pas. Pas un client n’a bronché.

 

De retour à ma place, je sors mon cahier pour décrire ces zombies et, après quelques lignes, le serveur m’apporte un lassi avec une paille dedans.....

 

 

 

 

Notes de publication II

03.04.25

 

Les textes du 21 mars 2003 (Irak - 03.03.21) au 2 avril 2003 (Dharamkot VI - 03.04.02) ont déjà été publiés, lorsque j’étais à Dharamkot (Dharamsala). Ils sont situés plus haut sur cette page. Les prochains textes à suivre sont ceux de la plus récente période, de mon départ de Dharamsala jusqu’à ici (Almora), en passant par ma (notre, car je suis encore avec une partie du groupe) retraite Vipassana, à Nainital. Peut-être que je les taperai dans les prochains jours, peut-être pas.

 

Il y a plein de fleurs aux alentours, ça sent bon, sucré, quand je me lève le matin.

 

 

 

 

Photos de Tim

03.04.26

 

J’ai oublié de le dire : J’ai mis quelques photos, provenant de la camera digitale de Tim, un ami de ma dernière retraite, qui ont été prises à Rishikesh, Sat Tal, Almora (le ici présentement) et Jageshwar. Je devrais en ajouter quelques autres dans un jour ou deux.

 

Et voici maintenant la suite des textes, de Dharamsala jusqu’à maintenant.

 

 

 

 

Départ de Dharamsala

03.04.03

 

Je pars dans quelques heures de Dharamsala. Cri de bonheur et de douleur en moi, sentiment d’immensité, de puissance et de vide en même temps. Je me sens arraché à ma terre natale, à un lieu où je suis bien. Je sais que des larmes couleront dans l’autobus qui m’emportera au loin.

 

 

 

 

Assis au Shangri-La Restaurant, mon premier hôtel où il y avait des hirondelles à l’intérieur.

 

Saeed vient avec moi à la retraite, nous prendrons l’autobus ensemble tout à l’heure.

 

Le Dalaï-Lama était dans mes rêves de la nuit dernière. Je ne l’ai pas "vu", mais je savais qu’il était là, tout près. Il me fait bien étrange de quitter Dharamsala, une seconde fois. Je me souviens de mon premier départ, dans l’autobus, de l’émotion que je ressentais.

 

Un moineau domestique femelle est entré dans ma chambre ce matin, pendant que j’écrivais une lettre à Maya, que j’ai glissée sous sa porte. Nous avons parlé cette dernière soirée, ce fut apaisant.

 

Un oiseau de proie survole le ciel près de moi, de l’espèce d’oiseau que je vois fréquemment quand le Dalaï-Lama est présent.

 

Le colis de Noël provenant de ma famille est arrivé hier ! Martin, mon voisin d’en bas m’a dit qu’il avait vu une note à Tushita disant que j’avais un colis au bureau de poste. La veille de mon départ. J’y suis allé, il n’y avait rien. J’ai marché un peu, donné de la monnaie à un mendiant - ce que je n’avais pas fait en descendant à McLeod plus tôt, ne me sentant pas le coeur généreux - et, en entrant à nouveau dans le bureau de poste en accompagnant Maya pour y poster une lettre, le commis m’a tendu une boite de souliers avec mon nom inscrit dessus ! Nous avons mangé du camembert avec notre délicieux repas au restaurant coréen, Assaf, Maya, Paul et moi, avec la cinquième de Beethoven se déchaînant en arrière-plan. C’était vraiment, mais vraiment sublime !

 

 

 

 

Train Pathankot -> Moradabad

03.04.04

 

Le train roule, avance (dans la direction opposée à celle d’hier), inéluctable (qu’est-ce que ça veut dire, inéluctable ?), sans que personne ne puisse l’arrêter. Je pense à l’Irak, je pense à Maya. C’est pénible, la guerre, mais encore plus terrible est la mort de l’espoir. Facile à dire pour un Canadien, je n’ai pas grandi avec des tanks sous mon balcon, avec des bombes tuant au hasard dans ma rue, avec la haine et la vengeance des générations passées à perpétuer.

 

Je ne prends pas beaucoup d’infos quotidiennement sur l’état du monde, ça fait trop mal.

 

Non, mon espoir n’est pas mort, loin de là. Il en faut plus que cela pour me tuer. Mes larmes coulent, mais je suis encore debout, vivant. Je pleure la douleur, la souffrance des autres.

 

"Never give up", disait le Dalaï-Lama. "No matter what happens, never give up."

 

 

 

 

Bhimtal

03.04.04

 

Après un 24 heures d’autobus-train-autobus-camion, me voilà débarqué à peu près au milieu de nulle part, sur les berges d’un beau lac dans les contreforts de l’Himalaya. Ma retraite se déroule dans un trou perdu, sans autobus, semble-t-il, pour s’y rendre. Je ne veux pas payer pour un taxi, trop cher et trop déplaisant à mon goût, les taxis n’étant utilisés que par les riches touristes de l’Ouest, alors j’essaie par les moyens locaux incertains, comptant sur ma bonne chance pour qu’un autobus ou une jeep apparaisse, ou bien pour qu’un camion s’arrête, comme ce fut le cas tout à l’heure. L’endroit où je vais n’est pas sur ma carte, je sais seulement qu’il devrait y avoir une fourche 3 km après un village (Mehragaon) et que l’ashram en question est à gauche, 1,5 km plus loin, avant un autre village (Sattaltown).

 

J’ai besoin d’une bonne nuit de repos ce soir.

 

 

 

 

Nainital (Sat Tal)

03.04.15

 

Now

That

All your worry

Has proven such an

Unlucrative

Business,

Why

Not

Find a better

Job.

 

 

Hafiz (c) 1320-89

 

 

 

Particulièrement après une retraite, oh oui.

 

Je ne voulais pas terminer. Dix jours, c’est trop court. Et ensuite ?

 

"There is nowhere to go."

("There is nothing to do, nothing to be done.")

 

Il n’y a nulle part où aller (à aller).

Il n’y a rien à faire, rien à être fait.

 

Je ne voulais pas terminer.

 

Où est-ce que je vais, ensuite ? Je sais où je veux aller. C’est ici, maintenant.

 

Je suis à l’endroit où je désire aller.

 

 

 

 

Pour certains, travailler 10 heures par jour est dément. Dément.

 

Attends un peu.... Travailler 10 heures par jour ??? Mais c’est quoi l’idée ? Il y a quelque chose qu’ils n’ont pas compris, eux. (À moins que ce ne soit les autres (nous, je pourrais presque dire), qui n’ont pas compris. Mais à lire dans les yeux, je vois que ces autres (nous) sont plus heureux, se disent plus heureux. Peut-être que nous avons tort. Peut-être que le but ultime de la vie est de ne pas être heureux.)

 

 

 

 

Les grenouilles qui coassent disent tout ce qu’il y a à dire.

 

 

 

 

"Beyond the conceptions of right and wrong, there is a field. I’ll meet you there."

 

 

 

 

Chaque retraite est unique, différente des précédentes. Une rivière qui coule, sans trace des derniers méandres ni attentes face aux prochains. Une rivière qui est.

 

Être....

 

 

 

 

Dans un ashram chrétien, dans une petite mais vaste chapelle, entourée de filiformes épineux tapissant le ciel et le sol de leurs épines, un lac plus bas, un paysage des Laurentides, si l’on ne arrête pas aux détails, tels les espèces d’aloès géantes poussant ça et là, les araignées parfois grosses comme la main, les perroquets déchiquetant les bananiers, les trucs volant de la taille d’un pouce vrombissant comme un ventilateur, les superbes fleurs roses, rouges, jaunes, blanches et mauves, les pommes de pin (les cocottes) grosses comme une noix de coco et les singes avec leurs nouveaux-nés sachant à peine marcher. Je ne prenais pas de douche, j’allais me jeter dans un des deux lacs tout près. Et la lune qui souriait, le premier soir, pour être pleine demain.

 

 

 

 

Lorsque Jaya et Ajay sont partis, c’étaient des amis proches qui s’en allaient. Nous étions une dizaine, qui restions, à saluer la Jeep qui s’éloignait.

 

Jaya, Odelia, Ajay, Bryan, Beka, Saeed, Dorry, Mulefa, Remco, Paul, Jason, Amy Selena, Anthon, Tom, Polly, Siddhartha, Gerd, Assaf, Tali, Sophie, Denis, Shannon, Montse, Ernest, Rosa, Nanda, Lenny, Ram Charan, Radha, Pia, Elisa, Tom, Daniel, Dana, Yohanna, Johanna, Kavita, Joe, ...

 

 

 

 

Et le sommeil, paisible, m’emportera cette nuit.

 

 

 

 

"May all beings find in themselves the love they are seeking for."

 

(Puissent tous les êtres trouver en eux-mêmes l’amour qu’ils recherchent.)

 

 

 

 

Beka - True Romance

Nainital 2003

 

True Romance

 

 

I died a thousand times for you.

A thousand times you gave me life.

I cried an ocean for you.

You are that ocean.

So many nights I dreamt of you.

You are the creator of those dreams.

Scores of poetry have I written in you name.

You are the very meaning of those words.

How many lifetimes have I spent searching for you,

Thinking you were out there somewhere ?

Only now do I find you were here all along.

You waited aeons for me.

You would wait that much again.

I’ve fallen in you.

So let me lay myself down right here

In your supreme softness.

Let me bathe in your expansiveness.

Let it soak me up and surround me completely.

I shall delight in it.

 

 

Beka Joy, Nainital 2003

 

 

 

 

Sat Tal II

03.04.17

 

À l’ashram chrétien, lieu de la dernière retraite.

 

Beka est partie cet après-midi. Nous ne sommes plus qu’une dizaine à rester encore ici.

 

J’ai refait le tour de magie des boules au chocolat. Tous, moi y compris, étions bien contents.

 

Je viens de partager la flamme de ma chandelle avec Amy, pour allumer la sienne. Plus que symbolique, très significatif est, à mes yeux, ce type d’échange ou d’interaction.

 

Je suis un rêveur, un idéaliste, un utopiste, même ? Peut-être. Peu m’importe qu’on ne soit pas d’accord avec moi (moi ? où ça ??) ou qu’on n’accepte pas mes idées ou ma vision des choses. Tel sera le monde dans lequel je vivrai. Mon univers sera beau. Je vivrai heureux.

 

(Je vivrai dans le même univers que tous les autres. C’est la perception, l’analyse ou la réaction face à cette "réalité" qui sera belle, optimiste, positive.)

 

 

 

 

Regarder à travers d’une flamme pour y voir la lumière.

 

 

 

 

Nulle part à aller, rien à faire.

Maintenant est le moment.

 

 

 

 

Que comptez-vous faire de votre seule et unique étrange et précieuse vie ?

 

 

 

 

Sat Tal III

03.04.18

 

Sunita est le nom d’une jeune indienne (de mon âge, en fait), que j’ai rencontrée à Bhimtal, avant de venir à la retraite. Je l’ai croisée en retournant à ma guest house perchée au-dessus du lac Bhim ("tal" signifie "lac") et elle m’a invité à boire un thé après que je lui ai donné une boule au chocolat. Sachant que je partais le lendemain matin, elle m’a convoqué pour le déjeuner, me préparant des paranthas à mon arrivée. Une très gentille demoiselle. Je voulais écrire son nom pour m’en souvenir. C’est fait.

 

Maharaji, un des professeurs de Ram Das (Richard Alpert, un collègue de Timothy Leary), un des professeurs de Bryan, un de mes professeurs. (Le terme anglais "teachers" est, à mon oreille, plus exact que "professeur", ayant un peu plus la connotation "maître", "guru", "guide".) Nous sommes allés à Kainchi aujourd’hui, à l’ashram dans lequel il a vécu. Nous avons eu la chance de pouvoir nous asseoir dans la chambre de Maharaji quelques dizaines de minutes, grâce à la présence de Bryan. Le "nous" était Paul, Remco, Amy, Nanda, Bryan et moi.

 

Palak paneer, malai kofta, shahi paneer, veg curry, paneer pulao, cheese naan, veg naan, roti (chapati) et chaï furent notre festin du midi. Puis, à Bhowali, une razzia de fruits (les mangues sont arrivées, wouhou !) pour le déjeuner de demain et un popsicle au chocolat pour le chemin du retour.

 

Un jeu d’échecs, des livres, un lac, une chapelle avec des coussins, un tapis de yoga et les quelques autres personnes restantes occupent mes journées. Ah oui, la salle à manger aussi.

 

 

 

 

Sat Tal IV

03.04.19

 

Bonne nuit.

 

 

 

 

Almora (Pappershali) I

03.04.20

 

Me voilà à Almora, avec Shannon, Amy et Nanda, où nous avons retrouvé Tom, Polly, Tim, Odelia, Siddhartha, Radha et une Israélienne dont j’oublie le nom. Il ne reste que Bryan et Remco à Sat Tal. J’espère que les choses se passeront bien pour Bryan, qui traverse une situation personnelle difficile. Les profs de dharma sont eux aussi des personnes humaines.

 

Nous nous sommes tous levés à 4h30 ce matin, le jour de Paques, pour assister à une messe en hindi (ave un tout petit peu d’anglais) sur les berges du petit lac, là où nous faisions la "loving kindness méditation" (metta). C’était intéressant, mais long. Je serais bien moins intéressé d’y retourner. Et le prêtre a dit dans son discours / sermon des trucs avec lesquels je ne suis pas d’accord, comme par exemple qu’il ne pouvait pas y avoir d’amour sans sacrifice. Ce n’est peut-être qu’une question de sémantique (définition d’"amour" et de "sacrifice"), mais je ne seconde pas du tout cette motion. Il se trouve plusieurs de ces concepts ou de ces idées (voire dogmes) dans ce que je connais de l’Église chrétienne (que je connais très peu, honnêtement) avec lesquels je suis en opposition.

