Chroniques d'un voyageur parmi tant d'autres - IV

Tome IV - Le voyage, le pélerinage se poursuit...

Archives pour: Octobre 2006

Israël - une retraite bientôt

Israël.

Je commence une retraite de méditation demain.

Le mer rouge hier, une marche (un "trek") dans le désert, le silence et le Soleil, la tranquilité.

Jerusalem. Les milliers d'années d'histoire. Des Juifs, des Musulmans, des Chrétiens. Des Arabes, des Américains, des Israéliens.

Quels émotions ou quels mots évoquent en vous ces quelques dernières lignes ?


Prenez un papier, ou ouvrez un nouveau fichier texte. Maintenant.

Les 10 ou 15 premiers mots qui viennent à l'esprit, comme cela, si je nomme: "Israël"
Allez, sans penser ni filtrer, écrivez, maintenant !










Alors, quelle est l'opinion, l'image, l'idée, consciente ou inconsciente, que vous avez d'Israël ?

À quel champ lexical, à quel type de mots ou regroupement de mots se rapproche ce que vous avez écrit ? Quelle "énergie", quelles émotions sont transportés par ces mots ?


Alors ceci est ce que vous croyez savoir d'Israël, comment vous vous le représentez, consciemment ou inconsciemment.
Maintenant, croyez-vous que ce que vous croyez, est vrai ?

(Croyez-vous que les 10 ou 15 mots que vous avez écrit représentent réélement Israël ?)


À plus tard, ...

Yerushalayim (Jérusalem)

Je suis vraiment heureux d'être en Israël. Il n'y a pas d'autre endroit au monde où je voudrais être en ce moment. (En moi est aussi le désir ou le souhait qu'Ulrika ait été avec moi, ici.)

Nous venons de sortir d'une retraite de méditation, un peu plus dans le sud, dans un petit village à quelques kilomètres de Gaza.
Une grosse retraite, 130 personnes en tout, cordés comme des sardines (végétariennes) dans le hall de méditation.

Quelques mots désordonnés, qui n'expriment que très maladroitement:
Superbe. Bienheureux. Calme. Continuité. Espace. Un océan qui se sait plus lui-même.

Être conscient de soi-même.

(C'est pas mal "quétaine" et ça ne veut absolument rien dire, ces mots... Mais ça peut se vivre.)


[Paroles exprimées à l'instant même, à côté de moi:
"This mysterious treatment.... - So good...."
("Ce mystérieux traitement.... - Tellement bon....")
Ce fut dit à propos de quelque chose d'autre, mais ça pourrait bien s'appliquer à une retraite.]

Le silence, juste le silence.

Trop de mots....

Rien à dire.

[ . ]

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Je suis chez moi, ici, là où je suis.


L'autre jour, à Tel Aviv, j'ai trouvé un arbre, dans un parc, qui avait une connexion Internet (et qui donnait de l'ombre) pour pouvoir appeler Ulrika.


Je sais où je veux m'en aller.

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On m'a dit, récemment, "Mais, mon Dieu, après avoir vu tout ça, tu pourras pas revenir!".

En effet. Lorsqu'on a goûté à la liberté, lorsqu'on a vu la prison dans laquelle on vivait, on ne peut plus y revenir entièrement.

Pour moi, il n'est pas question du lieu physique ici.
Je suis parti depuis longtemps déjà. J'ai vu et vécu plus de choses que je n'aurais jamais pu en rêver ou en imaginer. C'est l'impression qui est en moi, en ce moment, aussi prétentieuse ou naïve puisse-t-elle être.

Lorsqu'on a vu, on ne peut plus totalement être aveugle.


Mon rôle n'est pas de vivre dans une prison, ou un asile, de toute façon. J'ai autre chose à faire.


Le ciel et les étoiles, seuls, peuvent comprendre ce qui est en moi.

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Dans 2 jours débute une retraite de travail, une retraite de paix. "Being Peace" ("Être paix" ou "Être la paix"), qu'elle est intitulée.

Zohar, une amie qui organise la retraite a dit récemment "In Israël, events like this are easily seen as being political. But it's not about politics, it's about humans." ("En Israël, des événements du genre sont facilement vus comme étant politiques. Mais il ne s'agit pas ici de politique, il s'agit d'humains.")
Sa voix, également, son intonation, portait son message.


Je connais déjà probablement la moitié, sinon plus, des participants à cette retraite. Tous de bons amis, tous des gens bons.


Un autre ami, Happy, est en ce moment sur le Rainbow Warrior II, le célèbre bateau de Greenpeace, présentement au Liban ou au nord d'Israël, pour réparer ou atténuer le désastre écologique marin suivant la récente guerre ici. (D'importants déversements de pétrole et d'huile, une situation assezs importante, à ce qu'on dit. Je n'en sais pas plus, j'ai la grande chance de ne pas être connecté sur la télé ni sur les journaux.) Il est bien possible qu'on se voie prochainement. J'aimerais bien.