 

Je me demande parfois ce que Jésus dirait s’il voyait aujourd’hui l’institution qui répète si souvent son nom. Je crois que je le sais un peu.

 

Il y a des années que je ne suis allé à la messe. ("Y suis-je déjà allé ?", presque.) La dernière fois c’était au Lac St-Jean, après Portland, avec Ariane, Dom, Mathieu et Vincent, dans une église dont le plafond tombait littéralement en morceaux (très symbolique, à mon avis). Intéressant, aussi, de venir en Inde y étudier le bouddhisme, l’hindouisme et la méditation, et d’y rencontrer des Indiens convertis au christianisme.

 

 

 

 

Couché par terre, dans la chambre de Tim, car il n’y avait plus de chambres abordables aux alentours. Demain je dormirai dehors, sous la tente.

 

 

 

 

J’avais prévu aller au Népal ces jours-ci mais j’attendrai un peu, pour des raisons bureaucratiques. Je pars de Katmandou le 25 juin et une extension de mon visa de deux mois me coûterait 55 $ US, ce qui me parait beaucoup trop cher pour moins d’une semaine. Je prévois donc passer la frontière népalaise le 25 ou le 26, dans 5 jours. Mais il ne faut pas trop s’attacher à ses plans en Inde (et dans la vie en général).

 

Je continue donc de regarder la vie se dérouler tranquillement ici, à Pappershali.

 

 

 

 

Almora (Pappershali) II

03.04.23

 

J’ai passé la journée sur le portable de Tim, à taper des textes des deux derniers mois. L’impression que ma journée m’a filée entre les doigts, trop stressé, pelleté du vide, encore, pour avoir le plus gros tas, une partie d’échec interminable avec Nick, qui avait bu et fumé de tous les joints qui passaient.

 

J’aurais voulu nouer plus de relations avec Odelia et Siddhartha / Bryan, mais pas capable. Mes aptitudes sociales sont nulles.

 

Ma dépendance informatique n’est pas guérie, loin de là. Que c’est con un ordi. Pourquoi je tape ces textes ?

 

Le stress de mes doigts dans la tête, une toune d’Animals (de Pink Floyd) aussi dans la tête, j’essaie de comprendre comment je me sens et de le ressentir, d’en être vraiment conscient, pour en remarquer sa futilité et son éphémérité.

 

Et j’écoute ma chandelle brûler et les grillons rugir.

 

(J’ai perdu contre Nick aux échecs, soit dit en passant.)

 

J’ai éteint ma chandelle et elle s’est rallumée toute seule, instantanément. Une mouche conne vient de se jeter dans la flamme et agonise sur le dos.

 

Je perds mon temps alors que je pourrais involontairement ne rien faire.

 

 

 

 

Pappershali III

03.04.26

 

Mon pot de cacao en poudre a disparu, je ne pourrai pas refaire de boules au chocolat. C’est peut-être une bonne idée, j’avais parfois de la difficulté à dormir, possiblement due à une trop grande quantité de cacao en moi.

 

 

 

 

Le monde est crée par nos pensées, disait Radha, citant le Bouddha. Le monde est crée par nos pensées. (Notre langage structure nos pensées.) Nos pensées créent le monde, modifient le monde.

 

Complètement.

 

 

 

 

Le silence.... Le silence.... Silence....

 

 

 

 

"Qui suis-je ?". Papaji répétait de se demander continuellement : "Qui suis-je ?".

 

"Qui suis-je ?"

 

 

 

 

Recette de boules au chocolat

03.04.27

 

Faire fondre du beurre (un paquet de 100g fait bien l’affaire, dans un chaudron flottant sur un sceau d’eau chaude ou bien sur un petit feu), ajouter de la poudre de cacao, bien mélanger, ajouter des biscuits (sucrés, idéalement) finement écrasés, quelques petites poignées de sucre, un peu de lait (pas trop) et mélanger longtemps, jusqu’à consistance correcte. Goûter et ajouter de ce qu’il manque. Rouler en boules entre ses mains et enrober de poudre de noix de coco ensuite. Voilà.

 

 

 

 

De quel côté du mur ? (Notes de publication)

03.04.27

 

Des photos récentes (fait rare) sont sur le site, disponibles depuis peu, et j’en ajouterai quelques autres (dont quelques portraits des derniers jours) tout à l’heure, si le serveur le veut bien. (http://www.benoitmartin.com/photos) [Ndf : Fait. Photos disponibles.] The Wall joue présentement sous mes mains. Ça sent le pot à plein nez, il y a des plants qui poussent partout ici (ce n’est pas pour rien qu’on appelle cela du "weed").

 

 

 

 

Pappershali IV

03.04.27

 

Le pot pousse ici partout à l’état sauvage. (Ce n'était pas du Sativa, c'était du Ruderalis, je crois.) Il y a une bonne trentaine de plants juste à côté des toilettes, de la bonne vieille mauvaise herbe. Des joints (de charas, un espèce de hash brun un peu douteux) tournent autour de la table du resto presque toute la journée. Nathan, fraîchement débarqué de Goa, m’en apprend des bonnes sur les pharmacies en Inde (nommées "drug stores", évidemment).

 

J’ai décidé aujourd’hui d’aller cueillir du pot, pour tester si cette mauvaise herbe qui pousse négligemment comme cela produit un quelconque effet. C’est le printemps, ce sera donc de la feuille bien banale (pas de cocottes) dont personne ne veut. Tous m’ont dit que cela ne faisait pas d’effet. Peuf ! Ils ne savent pas de quoi je suis capable.

 

J’ai donc marché, les petits ciseaux de mon canif suisse dans une main et un sac de plastique IGA dans l’autre, pour récolter quelques têtes et quelques belles feuilles par-ci par-là. Je me suis contenté de prélèvements permettant aux plants de survivre, ne voyant pas de quel droit j’aurais pu me permettre de tuer sélectivement une quelconque plante en influençant inconsciemment un écosystème.

 

Un vieil indien rencontré près de sa maison m’a donné du vieux pot de fond de sac, tout bruni (du bhang, peut-être ?), en me débitant un tas de trucs en hindi. Je n’ai rien compris, mais j’ai remercié et je suis parti.

 

J’ai ramassé un bon petit paquet de feuilles fraîches, de la taille d’un petit melon. Ce sera suffisant pour mes besoins. Il s’est mis à pleuvoir cet après-midi, alors ça n’a pas eu le temps de sécher. Normalement, en quelques heures tout aurait été croustillant tellement l’air est sec et le Soleil vif.

 

Ce soir, juste après le souper, une tempête s’est déchaînée. Nous avons senti la dépression et l’air froid arriver. La pluie s’est abattue sur les montagnes avec des rafales de vent étonnantes. Et des dizaines et des dizaines et des centaines d’éclairs. C’était bien beau, debout sur le flanc de la montagne, les pantalons détrempés et parfois de l’eau aux chevilles. Du linge sec et un bon sac de couchage m’attendait, cela ne me dérangeait pas.

 

Depuis ma retraite, grâce au Soleil, je me lève entre 6h00 et 7h00 le matin. Ça me fait bizarre de regarder l’heure et de me savoir debout, en pleine forme, mais on s’habitue. Les journées me sont bien plus longues.

 

Il pleut encore dehors, cela veut dire que nous aurons de bonnes chances de voir les montagnes blanches au loin demain matin.

 

 

 

 

Pappershali V

03.04.28

 

Au matin tout humide, lendemain d’un déluge, le Soleil a peine dressé au-dessus des montagnes était superbe. Le ciel clair, bleu franc et nuages distincts, détaillés, la vallée verte et foncée, respirant la vie et le réveil. Quelques limbes de brume accrochées en bas, des oiseaux dans le silence autour, le jaune-orange vif dardant sa lumière partout.

 

À six heures j’étais bien réveille, de moi-même, dehors, pieds nus dans l’herbe mouillée avec un paréo autour de la taille, en buvant un café noir que Yaniv m’a offert. Aujourd’hui est une autre journée qui débute.

 

Une hirondelle est entrée dans ma chambre, alors que je me donnais du Reiki en pensant à Jaya. Elle a fait le tour de la pièce plusieurs fois en criant, puis est repartie.

 

En marchant hier, je suis tombé sur un bouquet de trèfle. J’ai décidé de chercher (de trouver) un trèfle à quatre feuilles. J’en ai immédiatement trouvé un. Je l’ai mis dans un petit livre de Krishnamurti que j’avais avec moi. J’ai regardé encore un peu et j’en ai trouvé un autre. Je n’étais pas trop étonné, c’est le genre de choses qui m’arrive assez souvent. Puis, j’ai trouve un trèfle à cinq feuilles. J’ai arrêté de chercher.

 

 

 

 

Que comptez-vous faire de votre seule étrange et précieuse vie ? - Mary Oliver

03.04.29

 

The Summer Day

 

 

Who made the world ?

Who made the swan, and the black bear ?

Who made the grasshopper ?

This grasshopper, I mean--

the one who has flung herself out of the grass,

the one who is eating sugar out of my hand,

who is moving her jaws back and forth instead of up and down--

who is gazing around with her enormous and complicated eyes.

Now she lifts her pale forearms and thoroughly washes her face.

Now she snaps her wings open, and floats away.

I don’t know exactly what a prayer is.

I do know how to pay attention, how to fall down

into the grass, how to kneel down in the grass,

how to be idle and blessed, how to stroll through the fields,

which is what I have been doing all day.

Tell me, what else should I have done?

Doesn’t everything die at last, and too soon?

Tell me, what is it you plan to do

with your one wild and precious life?

 

 

Mary Oliver

 

 

 

 

Problèmes

03.04.29

 

Bon, semble-t-il que le serveur Web s’amuse à faire des parties gratuites (traduction libre de "free games"), je n’ai pas envie de gosser là-dessus, j’arrangerai cela plus tard. En attendant, nouvelles photos (de Tim) mises en ligne, et il pleut ici (on va peut-être voir les montagnes demain matin...).

 

 

 

 

Problèmes (règles)

03.05.01

 

Bon, encore des problèmes informatiques. Les ordinateurs (et l’Internet) m’ont encore volé du temps alors que tout aurait dû (en principe) être terminé et complété quelques jours auparavant. Le site n’a pas été fonctionnel depuis quelques jours alors que la connexion Internet ici ne l’était pas non plus (elle a coupé alors que je travaillais sur le fichier de la page principale, rendant le site inutilisable, évidemment). C’est maintenant réglé (je crois...).

 

 

 

 

Note avant le Népal

03.05.01

 

Toujours à Pappershali (Almora), en Inde. Depuis 2 semaines je dis que je pars au Népal dans les prochains jours, et je dis encore cela aujourd’hui. Mais je compte prendre l’autobus de l’autre demain matin, direction (indirecte) Pokhara, prévu pour 3 jours plus tard (quelle joie, 3 jours de bus...). Et j’irai faire le trek du circuit de l’Annapurna, durée prévue de plus de 3 semaines (probablement 1 mois). Il se peut que je ne retouche pas à un ordinateur d’ici là. Donc je serai peut-être absent pour plus d’un mois. Mais je serai dans les montagnes, très haut....

 

Je vous envoie mon affection du bout du monde....

 

 

 

 

Nepal – Note

03.05.06

 

Nepal. Je pars en trek. Le circuit des Annapurnas. De retour dans environ 1 mois (peut-être plus, peut-être moins).

 

 

 

 

Pokhara (retour du trek)

03.06.08

 

De retour de mon trek. C’était formidable ! Un mois dans les montagnes, à peu près seul, loin de tout.... J’ai plus d’une centaine de pages de mon journal à taper, ce qui sera fait plus tard, pas tout de suite. En fait, je suis revenu depuis deux jours, mais je ne voulais pas toucher à un ordinateur tout de suite. Là je le fais parce que je suis à l’hôpital et que je n’ai rien pas grand chose d’autre à faire. Pas de panique, rien de vraiment trop grave, juste le genre de trucs qui peut arriver quand on voyage par ici : problèmes digestifs, diarrhée, fièvre, etc... Je ne devrais pas en mourir, le docteur n’a pas fait de gros yeux étonnés ni de sourcils froncés en m’examinant, j’en ai juste pour quelques jours et puis ce sera tout. On me traite très bien ici, c’est même pas mal mieux que la chambre de ma guest house d’hier. Ça ne vaut pas la peine de s’inquiéter pour moi (de toute façon vous avez assez d’autres raisons de vous inquiéter dans l’Ouest si cela vous tente), je ne souffre pas vraiment, et moi je trouve ça presque amusant. On vient me porter mes repas à ma chambre, on me donne des biscuits et du jus (que je n’achèterais même pas étant seul !), j’ai une télévision avec le câble, un paquet de livres et une belle vue sur le coucher de Soleil... Ça vaut presque la peine d’être malade !

 

Bien tiens, puisque maintenant j’ai une adresse fixe pour quelques jours, on peut me rejoindre par téléphone (bien oui, j’ai un téléphone dans ma chambre en plus !). Considérez toutefois les 10h45 (il me semble ?) de décalage horaire entre le Québec (GMT -5H00) et ici (GMT +5H45).

 

Et, comme toujours, si la tendance se maintient, je vais probablement arranger l’ordinateur ici. C’est en offrant mes services que j’y ai eu accès... :)

 

Bon, à plus tard....

 

 

 

 

Notes de publication (& fin de l’épisode hôpital)

Ben 03.06.12

 

Je sors de hôpital. Terminé. Et j’envoie quelques textes, à peu près la moitié de ce que j’avais à taper, provenant d’Almora jusqu’au tiers du trek. Voici donc...

 

 

 

 

Rapport de trip #1 (Pappershali VI)

Ben 03.04.27

 

Essai d’ingestion par voie pulmonaire de feuille de pot commun fraîchement cueillie et séchée au Soleil, le tout roulé en cylindre deux-papiers de Rizzla bleu king-size.

 

Quantité fumée : une bonne poignée.

 

Croquis dans la marque (aux dimensions réelles).

 

 

14h39 : Ignition.

Première inhalation : Arôme sec, légèrement fruité, pas trop irritant. Fumée de couleur fumée, sans trop de particularité.

 

14h40 : Première toux modérément violente. Ah, que de bons souvenirs !

 

14h46 : Humidification salivaire des abords de l’extrémité noirâtre / incandescente (coutume, à mon constat, peu répandue par ici).

 

14h48 : Les gris nuages récents déversent un peu de pluie. Il faut tenir le joint comme un cigare, près de la jointure ; il est trop gros pour être stable près de la partie discontinue des doigts.

 

14h50 : La représentation plus barbotique que d’habitude des barbos représentant mon écriture, les pensées parfois étranges de mon esprit (encore plus que d’habitude) ainsi que le nombre important de coquilles ("typos") de mon écriture me portent à arriver à la conclusion que la positivité du résultat de la présente expérience sera.

 

14h55 : Taille de l’appareil : Marque #1 dans la marge du cahier.

 

14h58 : Graduation (en lignes de cahier) : 7 lignes (sur 17) consumées.

 

15h00 : Il pleut à verse dehors, mais cela n’affecte pas l’expérience.

 

15h01 : Constatation que ma couleur d’écriture est passée du noir au bleu depuis 14h58. Mais où est passé mon crayon noir ?

 

15h02 : Changement de page du cahier (page #3).

 

15h02.b: Bonne quinte de toux agressante.

 

15h08 : Oups ! Le joint est éteint !

 

15h09 : Graduation : 9,5. Il en reste encore beaucoup ! L’expérience se fera peut-être en deux parties.

 

15h12 : Il y a un mur de fumée devant moi. C’est une locomotive cette affaire-là !

 

15h18 : Il a arrêté de pleuvoir. Le joint fume encore et est à la ligne 6½. Il semble interminable ! Il est tout jaune-bruni et on a de la misère à lire les traces.

 

15h24 : Je suis retourné dehors. Il a arrêté de pleuvoir.

 

15h29 : C’est comme un cigare, ce truc. Ce que je peux être névrosé, parfois !

 

15h37 : Il est au #2 et cela va bientôt faire une heure qu’il est allumé.

 

15h39 : Je suis tanné, je vais voir ailleurs.

 

 

 

 

20h52 : ...

 

 

 

 

Pappershali VII

03.04.29

 

J’ai l’impression (la certitude) que je ne connais rien du tout comparé à ce que je pourrais connaître et qu’il existe des sphères immenses de connaissance et de savoir qui se trouvent au-dessus de moi, sans que je n’y aie accès. Connaissance sur le monde, sur la réalité, sur ce qu’est cette réalité, sur la façon de contrôler et de modifier cette réalité.

 

Presque toutes les représentations du monde peuvent être vues comme étant inférieures selon d’autres perspectives. Alors, laquelle est la bonne, laquelle est la "vraie", l’ultime ?

 

Facilité d’adaptation, peut-être, mais très influençable et malléable par mon environnement je suis.

 

Je me sens parfois comme un enfant de la maternelle qui croit tout savoir, sous les regards d’adultes qui le manipulent et le dirigent à leur gré. Je sais n’avoir que 23 ans, être jeune et con, et ressentir les limites de ma vision me frustre.

 

(J’espère ne pas savoir actuellement. Car si je savais, s’il n’y avait rien au-dessus de moi de plus grand, le monde serait bien terne. Et je préférerais être un ignorant dans un monde de sages plutôt qu’un sage dans un monde d’ignorants. Cette première situation donne la possibilité d’apprendre, de s’améliorer, d’aller vers quelque chose de meilleur, alors que sinon, étant déjà au sommet, il n’y a plus de possibilité de progresser, on ne peut que redescendre. Tout cela à propos de la réalité actuelle, que je ne peux correctement définir ou comprendre, du fait de mon ignorance.)

 

Se trouve-t-il ici quelqu’un étant réellement capable de me dire le pourquoi, de m’expliquer la "réalité" dans laquelle je suis, de m’expliquer la conscience, le temps, l’espace, les arbres qui grandissent tous seuls, le rouge des roses, le bleu du ciel, ce que je ressens depuis toujours sans jamais comprendre ?

 

 

 

 

Les fourmis - Pappershali VIII

03.04.30

 

Je suis tombé (partiellement) sur le livre Les fourmis de Bernard Werber, livre (et auteur) bien intéressant(s), s’il en est. Ce livre débute à la page 93, le reste étant arraché. Peu importe. Aux alentours des pages 160-170, on y décrit l’envol des princesses fourmis allant fonder de nouvelles cités. Trois pages plus tard, j’entends Nathan dire : "...These are flying ants ...". Je sors dehors, livre à la main, et descend d’un palier de champ pour y voir le sol grouiller d’ailes qui sortent de terre et s’envolent pour remplir le ciel de grosses fourmis ailées. Il y en a plein, plein, plein, c’est hallucinant ! Des gros trucs avec quatre fragiles minces ailes d’un pouce de long qui apparaissent continuellement de la terre, aidés par de petits trucs vivants tous blancs. Le sol grouille d’ailes qui battent et les nuages sont picotés de centaines, que dis-je !, de milliers de points vibrants et oscillants. Pas un oiseau dans le ciel, malgré ce festin très rare. (Le Soleil se couche.)

 

Encore une fois, et probablement pas la dernière, la nature m’a bien étonné. On ne peut plus penser tout savoir, tout avoir vécu lorsque voit quelque chose comme cela.

 

J’en suis encore ébloui, les yeux grands ouverts...

 

En marchant aujourd’hui, je me suis arrêté net, une branche d’arbre couverte de petits poils mauves, en guise de feuilles ou épines, était juste à la hauteur de mon visage, comme pour me signifier sa présence.

 

(C’est un monde vraiment étrange, fantastique et fascinant que celui dans lequel je suis...)

 

 

 

 

Mur du "Stanzz Food Court", Almora

03.04.30

 

"Don’t hurry, don’t worry, you’re only here for a short visit. So be sure to stop and smell the flowers."

 

 

 

 

Pappershali IX

Ben 03.05.01

 

Pour ne pas oublier :

 

Jageshwar, les vieux temples, avec Odelia et Sid, l’ashram tout fleuri, étrange rencontré, les méthodes, techniques et gourous qui ne servent à rien... (Toutes ces fleurs, tellement de fleurs...)

 

La nuit passée dans la chapelle. Les nuages, debout sur la clôture. La baignade silencieuse après la Metta.

 

 

 

 

Pappershali X

03.05.02

 

Vais-je un jour rentrer au pays ?

 

En septembre prochain ?

Est-ce ce que j’ai à faire ?

 

L’université ? Pourquoi ? Pour quoi ?

 

L’université peut-elle m’apprendre ce que je cherche ? (Peut-elle m’apprendre la vie ?) Non, ce ne semble pas être par là.

 

J’ai peur d’essayer, peur de ne pas réussir. Peur de sauter, même si je sais que tout ira bien. Peur de perdre ce que je crois posséder, y compris des possibilités, des opportunités. Attachement. Je m’agrippe à du vide et j’ai peur de lâcher prise.

Lâcher prise et me laisser aller...

 

"Tout ce que nous craignons, c’est de perdre ce que nous possédons, qu’il s’agisse de notre vie ou de nos cultures. Mais cette crainte cesse lorsque nous comprenons que notre histoire et l’histoire du monde ont été écrites par la même Main. "

Paulo Coelho, L’Alchimiste

 

 

(Pressions sociales, conditionnement (formatage) profond. S’il ne s’agissait que de moi, si j’étais seul, inconnu, je sais ce que je ferais.)

 

"Et, pour y parvenir, il faut que je ne craigne pas d’échouer. Ma crainte d’échouer est ce qui m’a empêché jusqu’ici de tenter le Grand Oeuvre."

Paulo Coelho, L’Alchimiste

 

 

 

 

Pappershali XI

Ben 03.05.02

 

Dernière journée à Almora, dernière nuit en Inde.

 

J’écoutais Annat chanter en hébreu avec sa guitare, cet après-midi, en regardant le ciel et un gros nuage qui gonflait.

 

J’ai pris un Coke, moi qui boit très rarement de la liqueur, pour voir ce que cela goûtait, pour m’en rappeler. Cela m’a étonné mais je n’ai pas trouvé cela plaisant ou agréable à boire. Je ne l’ai pas terminé. Je préférais ne rien boire plutôt que de boire ce liquide. (Trop sucré, je crois.)

 

Je traverse demain au Népal. C’est ce qui est prévu. Mais tout peut arriver d’ici là.

 

 

 

 

Népal I (Mahendranagar)

Ben 03.05.03

 

Réveil à 5h15, heure presque normale pour un réveil, méditation habituelle, paquetage, déjeuner tranquille, quelques adieux et nous voilà, Tim et moi, sur la route à nouveau.

 

La première Jeep qui passe s’arrête et repart vers Almora, pour nous débarquer devant un taxi partagé pour Haldwani, qui lui nous débarque à quelques minutes à pied d’un autobus qui démarrait en direction de Banbassa, la frontière. Ensuite un rickshaw, un dernier chaï, une dernière photo en Inde, des douaniers sympathiques assez détendus et me voici au Népal, quittant cette insanité sacrée qu’est l’Inde.

 

 

L’Inde...

 

Il faut la vivre pour la comprendre, ou à défaut comprendre ce qu’on y vit lorsqu’on y est. Peu de gens y restent insensibles, peu de gens en ressortent inchangés. (Est-ce possible ?) J’y ai vécu, et l’Inde fait maintenant partie de moi. Je ne sais pas si je reviendrai. Mais ce n’est pas terminé...

 

Sept mois en Inde. Sept mois, c’est peu dans une vie. Une vie est très peu sur la Terre. Sept mois en Inde, c’est très peu.

 

Non, je n’ai pas terminé ici.

 

 

Le Népal, donc. Une vue, de notre hôtel, sur un stationnement d’autobus, un paquet de fils électriques et une petite tempête qui se prépare, avec vent, son et lumière, pour nous souhaiter la bienvenue. La mousson arrive plus tôt, on dirait. Il fait chaud, je suis en sueur et j’ai accueilli à bras ouverts une douche froide (un seul robinet). C’est le retour au pays des maringouins. Je viens enfin de me faire piquer. [Ndf : Je crois que je voulais écrire "encore" et non pas "enfin"...] J’ai abandonné les médicaments contre la malaria depuis quelques mois. Je n’aurais jamais du commencer à en prendre. (Trop coûteux, ne protégeant même pas entièrement, ne faisant qu’atténuer les symptômes - c'est-à-dire ne tuant pas tout le plasmodium et, en cas de paludisme, un médecin et d’autres traitements sont nécessaires - et contribuant à créer de la résistance aux antibiotiques.) Je ne m’y ferai plus reprendre. Neuf voyageurs sur dix à qui j’en ai parlé ne prennent pas de médication préventive non plus.

 

 

 

 

Mahendranagar II

03.05.04

 

C’étaient les maringouins qui me piquaient trop, de partout, sans que je ne les vois vraiment, qui m’avaient forcé à arrêter d’écrire hier soir. Cela me stressait trop, c’était inconfortable. (J’ai l’habitude de réagir fortement aux piqûres / morsures d’insectes. J’avais, par exemple, depuis quelques jours sur le bras une enflure de l’étendue d’un 2$ CAN, résultat d’une rencontre avec une créature inconnue, que je n’ai même pas vue, alors que je m’étirais le bras étant couché dans l’herbe. C’était au départ un petit point rouge tout simple, pas douloureux du tout mais irradiant de réaction quasi-allergique qui a enflé avec la journée qui s’écoulait.)

 

Je me suis couché, peu de temps après avoir soupé de mon premier repas népalais contenant des trucs exotiques non-identifiés pour lesquels mon estomac m’a envoyé un signal de suspicion. Je l’ai écouté et y suis allé mollo sur les choses bizarres en continuant mon repas.

 

Il faisait très chaud dans la chambre avec très peu d’aération et deux fours humanoïdes (moi et Tim). Mais le ventilateur au plafond tournait et j’avais mon moustiquaire pour me rassurer et m’épargner de bouger à la moindre petite perle de sueur pouvant se faire passer pour un moustique.

 

J’étais donc en sécurité, je pouvais dormir tranquille.

 

Mais je ne m’endormais pas. Je n’étais pas bien, il y avait quelque chose qui n’allait pas. Mon corps était inconfortable, il se sentait agressé et mes piqûres de maringouins ne voulaient pas se calmer. Quelques-unes de ces bosses enflaient notablement. D’abord mes pieds, mes mollets et mon ventre, puis d’autres irritations sur mes bras, mes mains, mes épaules, mon dos et encore mes pieds... Des boutons me poussaient et enflaient partout, mes doigts devenait un peu moins flexibles, comme si ma peau était plus tendue. Une sensation très semblable à ce que j’avais vécu lorsque je m’étais fait piquer par une guêpe - et avais découvert que j’y étais allergique, il y a plusieurs années de cela - mais d’évolution beaucoup plus progressive, plus lente. Bon, une réaction allergique. Probablement le truc vert au souper. Mais peut-être de la poussière dans le matelas (des acariens ?), ou un produit chimique quelconque dans les draps ? En tout cas, il y avait un irritant que mon corps n’aimait pas du tout.

 

Je suis monté sur le toit, prendre de l’air frais et essayer de me détendre un peu, pour voir comment cela évoluerait. Le vent et la fraîcheur nocturne m’ont fait du bien, mais ça me piquait (me grattait) frénétiquement encore de partout. Je suis redescendu à la chambre plus tard, ai pris de la loratadine (anti-histaminique sans somnolence) et des diphenydramines (anti-histaminiques, somnifères et autres) pour stopper la réaction allergique. Je n’adore pas les médicaments mais je sais que, parfois, il me faut une aide extérieure. J’ai placé mon Épipen (seringue d’adrénaline d’urgence en cas de difficulté respiratoire, la prochaine étape d’une réaction allergique sévère (choc anaphylactique)) à côté du lit, juste au cas où.