Il se passe bien des choses en Israël. La sangha est forte ici, les retraites de méditation sont toutes remplies à capacité, il y a des événements et retraites plusieurs fois par mois... C'est beau de voir toute cette vibrante énergie qu'il y a.
Je connais pas mal de gens ici...

Pas de contact, très probablement, pour les 2 ou 3 prochaines semaines.

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[Mise à jour de la soirée:]

Je me suis rendu compte, durant la retraite, que ça faisait presqu'un an que je n'avais pas mangé de crème glacée au chocolat. Alors tout à l'heure j'ai acheté un gros pot de crème glacée (en même temps que j'achetais de l'hummus), et on en a mangé la moitié, Nicole et moi, en attendant l'autobus qui la ramenait chez d'autres amis ailleurs à Jérusalem.... C'était le soir, il faisait un peu frisquet, mais ce n'est pas grave...

Jérusalem II

"...my house is your house" ("... ma maison est ta maison")

Je suis de retour chez mes amis à Jérusalem, où j'ai déjà passé une semaine. Ils s'en vont demain, pour une semaine, et me laissent leur appartement, pour une seconde fois. Je suis à 10 ou 15 minutes de marche de la vieille ville, dans la sainte Jérusalem, et on m'accueille comme un frère, comme un invité spécial.
Mes amis laisseront également leur appartement à Nicole, une amie à moi qu'ils ont rencontré à peine quelques minutes, après que je serai parti, après-demain. Un réseau de confiance, qui s'étend loin...

Nous avons marché dans la ville, tout à l'heure, encore une fois, longé les murs faits de gros blocs de grès blanc sableux, foulé les mêmes sentiers et endroits où, quelques deux mille ans auparavant, Jésus, Marie, Joseph, Pierre, Marc, Jean, et autres ont marché et vécu, où, encore plus longtemps auparavant, David et Salomon régnaient, et où quantité de gens aux noms bibliques quelque peu familiers ou bien célèbres, même si en réalité presqu'inconnus, ont précédé le récit qu'il sera fait d'eux dans ces écritures si chères à tant d'autres gens.
Ces murs, des dizaines de fois conquis et reconquis, nous les avons franchis à nouveau, dans la fraîcheur du soir tombé depuis longtemps déjà, sous le ciel témoin de ce présent épisode de l'histoire.

Et je suis encore debout, ce soir, savourant la nuit qui s'écoule et m'emportera bientôt avec elle....

Un peu d'infos sur la retraite de travail "Being Peace" en Israël

Un peu d'infos sur la retraite de travail "Being Peace" que nous débutons demain:

(en anglais)
http://www.sanghaseva.org/info/middleway_baarta.htm

Barta'a, Palestine (territoire occupé par Israël)

Nous avons vécu en Palestine, chez des Arabes, des Palestiniens, pour les 4 derniers jours. Nous avons mangé avec eux, chez eux, fraternisé, échangé, travaillé ensemble.

"Vous avez rompu le pain chez moi, ceci est votre deuxième maison. Revenez quand vous voulez."

L'hospitalité arabe est renommée. C'est vrai, et elle est sincère.


[Nous venons de passer un mini-bus en flammes, sur le bord de l'autoroute en Israël. Tous les bagages étaient à l'extérieur, avec les passagers, alors ce n'était pas une bombe, mais le véhicule était vraiment totalement en flammes. Nous avons senti la grande chaleur en passant à côté, depuis l'intéieur de notre mini-bus.]


Nous avons parlé à un soldat israélien, à un point de passage du mur (la barrière de séparation) qui sépare la Palestine occupée d'Israël ainsi que certaines parties palestiniennes du reste de la Palestine. Les Palestiniens nous l'ont dit, des heures d'attente, chaque jour, pour aller travailler, pour rentrer chez soi, aller voir sa famille, ses amis, pour aller à ses terres. Le passage est souvent refusé, sans raison, sans explications, même si le permis de passage (délivré par les autorités israéliennes) est valide.
Les colons israéliens passent immédiatement (les étrangers non-arabes aussi, je crois). Les Palestiniens attendent des heures, femmes, vieillards, enfants, infirmes ou malades (ex: diabétiques) aussi. Parfois les soldats les font passer en priorité, à la demande d'étrangers comme Hari, d'Allemagne, qui vit ici et travaille pour la paix et l'amélioration des conditions de vie des Palestiniens, pour la diminution des injustices flagrantes et incroyables dont ils sont victimes.