 

Et je me suis recouché, endurant les démangeaisons sans bouger, sachant qu’elles devraient se résorber bientôt. J’étais parvenu, au cours des derniers mois, à ne pas réagir à une piqûre de maringouin, mais cette fois-ci c’était pour moi une épreuve de force que de ne pas crisper mes muscles et de les détendre en laissant le temps passer.

 

Après une dizaine de minutes, c’en était trop ! Il fallait que je me défoule en me grattant, ça ne pouvait pas continuer comme cela. Je sors ma lampe de poche, m’approche de mon pied qui me démangeait le plus et me grattant convulsivement partout en même temps et....

 

"AAAAArrhh...... BED BUGS !"

 

J’essaie généralement d’épargner les insectes, mais celui-la je ne l’ai pas raté... D’un pouce j’ai pris ma revenge et de mes dernières paroles j’étais soulagé, ayant trouvé la cause de mes problèmes et, donc, cheminant vers une solution.

 

Il était rendu minuit.

 

Moi, je m’en vais d’ici ! J’ai réveillé tout l’hôtel pour faire ouvrir la porte d’en bas. Ils dormaient comme des souches, il me fallait presque défoncer chaque porte à coups de poings et de pieds pour réveiller celui qui dormait derrière et tous me disaient d’aller réveiller le gars d’à côté. En secouant mon ligne et mon moustiquaire, j’ai pu les voir. C’étaient des tiques et un autre truc plus petit, une quinzaine s’accrochant encore après mon moustiquaire. "Pas facile de dormir avec ces insectes", m’a dit en se grattant un gars de l’hôtel à moitié réveillé.

 

Donc dehors nous voilà, Tim et moi, en pleine nuit complètement vide. Nous prenons la première chambre qui s’offre, trop chère pour son état mais exempte d’insectes de lit (sauf deux spécimens, peut-être importés avec nous) et je me couche tout habillé, n’ayant plus de couverture ou de draps auxquels je puisse faire confiance.

 

J’ai maintenant des dizaines de points rouges (désenflés, heureusement) partout, du ventre aux extrémités – je pourrais presque les nommer en constellations – qui se réveillent au fur et à mesure que les effets des médicaments s’estompent. Au moins il n’y en a plus d’autres qui s’y ajoutent.

 

J’ai hâte d’être de retour dans les montagnes, là où il fait trop froid pour toutes ces indésirabilités.

 

 

 

 

Pokhara I

Ben 03.05.05

 

Courbu, fourbu, fatigué, tout collant de sueur à demi séchée et de la nuit d’autobus, me voilà à Pokhara. Pour une grosse ville, je suis favorablement impressionné. C’est un gros village. L’ambiance est tranquille, il n’y a pas beaucoup de monde ni de circulation. Mais le serveur du resto se plie en quatre beaucoup trop à mon goût, entre autres en m’apportant une cuiller pour mon thé, délicatement posée sur deux napkines roses dans une petite assiette.

 

J’ai rencontré dans l’autobus un moine qui m’a invité à son monastère à Muktinath, une ville [Ndf : un village] à neuf jours de marche d’ici (ou une heure d’avion ainsi qu’une journée de marche), où je passerai en faisant le tour des Annapurnas.

 

 

 

 

Le gros village ressemble trop à mon goût à la rue Ste-Catherine à Montréal, ou une rue marchande et touristique à New York. Ce n’est pas Delhi, c’est déjà ça, mais je ne me croirais pas au Népal. En plein le genre de trappe à touristes que je n’aime pas. Ça pue l’Ouest et les riches touristes qui ne comprennent rien à rien. La moitié des restos sont aussi des bars et l’alcool se vend dans tous les petits commerces. On dirait que la population à doublé une fois la nuit tombée. Il y a dix Israéliens pour un autre étranger.

 

Je ne demeurerai pas longtemps ici. Le Pokhara touristique n’est pas pour moi. (Et c’est d’autant plus laid que j’arrive d’Almora, petit coin tranquille, et que je n’avais pas vu un seul autre Occidental (à part Tim) dans les derniers jours.)

 

 

 

 

J’ai dormi toute l’après-midi (en bon québécois) et, après un rapide souper – trop cher –, je retourne dormir. Au moins ma guest house est tranquille, loin de la rue principale, et le prix de la chambre est raisonnable.

 

(Il y a des magasins de type HMV, tous modernes, avec des milliers de CD en inventaire, jouant les derniers hit de l’heure avec de la lumière qui bouge partout. Un resto punjabi essaie de vendre son palak paneer à 80 NRS (roupies népalaises, soit 50 roupies indiennes, puisque 160 NRS = 100 IRS). Pas un crétin ne paierait 50 RS pour un palak paneer en Inde !)

 

 

 

 

Je cherche l’interrupteur à tâtons, trouve la petite boite avec les fils électriques et la rangée de boutons et sens un morceau de caoutchouc qui me tombe sur la main en faisant "sploc !". J’ouvre la lumière et fait le saut : C’était un lézard jaune-vert pâle, bien vivant...

 

Il y a une autoroute de fourmis entre une fenêtre et le cadre de porte. Deux petites fourmis transportent une mouche, à la verticale sur le mur. Sur le chemin, en autobus depuis l’Inde, j’ai vu des centaines de fourmilières, dont certaines étaient plus hautes que moi.

 

 

 

 

Pokhara II

03.05.06

 

Je viens d’acheter Le Petit Prince, de Saint-Exupery. (Autre crayon SPUN terminé.) Il est en vente partout ici, même en anglais et en allemand. Ce sera le seul livre que j’apporterai avec moi en trek, avec peut-être Siddhartha, de Hermann Hesse, que je projette d’acheter, ou un petit livre de Krishnamurti (Meditations) [Ndf : que je n’ai finalement pas apporté].

 

Le quartier touristique, avec sa rue bien pavée et ses trottoirs au niveau, se termine assez vite en devenant graduellement une rue plus normale, avec bâtiments décrépis et restaurants qui n’ont pas été construits hier. Cela fait plus réel

 

 

 

 

Ce cahier, mon cinquième, utilisé depuis la fin du mois dernier, est en fait un "Chemistry Practical Notebook", avec références très utiles, telle que "Green Vitriol = Ferrous sulphate = FeSO4-7(H20)", ou "Volume of a prism = area of base x height", "g = 9,81cm/sec at sea level at Greenwich" (ce qui est faux, soit dit en passant, "sec" doit être au carré) ou encore "Cane sugar M.P. = 168°C". Il y a un "Table of Atomic Weight", classe par ordre alphabétique, mais pas de tableau périodique. C’est un grave manque, à mon avis. J’ai aussi droit à des "General Directions" me disant comment utiliser ce cahier et faire mes rapports de lab, ce qui m’avait inspiré pour débuter ce cahier avec le "Rapport de trip #1". (Hoffman faisait, de même que probablement plusieurs expérimentateurs sérieux, une sorte de rapport d’expérience également. Très utile pour archiver et conserver des données lors d’une recherche sérieuse.) Surtout ne pas oublier de tout ranger avant de quitter le laboratoire, comme c’est écrit.

 

 

 

 

Pokhara III

03.05.07

 

Je pars demain en trek. Pour quelques semaines, espérons-le. Me suis acheté du café (ça me fait bizarre, moi, acheter du café ?), en me disant que ce serait bien apprécié par les froids matins à plusieurs milliers de mètres d’altitude (et en sachant qu’on serait capable d’essayer de me charger 20 ou 30 RS pour un thé, grâce aux lois du marché impliquant la rareté [Ndf : Le prix était en fait à plus de 50 ou 60 RS la tasse, et j’ai à peine bu 2 ou 3 tasses de mon café, pour ensuite donner tout le reste]). Juste du simple café moulu ("Népal Organic Coffee", mais le "organic" est probablement aussi authentique que peuvent être tous les trucs ayurvédiques pour touristes en Inde), à jeter au fond de ma tasse modèle "350 mL capacity", pas de filtre, pas de sucre, pas de lait, juste le goût amer du café. Quand on a peu et, surtout, qu’on s’attend à ne rien avoir, tout est délicieux.

 

 

 

 

Le Népal ce n’est pas l’Inde. Les gens qui viennent ici ne viennent pas pour les même raisons que ceux qui vont en Inde. On m’a demandé combien de pays j’avais visité auparavant, ou depuis combien de temps je voyageais. Le genre de trucs vides et un peu inutiles que je demandais lorsque c’était à peu près la seule chose que je savais dire correctement en anglais – pour essayer de débuter une conversation. Beaucoup de voyageurs collectionnent les pays comme certains ornithophiles cochent les oiseaux qu’ils ont vu.

 

Malgré l’excès d’artificialité touristique (et encore chanceux je suis car il y a beaucoup moins de touristes ces temps-ci que les années auparavant (Maoïstes, supposé terrorisme, guerre, hystéries collectives, etc.), ce qui joué en mon égoïste faveur côté prix et tranquillité), les Népalais me semblent beaucoup plus accueillants et sympathiques que les Indiens. À ce propos, plusieurs choses à considérer : je n’ai vu que l’Inde du nord (on dit le sud très différent) et je m’habitue, avec les mois, à la mentalité et aux façons d’être des peuples de ce coin-ci du monde. Mais reste que les Népalais me semblent bien sympathiques, simples et dotés d’un grand coeur, ce qu’ils sont réputés pour être [anglicisme].

 

Je pars demain matin en trek, donc, malgré une nouvelle diarrhée depuis deux jours (je venais à peine de me sortir d’une période très liquide s’étalant (en effet) sur presque deux semaines (liée à la bouffe de chez Khim’s, à Almora, je crois)) et quelques maux de dos que je n’aime pas trop. Le genre de trucs pouvant devenir des inconvénients majeurs à quelques jours de marche dans les montagnes.

 

Je pars seul, de surcroît, malgré toutes les lâches recommandations apeurées des guides et autorités sécuritatives quelconques. Je pars pour quelques centaines de kilomètres et plus de trois semaines. Ça promet ! J’ai vraiment hâte d’être à nouveau dans les montagnes, seul avec moi-même.

 

 

Le temps va s’arrêter, pour un instant. (Ce qui veut donc dire pour toujours...)

 

Bulle d’espace et de lucidité encombrante. Ploc !

 

 

 

 

On est a la merci de ce dont on ne se souvient pas, de ce dont on n’a pas, en ce moment précis, conscience. Tout va bien, le monde (la réalité) est tel qu’il est et, soudainement, clic ! on vient de se rappeler de quelque chose qui change tout. "Ah, c’est vrai, la voiture est brisée", par exemple. Ou : "Ah, j’ai 40 ans", ou : "Tel truc n’est pas réglé", ou : "Tel problème existe encore", ou : "Ma copine est morte hier matin", ou encore : "J’ai assassiné 60 personnes, je suis barricadé dans une maison entourée par l’armée et je viens de me réveiller après une courte sieste pendant laquelle j’avais tout oublié". Ça va mal.

 

[Ndf : Une amie m’a raconté qu’elle connaissait un homme, dans le début de la quarantaine, qui, il y a quelques années, s’est réveillé d’un long coma pour découvrir sa vie détruite. Il était comptable, gagnait plus de 100 000 $ annuellement, avait acheté l’entreprise pour laquelle il travaillait, était marié, avait un enfant et, lors d’un match de soccer amical, avait reçu un violent coup de coude à la tête par accident. Un fragment d’os du crâne s’était enfoncé dans le cerveau et il était tombé dans le coma. Comme cela, sans prévenir. Lorsqu’il est revenu à lui, 6 mois plus tard, sa femme avait dilapidé ses avoirs, vendu leur maison, divorcé, était partie vivre en Ontario avec son fils et s’était remariée. Plus rien. Clac !, comme cela. L’espace d’un instant, d’une fraction de seconde pour cet homme, il voit (ou peut-être même pas) un coude qui s’approche et il se réveille, l’instant d’après (pour lui), avec sa presque parfaite vie en ruines.]

 

 

Le monde entier (la réalité) peut basculer à n’importe quel instant. Tout peut arriver. Aucune sécurité. La seule solution : La confiance. Savoir que tout va bien aller.

 

Peu importe, savoir que tout va bien aller.

 

 

 

 

Et comme le disait si bien, de sa mélodieuse voix, le réputé maître Carlyle : "Yeah.... [...] Noooo juuustiice no peace, nooo juustiice no peace, nooo...."

 

 

 

 

Annapurna I

03.05.08

 

Pokhara -> Besishahar -> Bhulbhule

 

Quatre heures d’autobus et quelques heures de marche pour la première journée. Fatigué, je dormirais tout de suite. Mais j’attends après mon souper. Il n’est même pas 17h00.

 

Le coin est joli. De 800 m, je monterai jusqu’à 5400 m, pour redescendre à 1000 m. Dans les prochaines semaines.

 

 

 

 

Dormir à côté du son des rapides plus bas, les fenêtres grandes ouvertes.

 

D’une fleur, je peux en faire des miracles.

 

Le Petit Prince, les pages tournées à la lanterne, assis par terre devant ma chambre. À relire, le chapitre XIII, la quatrième planète, celle du businessman qui "possède" les étoiles.

 

 

 

 

Tiens, je me suis aperçu (on aperçoit d’un seul oeil, donc un seul "p") ne plus être en mode survie. Je suis en mode normal, même à quelques heures de marche des moyens de communication plus usuels. En fait, c’est une sorte de long trek que j’ai débuté il y a bientôt huit mois. C’en est devenu une vie normale. Je ne crains plus le monde extérieur, je ne m’effarouche plus de l’absence de mon illusion de sécurité occidentale (tanière fixe, routine, planification, certitudes, absence d’inconnus majeurs, etc...). Non, je ne suis plus en mode survie.

 

Ma petite bulle s’est agrandie, ouverte, et je ne ressens plus le besoin de combattre pour ma survie. Je suis chez moi à l’endroit où je suis, je suis chez moi dans le monde extérieur.

 

 

 

 

Annapurna II, jour 2

03.05.09

 

Bhulbhule -> Srichaur (Syange)

840 m -> 1300 m -> 1100 m

 

Le coin est très beau (évidemment), superbe. Quoi dire de plus ? Des photos ne seraient qu’un pale reflet de la beauté qu’on peut voir ici.

 

J’ai rencontré de grosses – immenses, larges comme mon pouce ! (bon, je n’ai pas les super-pouces de Maxime, mais quand même...) – chenilles vertes, jaunes et bleu pâle vif. De vraies apparitions d’un cahier à colorier, mais tellement belles, tellement raffinées.

 

Des fourmis ont envahi et assiégé mon sac de céréales type granola avec lequel je comptais bien déjeuner pour quelques repas. Je me suis résolu à m’en départir. Cela ne me dérange pas trop de manger quelques fourmis involontairement (c’est plein de protéines de toute façon) mais là c’était un peu trop prémédité à mon goût et je ne voulais pas transporter dans mon sac une centaine de petits passagers indisciplinés.

 

Après une brève pluie ainsi que beaucoup de vent cet après-midi, nous (moi et 5 Israéliens assez à la hauteur de leur réputation (quoiqu’ils n’ont pas fumé de pot, mais ils en parlaient, tout au moins)) avons pu voir quelques montagnes blanches. Un Népalais m’a montré une photo de lui dans un magazine Les Débrouillards (le descendant du Je Me Petit Débrouille) de 1997. J’ai lu la revue au complet.

 

J’ai vu beaucoup de champs de blé d’Inde depuis que je suis au Népal Je ne me souviens pas en avoir vu en Inde.

 

 

 

 

Annapurna III, jour 3

03.05.10

 

Srichaur -> Tal

1100 m -> 1700 m

 

Je n’avais pas d’énergie ce matin. Je la sentais me sortir par les boyaux sous forme trop liquide. Je me suis résolu à prendre des médicaments pour cela. Sels de réhydratation et metronidazole (200 mg, Monozole-200), que je ne connais pas mais que le gars de ma guest house m’a donné quand je lui ai demandé s’il avait quelque chose pour la diarrhée Il n’a pas voulu me charger pour cela. Un guide, lui, m’a dit de fumer de la marijuana. Pas du charas, du bon vieux pot. C’est supposé aider, ils font cela, eux, quand ils ont la diarrhée.

 

Les guests houses sont en bois, assez rudimentaires. C’est beaucoup plus sympathique que le béton. (Surtout le béton qui vieillit très vite ici, se couvre de moisissure et empoussière partout.)

 

De quel côté (dans le sens de "dans quelle direction") est-il préférable de placer sa tête pour dormir ? Je sais qu’il existe un savoir à ce sujet (influence du champ magnétique terrestre, je suppose, peut-être aussi influence de la lune ?), mais ce savoir je ne le possède pas. On m’en avait déjà parle mais j’ai oublié. À plusieurs reprises, quand j’avais de la difficulté à dormir (comme hier soir), je n’ai fait qu’inverser ma tête et mes pieds pour régler le problème. Je faisais aussi cela à mon ancien appartement, en changeant d’orientation une fois de temps en temps.

 

Le début de ma journée m’a été particulièrement difficile. Mon sac est lourd (qui l’aurait cru ?), cela me gobe beaucoup énergie de le hisser à une altitude supérieure. Je reconsidérais fréquemment l’utilité de mon existence en tant qu’être humain sur la Terre et tout particulièrement en tant qu’être humain sur ce sentier précis, au fil de mes pas les uns plus hauts que les autres. Et il me reste encore 4000 m à monter, j’en ai à peine fait 700....

 

 

 

 

Annapurna IV, jour 4

03.05.11

 

Tal -> Danaque / Danakyu

1700 m -> 2300 m ou 2180 m, selon les sources.

 

J’ai terminé de lire Le Petit Prince tout à l’heure. Je vais le relire encore. Je ne me souvenais plus de bien des choses, presque rien de la seconde moitié. Dans un camp d’hiver, chez les Louveteaux (scouts), Akela et Baloo(?) avaient commencé à nous lire le livre, un soir alors que nous étions couchés. Je m’en souviens encore. Après plus d’une heure, il me semble, il était rendu tard et on nous avait promis la suite un autre soir. J’attends encore. C’était très agréable à écouter.

 

Je n’ai pas trop compris, maintenant. Je dois être rendu trop vieux, j’ai besoin d’explications.

 

Le Petit Prince....

 

(J’aimerais citer quelques phrases du livre, mais je crois qu’il faut le lire au complet. C’est un tout petit livre, de toute façon.)

 

 

 

 

Quand on trouve un bouton, est-ce que ça porte chance ?

 

 

"J’y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé"

 

 

 

 

Annapurna V, jour 5

03.05.12

 

Danaque / Danakyu -> Kal eku / Takeku

2180 m ou 2300 m -> 2720 m

 

Les effets de l’altitude commencent à se faire sentir : Il y a de plus en plus de montagnes blanches, les massifs rocheux semblent d’imprenables forteresses, je ne peux plus tordre mon chandail ni mes sous-vêtements en arrivant (je n’ai plus non plus sur mon chandail de dessins psychadéliques formés par la diffusion et le séchage du sel) et les prix de la nourriture tendent eux aussi vers les sommets. C’est de plus en plus tranquille, de plus en plus tibétain.

 

Beaucoup de gens locaux en arrachent à cause de la réduction drastique du nombre de touristes (cf. Maoïstes, WTC, Afghanistan, Pakistan-Inde, SARS et cie). En louant une chambre, je loue souvent l’hôtel entier. Il pouvait passer de 200 à 400 personnes par jour il y a quelques années (nombre auparavant en croissance annuelle constante), mais maintenant c’est beau s’il y en a 30. (Moi, personnellement, ça m’arrange bien.) Le problème, c’est que beaucoup de familles locales en souffrent. De belles guests houses ou hôtels tous neufs (et j’ai encore vu un paquet de bâtiments en construction), mais personne dedans. J’ai parfois dû faire plusieurs établissements pour me faire servir à manger, même les propriétaires n’étaient pas là. Plusieurs disent que c’est dramatique mais je ne suis pas exactement de cet avis. Je n’ai pas l’impression que la dépendance au tourisme, aux paquets de roupies venant de l’Ouest, est une bonne chose en premier lieu. C’est cette dépendance et cette prospérité artificielle, éphémère et instable que je trouve dramatique. La situation actuelle en est un bon exemple. Il y a 20 ans, il y avait encore moins de touristes, et cela ne dérangeait personne. Maintenant, tous les villages ont 2, 3, 5, 10 ou 20 guests houses et restaurants, servant soupe à l’ail ou aux tomates, pizza, macaroni au fromage, omelettes avec toasts, gruau, muesli, "Mars rolls", "Snickers rolls", bières et, si l’on veut vraiment, dal bhaat (le plat typique népalais, soit riz, dal (lentilles) et légumes (généralement des patates), mets se situant entre le rice & dal et le thali indiens). J’ai l’impression que c’est un peu la prostitution de la culture népalaise. Non, on appelle cela les lois du marché ! Les Occidentaux veulent de la pizza, des chambres toutes neuves et sont prêts à payer pour [anglicisme] ? Pas de problème, on va leur en donner, et ramasser leurs liasses de billets en échange...

 

Bin c’est ça....

 

Il est même écrit partout de ne pas négocier les prix (pratique pourtant presque essentielle dans ces pays), qu’il sont fixés et standardisés. Cette fixation de prix démesurément hauts (n’allez pas me dire que le prof d’école d’en haut va vraiment payer 200 RS pur son dal bhaat !) a pour effet de supprimer la concurrence et de diminuer les revenus totaux en cas de baisse de la demande, ce qui est le cas présentement, puisque les prix ne s’ajustent pas et restent anormalement élevés (j’aurais mangé de la tarte aux pommes à tous les soirs si elle avait été abordable, à un prix raisonnable, mais puisqu’elle était parfois 150 RS la pointe (un prix comparable à ceux du Canada !), je n’en mangeais pas et n’ai vu personne en manger...).

 

Dépendance aux gros billets gagnés facilement (un seul touriste peut facilement laisser à un hôtel entre 500 et 1000 RS en une nuit avec repas, dans un milieu où le salaire d’un simple ouvrier travaillant toute la journée doit être de 50 à 100 RS par jour). Mauvaise influence occidentale. (Mondialisa-quoi, déjà ?)

 

Il est intéressant, aussi de savoir que mon billet d’avion (que je n’ai pas payé, d’ailleurs, l’ayant gagné dans un concours sur Internet) à coûté plus de 110 000 NRS (ou 70 000 IRS). Ça me fait parfois un peu mal au coeur de voir les ravages que, indirectement, je contribue à causer. En m’assoyant à la table d’un restaurant, me faisant servir par une mère de vingt-quelques années (ou par un grand-père de 34 ans) avec ses petits morveux (mot utilisé sans connotation péjorative) grouillant partout à côté, moi, en shorts, enlevant mes lunettes de soleil à 140 $ CAN (12 000 NRS), m’amusant à me promener dans les montagnes à l’autre bout du monde uniquement pour le plaisir, je sens l’immensité artificielle qui nous sépare. Je m’excuse presque d’être riche. (Et je n’essaie même pas de leur faire accroire que je n’ai presque plus d’argent et que je ne sais pas encore comment je vais faire ensuite. Je ne leur ai pas dit non plus, en voyant toutes les vieilles Toyota Corolla des années 70 circulant à Pokhara avec, parfois, un modèle récent des années 80, que j’en ai possédé (avec financement, toutefois) une 2000 et puis une 2002.)

 

Le Népal est, en effet, un pays pauvre ("en voie de développement", pour être politiquement correct et pour prévoir tout ce que nous pourrons vendre ou faire produire aux Népalais lorsqu’ils se seront bien convertis et seront devenus de petites machines vivantes produisant du capital).

 

Mais c’est très beau par ici. Je ne regrette pas d’être venu (malgré mon amertume pour (ou contre) le monde duquel je viens).

 

Ah, un détail : Les Népalais me semblent souvent très ouverts, très conscients, très éveillés. C’est, je crois, ce qui fait que, souvent, on se sente petits face à eux.

 

 

 

 

Annapurna VI, jour 6

03.05.13

 

Kal eku / Takeku -> Pisang

2720 m -> 3200 m

 

Il commence à faire notablement plus froid quand le Soleil n’est pas là. Et les dizaines de drapeaux de prière restent rarement inagités.

 

Je me disais en marchant, pour me remonter le moral, que, finalement, l’effort (ou W, le travail) que je fais à chaque jour est comparable à celui que je ferais à monter jusqu’au sommet de l’antenne radio de la tour du CN, à pied avec mon gros sac. Ça me réconforte d’être fatigué.

 

Il y a eu des coups de feu, ce matin, alors que j’étais à Kal eku / Takeku, en train de déjeuner, assis sur un escalier en bois en regardant une poule manger et protéger ses trois petits poussins contre une grande vache noire et son petit veau brun tout pâle. Au village d’avant, Chame, à une demi-heure de marche, il y avait un "Security Check Post" avec des militaires derrière un abri de pierre et de sacs de sable, ayant leurs fusils bien en évidence. Ça a duré quelques minutes, puis cela s’est arrêté. Et ça a recommencé, de temps en temps, pour plus d’une heure. Comme les bruits s’étaient rapprochés, je me suis dit qu’il était temps pour moi de partir.

 

Ils ont du thé au beurre tibétain à l’endroit où je suis. Je suis content, j’adore.

 

 

 

 

Il pleut, maintenant, tout est gris mais pas trop triste. Je produis de la buée, il fait un peu plus froid, mais pas autant qu’au Sikkim, par un temps semblable, en février dernier. Les nuages et les grands lambeaux de brume bougent vite. Par un endroit plus mince, un "trou" dans la couche de nuages blanc-gris, la blancheur de la lumière éclaire une montagne pas trop loin, toute couverte d’un glaçage crème.

 

J’ai un peu mal à la tête. Il se peut que ce soit l’altitude. Je me souviens de mon premier soir à Tapovan, en octobre dernier, et c’était semblable.

 

Je ne me souviens pas d’avoir utilisé de "or" dans les derniers mois. Mais où est donc Carnior ? C’est le seul qui me fasse défaut en terme de fréquence. Peut-être "car", aussi ? Et les points-virgules. Je ne sais pas trop comment les utiliser et ne comprends pas toujours l’utilisation qui en est faite.

 

 

 

 

Annapurna VII, jour 7

03.05.14

 

Pisang -? Manang

3200 m -> 3540 m

 

Tiens, cela fait une semaine que je marche. je suis maintenant entouré de sommets enneigés et c’est grandiose. Des paysages qu’on ne voit que dans les films ou dans les livres de belles images. C’est beau, c’est plaisant à regarder.

 

J’ai traversé des troupeaux de yaks cet après-midi. Il y a beaucoup d’antiques stupas presque en ruines, des chortens et des moulins à prières sur le chemin, des maisons en pierre toutes rectangulaires qu’on dirait modulaires et qui s’emboîtent n’importe comment. Je me serais cru à plusieurs reprises perdu au 13e siècle, dans des terres arides et éloignées du fin fond de l’Asie, peut-être dans les vastes steppes de la Mongolie.

 

Je suis présentement à Manang, dans une maison népalaise qui m’offre des repas à la moitié du prix des restos à touristes. Nous sommes neuf dans la petite pièce principale, la cuisine, assis autour du poêle bas qui nourrit et réchauffe. Je regarde Akumar faire mes veg egg fried noodles et les lancer avec la poêle (à frire) dans les airs, pour les mélanger. Je l’ai aussi vu prendre cette poêle sur une tablette, la regarder, la trouver douteuse et la rincer rapidement à l’eau.