Il y a énormément de mesures intentionnellement racistes et discriminatoires envers les Arabes en Israël. (Il se trouve un grand nombre d'Arabes de nationalité israélienne dans ce pays.) La plupart des Israéliens (juifs) ignorent cet état des choses. D'autres préfèrent et choisissent de ne pas savoir.

C'est un véritable apartheid sous lequel les Palestiniens vivent. Sans blague, sans exagération. Ils n'ont pas de liberté de mouvement, de liberté d'expression, de vraie liberté de possession, n'ont souvent pas accès aux soins de santé, à l'éducation (les professeurs des écoles sont présentement en grève car ils n'ont pas reçu leur salaire depuis 9 mois, suivant les coupures d'aide humanitaire des pays occidentaux en réaction à l'élection démocratique, par les Palestiniens, d'un gouvernement du Hamas - gouvernement que les pays occidentaux et Israël refusent de reconnaître), leurs terres se font confisquer sans raison et sans compensation par l'armée ou par le gouvernement qui y installe des colonies - protégées par l'armée, où les colons harasseront et agresseront ensuite les Palestiniens habitant aux alentours et les empêcheront de cultiver leurs terres et de récolter leurs olives -, ils sont victimes d'intimidation, de pressions et d'humiliations. Il est assez difficile, sur le plan personnel, d'être témoin de cette situation.

Comme le disait, les larmes aux yeux, Steve, un Juif américain de notre groupe, c'est incroyable qu'ils [les Juifs] puissent faire cela, eux, après tout ce qu'ils ont subi, après tout ce qu'ils ont traversé.
"How can we do that, how can we do that to somebody else, after all we've been through ourselves?..."

L'armée est souvent pointée du doigt (ainsi que le gouvernement et les colons extrémistes).
C'est une armée d'enfants qu'ils ont en Israël. Ils ont 18-19-20 ans, n'ont souvent pas encore de barbe, et ont un fusil mitrailleur en bandoulière, habillés en soldats, supportant tant bien que mal leur 3 ans pour les hommes ou 2 ans pour les femmes de service militaire obligatoire. Un 2 ou 3 ans très difficile qui les marquera à vie, et durant lesquels ils sont soumis en quelque sorte à un lavage de cerveau en règle.

On voit souvent, en Inde ou ailleurs, entre autres dans des retraites de méditation, des Israélien(ne)s aux prises avec de profonds traumatismes de ce service militaire (ou de leur vie en Israël) qui remontent à la surface.

Le soldat à qui nous avons parlé nous a dit qu'il n'aimait pas du tout ces points de contrôles et la façon dont les choses sont faites, dont les Palestiniens sont traités. Il aimerait beaucoup mieux un autre système. Mais, pour être juste, il nous a aussi dit que, la semaine dernière, ils ont trouvé des explosifs dans une voiture entrant en Israël (de Palestine) et qu'il y a beaucoup de voitures volées qui essaient d'entrer en Palestine à partir d'Israël.

Nous allons maintenant à Jérusalem, où nous resterons 10 jours pendant lesquels nous iront plus profondément en Palestine, dans les territoires occupés (en Cisjordanie) à chaque jour, pour y cueilir des olives avec des Palestiniens qui, sans la présence de gens comme nous, ne pourraient le faire, victimes d'intimidation de la part des colons juifs établis sur les territoires palestiniens confisqués. Ceci se fera avec une autre organisation appelé "Rabbis for Human Rights" (Rabbins pour les droits humains). Leur site web: www.rhr.israel.net

Jérusalem-Est, chez Ibrahim

Fin de la retraite "Being Peace 2006". Notre groupe de 10, le noyau restant de cette retraite, s'est séparé tout à l'heure, cet après-midi.


Ce fut un 2 semaines très intense, peut-être parmi les plus intenses de ma vie.

J'ai peu à dire. Comment raconter 2 semaines en Israël et en Palestine, à écouter les histoires, les peines, les douleurs, les souffrances, les injustices, les aspirations, les espoirs et les vies de tant de gens, de Palestiniens, d'Arabes, d'Israéliens, de Juifs, d'êtres humains, tous ensembles, de colons, de soldats, d'amis, à vivre avec eux pour un temps....

Une petite marche pour la paix, sous la pluie, à Jérusalem.

Mes yeux pleurent de tout ce que j'ai vu, surtout de tout ce que j'ai ressenti. Pas de peine, pas de douleur, mais pleurent d'ouverture, d'amour.

Nous avons tous été profondément touchés par ces jours passés ensemble. Ce qu'il adviendra, ce qu'aura été l'effet ici de cette retraite, je ne sais pas. Ce n'est pas important. Nous n'étions pas venu ici pour changer quoi que ce soit.
Nous sommes venus pour être présents, pour être témoins.
Pour écouter. Pour être là.

Pour être là.