 

 

 

 

Je resterai aux alentours demain. Il est dit partout qu’il est bien de s’acclimater une journée (au moins) à 3000 m. Je sens en effet qu’il y a quelque chose de différent, que tout n’est pas normal, que mon état de conscience est légèrement altéré. Je n’associe pas cela automatiquement à l’altitude, c’est trop subtil à mes sens pour que je ne mette le doigt précisément dessus et je ne reconnais pas encore très bien les effets de l’altitude. Mais je suppose fortement que c’est cela, sachant que l’appauvrissement en oxygène de l’air influence bien évidemment le corps humain et donc l’esprit qui y est relie. Il y a définitivement un petit quelque chose de différent. Ce n’est pas pour rien que les yogis choisissent de se retirer dans les montagnes pour méditer. Et peut-être aussi le fait de marcher depuis une semaine, seul, en silence.

 

Le Soleil ressemble plus à ce qu’il est : un fatasmagoriquement puissant dégagement d’énergie Il n’est plus rond, ce n’est qu’une gigantesque source de rayonnement imitée par les explosions nucléaires des films hollywoodiens. (Cela rappelle assez directement que des niveaux d’énergie supérieurs aux nôtres existent, si le besoin était.)

 

 

 

 

J’ai l’impression que les secondes s’écoulent plus vite que lorsque j’étais assez jeune. Je me souviens qu’une seconde était beaucoup, que j’avais le temps de la voir passer en surveillant ma montre numérique. Maintenant, en regardant les ":" de mon cadran clignoter, elles me semblent aller beaucoup plus vite.

 

Pourquoi l’écoulement du temps est-il relatif ? (Qu’est-ce que cela signifie ?)

 

 

 

 

Annapurna IV, jour 8

03.05.15

 

Ai complété Siddhartha. N’ai rien fait d’autre de la journée, à part rien faire, rester assis, rester couché, monter un peu plus près du glacier et encore rester assis.

 

Siddhartha est un livre qui vaut la peine d’être lu. Pour moi.

 

Je me demande encore ce que je suis venu faire ici. C’est fait, je suis dans les montagnes, et ensuite ? Là je ne sais plus quoi faire. Ni ce que je ferais ailleurs, à Katmandou ou dans l’Ouest.

 

Tout ce que je fais est pour satisfaire des besoins sensuels. Plaisir des sens. Mais cela ne satisfait jamais longtemps et je me retrouve toujours au même point, insatisfait. C’est plaisant de manger, mais j’ai encore faim ensuite. Je pourrais manger jusqu’à exploser, jusqu’à en être malade, et j’aurais encore faim, je voudrais encore goûter, mâcher, avaler. Ou plutôt ressentir le plaisir qui s’y rattache.

 

Plaisir des sens. Je sais que la voie n’est pas par là, mais j’ai encore faim.

 

Et tout ce que je fais (tout ce que l’on fait), c’est de passer le temps. Le laisser s’écouler, disparaître, de la meilleure et plus plaisante façon possible, pour essayer de s’oublier pendant ce temps, pour essayer de ne plus être conscient. (Musique, jeux, lectures, hobbies (passe-temps), rêveries, activités sociales, etc...) Oublier un peu que l’on est. Le mal de vivre ? Jaya, dans ma tête, m’a dit de ne pas désespérer, de continuer, qu’il y avait quelque chose plus loin, en arrière de tout cela.

 

Les montagnes sont coupées par les nuages. Le Soleil se couche et je l’accompagne. Faire le tour du monde et éclairer des lieux que je ne connais pas.

 

Ce qui est le plus important est invisible. J’ai tout devant moi.

 

Arrête de chercher.

 

 

 

 

Thorong Phedi

03.05.16

 

Tiens, dans un mois c’est ma fête. C’est l’anniversaire du Bouddha aujourd’hui, c’est la pleine lune.

 

Jour 9

Manang -> Thorong Phedi

3540 m -> 4450 m

 

Thorong Phedi signifie "au pied du mur". La prochaine étape, Thorong-La ("la" signifie "passe", ou "col") est une montée de 1000 m, jusqu’à 5416 m. Et ensuite une descente de 1600 m, jusqu’à Muktinath. La plus grosse journée du circuit.

 

Il fait froid, évidemment. Le Soleil disparaît vite derrière le mur.

 

C’est magnifique. Grandiose, je pourrais dire, mais cela ne servirait à rien. C’est juste trop beau. Écœurant.

 

Avec l’air plus mince, on se sent plus sensible, plus fragile.

 

Je suis fatigué. J’étais en pleine forme ce matin, plein d’énergie, et j’ai marché presque deux jours en un. Je passerai peut-être la journée de demain ici.

 

 

 

 

Il y a ici une vingtaine d’Occidentaux, la plus grande quantité que j’aie vue en un seul endroit depuis Pokhara. Pour une raison ou pour une autre, je me suis retrouvé seul à ma table et, fait assez amusant, les seuls à qui j’ai parlé étaient deux Indiens de Kolkata qui étaient déjà allés à Gangotri / Gaumukh / Tapovan et qui m’ont posé des questions à propos des retraites de méditation que j’ai faites.

 

 

 

 

Bon, j’ai parlé aux Occidentaux, pour les saluer un peu, pour établir un brin de contact. On m’a dit que je ressemblais à un peintre du 17e siècle. Tous avaient les yeux brillants comme s’ils venaient de sortir d’une retraite (ou comme s’ils avaient pris certains drogues psychadéliques, ou comme s’ils étaient actuellement dans un état de conscience altéré). Je me sens moi-même particulièrement bien, ressentant des bouffées de joie d’origine inconnue. [Nota Bene à propos des états de conscience altérés : Ce terme est utilisé pour designer des états de conscience autres que celui (ceux) dit(s) "normal" même si, en fait, ce dernier me parait être "altéré" par rapport à des états de conscience dits "supérieurs" (qui sont inclus dans l’appellation "états de conscience altérés"). Simplement pour préciser que "état de conscience altéré" n’est aucunement péjoratif.]

 

 

 

 

La nuit est belle, malgré les nuages. Ils sont éclaires de par-dessus. Un chien idiot jappe comme s’il n’avait rien de mieux à faire de sa vie.

 

 

 

 

Mes méditations du soir et du matin sont différentes depuis quelques jours. Beaucoup plus faciles, plus aisées. Je reste assis 30 ou 45 minutes sans me forcer, sans trop de pensées tendant à me faire bouger.

 

Le silence aux alentours. L’absence de gens. Les gens créent de l’interférence avec leurs pensées. Ici, il n’y a pas cette interférence, car il y a peu de gens.

 

Une ville, avec tous ses gens et toute leur activité cérébrale frénétique (et désordonnée, aléatoire) cause beaucoup d’interférence, une grand influence. L’effet d’une foule en est un exemple.

 

C’est pour cela que je ne veux pas habiter en ville. Je suis conscient de ce phénomène et je ne veux pas subir cette influence qui m’apparaît malsaine. Et je me sais n’être pas assez fort pour ne pas être influencé.

 

 

 

 

Plus de doute à ce sujet. S’en souvenir, seulement s’en souvenir.

 

[Ndf : Un livre lu plus tard, Surfing the Hymalayas, m’a reconfirmé ces notions, en explicitant un peu plus...]

 

 

 

 

High Camp de Thorong Phedi

03.05.17

 

Jour 10, 4700 m.

 

Il neige. Une bonne neige de début de tempête. Les nuages ont tout recouvert et, maintenant, on ne voit plus à 50 m. Des corbeaux noirs volent et planent dans le blizzard. La neige commence à s’accumuler au sol et on voit encore moins loin. Je souris à pleines dents.

 

(Il y avait déjà de la neige durcie sur le sol de la douche....)

 

Nous resterons peut-être pris ici pour quelques jours...

 

Je suis avec les cinq Israéliens rencontrés 10 jours plus tôt et, périodiquement, au fil des villages. Nous, avec un Allemand, jouons aux cartes pour passer la journée en attendant d’aller se coucher. Une version israélienne du "trou d’cul", soigneusement baptisée "ass", avec quelques variantes dans les règles que je connaissais. Il fait froid. Pas glacial pour moi (je suis encore content de provenir du Québec), mais froid. C’est la première fois de mon hiver qu’il me neige dessus. C’est laborieux d’écrire avec les doigts engourdis et l’encre beaucoup moins fluide.

 

L’énergie que le groupe d’Israéliens dégage est belle à voir. Pour une des rares fois, je ne suis pas le plus jeune (de peu). Ils n’ont pas peur de voyager, ils n’ont pas peur de se lancer dans des situations inconnues difficiles. Ils ont cette légèreté et cette joie de vivre en quelque sorte, qui leur provient peut-être de la situation dramatique dans leur pays, de la mort qui peut frapper à tout instant et dont ils sont conscient. "C’est la vie", qu’ils disent souvent, sans trop s’en faire avec cela, un peu crâneurs. On sent les souffrances refoulées mais on sent aussi qu’ils vivent. Cette jeunesse, cette énergie, cette fougue, elle fait défaut à beaucoup d’autres Occidentaux, que je vois craintifs, peureux, insécures. Le fait que je soit toujours un des plus jeunes de ceux que je rencontre (ce qui m’avait au départ étonné) est significatif. (Attachement, sécurité.)

 

J’ai les mains notablement plus brunes qu’à l’habitude. Et je vois une bonne différence de ton entre la paume et leur dos.

 

On vient encore de me dire que je ressemble à un peintre....?

 

 

 

 

Slogan vu sur un collant sur une fenêtre dans la salle a dîner :

 

"The higher you get

The higher you get"

 

 

 

 

Jour 11

03.05.17

 

Au matin.

4h30 :

 

Y fait frette ! Le Soleil pas levé, il fait sous zéro, j’ai presque tout mon linge sur moi (gros bas de laine, deux pantalons, cinq épaisseurs de chandails et manteaux, tuque et gants...). Commentaire à ajouter sur la dernière citation : On est tous bien gelés d’aplomb !

 

Les Annapurnas sont d’un blanc magistral. Les pointes se teintent lentement en rose, en orange, en jaune....

 

 

 

 

Thorong La, 5416 m.

10h00 du matin :

 

Épuisé, le souffle court, ne respirant que du vide, j’avançais pas à pas, lentement, très lentement, portant les millions années des montagnes sur mon dos. J’étais à bout de souffle à chaque pas. Me battre avec la sangle de mon sac, raidie par le froid, pour essayer de mieux l’ajuster, m’épuisait et m’a demandé un moment de repos.

 

Mais j’y suis.

 

 

On ne vainc pas une montagne, c’est la montagne qui nous laisse passer.

 

 

 

 

Muktinath, 3800 m.

Milieu d’après-midi :

 

Mais où est-ce que je suis ?

 

Une journée qui dure depuis des éternités, le noir froid glacial, la marche dans la neige dans le pays du silence, la pesanteur quadruple, et puis une longue longue descente vers une vallée tout au loin en bas, j’arrive à quelque part, prend une douche, mange du riz avec du fromage de yak, et puis je m’éveille, comme depuis un rêve, et me demande où je suis....?

 

Ça ne ressemble à rien de ce que je connais. Il n’y a pas de route, pas de voitures, nous sommes à dix jours de marche de ceux-ci mais dans gens vivent et grandissent ici. Des pèlerins hindous sortent de nulle part, habillés comme des Indiens, avec de fortes couleurs vives et des accoutrements absolument pas adaptés à la marche ou à la poussière des montagnes. Des groupes de bâtiments sont perchés sur des corniches s’élevant au-dessus de la crevasse d’une rivière qui descend de très haut. De la roche, du vent, du Soleil, des champs vert vivant foncé et de grosses montagnes partout autour. Et en arrière de ces grosses montagnes, pâlement dessinées au-travers des nuages inférieurs, d’immenses montagnes, pics et sommets blancs, des tas et des tas d’immenses montagnes, pics et sommets blancs. Ce n’est plus juste trois ou quatre, il y en a partout !

 

Je me réveille d’un rêve, d’un trip étrange ("The higher you get, the higher you get", d’aplomb !) et j’essaie de comprendre où je suis. Dans le Mustang ?

 

Une partie de mon hébétude vient du fait que je suis rendu à l’endroit où je voulais aller. Traverser le col, Thorong La, était un obstacle majeur sur lequel je me concentrais depuis plusieurs jours sans penser aux lendemains, et je suis à côté du monastère Zong, celui du moine que j’ai rencontré dans l’autobus il y a deux semaines. J’ai dans l’idée de me faire une petite retraite de méditation, seul, et un endroit isolé et éloigné comme celui-ci, d’autant plus que je m’attendais bien à ce que ce soit un endroit extraordinaire, dans un monastère ou ailleurs, serait parfait. Je ne suis pas venu ici pour "faire" le trek des Annapurnas. Je suis venu ici pour être dans les montagnes.

 

Et j’y suis.

 

Même dans mes rêves les plus fous je n’aurais jamais été capable d’imaginer une vie comme celle qui m’arrive....

 

 

 

 

Katmandou et des poussières

03.06.20

 

Bon, je suis à Katmandou. Ville bien intéressante. Je loge à Freak Street. Internet à 20 NRS de l’heure, je vais donc lire mes courriels et finir de taper les derniers textes.

 

Je crois que c’est cela....

 

 

 

 

Photos d’il y a longtemps....

03.06.12

 

En attendant les autres textes (qui eux attendront encore un bout, je pars pour Lumbini demain matin et ne verrai probablement pas un ordinateur avant quelques autres jours, rendu à Katmandou), j’ai mis quelques autres photos (pas si intéressantes que cela, les couleurs sont un peu décevantes) en ligne. Ces photos datent de année dernière, du début de mon voyage, d’une époque qui me semble lointaine et archaïque....

 

Bon, bien c’est ça....

 

 

 

 

KTM et un paquet de voitures

03.06.21

 

Suite des textes, de Muktinath jusqu’à plus loin....

 

 

 

 

Jour 12

03.05.18

 

Au déjeuner

 

Je suis raqué aujourd’hui. Mal aux muscles partout. Je n’avais pas fait de yoga en me levant hier matin. J’en ai fait à tous les autres matins, sauf ma journée passée à Manang, et je n’avais jamais ressenti la moindre douleur ou courbature auxquelles on peut s’attendre lors d’un trek du genre. Ça m’a fait du bien d’en faire à nouveau ce matin.

 

 

 

 

Exception faite des pics enneigés, cela ressemble un peu aux paysages qu’on peut voir aux alentours du Grand Canyon, au Nevada, Utah, Arizona. Du sable et de la roche façonnés par l’eau, le vent et les milliers années, une végétation désertique ou semi-désertique.

 

 

 

 

Dîner

 

Après avoir vu un temple hindou et la flamme sacrée de Muktinath, une flamme de gaz naturel toute bleue sortant de la roche comme ça, je suis attablé au "Bob Marley Restaurant". Rien de plus à dire.

 

 

 

 

Jour 13. Chhyongpur

03.05.19

 

J’ai cherché mon moine à son monastère presqu’en ruines, mais il n’y était pas. Je l’ai trouve à Chhyongpur, à une heure de Zong. C’est un lama, en fait, qui semble assez important. Depuis 8 jours il fait des pujas ici, pour la fête de Bouddha, et il en a encore pour quelques jours. Il est en vacances d’été, il étudie au Main Sakya Institute en Inde.

 

Je ne ferai probablement pas ma retraite ici. On m’a donné une chambre dans une maison locale, sol en terre / poussière, murs en terre séchée et troncs d’arbre et écorce au plafond pour soutenir le toit en terre (comme le plancher, comme les chemins dehors entre les maisons). Oreillers et coussins rembourres de paille. Pas le super-combo pour touristes, j’en suis content. Pas de toilettes non plus, il faut aller plus loin, plus bas ou plus haut, tous les gens font cela ici. L’endroit est charmant, petit village d’au plus 60 personnes, mais ce n’est pas assez silencieux à mon goût. En méditant, l’oreille plus fine, on entend les gens passer, les portes s’ouvrir et se fermer, les cloches des vaches, chevaux et yaks, la radio de la maison d’à côté, les discussions en dialecte local. J’aimerais bien ne rien entendre, alors j’essaierai de trouver mieux ailleurs. Et, étant sur le flanc ouest d’une montagne, le Soleil se montre tardivement, ce qui m’embête pour mon yoga du matin. On est quand même à 3800 m et il fait froid sans Soleil.

 

Les villageois ont tué un yak qu’ils avaient fait venir du haut Mustang. Je suis arrivé quelques minutes après sa mort. Ils ont travaillé dessus, cinq hommes et un garçon, pendant quatre heures pour le mettre en pièces détachées. Je voyais les muscles de la poitrine du yak agités de spasmes, encore pleins de vie, pendant la première demi-heure. Un cheval blanc (gris avec la poussière et la saleté) est passé avec un vieil homme et s’est affolé, commençant à se cabrer et à vouloir s’enfuir, à la vue du yak affalé par terre. Des vaches meuglaient à mort en voyant des bouts d’intestins se faire rincer sous le robinet. La peau du yak (le tapis) fut enlevée au couteau et à grands coups de masse, la cage thoracique ouverte à la hache et des verres de sang frais, avec morceaux d’organe tendre (le foie, peut-être ?), nous furent servis. J’en ai bu. Ça me rappelait un peu la scène similaire de Danse avec les loups ou celui qui danse avec les loups croque le coeur (?) d’un bison fraîchement abattu par les (Amér)Indiens. Ce n’était pas vraiment mauvais, surtout considérant que c’était du sang chaud avec morceaux. C’est dit bon pour la santé, fortifiant. (Ce doit sûrement être très nutritif, en tout cas. Le sang, c’est plein de vie.) On m’a ensuite offert du chang, sorte de boisson / bière locale, faite avec du blé ou du riz fermenté. Un verre était de couleur limonade verdâtre, l’autre d’un blanc laiteux dilué, tous deux sentant un peu l’alcool ou le drink douteux. Les hommes continuaient de s’acharner sur la dépouille, les mains rouges parfois jusqu’au coude. J’eus quelques souvenirs de cours de bio du CEGEP, disséquant divers trucs (dont un cochon (?) nommé Karl, d’ailleurs). Assez intéressant.

 

Pendant ce temps, un petit enfant s’amusait avec une seringue munie de son aiguille. Ça m’a beaucoup étonné, presqu’inquiété. On m’a aussi donné à manger un morceau de moelle osseuse, assez bon. Le goût du sang, bu au début, m’est resté dans la bouche jusqu’à mon repas du midi.

 

Le yak sera séparé (vendu) parmi ceux qui en voulaient, la viande séchée au Soleil, le sang transvidé dans les boyaux pour être séché lui aussi (je comprends maintenant que des intestins de moutons (ou autres) puissent servir de condoms) et cela devrait combler les besoins en viande pour une année.

 

Me voulant végétarien, je ne sais trop quoi penser. Alors je ne pense rien. Je n’irai certainement pas dire à des villageois habitant à dix jours de marche dans les montagnes comment vivre. Je n’ai absolument pas la prétention de savoir vivre moi-même. J’observe donc simplement cette activité culturelle ne figurant habituellement pas dans les horaires des tours organisés. Ce fut, ma foi, bien intéressant.

 

Le castor est l’animal emblème ou l’animal officiel (il y a un terme exact pour cela) du Canada. J’essayais de le décrire au frère de mon hôte et ça m’a frappe d’étrangeté : Un animal gros comme ça, avec une grande et large queue plate, qui coupe des arbres (et, s’il n’en coupe pas, ses dents deviennent trop longues jusqu’à lui obstruer la bouche et le faire mourir de faim) et va les mettre en tas pour bloquer une rivière pour y faire son terrier. C’est quoi ça ??

 

 

 

 

J’ai assisté à une partie du puja de cet après-midi. On me reservait toujours du thé, tibétain au beurre, au lait ou noir, souvent avant même que j’aie terminé ce que j’avais devant moi, si bien que j’ai dû en boire au moins une vingtaine de tasses. Le thé est un diurétique et je crois bien avoir battu mon record d’évacuation continue datant probablement du lendemain d’une bonne brosse de ma période cégépienne.

 

Nous voulions aller voir, Tim et moi, le film Escape from Taliban à Almora, l’avais-je dit ? Cela semblait un excellent film, probablement une bonne source d’humour pour nous. (Le film se voulait un film d’explosion dramatique tiré d’un fait vécu.) Malheureusement le film avait été remplace par un nouveau film porno le jour même où nous nous présentions aux portes du cinéma. Nous sommes donc allés voir un autre mauvais film assez burlesque et plate (en hindi, toujours), ne voulant pas particulièrement contempler l’anatomie d’Indiennes en remplacement de ce qui s’annonçait (pour nous) comme étant film le plus drôle de l’année et qui aurait sûrement fait notre semaine (nous en parlions depuis des jours...). Soit dit en passant, c’est effectivement vrai que, dans les films indiens, les acteurs se mettent (souvent) soudainement à danser et à chanter tous ensemble. Ça me fait assez étrange, comme concept. (Je devrais essayer cela en allant acheter des trucs (au super-marché, peut-être ?) de me mettre à chanter et à danser (en grimpant sur les étagères et sur le tapis roulant), au moment de passer à la caisse. Ça à l’air tellement normal dans les films.)

 

 

 

 

Silhouettes de montagnes brumeuses et escarpées se découpant sur le fond de coucher de Soleil...

 

 

 

 

Jour 14

03.05.20

 

"Où est allé tout ce monde qui avait quelque chose à raconter ?"

 

 

 

 

Chhyongpur -> Kagbeni

3800 m -> 2800 m

 

 

 

 

REDRUM, REDRUM.....

 

 

 

 

Jour 15

03.05.21

 

Kagbeni -> Marpha

2800 m -> 2670 m

 

J’étais pas mal tanné ce matin. J’en avais marre, comme ils diraient, de marcher, marcher, me coucher, me lever, marcher, marcher, en n’ayant rien à faire d’autre, en trouvant les après-midis / débuts de soirées (autre et peut-être dernier crayon SPUN terminé) passablement longs et ne sachant pas où je m’en vais comme ça, pourquoi je marche, encore et encore. Mais la ça va mieux, j’ai acheté deux livres (tous deux en anglais, un de Jack Kerouac ainsi que Fondation, d’Isaac Asimov, que j’avais déjà lu il y a plus d’une dizaine années), donc je peux être confortable encore un peu par ici sans trop me soucier de trouver à faire ou m’enfoncer dans la déprime.

 

Je me suis enfin trouve un substitut au thé : Horlicks (boisson en poudre de blé, orge (?), malt, vitamines et minéraux) avec lait (en poudre). C’est pas mal mieux que de l’eau, de la caféine et du sucre. Ça va aussi me donner un peu d’énergie et d’éléments nutritifs pour marcher. Le prix d’un pot variait entre 160 et 225 RS. Y faut négocier... J’ai aussi trouve des pommes séchées, des abricots séchés et de délicieux beignets frits. D’habitude je n’aime pas, mais ceux-ci étaient délicieux.

 

Il vente fort tous les jours, après 10 ou 11 heures, assez fort pour me faire tourner comme une girouette en direction de l’origine du vent, à cause de mon sac à dos. C’était un vent de face, donc je ne tanguais pas trop. Mais les traversées de quelques rivières peu profondes sur une ligne pointillée de roches – parfois complètement submergées – en devenaient assez périlleuses.

 

J’ai mangé (bu) une soupe à l’ail au "Jimi Hendrix Roof Top Restaurant" de Jomson, là où Jimi serait venu, il y a longtemps, et aurait écrit sur le mur : "If I don’t see you in this world I’ll see you in the next one don’t be late. Jimi Hendrix, Jomson, oct 67". Le mur a été repeinturé, sauf le carré dans lequel c’est écrit.

 

 

 

 

Jour 16

03.05.22

 

Ma chambre -> La salle à manger et le magasin d’à côté -> Ma chambre

2673 m -> 2670 m -> 2673 m

 

Je suis resté ici et j’ai lu toute la journée le livre de Kerouac, The Dharma Bums, bientôt terminé. J’étais aux Etats-Unis, en Californie, à San Francisco, un peu au Mexique, traversant les Etats sur le pouce, en Caroline avec un peu de neige en hiver et, à chaque fois que je levais les yeux, il me paraissait étrange de voir, par ma porte de chambre ouverte, de vieilles maisons de pierre les unes par-dessus les autres, une colline de roche désolée, un cheval qui broutait, des tas de bois séchés depuis des éternités, des drapeaux de prière décolorés et des vagues de poussière survolant le tout. Je me retrouvais au Népal, loin dans les montagnes. Et en 2003, cinquante ans plus tard.

 

Mes compagnons / connaissances du moment, à la guest house, sont : Rita, une Egyptienne parlant un excellent français qui a laissé tomber l’enseignement de la médecine et la Science comme religion pour devenir bohémienne, de ses propres dires, sans attaches depuis trois ans, et qui s’étonne joyeusement de pouvoir marcher autant malgré sa cinquantaine bien passée ; Marie-Aline, une grimpeuse Française demeurant, avant son départ, en Angleterre et allant en Bolivie grimper d’autres montagnes et ensuite en Inde ; Thomas (d’Ecosse), ?, ? et Isabelle, 4 ans, (Angleterre) venant en Inde acheter une "German Bakery" à Goa pour y vivre. Des gens bien sympathiques.

 

J’ai acheté d’autres livres – je n’ai pu résister, semble-t-il – The Old Man and the Sea, d’Ernest Hemingway, ainsi qu’un manuel d’algèbre d’Isaac Asimov, Realm of Algebra (un vrai manuel de maths, proclamant, par exemple, que : "If x * a = b then x = b / a"). Une curiosité plus qu’autre chose. (Asimov aurait écrit plus de 440 livres, semble-t-il).

 

Je devrais continuer ma route demain, à moins que je ne reste encore un peu.

 

J’ai encore la diarrhée, intermittente mais gossante, je crois qu’il faudrait bien que j’aille voir un médecin à mon retour à Pokhara.

 

 

 

 

Je n’utilise plus de papier de toilettes depuis quelques mois. Je me trouve idiot d’avoir traîné mon dernier trois-quart de rouleau jusqu’ici, juste au cas où. Je l’ai donné à Marie-Aline. Et je préfère nettement les toilettes dites à la turque (squattables) aux toilettes "occidentales", que j’évite maintenant.

 

 

 

 

Jour 17

03.05.23

 

"Je peux dire n’importe quoi puisque de toute façon je n’ai rien à dire."

 

Marpha -> Kalopani

2670 m -> 2530 m

 

"Boum Boum Boum Boum, I want you in my room, ... " martèle le système de son de la salle à manger de ma guest house, en ponctuant bien sûr de coups de basse, comme si on était dans un stupide bar quelconque, préparés à se saouler comme des cons et à vivre le "night-life" pleinement. Y’a quelques montagnes, vertes maintenant, cachées derrière les nuages pour me confirmer qu’on est bien au Népal, sur le circuit des Annapurnas. La musique est trop forte, évidemment. Il pleut dehors, je ne peux pas aller m’y réfugier.

 

Je me suis décidé à agir, étant seul dans la pièce, me suis levé et suis allé baisser le volume. Je suppose fortement qu’ils n’ont pas de Beethoven ici. Me semble que cela s’agencerait mieux avec le paysage autour.