"Instead of raging against darkness, better to light a candle."
(Plutôt que de rager contre la noirceur, mieux vaut allumer une chandelle.)


Steve, Nathan, Zohar, Shira, Anke, Virginie, Paul, Gabi, Chris, Nurit, Nurit, Aviv.
Israël, Angleterre, Allemagne, France, États-Unis, Catalunya (Espagne), Québec



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Je viens d'avoir une conversation assez intéressante avec Hermes, un Mexicain qui étudie les relations mathématiques cachés dans le langage hébreu.

Je demeure présentement chez Ibrahim, un Palestinien dont la maison est ouverte à tous en tout temps. C'est à Jérusalem-Est, du côté arabe, et, comme il le dit lui-même, sa porte n'est jamais barrée. Je lui avais demandé, l'autre jour après la marche à Jérusalem (où il a accueilli et nourri 40 personnes chez lui avec à peine 3 heures de préavis), si je pouvais demeurer chez lui. Il m'a dit de ne pas téléphoner, de simplement m'en venir quand je le voulais.
Je suis arrivé, cet après-midi, la maison était vide, il n'y avait personne, et la porte était débarrée. Je suis entré.

"Welcome" est le mot que j'entends le plus souvent de lui. "Most" est l'autre mot que j'entends le plus souvent, et ce mot vient juste avant "welcome".

C'est un homme assez extraordinaire. Vraiment pas mal assez extraordinaire.... Encore une fois, difficile à décrire...
http://www.jerusalempeacemakers.org/ibrahim/

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Je m'en vais me coucher. La retraite s'est terminée aujourd'hui.


Le bruit de la pluie de la journée, passée, l'humidité de la nuit étoilée, la fraîcheur de la vie qui respire.

Jérusalem-Est, chez Ibrahim - un peu plus tard dans la soirée

Un peu plus tard, en soirée, j'ai eu une discussion bien intéressante avec une extraordinaire dame américaine d'environ 70 ans qui habite à Gaza et qui fait plein de bons trucs par ici, mais qui croit dur comme fer (et ne voulait rien entendre d'autre et essayait de me convaincre de son avis) que s'est une chose terrible et mauvaise que d'avoir des relations sexuelles avant le mariage et que cela la cause du grand nombre de divorces dans notre société et du malheur des enfants. Et, puisque cela m'est arrivé à moi aussi, alors je contribue également à la perdition de notre monde!....

Wow!
La conversation fut très intéressante, et elle s'est terminée sur une très bonne note, même si nous ne sommes pas vraiment du même avis sur ce point! C'est quelqu'un de très bien et je peux voir son point de vue (et elle a raison également, sur le fond - mais pas sur la surface, à mon avis) et je crois qu'elle a aussi pu voir que je ne suis pas complétement halluciné de penser autrement qu'elle. (Mais je ne lui ai pas dit tout le fond de ma pensée sur ce sujet non plus....)

C'était intéressant de créer un contact avec quelqu'un en ayant une opinion complétement différente et tout en gardant un profond respect pour cette personne. D'habitude ça me prend presque aux trippes et ça m'énerve passablement...

Elle m'a laissé sur ceci:

"Love

If I speak in the tongues of men and of angels, but have not love, I am only a resounding gong or a clanging cymbal. If I have the gift of prophecy and can fathom all mysteries and all knowledge, and if I have a faith that can move mountains, but have not love, I am nothing. If I give all I possess to the poor and surrender my body to the flames, but have not love, I gain nothing.

Love is patient, love is kind. It does not envy, it does not boast, it is not proud. It is not rude, it is not self-seeking, it is not easily angered, it keeps no record of wrongs. Love does not delight in evil but rejoices with the truth. It always protects, always trusts, always hopes, always perseveres."

1 Corinthians 13


(
L'amour

Si je parle dans les langues des hommes et des anges, mais que je n’aie pas l’amour, je suis comme un airain qui résonne ou comme une cymbale retentissante. Et si j’ai la prophétie, et que je connaisse tous les mystères et toute connaissance, et que j’aie toute la foi de manière à transporter des montagnes, mais que je n’aie pas l’amour, je ne suis rien. Et quand je distribuerais en aliments tous mes biens, et que je livrerais mon corps afin que je fusse brûlé, mais que je n’aie pas l’amour, cela ne me profite de rien.

L’amour use de longanimité; il est plein de bonté; l’amour n’est pas envieux; l’amour ne se vante pas; il ne s’enfle pas d’orgueil; il n’agit pas avec inconvenance; il ne cherche pas son propre intérêt; il ne s’irrite pas; il n’impute pas le mal; il ne se réjouit pas de l’injustice, mais se réjouit avec la vérité; il supporte tout, croit tout, espère tout, endure tout.

1 Corinthiens 13
)

Apparence graphique offerte par Tristan Nitot.