 

 

 

 

En écoutant la musique (ou plutôt les sons), je ne peux m’empêcher de sourire. (Parfois.) C’est de la musique pour enfants... Et je pense à tous ces gens qui travaillent toute la semaine et qui vont se défoncer la fin de semaine (toujours plus haut, plus fort, plus loin !), pour oublier, pour prouver qu’ils sont capables de fêter et de se démolir encore plus que tout le monde. Moi aussi, je suis passé par là (sauf que je ne travaillais pas vraiment). L’extase de la décadence.... Le bonheur de l’autodestruction parce que tout est merdique de toute façon et qu’il faut porter une cravate et jouer aux bons citoyens à succès durant la semaine. Combien de vendeurs de voitures, de commis de magasin ou de bureau, de "gars de la shop", de serveurs de restaurants ou de travailleurs divers passent leur vie ainsi ? Dans les bras de Dionysos, vive le vin, le bon vin, c’est à boi-re qu’il nous faut, et glou et glou et glou et glou, iiillls étaient nôôôôtres !... (On est douze debout, on est tous bien saouls, pis on a bien d’la misère à se tieindre !)

 

Dans les bras de Dionysos, la tête dans l’éthanol, pop ! pop ! (bruit de cellules), plus trop de conscience, on aime tout le monde (enfin !), toi t’es mon meilleur ami, tout est extraordinaire et plaisant... Sauf qu’on est con(plètement idiot) et qu’on pue franchement de la gueule. Et qu’on a tout oublie (ou presque) le lendemain, surtout l’amour sincère et universel qu’on ressentait. Et y’a le mal de bloc, parce qu’on a trop évacué de liquide. (Déshydratation. Il faut boire plusieurs litres de liquide non alcoolisé, presqu’autant que de liquide alcoolisé consommé, les soirs de grosse brosse, pour éviter le mal de tête, sauf peut-être si l’on a défoncé un mur avec sa boite crânienne.)

 

Ah, les joies de l’alcool, avec sa toxicité élevée (probablement LA drogue la plus toxique) et toutes ses conséquences sociales. Combien de pères ont été absents, au fond d’une bouteille, ou combien d’amants abandonnés à leur trou, dans une mare d’incompréhension ?

 

 

J’ai acheté du brandy à l’orange, production locale de Tukuche (surveillez le Tukuche Brandy, fait d’abricots, de carottes, de pommes ou d’oranges, bientôt disponibles dans une SAQ près de chez vous !), je devrais peut-être aller me saouler seul dans ma chambre.

 

 

 

 

Jour 18

03.05.24

 

Ce matin, je me suis levé et j’ai dit : "[...]". Mais il n’y avait personne pour l’entendre...

 

 

 

Et le Sage qui disait : "Non, je ne suis pas si modeste que cela...".

 

 

 

 

Une thrombose pour déjeuner ?

 

 

 

 

Je n’aime pas les courriels (emails). Les gens n’ont qu’à "écouter" pour savoir si je pense à eux, si je leur parle. Et on peut me répondre, aussi.

("Bin oui, yé crinké Ben, l’Inde ça lui a pas fait...." C’est ça, la Terre est plate, hein ?)

 

 

 

 

Kalopani -> Tatopani

2530 m -> 1190 m

 

De retour chez les maringouins. Pas trop, juste 2 ou 3, tous autour de moi. Je suis bien content d’avoir traîné mon moustiquaire tout ce temps (j’ai longtemps pensé à l’abandonner en chemin, c’est tout de même presque une livre [poids] sur mon dos, peu utile à 4000 m...). Je vais pouvoir dormir tranquille.

 

En prenant un raccourci peu utilisé (car il fallait presque grimper au-dessus d’une bonne falaise), j’ai piétiné sans ménagement les mauvaises herbes qui envahissaient le petit sentier. C’était des plants de pot. J’en traversais des champs entiers, sauvages, que je foulais sans trop m’en préoccuper. Et, à ce lodge-ci (guest house, hôtel, lodge, c’est tout pareil), il y a, dans le jardin, un vigoureux plant plus grand que moi. (Je crois qu’il est là pour impressionner les touristes.)

 

Il y a une source chaude (très chaude) pas loin. C’est difficile de s’y baigner tellement c’est chaud. Après 5 ou 10 minutes d’efforts, s’enfonçant, avec beaucoup de volonté, millimètre après millimètre sous l’eau, on parvient à y être complètement immergé. On y ressort en compote, aussi flasque que de la bonne vraie compote de pommes. Les muscles hyper-détendus, plus aucune force. Mais vraiment, vraiment détendus étaient tous les muscles de mon corps. Debout, sans plier les genoux, je pouvais aller poser les paumes de mes mains bien à plat sur le sol. C’est la première fois de ma vie que je peux faire cela. Il fut un temps où je pouvais à peine descendre mes mains plus bas que mes genoux... (Bon, le yoga me rend un peu plus flexible, mais pas encore à ce point, tout de même !) Je retournerai m’y tremper demain matin, juste avant de faire mon yoga, pour voir ce que cela va donner...

 

 

 

 

Ai encore la diarrhée. En y repensant bien, c’est depuis Rishikesh, en mars, que j’ai des troubles digestifs intermittents. J’avais même posé des questions à ce sujet à un médecin à Dharamsala, mais je n’ai pas fait faire d’analyses parce que ce ne m’incommodais pas vraiment. On dirait que mon corps essaie de se débarrasser d’un irritant par la méthode de l’expulsion rapide par les tuyaux d’en bas, mais il semblerait que cela ne soit pas efficace. Et, tel un programme bogué, il est pris dans une boucle où il ne fait qu’exécuter encore et encore les mêmes vaines opérations. (Présence d’un irritant constatée. Expulsion. Fin de l’opération d’expulsion. Présence d’un irritant constatée. Expulsion. Fin de opération d’expulsion. Présence d’un irritant constatée. Expulsion. Fin de opération d’expulsion. Présence d’un irritant constatée ...)

 

Il me semble très possible, donc, que ce soit un/des parasite(s). Essayer de les tuer avec de l’éthanol me semble être une solution comme une autre.

 

 

 

 

Boudha (Bodhnath)

03.06.24

 

Bonne St-Jean !

 

Et bonne fête à ma mère aussi !

 

 

Là je suis à Boudha (Bodhnath), près de l’immense stupa avec les yeux et le "1" en népali qu’on voit dans le film Baraka. Je pars demain vers la France.

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!

 

 

 

 

Nouvelles photos ajoutées, provenant de la retraite à Nainital (encore), prises par Ori.

 

 

 

 

Bodanath I

03.06.23

 

Pas le goût d’écrire ces temps-ci. Trop l’impression de la futilité de ce journal, de ces phrases incorrectement placées, agencées, exprimant d’autres nuances que celle que je veux y mettre. De plus en plus je n’ai rien à dire et je me rends compte que je ne sais rien du tout. C’est un peu déprimant.

 

Mon voyage se termine aussi. Dans deux jours. Comme il a vraiment commencé en Inde, il se termine au Népal. Après je suis de retour dans l’Ouest.

 

J’appréhende le choc du retour. J’ai peur de tous ces gens qui n’ont rien compris et, surtout, qui n’ont pas la moindre lueur d’idée qu’il y aurait autre chose à comprendre. Que l’Univers est plus grand que leur vision du monde.

 

De retour en Amérique, ça va être dur. Le cercle infernal ayant l’argent comme pivot reprendra d’une façon ou d’une autre. Ça va être difficile de m’enfuir a nouveau.

 

 

 

 

Bodanath II

03.06.25

 

Je pars bientôt. Mon dîner, un bref dernier message sur mon site (celui-ci) et c’est le taxi pour l’aéroport.

 

Ironiquement, il est très probable que je ne donne que très peu, sinon pas du tout, de nouvelles durant mon séjour en Europe. Les communications via le net seront moins accessibles pour moi. Donc c’est peut-être un de mes derniers messages avant un bon bout. Date de retour prévue à Montréal : 11 septembre 2003. Notez bien le "prévue". Tout peu arriver d’ici là, et probablement arrivera. Mais c’est bien ainsi.

 

 

Je saute encore dans l’inconnu.......

 

 

 

 

Il y a un an, je préparais mon départ. Tout a bien changé pour moi, depuis un an. Je n’ai pas de morale ou de conclusion à tirer. Les choses sont comme elles sont.

 

Je m’en vais, m’en retourne à la moitié du bout du monde, vu de par chez nous.

Juste ça.

 

Je suis arrivé seul, je repars seul. Inconnu dans un monde immense que j’ai à peine aperçu, pour tout ce qu’il y a à voir. Ou peut-être qu’il n’y a rien à voir. Tout est dans ma tête, de toute façon

 

 

Il me reste quoi, ensuite ?

 

 

 

 

Le Chemin de St-Jacques de Compostelle / El Camino de Santiago de Compostello

03.07.16

 

Je pars faire le pèlerinage de St-Jacques de Compostelle / Santiago de Compostello. Je marcherai pour les prochaines 5 ou 6 semaines, du sud-ouest de la France à l’ouest de l’Espagne, sur le bord de l’Atlantique.

 

Merci au magasin qui me permet d’utiliser leur ordinateur pour ce message.

 

 

 

 

Logroño

03.07.26

 

Rien à dire. Mais il y avait un ordinateur devant moi, je n’ai pas pu résister. Je l’ai même réparé. C’était mon premier windows en espagnol. À l’auberge de pèlerins où je suis ce soir, grand luxe, il y a 2 ordinateurs à notre disposition. L’accès Internet de celui-ci ne marchait pas, mais moi je n’avais pas envie d’attendre que l’autre se libère....

 

Je marche, je boite, j’ai un tendon (d’Achille droit) qui fait mal, je bois, il fait chaud, je bois encore, le Soleil tape mais je m’y suis un peu habitué. Je fais le chemin "en pauvreté", qu’ils appellent. J’ai donné tout l’argent qu’il me restait sur moi à un organisme de charité et je cogne aux portes pour recevoir à manger et demande l’hospitalité aux auberges et aux gîtes. Je peux aussi coucher dehors si nécessaire (comme il y a quelques jours), j’ai apporté un tapis de sol avec moi. Et ça fonctionne étonnamment bien. Les gens donnent. Je trouve sur mon chemin tout ce dont j’ai besoin. Je sais que je ne manquerai de rien.

 

J’ai marché 200 km, semble-t-il. Il m’en reste encore un gros paquet, genre 600. Et un peu plus encore pour dépasser Santiago et aller à l’océan. Mais ça n’a pas vraiment d’importance....

 

 

Ce sera, encore une fois, peut-être mes dernières nouvelles avant longtemps.

 

 

Note : C’est à Santiago de Compostela (et non pas Compostello, comme écrit plus haut) que je m’en vais. Ce qui montre un peu à quel point je n’avais pas la moindre idée de ce que j’allais faire lorsque j’ai débuté à marcher...

 

 

 

 

Ponferrada

03.08.12

 

Toujours en vie. Je marche encore. C’est tout.

 

 

 

 

Negreira (Plus loin que Santiago)

03.08.22

 

Santiago est (déjà) derrière moi... Plus de détails quand je retaperai mon journal (si je le fais un jour....).

 

Je (nous) marche(ons) maintenant vers Finisterre (Fin de Tierra), le bout le monde, la terre la plus à l’ouest qui existe. C’est là que le Soleil disparaît à la fin de chaque journée. Ensuite il n’y a plus rien, c’est l’océan et si on s’y avance trop loin, on tombe....

 

 

Qu’est-ce qu’il y a ensuite, où est-ce que j’irai, qu’est-ce qui va m’arriver ?

Je ne sais pas.....

 

 

 

 

Petit mot du lointain Québec

Aujourd’hui (8 jours avant l’arrivée)

 

Hum... Je ne sais pas comment j’ai réussi à m’introduire de façon aussi grossière sur ton site (en fait, oui je sais, mais ça relève de la pure folie). C’est sûrement la chance... (!?). Mais bon, je me permets quand même de mettre un petit mot.

 

Je ne sais pas ce qui trotte dans ta tête exactement, mais j’en ai une bonne idée. Je voulais juste te dire que j’avais hâte de te serrer dans mes bras. Les réels bienfaits d’un voyage, ce qui reste encré à jamais dans les profondeurs de l’âme, c’est au retour qu’on les constate...

 

Une amie qui t’aime,

 

Ariane

 

 

 

 

Note - Problème technique (encore)

03.09.15

 

Le site n’a pas été fonctionnel durant quelques jours. Problèmes techniques du serveur. Un vieux backup a dû être remis. Il datait du mois dernier parce que le gars qui s’en occupait était en vacances.....

 

Bon, ce n’est pas trop grave. J’ai (nous) avons perdu quelques courriels du dernier mois aussi, ceux auquel je n’avais pas répondu. J’ai dit au gars à qui j’ai parlé que je n’étais pas fâché parce que de toute façon ça n’aurait rien changé que je sois fâché.

 

Il manque un ou deux textes, si je les retrouve je les remettrai. En attendant, je suis revenu au Québec, je suis toujours en vie, et je vais probablement taper les autres textes prochainement.

 

Et je pensais peut-être éventuellement publier tous ces textes sous la forme d’un livre papier, si on me dit que cela peut en valoir la peine, si cela risquerait de pouvoir intéresser des gens. (C’est maintenant assez facile d’éditer et de publier un livre avec l’impression numérique.) Mais le contenu entier du livre demeurera disponible sur Internet. Ça me dérange beaucoup que l’égoïsme restreigne la diffusion d’information ou de connaissance(s). ("Si tu ne ME donnes pas un peu d’argent, alors je ne te permets pas de lire ceci, même si cela ne m’enlève rien que cette information te soit accessible..." C’est un peu comme un sourire : ça ne coûte rien à donner et, en fin de compte, ça rapporte aux deux parties qu’il ait été donné.) Alors, si un jour j’écris un livre, il sera disponible gratuitement sur Internet. De même que mes connaissances, le peu que j’en ai, seront toujours disponible à quiconque m’en fera la demande. J’espère bien. Parce que l’égoïsme, sous toutes ses formes, est la cause de tous les maux et souffrances, et est ce qui nous empêche le plus de nous développer et de croître.

 

Donc je vais me fier aux commentaires des gens pour déterminer si cela vaudrait la peine ou non que ces textes existent sous format papier style livre.

 

 

 

 

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Benoit Martin © 2002-04